Conseil d'État
N° 426954
ECLI:FR:CECHR:2020:426954.20200629
Inédit au recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
M. Charles-Emmanuel Airy, rapporteur
M. Romain Victor, rapporteur public
SCP COLIN-STOCLET ; SCP DELAMARRE, JEHANNIN, avocats
Lecture du lundi 29 juin 2020
Vu la procédure suivante :
La société civile immobilière (SCI) Les Enfas a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 27 mars 2013 par lequel le président du conseil général de la Loire-Atlantique a délimité, sur le territoire de la commune de Carquefou, le domaine public fluvial. Par un jugement n° 1304386 du 19 juillet 2016, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 16NT03159 du 9 novembre 2018, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur appel de la société Les Enfas, annulé ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 27 mars 2013 en tant qu'il porte sur les zones de marécages et de boires et rejeté le surplus de ses conclusions.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 janvier et 9 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Les Enfas demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'article 3 de cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge du département de la Loire-Atlantique la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 ;
- la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 ;
- la loi du 26 décembre 1908 portant fixation des recettes et des dépenses de l'exercice 1909, notamment son article 67 ;
- la loi du 8 avril 1910 portant fixation du budget général des dépenses et des recettes de l'exercice 1910, notamment son article 128 ;
- l'ordonnance du 10 juillet 1835 ;
- l'ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Charles-Emmanuel Airy, auditeur,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Colin-Stoclet, avocat de la société Les Enfas et à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat du département de la Loire-Atlantique ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 19 juin 2020, présentée par la société Les Enfas ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par trois arrêtés du 27 mars 2013, le président du conseil général de la Loire-Atlantique a délimité le domaine public fluvial de l'Erdre sur le territoire des communes de Sucé-sur-Erdre, la Chapelle-sur-Erdre et Carquefou. Propriétaire d'un ensemble immobilier situé dans la commune de Carquefou, en bordure de la rivière de l'Erdre, la société Les Enfas a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 27 mars 2013 portant délimitation du domaine public fluvial sur la rive gauche de l'Erdre sur le territoire de la commune de Carquefou. Le tribunal administratif a rejeté sa demande par un jugement du 19 juillet 2016. Cette société doit être regardée comme demandant l'annulation de l'arrêt du 9 novembre 2018 de la cour administrative d'appel de Nantes en tant que, après avoir annulé le jugement du tribunal administratif en tant qu'il statue sur la partie de l'arrêté relative aux zones de marécages et de boires, il rejette le surplus de ses conclusions d'appel. Le département de la Loire-Atlantique demande, par la voie du pourvoi incident, l'annulation de cet arrêt en tant qu'il donne partiellement satisfaction à la société requérante.
Sur le pourvoi principal :
En ce qui concerne la compétence du département :
2. En vertu de l'article 32 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, dont les dispositions ont été reprises à l'article 4 de l'ordonnance du 21 avril 2006 relative à la partie législative du code général de la propriété des personnes publiques, les cours d'eau et canaux qui ont été mis à la disposition d'une région sur le fondement de la loi du 22 juillet 1983 complétant celle du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat, antérieurement à la loi du 13 août 2004, sont transférés de plein droit et en toute propriété à cette région, sauf si elle s'y oppose expressément avant le 31 juin 2007.
3. Aux termes de l'article L. 3113-1 du code général de la propriété des personnes publiques, dans sa version applicable au litige : " Les transferts de propriété du domaine public fluvial au profit d'une collectivité territoriale ou d'un groupement de collectivités territoriales de la part de l'Etat ou d'une autre personne publique peuvent être opérés à la demande de l'assemblée délibérante de la collectivité territoriale ou du groupement. (...) / Ces transferts s'opèrent en priorité au profit de la région ou du groupement de régions territorialement compétent qui en fait la demande. Lorsque d'autres collectivités ou groupements de collectivités territorialement compétents souhaitent bénéficier d'un tel transfert, leurs demandes sont transmises pour avis à la région. Ils peuvent bénéficier de ce transfert si, à l'issue d'un délai de six mois à compter de la saisine pour avis, la région territorialement compétente n'a pas elle-même formulé la demande. ". En vertu de l'article R. 3313-4 du même code, lorsqu'une collectivité autre que la région a formulé une demande de transfert de propriété d'un élément du domaine public fluvial, le préfet transmet cette demande pour avis à la région intéressée, laquelle dispose alors d'un délai de six mois pour faire connaître son refus d'exercer son droit de priorité.
4. Pour juger que, bien que la demande du département de la Loire Atlantique de transfert à son profit du domaine public fluvial de l'Erdre n'ait pas été formellement transmise pour avis à la région, cette dernière doit être regardée comme n'ayant pas été privée de la garantie et du droit de priorité dont elle bénéficiait en vertu des dispositions précitées, la cour administrative d'appel a relevé, par une appréciation souveraine des faits, d'une part, que la région des Pays de la Loire a été informée du souhait du département de la Loire-Atlantique de bénéficier du transfert de propriété du domaine public fluvial de l'Erdre lors d'une réunion de travail qui s'est déroulée le 5 juillet 2006 et, d'autre part, que le conseil régional des Pays de la Loire a, par une délibération du 20 octobre 2006, refusé le transfert à son profit des voies d'eau concernées et émis un avis favorable à leur transfert au département. En statuant ainsi, la cour n'a, contrairement à ce que soutient la société Les Enfas, commis aucune erreur de droit.
En ce qui concerne la compétence du président du conseil départemental :
5. Aux termes de l'article L. 2111-9 du code général de la propriété des personnes publiques : " les limites des cours d'eau domaniaux sont déterminées par la hauteur des eaux coulant à pleins bords avant de déborder ". L'article R. 2111-15 de ce code précise que ces limites sont fixées, s'agissant du domaine des collectivités territoriales et de leurs groupements, par arrêté de l'autorité compétente de la collectivité propriétaire. Le président du conseil départemental est compétent pour prendre l'acte, purement recognitif, par lequel sont délimités les cours d'eau domaniaux appartenant au département. Par suite, la cour n'a, contrairement à ce qui est soutenu, pas commis d'erreur de droit en jugeant que le président du conseil général du département de la Loire-Atlantique était compétent pour prendre l'arrêté attaqué.
En ce qui concerne l'appartenance de l'Erdre au domaine public fluvial naturel et la régularité de la procédure de délimitation du domaine public fluvial :
6. Aux termes de l'article L. 2111-7 du code général de la propriété des personnes publiques, dans sa version applicable au litige : " Le domaine public fluvial naturel est constitué des cours d'eau et lacs appartenant à l'Etat, aux collectivités territoriales ou à leurs groupements, et classés dans leur domaine public fluvial. ". En vertu de l'article 67 de la loi du 26 décembre 1908 portant fixation des recettes et des dépenses de l'exercice 1909 , complété par l'article 128 de la loi du 8 avril 1910 portant fixation du budget général des dépenses et des recettes de l'exercice 1910, les cours d'eau sont " 1° ceux qui figurent au tableau annexé à l'ordonnance du 10 juillet 1835, en tenant compte des modifications apportées à ce tableau par les décrets postérieurs de classement et de déclassement ; (...) Les cours d'eau, portions de cours d'eau et canaux ainsi définis ne pourront être distraits du domaine public qu'en vertu d'une loi. (...) "
7. Le tableau annexé à l'ordonnance du 10 juillet 1835, portant désignation " par département, des parties de Fleuves et Rivières et des Canaux navigables ou flottables par lesquels la pêche sera exercée au profit de l'Etat ", mentionne, au titre des " rivières ou parties de rivières ", l'Erdre " depuis Niort jusqu'à son embouchure dans la Loire ".
8. Par suite, en jugeant que l'Erdre devait être regardée comme un cours d'eau au sens de l'article L. 2111-7 du code général de la propriété des personnes publiques et que la procédure de délimitation prévue à l'article L. 2111-9 de ce code lui était applicable, la cour administrative d'appel n'a ni commis d'erreur de droit, ni entaché son arrêt de contradiction de motifs.
En ce qui concerne l'opération de délimitation du domaine public fluvial :
9. Pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 2111-9 du code général de la propriété des personnes publiques, il appartient à l'autorité administrative de déterminer le point le plus bas des berges du cours d'eau pour chaque section de même régime hydraulique, sans prendre en compte les points qui, en raison de la configuration du sol ou de la disposition des lieux, doivent être regardés comme des points exceptionnels à négliger pour le travail d'ensemble de la délimitation. Par le point le plus bas ainsi déterminé, il y a lieu de faire passer un plan incliné de l'amont vers l'aval parallèlement à la surface du niveau des hautes eaux observé directement sur les lieux. La limite du domaine public fluvial doit être fixée à l'intersection de ce plan avec les deux rives du cours d'eau.
10. Pour juger que le président du conseil général de la Loire-Atlantique avait fixé les limites du domaine public fluvial du secteur litigieux de l'Erdre, hors zone de marécages et de boires, conformément à la règle énoncée au point précédent, la cour administrative d'appel a relevé, par une appréciation souveraine des faits, qu'il avait, pour la partie du linéaire caractérisée par la présence de talus ou de francs bords, retenu la limite physique de la berge et, s'agissant des zones dans lesquelles cette limite n'était pas identifiable en raison des caractéristiques physiques de la berge, fixé cette limite à la cote de 4,60 mètres NGF-IGN 69, laquelle correspond au niveau de l'Erdre lors des crues hivernales dépourvues de caractère exceptionnel. En statuant ainsi, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.
11. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de la société Les Enfas doit être rejeté.
Sur le pourvoi incident :
12. Pour juger que le président du conseil général de la Loire-Atlantique n'avait pas fixé les limites du domaine public fluvial conformément à la règle énoncée au point 9 dans la zone de marécages et de boires du secteur litigieux, la cour a relevé, par une appréciation souveraine des faits exempte de dénaturation, que la délimitation à laquelle il avait procédé correspondait à la délimitation cadastrale et qu'aucune pièce du dossier ne permettait de regarder les limites cadastrales comme correspondant aux points où les plus hautes eaux peuvent s'étendre en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles. En statuant ainsi, la cour n'a pas entaché son arrêt d'erreur de droit. Le pourvoi incident du département de la Loire-Atlantique doit donc être rejeté.
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du département de la Loire-Atlantique qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Enfas la somme de 2 000 euros à verser au département de la Loire-Atlantique, au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de la société Les Enfas est rejeté.
Article 2 : Le pourvoi incident du département de la Loire-Atlantique est rejeté.
Article 3 : La société Les Enfas versera au département de la Loire-Atlantique une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société civile immobilière Les Enfas.
Copie en sera adressée au département de la Loire-Atlantique.
N° 426954
ECLI:FR:CECHR:2020:426954.20200629
Inédit au recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
M. Charles-Emmanuel Airy, rapporteur
M. Romain Victor, rapporteur public
SCP COLIN-STOCLET ; SCP DELAMARRE, JEHANNIN, avocats
Lecture du lundi 29 juin 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société civile immobilière (SCI) Les Enfas a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 27 mars 2013 par lequel le président du conseil général de la Loire-Atlantique a délimité, sur le territoire de la commune de Carquefou, le domaine public fluvial. Par un jugement n° 1304386 du 19 juillet 2016, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 16NT03159 du 9 novembre 2018, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur appel de la société Les Enfas, annulé ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 27 mars 2013 en tant qu'il porte sur les zones de marécages et de boires et rejeté le surplus de ses conclusions.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 janvier et 9 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Les Enfas demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'article 3 de cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge du département de la Loire-Atlantique la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 ;
- la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 ;
- la loi du 26 décembre 1908 portant fixation des recettes et des dépenses de l'exercice 1909, notamment son article 67 ;
- la loi du 8 avril 1910 portant fixation du budget général des dépenses et des recettes de l'exercice 1910, notamment son article 128 ;
- l'ordonnance du 10 juillet 1835 ;
- l'ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Charles-Emmanuel Airy, auditeur,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Colin-Stoclet, avocat de la société Les Enfas et à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat du département de la Loire-Atlantique ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 19 juin 2020, présentée par la société Les Enfas ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par trois arrêtés du 27 mars 2013, le président du conseil général de la Loire-Atlantique a délimité le domaine public fluvial de l'Erdre sur le territoire des communes de Sucé-sur-Erdre, la Chapelle-sur-Erdre et Carquefou. Propriétaire d'un ensemble immobilier situé dans la commune de Carquefou, en bordure de la rivière de l'Erdre, la société Les Enfas a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 27 mars 2013 portant délimitation du domaine public fluvial sur la rive gauche de l'Erdre sur le territoire de la commune de Carquefou. Le tribunal administratif a rejeté sa demande par un jugement du 19 juillet 2016. Cette société doit être regardée comme demandant l'annulation de l'arrêt du 9 novembre 2018 de la cour administrative d'appel de Nantes en tant que, après avoir annulé le jugement du tribunal administratif en tant qu'il statue sur la partie de l'arrêté relative aux zones de marécages et de boires, il rejette le surplus de ses conclusions d'appel. Le département de la Loire-Atlantique demande, par la voie du pourvoi incident, l'annulation de cet arrêt en tant qu'il donne partiellement satisfaction à la société requérante.
Sur le pourvoi principal :
En ce qui concerne la compétence du département :
2. En vertu de l'article 32 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, dont les dispositions ont été reprises à l'article 4 de l'ordonnance du 21 avril 2006 relative à la partie législative du code général de la propriété des personnes publiques, les cours d'eau et canaux qui ont été mis à la disposition d'une région sur le fondement de la loi du 22 juillet 1983 complétant celle du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat, antérieurement à la loi du 13 août 2004, sont transférés de plein droit et en toute propriété à cette région, sauf si elle s'y oppose expressément avant le 31 juin 2007.
3. Aux termes de l'article L. 3113-1 du code général de la propriété des personnes publiques, dans sa version applicable au litige : " Les transferts de propriété du domaine public fluvial au profit d'une collectivité territoriale ou d'un groupement de collectivités territoriales de la part de l'Etat ou d'une autre personne publique peuvent être opérés à la demande de l'assemblée délibérante de la collectivité territoriale ou du groupement. (...) / Ces transferts s'opèrent en priorité au profit de la région ou du groupement de régions territorialement compétent qui en fait la demande. Lorsque d'autres collectivités ou groupements de collectivités territorialement compétents souhaitent bénéficier d'un tel transfert, leurs demandes sont transmises pour avis à la région. Ils peuvent bénéficier de ce transfert si, à l'issue d'un délai de six mois à compter de la saisine pour avis, la région territorialement compétente n'a pas elle-même formulé la demande. ". En vertu de l'article R. 3313-4 du même code, lorsqu'une collectivité autre que la région a formulé une demande de transfert de propriété d'un élément du domaine public fluvial, le préfet transmet cette demande pour avis à la région intéressée, laquelle dispose alors d'un délai de six mois pour faire connaître son refus d'exercer son droit de priorité.
4. Pour juger que, bien que la demande du département de la Loire Atlantique de transfert à son profit du domaine public fluvial de l'Erdre n'ait pas été formellement transmise pour avis à la région, cette dernière doit être regardée comme n'ayant pas été privée de la garantie et du droit de priorité dont elle bénéficiait en vertu des dispositions précitées, la cour administrative d'appel a relevé, par une appréciation souveraine des faits, d'une part, que la région des Pays de la Loire a été informée du souhait du département de la Loire-Atlantique de bénéficier du transfert de propriété du domaine public fluvial de l'Erdre lors d'une réunion de travail qui s'est déroulée le 5 juillet 2006 et, d'autre part, que le conseil régional des Pays de la Loire a, par une délibération du 20 octobre 2006, refusé le transfert à son profit des voies d'eau concernées et émis un avis favorable à leur transfert au département. En statuant ainsi, la cour n'a, contrairement à ce que soutient la société Les Enfas, commis aucune erreur de droit.
En ce qui concerne la compétence du président du conseil départemental :
5. Aux termes de l'article L. 2111-9 du code général de la propriété des personnes publiques : " les limites des cours d'eau domaniaux sont déterminées par la hauteur des eaux coulant à pleins bords avant de déborder ". L'article R. 2111-15 de ce code précise que ces limites sont fixées, s'agissant du domaine des collectivités territoriales et de leurs groupements, par arrêté de l'autorité compétente de la collectivité propriétaire. Le président du conseil départemental est compétent pour prendre l'acte, purement recognitif, par lequel sont délimités les cours d'eau domaniaux appartenant au département. Par suite, la cour n'a, contrairement à ce qui est soutenu, pas commis d'erreur de droit en jugeant que le président du conseil général du département de la Loire-Atlantique était compétent pour prendre l'arrêté attaqué.
En ce qui concerne l'appartenance de l'Erdre au domaine public fluvial naturel et la régularité de la procédure de délimitation du domaine public fluvial :
6. Aux termes de l'article L. 2111-7 du code général de la propriété des personnes publiques, dans sa version applicable au litige : " Le domaine public fluvial naturel est constitué des cours d'eau et lacs appartenant à l'Etat, aux collectivités territoriales ou à leurs groupements, et classés dans leur domaine public fluvial. ". En vertu de l'article 67 de la loi du 26 décembre 1908 portant fixation des recettes et des dépenses de l'exercice 1909 , complété par l'article 128 de la loi du 8 avril 1910 portant fixation du budget général des dépenses et des recettes de l'exercice 1910, les cours d'eau sont " 1° ceux qui figurent au tableau annexé à l'ordonnance du 10 juillet 1835, en tenant compte des modifications apportées à ce tableau par les décrets postérieurs de classement et de déclassement ; (...) Les cours d'eau, portions de cours d'eau et canaux ainsi définis ne pourront être distraits du domaine public qu'en vertu d'une loi. (...) "
7. Le tableau annexé à l'ordonnance du 10 juillet 1835, portant désignation " par département, des parties de Fleuves et Rivières et des Canaux navigables ou flottables par lesquels la pêche sera exercée au profit de l'Etat ", mentionne, au titre des " rivières ou parties de rivières ", l'Erdre " depuis Niort jusqu'à son embouchure dans la Loire ".
8. Par suite, en jugeant que l'Erdre devait être regardée comme un cours d'eau au sens de l'article L. 2111-7 du code général de la propriété des personnes publiques et que la procédure de délimitation prévue à l'article L. 2111-9 de ce code lui était applicable, la cour administrative d'appel n'a ni commis d'erreur de droit, ni entaché son arrêt de contradiction de motifs.
En ce qui concerne l'opération de délimitation du domaine public fluvial :
9. Pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 2111-9 du code général de la propriété des personnes publiques, il appartient à l'autorité administrative de déterminer le point le plus bas des berges du cours d'eau pour chaque section de même régime hydraulique, sans prendre en compte les points qui, en raison de la configuration du sol ou de la disposition des lieux, doivent être regardés comme des points exceptionnels à négliger pour le travail d'ensemble de la délimitation. Par le point le plus bas ainsi déterminé, il y a lieu de faire passer un plan incliné de l'amont vers l'aval parallèlement à la surface du niveau des hautes eaux observé directement sur les lieux. La limite du domaine public fluvial doit être fixée à l'intersection de ce plan avec les deux rives du cours d'eau.
10. Pour juger que le président du conseil général de la Loire-Atlantique avait fixé les limites du domaine public fluvial du secteur litigieux de l'Erdre, hors zone de marécages et de boires, conformément à la règle énoncée au point précédent, la cour administrative d'appel a relevé, par une appréciation souveraine des faits, qu'il avait, pour la partie du linéaire caractérisée par la présence de talus ou de francs bords, retenu la limite physique de la berge et, s'agissant des zones dans lesquelles cette limite n'était pas identifiable en raison des caractéristiques physiques de la berge, fixé cette limite à la cote de 4,60 mètres NGF-IGN 69, laquelle correspond au niveau de l'Erdre lors des crues hivernales dépourvues de caractère exceptionnel. En statuant ainsi, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.
11. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de la société Les Enfas doit être rejeté.
Sur le pourvoi incident :
12. Pour juger que le président du conseil général de la Loire-Atlantique n'avait pas fixé les limites du domaine public fluvial conformément à la règle énoncée au point 9 dans la zone de marécages et de boires du secteur litigieux, la cour a relevé, par une appréciation souveraine des faits exempte de dénaturation, que la délimitation à laquelle il avait procédé correspondait à la délimitation cadastrale et qu'aucune pièce du dossier ne permettait de regarder les limites cadastrales comme correspondant aux points où les plus hautes eaux peuvent s'étendre en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles. En statuant ainsi, la cour n'a pas entaché son arrêt d'erreur de droit. Le pourvoi incident du département de la Loire-Atlantique doit donc être rejeté.
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du département de la Loire-Atlantique qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Enfas la somme de 2 000 euros à verser au département de la Loire-Atlantique, au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la société Les Enfas est rejeté.
Article 2 : Le pourvoi incident du département de la Loire-Atlantique est rejeté.
Article 3 : La société Les Enfas versera au département de la Loire-Atlantique une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société civile immobilière Les Enfas.
Copie en sera adressée au département de la Loire-Atlantique.