Conseil d'État
N° 431293
ECLI:FR:CECHS:2020:431293.20200619
Inédit au recueil Lebon
10ème chambre
M. Réda Wadjinny-Green, rapporteur
M. Alexandre Lallet, rapporteur public
SCP BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS, SEBAGH ; SCP ZRIBI, TEXIER, avocats
Lecture du vendredi 19 juin 2020
Vu la procédure suivante :
La société FM Projet a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler pour excès de pouvoir la décision par laquelle le syndicat mixte Haute-Saône Numérique (SMHSN) a implicitement rejeté sa demande de communication des documents administratifs relatifs au marché public conclu le 31 décembre 2013 avec la société Orange et d'enjoindre au SMHSN de lui communiquer ces documents.
Par un jugement n° 1700583 du 2 avril 2019, le tribunal administratif de Besançon a annulé cette décision et a enjoint au SMHSN de communiquer à la société FM Projet les documents sollicités après occultation des mentions relatives aux secrets protégés par la loi dans un délai de 10 mois à compter de la notification du jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 3 juin et 9 août 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat mixte Haute-Saône Numérique, SMHSN, demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la requête de la société FM Projet ;
3°) de mettre à la charge de la société FM Projet la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Réda Wadjinny-Green, auditeur,
- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat du Syndicat mixte Haute-Saône Numérique et à la SCP Zribi et Texier, avocat de la société FM Projet ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un courrier du 22 septembre 2016, la société FM Projet a demandé au département de la Haute-Saône de lui communiquer les pièces relatives à la passation et à l'exécution du marché public portant sur la mise en oeuvre d'infrastructures de télécommunication pour la création de points de raccordement mutualisés, conclu avec la société Orange le 31 décembre 2013. Par un courrier du 28 septembre 2016, le département de la Haute-Saône a informé la société de la transmission de sa demande au syndicat mixte Haute-Saône Numérique (SMHSN), responsable du marché public depuis 2014. A la suite du refus implicite opposé à sa demande, la société FM Projet a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs qui, le 23 janvier 2017, a émis un avis favorable à la communication de ces documents, sous réserve de l'occultation des mentions susceptibles de porter atteinte au secret en matière industrielle et commerciale. Le SMHSN se pourvoit en cassation contre le jugement du 2 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Besançon a annulé la décision implicite par laquelle il a refusé la demande de communication de la société FM Projet et lui a enjoint de communiquer à cette dernière les documents demandés dans un délai de dix mois sous réserve de l'occultation des mentions relatives aux secrets protégés par la loi.
2. L'article L. 311-1 du code des relations entre le public et l'administration dispose que : " Sous réserve des dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-6, les administrations mentionnées à l'article L. 300-2 sont tenues de publier en ligne ou de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent livre ". Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 311-2 du même code : " (...) L'administration n'est pas tenue de donner suite aux demandes abusives, en particulier par leur nombre ou leur caractère répétitif ou systématique ".
3. Il ressort des dispositions, citées au point 2, du dernier alinéa de l'article L. 311-2 du code des relations entre le public et l'administration que revêt un caractère abusif la demande qui a pour objet de perturber le bon fonctionnement de l'administration sollicitée ou qui aurait pour effet de faire peser sur elle une charge disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose. Il s'ensuit qu'en jugeant que la circonstance que l'occultation des documents demandés par la société FM Projet nécessiterait la mobilisation de moyens matériels trop importants pour le syndicat mixte Haute-Saône numérique n'était pas de nature à faire obstacle à l'exercice du droit à communication sans avoir recherché si la communication de ces documents, après occultation des éléments non communicables, pouvait être, dans les circonstances particulières de l'espèce, légalement refusée sur le fondement du dernier alinéa de l'article L. 311-2 du code des relations entre le public et l'administration, au motif qu'elle ferait peser sur l'administration une charge excessive, eu égard aux moyens dont elle dispose et à l'intérêt que présenterait, pour l'intéressé, le fait de bénéficier de la communication des documents occultés, le tribunal administratif de Besançon a entaché son jugement d'erreur de droit.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que le SMHSN est fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque.
5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du SMHSN, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande à ce titre la société FM Projet. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société FM Projet la somme de 3 000 euros à verser au SMHSN au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le jugement du 2 avril 2019 du tribunal administratif de Besançon est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Besançon.
Article 3 : La société FM Projet versera au SMHSN une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la société FM Projet au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au syndicat mixte Haute-Saône numérique et à la société FM Projet.
N° 431293
ECLI:FR:CECHS:2020:431293.20200619
Inédit au recueil Lebon
10ème chambre
M. Réda Wadjinny-Green, rapporteur
M. Alexandre Lallet, rapporteur public
SCP BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS, SEBAGH ; SCP ZRIBI, TEXIER, avocats
Lecture du vendredi 19 juin 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société FM Projet a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler pour excès de pouvoir la décision par laquelle le syndicat mixte Haute-Saône Numérique (SMHSN) a implicitement rejeté sa demande de communication des documents administratifs relatifs au marché public conclu le 31 décembre 2013 avec la société Orange et d'enjoindre au SMHSN de lui communiquer ces documents.
Par un jugement n° 1700583 du 2 avril 2019, le tribunal administratif de Besançon a annulé cette décision et a enjoint au SMHSN de communiquer à la société FM Projet les documents sollicités après occultation des mentions relatives aux secrets protégés par la loi dans un délai de 10 mois à compter de la notification du jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 3 juin et 9 août 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat mixte Haute-Saône Numérique, SMHSN, demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la requête de la société FM Projet ;
3°) de mettre à la charge de la société FM Projet la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Réda Wadjinny-Green, auditeur,
- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat du Syndicat mixte Haute-Saône Numérique et à la SCP Zribi et Texier, avocat de la société FM Projet ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un courrier du 22 septembre 2016, la société FM Projet a demandé au département de la Haute-Saône de lui communiquer les pièces relatives à la passation et à l'exécution du marché public portant sur la mise en oeuvre d'infrastructures de télécommunication pour la création de points de raccordement mutualisés, conclu avec la société Orange le 31 décembre 2013. Par un courrier du 28 septembre 2016, le département de la Haute-Saône a informé la société de la transmission de sa demande au syndicat mixte Haute-Saône Numérique (SMHSN), responsable du marché public depuis 2014. A la suite du refus implicite opposé à sa demande, la société FM Projet a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs qui, le 23 janvier 2017, a émis un avis favorable à la communication de ces documents, sous réserve de l'occultation des mentions susceptibles de porter atteinte au secret en matière industrielle et commerciale. Le SMHSN se pourvoit en cassation contre le jugement du 2 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Besançon a annulé la décision implicite par laquelle il a refusé la demande de communication de la société FM Projet et lui a enjoint de communiquer à cette dernière les documents demandés dans un délai de dix mois sous réserve de l'occultation des mentions relatives aux secrets protégés par la loi.
2. L'article L. 311-1 du code des relations entre le public et l'administration dispose que : " Sous réserve des dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-6, les administrations mentionnées à l'article L. 300-2 sont tenues de publier en ligne ou de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent livre ". Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 311-2 du même code : " (...) L'administration n'est pas tenue de donner suite aux demandes abusives, en particulier par leur nombre ou leur caractère répétitif ou systématique ".
3. Il ressort des dispositions, citées au point 2, du dernier alinéa de l'article L. 311-2 du code des relations entre le public et l'administration que revêt un caractère abusif la demande qui a pour objet de perturber le bon fonctionnement de l'administration sollicitée ou qui aurait pour effet de faire peser sur elle une charge disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose. Il s'ensuit qu'en jugeant que la circonstance que l'occultation des documents demandés par la société FM Projet nécessiterait la mobilisation de moyens matériels trop importants pour le syndicat mixte Haute-Saône numérique n'était pas de nature à faire obstacle à l'exercice du droit à communication sans avoir recherché si la communication de ces documents, après occultation des éléments non communicables, pouvait être, dans les circonstances particulières de l'espèce, légalement refusée sur le fondement du dernier alinéa de l'article L. 311-2 du code des relations entre le public et l'administration, au motif qu'elle ferait peser sur l'administration une charge excessive, eu égard aux moyens dont elle dispose et à l'intérêt que présenterait, pour l'intéressé, le fait de bénéficier de la communication des documents occultés, le tribunal administratif de Besançon a entaché son jugement d'erreur de droit.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que le SMHSN est fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque.
5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du SMHSN, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande à ce titre la société FM Projet. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société FM Projet la somme de 3 000 euros à verser au SMHSN au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le jugement du 2 avril 2019 du tribunal administratif de Besançon est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Besançon.
Article 3 : La société FM Projet versera au SMHSN une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la société FM Projet au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au syndicat mixte Haute-Saône numérique et à la société FM Projet.