Conseil d'État
N° 445271
ECLI:FR:CEORD:2020:445271.20201019
Inédit au recueil Lebon
Lecture du lundi 19 octobre 2020
Vu la procédure suivante :
M. B... C... et M. A... D... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'ordonner au préfet de la Guadeloupe de faire cesser l'atteinte grave et manifestement illégale portée par l'Etat à leur droit à l'eau et à l'assainissement, en prononçant toutes les mesures nécessaires à son encontre, notamment en lui enjoignant de mettre en oeuvre le plan ORSEC " eau potable ". Par une ordonnance n° 2000862 du 29 septembre 2020, le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté leur demande.
Par une requête, enregistrée le 12 octobre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, MM. C... et D... demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Guadeloupe de prendre les mesures nécessaires pour permettre l'accès à l'eau dans ce département, notamment par la mise en oeuvre du plan ORSEC " eau potable " ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le juge des référés de première instance a commis une erreur de droit en omettant, d'une part, de considérer la crise sanitaire liée à la covid-19 comme une catastrophe au sens de l'article L. 742-2 du code de la sécurité intérieure et, d'autre part, de rechercher, à défaut de faire droit à la demande de mise en oeuvre du plan ORSEC, une autre mesure propre à faire cesser l'atteinte portée aux libertés fondamentales invoquées ;
- la condition d'urgence est satisfaite eu égard, en premier lieu, aux conséquences de la privation d'eau sur le niveau de vie des habitants du département de la Guadeloupe, en deuxième lieu, à la classification de ce département en zone rouge dans un contexte épidémique lié à la covid-19, en troisième lieu, à l'exigence de maintien des services publics ainsi qu'aux nécessités économiques et, enfin, aux besoins d'approvisionnement en eau en période cyclonique ;
- la carence de l'Etat dans la mise en oeuvre du plan ORSEC porte une atteinte grave et manifestement illégale au droit à l'eau et à l'assainissement, au droit au respect de la dignité humaine et au droit à la vie ;
- la mise en oeuvre du plan ORSEC est justifiée dès lors, en premier lieu, qu'il est de la responsabilité de l'Etat de trouver des solutions qui évitent aux guadeloupéens d'être privés de l'accès à l'eau potable, en deuxième lieu, que cette privation frappe indistinctement des habitations privées, des écoles, des établissements de santé et des commerces et, en dernier lieu, que d'autres départements ont mis en oeuvre des mesures nécessaires.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.
2. MM. C... et D... relèvent appel de l'ordonnance du 29 septembre 2020 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté leur demande tendant à ce qu'il soit ordonné au préfet de la Guadeloupe de faire cesser l'atteinte portée au droit à l'eau et à l'assainissement des guadeloupéens, notamment par la mise en oeuvre du plan ORSEC " eau potable ".
3. Aux termes de l'article L. 742-2 du code de la sécurité intérieure : " En cas d'accident, sinistre ou catastrophe dont les conséquences peuvent dépasser les limites ou les capacités d'une commune, le représentant de l'Etat dans le département mobilise les moyens de secours relevant de l'Etat, des collectivités territoriales et des établissements publics. En tant que de besoin, il mobilise ou réquisitionne les moyens privés nécessaires aux secours. Il assure la direction des opérations de secours. Il déclenche, s'il y a lieu, le plan Orsec départemental. ".
4. En premier lieu, il résulte des dispositions précitées que le plan ORSEC constitue un dispositif destiné à être déclenché lors d'un évènement soudain et d'ampleur affectant, en l'espèce, la distribution de l'eau potable. Or, il résulte de l'instruction conduite par le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe que la situation fortement dégradée de l'approvisionnement et de la distribution en eau en Guadeloupe constitue une situation de fait due à la dégradation des réseaux, qui perdure depuis de nombreuses années. Dès lors, pour regrettable et préoccupante que soit cette situation, elle ne relève pas, en tout état de cause, " d'un accident, d'un sinistre ou d'une catastrophe " au sens de l'article L. 742-2 précité du code de la sécurité intérieure. Le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe n'a donc pas entaché l'ordonnance attaquée d'erreur de droit en jugeant qu'elle ne saurait justifier que soit ordonné au préfet de la Guadeloupe de déclencher le plan ORSEC " eau " départemental.
5. En second lieu, le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe a relevé que, compte tenu de la défaillance grave et ancienne des collectivités locales en charge de la gestion de l'eau, l'Etat a été contraint de se substituer à ces dernières. Il n'est pas sérieusement contesté, ni en première instance ni en appel, que le préfet de la Guadeloupe a procédé à diverses réquisitions afin de constituer en urgence un dispositif de secours permettant, d'une part, l'établissement de points d'accès à l'eau et, d'autre part, d'en assurer la distribution. De même, il n'est pas contesté que des travaux de réparation d'urgence destinés à pallier les conséquences du manque d'entretien et de maintenance des installations ont été entrepris. Par suite, s'il est constant que la situation des réseaux d'eau en Guadeloupe, dans le contexte de crise sanitaire créé par l'épidémie de covid-19, est de nature à créer des difficultés pour une partie des habitants de ce département, MM. C... et D... n'apportent pas d'élément précis de nature à infirmer le motif de l'ordonnance attaquée selon lequel l'Etat n'a pas fait preuve de carence et à établir en quoi, face à une situation dont les causes sont avant tout structurelles, tout ou partie des mesures prévues par le plan Orsec " eau potable " seraient mieux adaptées pour assurer le respect des libertés fondamentales invoquées.
6. Il résulte de tout ce qui précède qu'il est manifeste que l'appel de MM. C... et D... ne peut être accueilli. Leur requête ne peut dès lors qu'être rejetée, selon la procédure prévue par l'article L. 522-3 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de MM. C... et D... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... C... et à M. A... D....
N° 445271
ECLI:FR:CEORD:2020:445271.20201019
Inédit au recueil Lebon
Lecture du lundi 19 octobre 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
M. B... C... et M. A... D... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'ordonner au préfet de la Guadeloupe de faire cesser l'atteinte grave et manifestement illégale portée par l'Etat à leur droit à l'eau et à l'assainissement, en prononçant toutes les mesures nécessaires à son encontre, notamment en lui enjoignant de mettre en oeuvre le plan ORSEC " eau potable ". Par une ordonnance n° 2000862 du 29 septembre 2020, le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté leur demande.
Par une requête, enregistrée le 12 octobre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, MM. C... et D... demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Guadeloupe de prendre les mesures nécessaires pour permettre l'accès à l'eau dans ce département, notamment par la mise en oeuvre du plan ORSEC " eau potable " ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le juge des référés de première instance a commis une erreur de droit en omettant, d'une part, de considérer la crise sanitaire liée à la covid-19 comme une catastrophe au sens de l'article L. 742-2 du code de la sécurité intérieure et, d'autre part, de rechercher, à défaut de faire droit à la demande de mise en oeuvre du plan ORSEC, une autre mesure propre à faire cesser l'atteinte portée aux libertés fondamentales invoquées ;
- la condition d'urgence est satisfaite eu égard, en premier lieu, aux conséquences de la privation d'eau sur le niveau de vie des habitants du département de la Guadeloupe, en deuxième lieu, à la classification de ce département en zone rouge dans un contexte épidémique lié à la covid-19, en troisième lieu, à l'exigence de maintien des services publics ainsi qu'aux nécessités économiques et, enfin, aux besoins d'approvisionnement en eau en période cyclonique ;
- la carence de l'Etat dans la mise en oeuvre du plan ORSEC porte une atteinte grave et manifestement illégale au droit à l'eau et à l'assainissement, au droit au respect de la dignité humaine et au droit à la vie ;
- la mise en oeuvre du plan ORSEC est justifiée dès lors, en premier lieu, qu'il est de la responsabilité de l'Etat de trouver des solutions qui évitent aux guadeloupéens d'être privés de l'accès à l'eau potable, en deuxième lieu, que cette privation frappe indistinctement des habitations privées, des écoles, des établissements de santé et des commerces et, en dernier lieu, que d'autres départements ont mis en oeuvre des mesures nécessaires.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.
2. MM. C... et D... relèvent appel de l'ordonnance du 29 septembre 2020 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté leur demande tendant à ce qu'il soit ordonné au préfet de la Guadeloupe de faire cesser l'atteinte portée au droit à l'eau et à l'assainissement des guadeloupéens, notamment par la mise en oeuvre du plan ORSEC " eau potable ".
3. Aux termes de l'article L. 742-2 du code de la sécurité intérieure : " En cas d'accident, sinistre ou catastrophe dont les conséquences peuvent dépasser les limites ou les capacités d'une commune, le représentant de l'Etat dans le département mobilise les moyens de secours relevant de l'Etat, des collectivités territoriales et des établissements publics. En tant que de besoin, il mobilise ou réquisitionne les moyens privés nécessaires aux secours. Il assure la direction des opérations de secours. Il déclenche, s'il y a lieu, le plan Orsec départemental. ".
4. En premier lieu, il résulte des dispositions précitées que le plan ORSEC constitue un dispositif destiné à être déclenché lors d'un évènement soudain et d'ampleur affectant, en l'espèce, la distribution de l'eau potable. Or, il résulte de l'instruction conduite par le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe que la situation fortement dégradée de l'approvisionnement et de la distribution en eau en Guadeloupe constitue une situation de fait due à la dégradation des réseaux, qui perdure depuis de nombreuses années. Dès lors, pour regrettable et préoccupante que soit cette situation, elle ne relève pas, en tout état de cause, " d'un accident, d'un sinistre ou d'une catastrophe " au sens de l'article L. 742-2 précité du code de la sécurité intérieure. Le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe n'a donc pas entaché l'ordonnance attaquée d'erreur de droit en jugeant qu'elle ne saurait justifier que soit ordonné au préfet de la Guadeloupe de déclencher le plan ORSEC " eau " départemental.
5. En second lieu, le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe a relevé que, compte tenu de la défaillance grave et ancienne des collectivités locales en charge de la gestion de l'eau, l'Etat a été contraint de se substituer à ces dernières. Il n'est pas sérieusement contesté, ni en première instance ni en appel, que le préfet de la Guadeloupe a procédé à diverses réquisitions afin de constituer en urgence un dispositif de secours permettant, d'une part, l'établissement de points d'accès à l'eau et, d'autre part, d'en assurer la distribution. De même, il n'est pas contesté que des travaux de réparation d'urgence destinés à pallier les conséquences du manque d'entretien et de maintenance des installations ont été entrepris. Par suite, s'il est constant que la situation des réseaux d'eau en Guadeloupe, dans le contexte de crise sanitaire créé par l'épidémie de covid-19, est de nature à créer des difficultés pour une partie des habitants de ce département, MM. C... et D... n'apportent pas d'élément précis de nature à infirmer le motif de l'ordonnance attaquée selon lequel l'Etat n'a pas fait preuve de carence et à établir en quoi, face à une situation dont les causes sont avant tout structurelles, tout ou partie des mesures prévues par le plan Orsec " eau potable " seraient mieux adaptées pour assurer le respect des libertés fondamentales invoquées.
6. Il résulte de tout ce qui précède qu'il est manifeste que l'appel de MM. C... et D... ne peut être accueilli. Leur requête ne peut dès lors qu'être rejetée, selon la procédure prévue par l'article L. 522-3 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de MM. C... et D... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... C... et à M. A... D....