Conseil d'État
N° 438050
ECLI:FR:CECHR:2021:438050.20210325
Mentionné aux tables du recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
M. Olivier Guiard, rapporteur
Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public
SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER, avocats
Lecture du jeudi 25 mars 2021
Vu la procédure suivante :
La Fédération française de rugby, liquidateur du groupement d'intérêt public (GIP) " Coupe du monde de rugby 2007 ", a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée, en droits et pénalités, mis à sa charge au titre de la période du 1er juillet 2007 au 30 juin 2008. Par un jugement n° 1410472 du 4 mai 2017, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 17VE02120 du 28 novembre 2019, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel de la Fédération agissant en qualité de liquidateur du GIP, prononcé la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée correspondant à la prime de participation versée à la société RWC Limited et rejeté le surplus de ses conclusions d'appel.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 28 janvier 2020 et 12 mai 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération française de rugby, liquidateur du GIP " Coupe du monde de rugby 2007 ", demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'article 4 de cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code du sport ;
- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Olivier Guiard, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme A... B..., rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat du groupement d'intérêt public " Coupe du monde de rugby 2007 " ;
Considérant ce qui suit :
1. La Fédération française de rugby a été choisie par l'International Rugby Board (IRB) pour accueillir la 6ème édition de la coupe du monde de rugby du 7 septembre au 20 octobre 2007. Par un contrat du 10 avril 2003, la société de droit irlandais RWC Limited, qui avait reçu le droit d'organiser le tournoi, a confié à la Fédération française de rugby l'organisation matérielle de cette compétition en France, en Irlande, en Ecosse et au Pays-de-Galles. Par une convention du 22 octobre 2004, la Fédération française de rugby a constitué avec l'Etat et le Comité national olympique et sportif français, le groupement d'intérêt public (GIP) " Coupe du monde de rugby 2007 ", dont l'objet était la préparation, le financement et l'organisation du tournoi. En février 2008, ce GIP a versé à la société RWC Limited une somme de 48 millions de livres sterling (64 239 241 euros) au titre de la " redevance de tournoi " prévue par le contrat du 10 avril 2003, ainsi qu'une somme de 4 millions de livres sterling (5 352 768 euros) correspondant à une prime de participation. À l'issue d'une vérification de la comptabilité du GIP portant sur la période du 1er juillet 2005 au 30 juin 2008, l'administration fiscale a estimé que ces deux sommes auraient dû être assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée en France et a, en conséquence, notifié à la Fédération française de rugby, en sa qualité de liquidateur du GIP, des rappels de taxe assortis de l'amende de 5 % prévue par le 4 de l'article 1788 A du code général des impôts. Par un jugement du 4 mai 2017, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande de la Fédération française de rugby tendant à la décharge des suppléments d'impôt litigieux. Par un arrêt du 28 novembre 2019, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel de la fédération agissant en qualité de liquidateur du GIP, prononcé la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée correspondant à la prime de participation versée à la société RWC Limited. La Fédération française de rugby se pourvoit en cassation contre l'article 4 de cet arrêt, par lequel la cour a rejeté le surplus des conclusions de sa requête d'appel.
Sur l'étendue du litige :
2. Postérieurement à l'introduction du pourvoi, le ministre de l'économie, des finances et de la relance a produit un avis de dégrèvement partiel en date du 12 novembre 2020 d'un montant de 1 416 517 euros portant sur le rappel de taxe sur la valeur ajoutée assorti de l'amende de 5 % maintenu à la charge du GIP " Coupe du monde de rugby 2007 " au titre de la période du 1er janvier au 30 juin 2008. Dès lors, les conclusions du pourvoi sont, dans cette mesure, devenues sans objet.
Sur le pourvoi :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 259 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " Le lieu des prestations de services est réputé se situer en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle ". Aux termes de l'article 259 B du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Par dérogation aux dispositions de l'article 259, le lieu des prestations suivantes est réputé se situer en France lorsqu'elles sont effectuées par un prestataire établi hors de France et lorsque le preneur est un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée qui a en France le siège de son activité ou un établissement stable pour lequel le service est rendu ou, à défaut, qui y a son domicile ou sa résidence habituelle : / 1° Cessions et concessions de droits d'auteurs, de brevets, de droits de licences, de marques de fabrique et de commerce et d'autres droits similaires (...) ".
4. Pour juger que la redevance de tournoi de 48 millions de livres sterling versée par le GIP " Coupe du monde de rugby 2007 " à la société RWC Limited a été à juste titre assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée en France, en application de l'article 259 B du code général des impôts, la cour administrative d'appel de Versailles a retenu que le contrat dénommé " Host Union Agreement " (HUA) conclu le 10 avril 2003 entre la société RWC Limited et la Fédération française de rugby avait eu pour objet de concéder à cette dernière, au titre de l'année 2007, le droit d'organiser la coupe du monde de rugby, ainsi que celui de percevoir les revenus de billetterie de la compétition, et que la " redevance de tournoi " due à la société irlandaise devait être regardée comme la contrepartie de la concession de ce droit incorporel d'organisation, entrant dans la catégorie des droits similaires mentionnés au 1° de l'article 259 B précité du code général des impôts.
5. D'une part, ni la circonstance que l'article L. 131-15 du code du sport confie aux fédérations délégataires la mission d'organiser les compétitions sportives à l'issue desquelles sont délivrés les titres internationaux, ni le rôle qu'a conservé la société RWC Limited dans l'organisation de la compétition, en particulier la définition de la politique de billetterie, ni le fait que cette société est restée titulaire de l'ensemble des droits commerciaux attachés au tournoi, ne sont de nature à remettre en cause le transfert, au profit de la Fédération française de rugby, du droit incorporel d'accueil de la compétition et du droit de recevoir les revenus de billetterie produits par le tournoi, expressément mentionnés aux articles 2.1 et 3.2 du contrat HUA, en vertu desquels la fédération disposait d'un droit d'exploitation sur la compétition dont elle devait par ailleurs assurer l'organisation matérielle.
6. D'autre part, si l'article 1.1 du contrat décrit la " redevance de tournoi " comme le montant dû par la fédération à la société RWC Limited pour couvrir les frais encourus par cette dernière dans le cadre de l'organisation de la compétition, aucune clause contractuelle ni aucune annexe au contrat ne définissent la nature des frais administratifs et des dépenses connexes devant ainsi être remboursés, alors qu'il ressort des termes de l'annexe 8 au contrat que le montant de cette redevance avait été fixé forfaitairement, qu'un paiement minimum de 20 millions de livres sterling était en tout état de cause garanti à la société et que ce montant avait vocation à être porté à 48 millions de livres sterling sans que cette augmentation ne dépende des frais et charges éventuellement supportés par la société.
7. En déduisant des stipulations du contrat du 10 avril 2003 que la redevance d'un montant de 48 millions de livres sterling versée à la société RWC Limited devait, en réalité, être regardée comme la contrepartie du droit confié à la Fédération française de rugby d'exploiter la compétition qu'elle avait la charge d'organiser, et que cette redevance avait été, à juste titre, assujettie en France à la taxe sur la valeur ajoutée, la cour n'a ni dénaturé les stipulations de l'acte qui lui était soumis, ni commis d'erreur de qualification juridique, ni entaché son arrêt d'erreur de droit au regard des dispositions du 1° de l'article 259 B du code général des impôts.
8. En deuxième lieu, le premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales dispose que : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration ". Aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) ". Au sens et pour l'application de ces dispositions, ne peut être regardée comme une prise de position formelle sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal une prise de position qui n'émane pas de l'autorité compétente en matière d'assiette ou d'une personne disposant d'une délégation régulière de signature l'habilitant à agir au nom de cette autorité.
9. Si la Fédération française de rugby se prévalait devant la cour administrative d'appel de réunions de travail organisées avec des représentants de l'administration fiscale et un représentant de la cellule fiscale du cabinet du ministre chargé du budget, à l'issue desquelles une position formelle aurait été prise en faveur du non-assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée des versements réalisés au profit de la société RWC Limited, ainsi que de prises de position des représentants de l'Etat lors de conseils d'administration du GIP, la cour administrative d'appel a relevé dans son arrêt, d'une part, que la demande de rescrit formée par le GIP " Coupe du monde de rugby 2007 " portant sur cette question était restée sans réponse, d'autre part, que l'engagement oral qui aurait été pris par le représentant de la cellule fiscale du cabinet du ministre chargé du budget, à le supposer avéré, n'émanait pas d'une autorité compétente pour arrêter une position opposable à l'administration sur le fondement des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales, enfin, que ni le représentant du contrôle d'Etat, ni le commissaire du gouvernement désigné par le ministre des sports auprès du GIP ne constituaient de telles autorités. En se fondant sur ces éléments pour en déduire que la Fédération française de rugby ne pouvait se prévaloir d'une prise de position opposable à l'administration fiscale sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, et alors qu'aucun de ces agents de l'Etat n'était susceptible de disposer d'une délégation de signature du ministre en ce qui concerne l'assiette de l'impôt, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt, ne l'a entaché d'aucune erreur de droit.
10. En troisième lieu, le principe de confiance légitime, qui fait partie des principes généraux du droit de l'Union européenne, trouve à s'appliquer dans l'ordre juridique interne dans le cas où la situation juridique dont a à connaître le juge administratif est régie par le droit de l'Union, ce qui est le cas des litiges en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Le droit de se prévaloir de ce principe suppose toutefois que des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, aient été fournies au contribuable par une autorité compétente.
11. Si la Fédération française de rugby soutenait en appel que le rappel contesté de taxe sur la valeur ajoutée avait été mis à sa charge en méconnaissance du principe de confiance légitime et si la cour a, à tort, écarté ce moyen comme inopérant, il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond, ainsi qu'il a été dit au point 9, que, d'une part, la demande de rescrit adressée par le GIP aux services fiscaux est restée sans réponse et que, d'autre part, ni le contrôleur d'Etat ni le commissaire du gouvernement désigné par le ministre des sports auprès du GIP, ni le représentant de la cellule fiscale du cabinet du ministre chargé du budget n'avaient compétence pour prendre l'engagement, vis-à-vis de la Fédération française de rugby, que les sommes versées à la société RWC Limited en application du contrat HUA ne seraient pas assujetties en France à la taxe sur la valeur ajoutée. Il s'ensuit que la fédération ne peut, à l'appui du moyen tiré de la méconnaissance du principe de confiance légitime, se prévaloir d'assurances qui auraient été fournies par une autorité compétente. Ce motif, qui répond au moyen invoqué devant la cour et dont l'examen n'implique aucune appréciation supplémentaire des circonstances de fait, doit être substitué au motif erroné en droit retenu par l'arrêt attaqué, dont il justifie le dispositif.
12. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi de la Fédération française de rugby doit être rejeté, y compris ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du pourvoi de la Fédération française de rugby à concurrence du dégrèvement partiel d'un montant de 1 416 517 euros prononcé en cours d'instance et correspondant à une fraction du rappel de taxe sur la valeur ajoutée assorti de l'amende de 5 % auquel le GIP " Coupe du monde de rugby 2007 " avait été assujetti au titre de la période du 1er juillet 2007 au 30 juin 2008.
Article 2 : Le surplus des conclusions du pourvoi présenté par la Fédération française de rugby est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Fédération française de rugby en sa qualité de liquidateur du groupement d'intérêt public " Coupe du monde de rugby 2007 " et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
N° 438050
ECLI:FR:CECHR:2021:438050.20210325
Mentionné aux tables du recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
M. Olivier Guiard, rapporteur
Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public
SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER, avocats
Lecture du jeudi 25 mars 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La Fédération française de rugby, liquidateur du groupement d'intérêt public (GIP) " Coupe du monde de rugby 2007 ", a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée, en droits et pénalités, mis à sa charge au titre de la période du 1er juillet 2007 au 30 juin 2008. Par un jugement n° 1410472 du 4 mai 2017, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 17VE02120 du 28 novembre 2019, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel de la Fédération agissant en qualité de liquidateur du GIP, prononcé la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée correspondant à la prime de participation versée à la société RWC Limited et rejeté le surplus de ses conclusions d'appel.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 28 janvier 2020 et 12 mai 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération française de rugby, liquidateur du GIP " Coupe du monde de rugby 2007 ", demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'article 4 de cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code du sport ;
- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Olivier Guiard, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme A... B..., rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat du groupement d'intérêt public " Coupe du monde de rugby 2007 " ;
Considérant ce qui suit :
1. La Fédération française de rugby a été choisie par l'International Rugby Board (IRB) pour accueillir la 6ème édition de la coupe du monde de rugby du 7 septembre au 20 octobre 2007. Par un contrat du 10 avril 2003, la société de droit irlandais RWC Limited, qui avait reçu le droit d'organiser le tournoi, a confié à la Fédération française de rugby l'organisation matérielle de cette compétition en France, en Irlande, en Ecosse et au Pays-de-Galles. Par une convention du 22 octobre 2004, la Fédération française de rugby a constitué avec l'Etat et le Comité national olympique et sportif français, le groupement d'intérêt public (GIP) " Coupe du monde de rugby 2007 ", dont l'objet était la préparation, le financement et l'organisation du tournoi. En février 2008, ce GIP a versé à la société RWC Limited une somme de 48 millions de livres sterling (64 239 241 euros) au titre de la " redevance de tournoi " prévue par le contrat du 10 avril 2003, ainsi qu'une somme de 4 millions de livres sterling (5 352 768 euros) correspondant à une prime de participation. À l'issue d'une vérification de la comptabilité du GIP portant sur la période du 1er juillet 2005 au 30 juin 2008, l'administration fiscale a estimé que ces deux sommes auraient dû être assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée en France et a, en conséquence, notifié à la Fédération française de rugby, en sa qualité de liquidateur du GIP, des rappels de taxe assortis de l'amende de 5 % prévue par le 4 de l'article 1788 A du code général des impôts. Par un jugement du 4 mai 2017, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande de la Fédération française de rugby tendant à la décharge des suppléments d'impôt litigieux. Par un arrêt du 28 novembre 2019, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel de la fédération agissant en qualité de liquidateur du GIP, prononcé la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée correspondant à la prime de participation versée à la société RWC Limited. La Fédération française de rugby se pourvoit en cassation contre l'article 4 de cet arrêt, par lequel la cour a rejeté le surplus des conclusions de sa requête d'appel.
Sur l'étendue du litige :
2. Postérieurement à l'introduction du pourvoi, le ministre de l'économie, des finances et de la relance a produit un avis de dégrèvement partiel en date du 12 novembre 2020 d'un montant de 1 416 517 euros portant sur le rappel de taxe sur la valeur ajoutée assorti de l'amende de 5 % maintenu à la charge du GIP " Coupe du monde de rugby 2007 " au titre de la période du 1er janvier au 30 juin 2008. Dès lors, les conclusions du pourvoi sont, dans cette mesure, devenues sans objet.
Sur le pourvoi :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 259 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " Le lieu des prestations de services est réputé se situer en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle ". Aux termes de l'article 259 B du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Par dérogation aux dispositions de l'article 259, le lieu des prestations suivantes est réputé se situer en France lorsqu'elles sont effectuées par un prestataire établi hors de France et lorsque le preneur est un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée qui a en France le siège de son activité ou un établissement stable pour lequel le service est rendu ou, à défaut, qui y a son domicile ou sa résidence habituelle : / 1° Cessions et concessions de droits d'auteurs, de brevets, de droits de licences, de marques de fabrique et de commerce et d'autres droits similaires (...) ".
4. Pour juger que la redevance de tournoi de 48 millions de livres sterling versée par le GIP " Coupe du monde de rugby 2007 " à la société RWC Limited a été à juste titre assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée en France, en application de l'article 259 B du code général des impôts, la cour administrative d'appel de Versailles a retenu que le contrat dénommé " Host Union Agreement " (HUA) conclu le 10 avril 2003 entre la société RWC Limited et la Fédération française de rugby avait eu pour objet de concéder à cette dernière, au titre de l'année 2007, le droit d'organiser la coupe du monde de rugby, ainsi que celui de percevoir les revenus de billetterie de la compétition, et que la " redevance de tournoi " due à la société irlandaise devait être regardée comme la contrepartie de la concession de ce droit incorporel d'organisation, entrant dans la catégorie des droits similaires mentionnés au 1° de l'article 259 B précité du code général des impôts.
5. D'une part, ni la circonstance que l'article L. 131-15 du code du sport confie aux fédérations délégataires la mission d'organiser les compétitions sportives à l'issue desquelles sont délivrés les titres internationaux, ni le rôle qu'a conservé la société RWC Limited dans l'organisation de la compétition, en particulier la définition de la politique de billetterie, ni le fait que cette société est restée titulaire de l'ensemble des droits commerciaux attachés au tournoi, ne sont de nature à remettre en cause le transfert, au profit de la Fédération française de rugby, du droit incorporel d'accueil de la compétition et du droit de recevoir les revenus de billetterie produits par le tournoi, expressément mentionnés aux articles 2.1 et 3.2 du contrat HUA, en vertu desquels la fédération disposait d'un droit d'exploitation sur la compétition dont elle devait par ailleurs assurer l'organisation matérielle.
6. D'autre part, si l'article 1.1 du contrat décrit la " redevance de tournoi " comme le montant dû par la fédération à la société RWC Limited pour couvrir les frais encourus par cette dernière dans le cadre de l'organisation de la compétition, aucune clause contractuelle ni aucune annexe au contrat ne définissent la nature des frais administratifs et des dépenses connexes devant ainsi être remboursés, alors qu'il ressort des termes de l'annexe 8 au contrat que le montant de cette redevance avait été fixé forfaitairement, qu'un paiement minimum de 20 millions de livres sterling était en tout état de cause garanti à la société et que ce montant avait vocation à être porté à 48 millions de livres sterling sans que cette augmentation ne dépende des frais et charges éventuellement supportés par la société.
7. En déduisant des stipulations du contrat du 10 avril 2003 que la redevance d'un montant de 48 millions de livres sterling versée à la société RWC Limited devait, en réalité, être regardée comme la contrepartie du droit confié à la Fédération française de rugby d'exploiter la compétition qu'elle avait la charge d'organiser, et que cette redevance avait été, à juste titre, assujettie en France à la taxe sur la valeur ajoutée, la cour n'a ni dénaturé les stipulations de l'acte qui lui était soumis, ni commis d'erreur de qualification juridique, ni entaché son arrêt d'erreur de droit au regard des dispositions du 1° de l'article 259 B du code général des impôts.
8. En deuxième lieu, le premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales dispose que : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration ". Aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) ". Au sens et pour l'application de ces dispositions, ne peut être regardée comme une prise de position formelle sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal une prise de position qui n'émane pas de l'autorité compétente en matière d'assiette ou d'une personne disposant d'une délégation régulière de signature l'habilitant à agir au nom de cette autorité.
9. Si la Fédération française de rugby se prévalait devant la cour administrative d'appel de réunions de travail organisées avec des représentants de l'administration fiscale et un représentant de la cellule fiscale du cabinet du ministre chargé du budget, à l'issue desquelles une position formelle aurait été prise en faveur du non-assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée des versements réalisés au profit de la société RWC Limited, ainsi que de prises de position des représentants de l'Etat lors de conseils d'administration du GIP, la cour administrative d'appel a relevé dans son arrêt, d'une part, que la demande de rescrit formée par le GIP " Coupe du monde de rugby 2007 " portant sur cette question était restée sans réponse, d'autre part, que l'engagement oral qui aurait été pris par le représentant de la cellule fiscale du cabinet du ministre chargé du budget, à le supposer avéré, n'émanait pas d'une autorité compétente pour arrêter une position opposable à l'administration sur le fondement des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales, enfin, que ni le représentant du contrôle d'Etat, ni le commissaire du gouvernement désigné par le ministre des sports auprès du GIP ne constituaient de telles autorités. En se fondant sur ces éléments pour en déduire que la Fédération française de rugby ne pouvait se prévaloir d'une prise de position opposable à l'administration fiscale sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, et alors qu'aucun de ces agents de l'Etat n'était susceptible de disposer d'une délégation de signature du ministre en ce qui concerne l'assiette de l'impôt, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt, ne l'a entaché d'aucune erreur de droit.
10. En troisième lieu, le principe de confiance légitime, qui fait partie des principes généraux du droit de l'Union européenne, trouve à s'appliquer dans l'ordre juridique interne dans le cas où la situation juridique dont a à connaître le juge administratif est régie par le droit de l'Union, ce qui est le cas des litiges en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Le droit de se prévaloir de ce principe suppose toutefois que des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, aient été fournies au contribuable par une autorité compétente.
11. Si la Fédération française de rugby soutenait en appel que le rappel contesté de taxe sur la valeur ajoutée avait été mis à sa charge en méconnaissance du principe de confiance légitime et si la cour a, à tort, écarté ce moyen comme inopérant, il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond, ainsi qu'il a été dit au point 9, que, d'une part, la demande de rescrit adressée par le GIP aux services fiscaux est restée sans réponse et que, d'autre part, ni le contrôleur d'Etat ni le commissaire du gouvernement désigné par le ministre des sports auprès du GIP, ni le représentant de la cellule fiscale du cabinet du ministre chargé du budget n'avaient compétence pour prendre l'engagement, vis-à-vis de la Fédération française de rugby, que les sommes versées à la société RWC Limited en application du contrat HUA ne seraient pas assujetties en France à la taxe sur la valeur ajoutée. Il s'ensuit que la fédération ne peut, à l'appui du moyen tiré de la méconnaissance du principe de confiance légitime, se prévaloir d'assurances qui auraient été fournies par une autorité compétente. Ce motif, qui répond au moyen invoqué devant la cour et dont l'examen n'implique aucune appréciation supplémentaire des circonstances de fait, doit être substitué au motif erroné en droit retenu par l'arrêt attaqué, dont il justifie le dispositif.
12. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi de la Fédération française de rugby doit être rejeté, y compris ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du pourvoi de la Fédération française de rugby à concurrence du dégrèvement partiel d'un montant de 1 416 517 euros prononcé en cours d'instance et correspondant à une fraction du rappel de taxe sur la valeur ajoutée assorti de l'amende de 5 % auquel le GIP " Coupe du monde de rugby 2007 " avait été assujetti au titre de la période du 1er juillet 2007 au 30 juin 2008.
Article 2 : Le surplus des conclusions du pourvoi présenté par la Fédération française de rugby est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Fédération française de rugby en sa qualité de liquidateur du groupement d'intérêt public " Coupe du monde de rugby 2007 " et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.