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Ariane Web: Conseil d'État 437581, lecture du 28 avril 2021, ECLI:FR:CECHS:2021:437581.20210428

Décision n° 437581
28 avril 2021
Conseil d'État

N° 437581
ECLI:FR:CECHS:2021:437581.20210428
Inédit au recueil Lebon
6ème chambre
M. Bruno Bachini, rapporteur
M. Stéphane Hoynck, rapporteur public
CABINET MUNIER-APAIRE ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO, avocats


Lecture du mercredi 28 avril 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La société civile immobilière (SCI) S...-Villegongis, M. et Mme J..., Mme S..., Mme Y...-N..., Mme O... K..., Mme T... K..., M. et Mme F..., M. Q..., M. et Mme V..., Mme B..., M. et Mme L..., M. R..., M. C..., Mme M..., M. et Mme G..., M. et Mme D..., Mme E..., M. et Mme A..., M. N..., M. H..., Mme W...-H..., Mme X..., M. U..., M. I... et M. P... ont demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler, d'une part, l'arrêté du 22 avril 2014 par lequel le préfet de la région Centre a autorisé la société Volkswind France à exploiter des installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent sur le territoire de la commune de Saint-Martin-de-Lamps (Indre) et, d'autre part, les trois arrêtés du 28 avril 2014 par lesquels il a délivré à cette société des permis pour la construction de cinq éoliennes, cinq sous-stations de transformation et un poste de livraison. Par un jugement nos 1401846,1401848 du 11 avril 2017, le tribunal administratif a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 17BX01855, 17BX01860 du 12 novembre 2019, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par la SCI S...-Villegongis et autres contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés les 13 janvier et 15 juin 2020 et le 29 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SCI S...-Villegongis et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;

3°) de mettre à la charge solidaire des défendeurs la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la directive 85/337/CEE du Conseil du 27 juin 1985 ;
- la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001 du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001;
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bruno Bachini, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au cabinet Munier-Apaire, avocat de la SCI S...-Villegongis et autres et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la société Ferme éolienne de Saint-Martin-de-Lamps ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par trois arrêtés en date du 28 avril 2014, le préfet de la région Centre a accordé à la société Volkswind France des permis pour la construction de cinq éoliennes, cinq sous-stations de transformation et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Saint-Martin-de-Lamps (Indre). Par un arrêté du 22 avril 2014, le préfet de la région Centre a délivré une autorisation d'exploitation pour ce parc éolien. Ces permis de construire et cette autorisation ont, par la suite, été transférés à la société par actions simplifiée Ferme éolienne de Saint-Martin-de-Lamps. Par deux demandes distinctes, la SCI S...-Villegongis et autres ont demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler ces arrêtés. Par un jugement du 11 avril 2017, le tribunal administratif a rejeté ces demandes. Par un arrêt du 12 novembre 2019 contre lequel la SCI S...-Villegongis et autres se pourvoient en cassation, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté leur appel formé contre ce jugement.

2. Aux termes du 1 de l'article 6 de la directive 85/337/CEE du Conseil du 27 juin 1985 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement, dans sa rédaction issue de la directive 97/11/CE du Conseil du 3 mars 1997 : " Les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour que les autorités susceptibles d'être concernées par le projet, en raison de leurs responsabilités spécifiques en matière d'environnement, aient la possibilité de donner leur avis sur les informations fournies par le maître d'ouvrage et sur la demande d'autorisation. A cet effet, les Etats membres désignent les autorités à consulter, d'une manière générale ou cas par cas. Celles-ci reçoivent les informations recueillies en vertu de l'article 5. Les modalités de cette consultation sont fixées par les Etats membres ". Aux termes de l'article L. 122-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors applicable : " I.- Les projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements publics et privés qui, par leur nature, leurs dimensions ou leur localisation sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine sont précédés d'une étude d'impact. / (...) / III.- Dans le cas d'un projet relevant des catégories d'opérations soumises à étude d'impact, le dossier présentant le projet, comprenant l'étude d'impact et la demande d'autorisation, est transmis pour avis à l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement. (...) ". En vertu du III de l'article R. 122-1-1 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Dans les cas ne relevant pas du I ou du II ci-dessus, l'autorité administrative de l'État compétente en matière d'environnement mentionnée à l'article L. 122-1 est le préfet de la région sur le territoire de laquelle le projet de travaux, d'ouvrage ou d'aménagement doit être réalisé ".

3. La directive du 27 juin 1985 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement a pour finalité de garantir qu'une autorité compétente et objective en matière d'environnement soit en mesure de rendre un avis sur l'étude d'impact des projets, publics ou privés, susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement, avant de statuer sur une demande d'autorisation, afin de permettre la prise en compte de ces incidences. Eu égard à l'interprétation des dispositions de l'article 6 de la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement donnée par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt rendu le 20 octobre 2011 dans l'affaire C-474/10, et à la finalité identique des dispositions des deux directives relatives au rôle " des autorités susceptibles d'être concernées par le projet, en raison de leurs responsabilités spécifiques en matière d'environnement ", il résulte clairement des dispositions de l'article 6 de la directive du 27 juin 1985 citées au point 2 que, si ces dispositions ne font pas obstacle à ce que l'autorité publique compétente pour autoriser un projet ou en assurer la maîtrise d'ouvrage soit en même temps chargée de la consultation en matière environnementale, elles imposent cependant que, dans une telle situation, une séparation fonctionnelle soit organisée au sein de cette autorité, de manière à ce qu'une entité administrative, interne à celle-ci, dispose d'une autonomie réelle, impliquant notamment qu'elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui sont propres, et soit ainsi en mesure de remplir la mission de consultation qui lui est confiée et de donner un avis objectif sur le projet concerné.

4. Après avoir relevé que le préfet de région était à la fois l'auteur de l'avis rendu le 16 avril 2013 en qualité d'autorité environnementale et l'autorité compétente qui a délivré les permis et autorisation attaqués et que l'avis ainsi émis par le préfet de région n'avait pas été rendu par une autorité disposant d'une autonomie effective dans des conditions garantissant son objectivité, la cour a néanmoins estimé que l'avis résultait d'une analyse précise, critique et indépendante du dossier et qu'il mettait en exergue aussi bien les lacunes que les qualités du dossier. En en déduisant que, dans les circonstances de l'espèce, l'avis, versé au dossier d'enquête publique, qui avait pourtant été rendu dans des conditions qui méconnaissaient les exigences de la directive, avait permis une bonne information de l'ensemble des personnes intéressées par l'opération et que son irrégularité n'avait pas été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision de l'autorité administrative, la cour a commis une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que la SCI S...-Villegongis et autres sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat et de la société Ferme éolienne de Saint-Martin-de-Lamps la somme de 1 500 euros chacun à verser à la SCI S...-Villegongis et autres au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge dela SCI S...-Villegongis qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.








D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 12 novembre 2019 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 3 : L'Etat et la société Ferme éolienne de Saint-Martin-de-Lamps verseront chacun à la SCI S...-Villegongis et autres une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la société Ferme éolienne de Saint-Martin-de-Lamps au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SCI S...-Villegongis, première dénommée pour l'ensemble des requérants, à la société Ferme éolienne de Saint-Martin-de-Lamps, à la ministre de la transition écologique et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.