Conseil d'État
N° 450928
ECLI:FR:CEORD:2021:450928.20210410
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés
SCP ZRIBI, TEXIER, avocats
Lecture du samedi 10 avril 2021
Vu la procédure suivante :
M. D... B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de police d'enregistrer sa demande d'asile dans un délai de 15 jours, de lui délivrer un dossier auprès de l'Office français des réfugiés et apatrides (OFPRA) ainsi qu'une attestation de demande d'asile dans un délai de 3 jours à compter de la notification de l'ordonnance à venir et, enfin, d'ordonner sa remise en liberté immédiate. Par une ordonnance n° 2104311/9 du 5 mars 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a enjoint au préfet de police d'enregistrer la demande d'asile du requérant et a rejeté le surplus de ses conclusions.
Par une requête, enregistrée le 22 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de rejeter la demande de première instance de M. B... A....
Il soutient que :
- le juge des référés du tribunal administratif de Paris a entaché son ordonnance d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation en estimant que le refus de se soumettre à un test PCR ne constitue pas une fuite au sens de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dit " Dublin III " ;
- le refus délibéré à huit reprises de M. B... A... de se soumettre à un test PCR alors que ce test est obligatoire pour permettre son transfert vers l'Allemagne caractérise une fuite au sens de l'article 29 du règlement " Dublin III " dès lors qu'il traduit un refus d'embarquer ;
- en conséquence, le délai de transfert, qui a commencé à courir le 2 septembre 2020, date à laquelle les autorités allemandes ont accepté de le reprendre en charge, est porté à dix-huit mois en raison de la fuite de M. B... A... et expirera le 2 avril 2022 de sorte que la France n'est pas l'Etat responsable de sa demande d'asile et qu'ainsi, en refusant d'enregistrer sa demande en procédure normale, le préfet de police n'a pas porté d'atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mars 2021, M. B... A... conclut au rejet de la requête, à une admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il conclut à titre subsidiaire que doit être posée à la Cour de justice de l'Union européenne une question relative à l'application de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, combiné avec l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux. Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par un mémoire en intervention, enregistré le 30 mars 2021, la Cimade conclut au rejet de l'appel du ministre de l'intérieur.
Par un mémoire en réplique, enregistré le 1er avril 2021, le ministre de l'intérieur maintient ses conclusions et ses moyens.
Par un nouveau mémoire, enregistré le 7 avril 2021, le ministre de l'intérieur maintient ses conclusions et ses moyens.
Par un nouveau mémoire, enregistré le 7 avril 2021, M. B... A... maintient ses conclusions.
Par un nouveau mémoire en intervention, enregistré le 7 avril 2021, la Cimade maintient ses conclusions.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Ont été entendus lors de l'audience publique du 6 avril 2021, à 14 heures :
- Me C..., avocate au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocate de M. B... A... ;
- la représentante de M. B... A... ;
- les représentants du ministre de l'intérieur ;
- le représentant de la Cimade ;
à l'issue de laquelle le juge des référés a reporté la clôture de l'instruction au 7 avril 2021 à 18 heures.
Considérant ce qui suit :
1. La Cimade a un objet statutaire qui lui donne intérêt à intervenir au soutien des conclusions de M. A... B.... Son intervention doit donc être admise.
2. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ".
3. Le droit constitutionnel d'asile, qui a le caractère d'une liberté fondamentale, a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié. S'il implique que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit, en principe, autorisé à demeurer sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande, ce droit s'exerce dans les conditions définies par les articles L. 741-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'article L. 742-3 de ce code prévoit que l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat qui est responsable de cet examen en application des dispositions du règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013.
4. Aux termes de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Le transfert du demandeur (...) de l'État membre requérant vers l'État membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'État membre requérant, après concertation entre les États membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre État membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27 (...) 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite (...) ". Il résulte clairement de ces dispositions que le transfert vers l'Etat membre responsable peut avoir lieu pendant une période de six mois à compter de l'acceptation de la demande de prise en charge et est susceptible d'être portée à dix-huit mois si l'intéressé " prend la fuite ", cette notion devant s'entendre comme visant le cas où un ressortissant étranger se serait soustrait de façon intentionnelle et systématique au contrôle de l'autorité administrative en vue de faire obstacle à une mesure d'éloignement le concernant, dans le cas notamment où il se soustrait intentionnellement à l'exécution d'un transfert organisé. Tel est le cas notamment s'il se soustrait intentionnellement à l'exécution d'un transfert organisé en refusant un test PCR obligatoire pour l'entrée effective sur le territoire de l'Etat membre responsable, dès lors qu'il avait connaissance des conséquences d'un refus de sa part et qu'il ne fait état d'aucune raison médicale particulière justifiant une absence de consentement à la réalisation du test.
5. Il résulte de l'instruction conduite que M. B... A... a refusé à plusieurs reprises de se soumettre à un test PCR - dont il n'est en tout état de cause pas établi par l'instruction qu'il aurait été réalisé dans des conditions illégales - obligatoire pour l'entrée sur le territoire de l'Allemagne de toute personne, y compris dans le cas où, comme pour M. B... A..., il aurait déjà été infecté. Il avait connaissance, comme il est établi par un procès-verbal faisant foi produit en défense, qu'une opposition au test de sa part ferait échec à un transfert qu'il ne souhaitait pas, auquel l'administration entendait procéder à des dates qu'elle avait anticipées, ainsi que le prouvent les documents appelés " demandes de routing d'éloignement ". Par suite, dès lors que la production d'un résultat négatif à un test PCR est une condition nécessaire au caractère effectif du transfert, que l'intéressé ne fait état d'aucune raison médicale particulière justifiant une absence de consentement à ce test et qu'il connaissait la portée de son refus, il doit être regardé comme s'étant soustrait de manière intentionnelle et systématique à l'exécution du transfert organisé, se mettant ainsi en situation de fuite au sens de l'article 29 du règlement du 26 juin 2013. Il ne peut être utilement soutenu, en tout état de cause, que seraient méconnus l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, relatif au respect de la vie privée et familiale, ainsi que les dispositions de l'article 32 de ce règlement, ces dernières encadrant les " échanges de données concernant la santé avant l'exécution d'un transfert (... aux) seuls fins de l'administration de soins ou de traitements médicaux... ", ce qui ne constitue pas la finalité du test PCR exigé en l'espèce, qui est une formalité obligatoire pour l'entrée sur le territoire d'un autre Etat membre. Dans ces conditions, le délai de transfert pouvait être étendu à 18 mois, de sorte qu'à la date de sa demande d'enregistrement d'une demande d'asile en procédure normale la France n'était pas responsable, cette prolongation du délai ayant été, ainsi que le prouvent la transmission via le réseau DubliNet produites en défense, notifiée aux autorités allemandes concernées. Par suite, le préfet de police a pu légalement refuser la demande de M. B... A... d'enregistrement d'une demande d'asile.
6. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Paris a jugé que la décision du préfet de police de refus d'enregistrement de la demande d'asile de M. B... A... pouvait être regardée comme ayant porté une atteinte grave et manifestement illégale à son droit d'asile. Le ministre de l'intérieur est ainsi fondé à soutenir, sans qu'il soit besoin de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne, à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée et le rejet de la demande présentée par M. B... A... devant le juge des référés du tribunal administratif de Paris. Les conclusions présentées par ce dernier devant le Conseil d'Etat tendant à l'application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées, sans qu'il y ait lieu d'admettre l'intéressé au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
O R D O N N E :
------------------
Article 1er : L'intervention de la Cimade est admise.
Article 2 : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Paris du 5 mars 2021 2021 est annulée.
Article 3 : La demande présentée en application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative par M. D... B... A... devant le juge des référés du tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 4 : Les conclusions présentées par M. D... B... A... devant le Conseil d'Etat tendant à l'application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée au ministre de l'intérieur et à M. D... B... A....
Copie pour information sera adressée à la Cimade.
N° 450928
ECLI:FR:CEORD:2021:450928.20210410
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés
SCP ZRIBI, TEXIER, avocats
Lecture du samedi 10 avril 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
M. D... B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de police d'enregistrer sa demande d'asile dans un délai de 15 jours, de lui délivrer un dossier auprès de l'Office français des réfugiés et apatrides (OFPRA) ainsi qu'une attestation de demande d'asile dans un délai de 3 jours à compter de la notification de l'ordonnance à venir et, enfin, d'ordonner sa remise en liberté immédiate. Par une ordonnance n° 2104311/9 du 5 mars 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a enjoint au préfet de police d'enregistrer la demande d'asile du requérant et a rejeté le surplus de ses conclusions.
Par une requête, enregistrée le 22 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de rejeter la demande de première instance de M. B... A....
Il soutient que :
- le juge des référés du tribunal administratif de Paris a entaché son ordonnance d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation en estimant que le refus de se soumettre à un test PCR ne constitue pas une fuite au sens de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dit " Dublin III " ;
- le refus délibéré à huit reprises de M. B... A... de se soumettre à un test PCR alors que ce test est obligatoire pour permettre son transfert vers l'Allemagne caractérise une fuite au sens de l'article 29 du règlement " Dublin III " dès lors qu'il traduit un refus d'embarquer ;
- en conséquence, le délai de transfert, qui a commencé à courir le 2 septembre 2020, date à laquelle les autorités allemandes ont accepté de le reprendre en charge, est porté à dix-huit mois en raison de la fuite de M. B... A... et expirera le 2 avril 2022 de sorte que la France n'est pas l'Etat responsable de sa demande d'asile et qu'ainsi, en refusant d'enregistrer sa demande en procédure normale, le préfet de police n'a pas porté d'atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mars 2021, M. B... A... conclut au rejet de la requête, à une admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il conclut à titre subsidiaire que doit être posée à la Cour de justice de l'Union européenne une question relative à l'application de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, combiné avec l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux. Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par un mémoire en intervention, enregistré le 30 mars 2021, la Cimade conclut au rejet de l'appel du ministre de l'intérieur.
Par un mémoire en réplique, enregistré le 1er avril 2021, le ministre de l'intérieur maintient ses conclusions et ses moyens.
Par un nouveau mémoire, enregistré le 7 avril 2021, le ministre de l'intérieur maintient ses conclusions et ses moyens.
Par un nouveau mémoire, enregistré le 7 avril 2021, M. B... A... maintient ses conclusions.
Par un nouveau mémoire en intervention, enregistré le 7 avril 2021, la Cimade maintient ses conclusions.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Ont été entendus lors de l'audience publique du 6 avril 2021, à 14 heures :
- Me C..., avocate au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocate de M. B... A... ;
- la représentante de M. B... A... ;
- les représentants du ministre de l'intérieur ;
- le représentant de la Cimade ;
à l'issue de laquelle le juge des référés a reporté la clôture de l'instruction au 7 avril 2021 à 18 heures.
Considérant ce qui suit :
1. La Cimade a un objet statutaire qui lui donne intérêt à intervenir au soutien des conclusions de M. A... B.... Son intervention doit donc être admise.
2. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ".
3. Le droit constitutionnel d'asile, qui a le caractère d'une liberté fondamentale, a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié. S'il implique que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit, en principe, autorisé à demeurer sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande, ce droit s'exerce dans les conditions définies par les articles L. 741-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'article L. 742-3 de ce code prévoit que l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat qui est responsable de cet examen en application des dispositions du règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013.
4. Aux termes de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Le transfert du demandeur (...) de l'État membre requérant vers l'État membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'État membre requérant, après concertation entre les États membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre État membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27 (...) 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite (...) ". Il résulte clairement de ces dispositions que le transfert vers l'Etat membre responsable peut avoir lieu pendant une période de six mois à compter de l'acceptation de la demande de prise en charge et est susceptible d'être portée à dix-huit mois si l'intéressé " prend la fuite ", cette notion devant s'entendre comme visant le cas où un ressortissant étranger se serait soustrait de façon intentionnelle et systématique au contrôle de l'autorité administrative en vue de faire obstacle à une mesure d'éloignement le concernant, dans le cas notamment où il se soustrait intentionnellement à l'exécution d'un transfert organisé. Tel est le cas notamment s'il se soustrait intentionnellement à l'exécution d'un transfert organisé en refusant un test PCR obligatoire pour l'entrée effective sur le territoire de l'Etat membre responsable, dès lors qu'il avait connaissance des conséquences d'un refus de sa part et qu'il ne fait état d'aucune raison médicale particulière justifiant une absence de consentement à la réalisation du test.
5. Il résulte de l'instruction conduite que M. B... A... a refusé à plusieurs reprises de se soumettre à un test PCR - dont il n'est en tout état de cause pas établi par l'instruction qu'il aurait été réalisé dans des conditions illégales - obligatoire pour l'entrée sur le territoire de l'Allemagne de toute personne, y compris dans le cas où, comme pour M. B... A..., il aurait déjà été infecté. Il avait connaissance, comme il est établi par un procès-verbal faisant foi produit en défense, qu'une opposition au test de sa part ferait échec à un transfert qu'il ne souhaitait pas, auquel l'administration entendait procéder à des dates qu'elle avait anticipées, ainsi que le prouvent les documents appelés " demandes de routing d'éloignement ". Par suite, dès lors que la production d'un résultat négatif à un test PCR est une condition nécessaire au caractère effectif du transfert, que l'intéressé ne fait état d'aucune raison médicale particulière justifiant une absence de consentement à ce test et qu'il connaissait la portée de son refus, il doit être regardé comme s'étant soustrait de manière intentionnelle et systématique à l'exécution du transfert organisé, se mettant ainsi en situation de fuite au sens de l'article 29 du règlement du 26 juin 2013. Il ne peut être utilement soutenu, en tout état de cause, que seraient méconnus l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, relatif au respect de la vie privée et familiale, ainsi que les dispositions de l'article 32 de ce règlement, ces dernières encadrant les " échanges de données concernant la santé avant l'exécution d'un transfert (... aux) seuls fins de l'administration de soins ou de traitements médicaux... ", ce qui ne constitue pas la finalité du test PCR exigé en l'espèce, qui est une formalité obligatoire pour l'entrée sur le territoire d'un autre Etat membre. Dans ces conditions, le délai de transfert pouvait être étendu à 18 mois, de sorte qu'à la date de sa demande d'enregistrement d'une demande d'asile en procédure normale la France n'était pas responsable, cette prolongation du délai ayant été, ainsi que le prouvent la transmission via le réseau DubliNet produites en défense, notifiée aux autorités allemandes concernées. Par suite, le préfet de police a pu légalement refuser la demande de M. B... A... d'enregistrement d'une demande d'asile.
6. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Paris a jugé que la décision du préfet de police de refus d'enregistrement de la demande d'asile de M. B... A... pouvait être regardée comme ayant porté une atteinte grave et manifestement illégale à son droit d'asile. Le ministre de l'intérieur est ainsi fondé à soutenir, sans qu'il soit besoin de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne, à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée et le rejet de la demande présentée par M. B... A... devant le juge des référés du tribunal administratif de Paris. Les conclusions présentées par ce dernier devant le Conseil d'Etat tendant à l'application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées, sans qu'il y ait lieu d'admettre l'intéressé au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
O R D O N N E :
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Article 1er : L'intervention de la Cimade est admise.
Article 2 : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Paris du 5 mars 2021 2021 est annulée.
Article 3 : La demande présentée en application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative par M. D... B... A... devant le juge des référés du tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 4 : Les conclusions présentées par M. D... B... A... devant le Conseil d'Etat tendant à l'application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée au ministre de l'intérieur et à M. D... B... A....
Copie pour information sera adressée à la Cimade.