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Ariane Web: Conseil d'État 420142, lecture du 9 juin 2020, ECLI:FR:CECHR:2020:420142.20200609

Décision n° 420142
9 juin 2020
Conseil d'État

N° 420142
ECLI:FR:CECHR:2020:420142.20200609
Inédit au recueil Lebon
3ème - 8ème chambres réunies
Mme Pauline Berne, rapporteur
M. Laurent Cytermann, rapporteur public
SCP LYON-CAEN, THIRIEZ ; SCP KRIVINE, VIAUD, avocats


Lecture du mardi 9 juin 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la procédure suivante :

Par deux requêtes, Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier, d'une part, d'annuler la décision du 20 janvier 2016 par laquelle le maire de la commune de Castries lui a refusé le bénéfice des allocations d'aide au retour à l'emploi ainsi que la décision implicite de la même autorité rejetant une seconde demande présentée le 21 mars 2016, et d'autre part, d'enjoindre au maire de la commune de Castries de statuer sur ses demandes dans un délai de 8 jours assorti d'une astreinte. Par un jugement n° 1600821, 1602833 du 16 février 2018, le tribunal administratif de Montpellier a annulé les deux décisions précitées, enjoint au maire de la commune de Castries de réexaminer les demandes de Mme A... et rejeté le surplus des conclusions de cette dernière.

Par une ordonnance n° 18MA016962 du 24 avril 2018, enregistrée le 24 avril 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 17 avril 2018 au greffe de cette cour, présenté par la commune de Castries.

Par un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés le 24 septembre 2018 et le 10 janvier 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Castries demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code du travail;
- le décret n°2009-1594 du 18 décembre 2009 ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Pauline Berne, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la commune de Castries et à la SCP Viaud, Krivine, avocat de Mme A... ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B... A..., après avoir exercé les fonctions d'adjoint administratif de première classe au sein de la commune de Castries du 5 septembre 2007 au 28 août 2014, a démissionné de la fonction publique territoriale, en bénéficiant d'une indemnité de départ volontaire, puis s'est inscrite comme demandeur d'emploi et, dès le 1er septembre 2014, a entamé une formation d'infirmière d'une durée de trois ans. Par deux demandes des 13 décembre 2015 et 21 mars 2016, elle a sollicité de la commune de Castries le bénéfice de l'allocation d'aide au retour à l'emploi. Cette commune se pourvoit en cassation contre le jugement du 16 février 2018, par lequel le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision expresse de son maire du 20 janvier 2016 ainsi que la décision implicite qui ont rejeté ces demandes et lui a enjoint de réexaminer ces dernières.

2. Lorsqu'il statue sur un recours dirigé contre une décision par laquelle l'administration, sans remettre en cause des versements déjà effectués, détermine les droits d'une personne en matière d'aide ou d'action sociale, de logement ou au titre des dispositions en faveur des travailleurs privés d'emploi, et sous réserve du contentieux du droit au logement opposable, il appartient au juge administratif, eu égard tant à la finalité de son intervention qu'à sa qualité de juge de plein contentieux, non de se prononcer sur les éventuels vices propres de la décision attaquée, mais d'examiner les droits de l'intéressé, en tenant compte de l'ensemble des circonstances de fait qui résultent de l'instruction et, notamment, du dossier qui lui est communiqué en application de l'article R. 772-8 du code de justice administrative. Au vu de ces éléments, il lui appartient d'annuler ou de réformer, s'il y a lieu, cette décision, en fixant alors lui-même tout ou partie des droits de l'intéressé et en le renvoyant, au besoin, devant l'administration afin qu'elle procède à cette fixation pour le surplus, sur la base des motifs de son jugement. Dans le cas d'un contentieux portant sur les droits au revenu de remplacement des travailleurs privés d'emploi, c'est au regard des dispositions applicables et de la situation de fait existant au cours de la période en litige que le juge doit statuer.

3. En se fondant sur la seule circonstance que la commune de Castries s'était abstenue de vérifier si Mme A... avait effectivement recherché un emploi ou si elle pouvait être présumée en recherche d'emploi, pour annuler les décisions contestées, sans se prononcer lui-même sur le respect de cette condition, et en se bornant, au surplus, à enjoindre, par voie de conséquence, au maire de la commune de réexaminer les demandes rejetées, le tribunal administratif de Montpellier, à qui il appartenait de fixer lui-même tout ou partie des droits de l'intéressée en annulant ou réformant les décisions en cause, a méconnu son office. La commune de Castries est, par suite, fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque.

4. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu pour le Conseil d'Etat de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond.

5. Aux termes de l'article L. 5421-1 du code du travail : " En complément des mesures tendant à faciliter leur reclassement ou leur conversion, les travailleurs involontairement privés d'emploi [...], aptes au travail et recherchant un emploi ont droit à un revenu de remplacement [...] ". Par un arrêté du ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social du 25 juin 2014, a été agréée la convention du 14 mai 2014 relative à l'indemnisation du chômage et les textes qui lui sont associés, prise en application de l'article L. 5422-20 du code du travail et dont le règlement général annexé prévoit, en son article 1er que " Le régime d'assurance chômage assure un revenu de remplacement dénommé allocation d'aide au retour à l'emploi, pendant une durée déterminée, aux salariés involontairement privés d'emploi qui remplissent des conditions d'activité désignées période d'affiliation, ainsi que des conditions d'âge, d'aptitude physique, de chômage, d'inscription comme demandeur d'emploi, de recherche d'emploi.". Ces dispositions, en vigueur à la date du litige, sont applicables aux agents des collectivités territoriales dans les conditions prévues par l'article L. 5424-1 du code du travail. Il appartient aux collectivités territoriales qui assurent la charge et la gestion de l'indemnisation de leurs agents en matière d'allocation d'aide au retour à l'emploi de s'assurer, lorsqu'ils demandent le bénéfice de cette allocation, qu'ils remplissent l'ensemble des conditions auxquelles son versement est subordonné.

6. Il résulte de l'instruction, et notamment de la décision du 20 janvier 2016, que l'allocation de retour à l'emploi a été refusée à Mme A..., au triple motif, d'abord, que sa démission de la fonction publique ne constituait pas une privation involontaire d'emploi, ensuite, que le montant de l'indemnité de départ volontaire, proche du montant cumulé de l'allocation, devait être déduit de celle-ci et, enfin, que l'intéressée n'était pas à la recherche d'un emploi puisqu'elle était en formation professionnelle.

7. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 2 du règlement général mentionné au point 5: " Sont involontairement privés d'emploi ou assimilés, les salariés dont la cessation du contrat de travail résulte :/ (...)/d'une fin de contrat de travail à durée déterminée (...) ".

8. D'autre part, aux termes de l'article 4 du même règlement général : " Les salariés privés d'emploi justifiant d'une période d'affiliation comme prévu aux articles 3 et 28 doivent : / (...) e) n'avoir pas quitté volontairement, sauf cas prévus par un accord d'application, leur dernière activité professionnelle salariée, ou une activité professionnelle salariée autre que la dernière dès lors que, depuis le départ volontaire, il ne peut être justifié d'une période d'affiliation d'au moins 91 jours ou d'une période de travail d'au moins 455 heures ; / (...) ". Il en résulte que lorsqu'un salarié a, après avoir quitté volontairement un emploi, retrouvé un autre emploi dont il a été involontairement privé, il est attributaire de droits à indemnisation au titre de l'assurance-chômage dès lors qu'il a travaillé au moins quatre-vingt-onze jours ou quatre cent cinquante-cinq heures dans ce dernier emploi.

9. Il résulte de l'instruction que Mme A... a été employée, entre ses deux premières années de formation d'infirmière, en qualité d'aide-soignante dans une clinique sous contrat de droit privé. A la fin de ce contrat à durée déterminée conclu du 1er juillet au 1er novembre 2015, elle devait être regardée, s'agissant d'un salarié de droit privé et en application des dispositions précitées, comme ayant été involontairement privée de son emploi alors même qu'elle aurait refusé le renouvellement de ce contrat pour poursuivre sa formation. Il n'est, en outre, pas contesté que la commune de Castries, qui assure la charge et la gestion de l'indemnisation de ses agents en matière d'allocation d'aide au retour à l'emploi, est la personne qui a employé Mme A... pendant la durée la plus longue au cours de la période de référence prévue par le premier alinéa de l'article R. 5422-1 du code du travail, si bien qu'elle devait supporter la charge de son indemnisation en application de l'article R. 5424-2 du même code.

10. En deuxième lieu, si en vertu, de l'article 7 du décret du 18 décembre 2009 instituant une indemnité de départ volontaire dans la fonction publique territoriale, cette indemnité " est exclusive de toute autre indemnité de même nature ", il n'en va pas ainsi à l'égard de l'allocation d'aide au retour à l'emploi qui, en tant que revenu de remplacement, est d'une autre nature. Ainsi le versement à Mme A... de cette indemnité ne fait pas obstacle à ce qu'elle perçoive l'allocation litigieuse. Cette indemnité doit, en revanche, être regardée comme étant au nombre de celles dont le versement entraîne un différé spécifique d'indemnisation au titre de l'allocation au retour à l'emploi pouvant aller jusqu'à 180 jours, en application du a) du §2 de l'article 21 du règlement général mentionné au point 5.

11. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 5411-6 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige : " Le demandeur d'emploi immédiatement disponible pour occuper un emploi est orienté et accompagné dans sa recherche d'emploi par l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1. Il est tenu de participer à la définition et à l'actualisation du projet personnalisé d'accès à l'emploi mentionné à l'article L. 5411-6-1, d'accomplir des actes positifs et répétés de recherche d'emploi et d'accepter les offres raisonnables d'emploi telles que définies aux articles L. 5411-6-2 et L. 5411-6-3 ". Aux termes de l'article L. 5421-3 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " La condition de recherche d'emploi requise pour bénéficier d'un revenu de remplacement est satisfaite dès lors que les intéressés sont inscrits comme demandeurs d'emploi et accomplissent, à leur initiative ou sur proposition de l'un des organismes mentionnés à l'article L. 5311-2, des actes positifs et répétés en vue de retrouver un emploi, de créer ou de reprendre une entreprise. ". En vertu des dispositions combinées des articles L. 5426-2, L. 5411-6 et R. 5426-3 du même code, les personnes qui ne peuvent justifier de l'accomplissement d'actes positifs de recherche d'emploi peuvent être exclues, à titre temporaire ou définitif, du revenu de remplacement. Aux termes, enfin, de l'article L. 5426-1 du même code: " Le contrôle de la recherche d'emploi est exercé par les agents de l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1. ". Si l'existence d'actes positifs et répétés accomplis en vue de retrouver un emploi est une condition mise par les dispositions précitées au maintien de l'allocation d'aide au retour à l'emploi, elle ne saurait conditionner l'ouverture du droit à cette allocation.

12. En vertu, d'autre part, de l'article 4 du règlement général mentionné au point 5, les bénéficiaires de l'allocation de retour à l'emploi, doivent, au titre des conditions d'attribution de ce droit, notamment: " a) être inscrits comme demandeur d'emploi ou accomplir une action de formation inscrite dans le projet personnalisé d'accès à l'emploi ; / b) être à la recherche effective et permanente d'un emploi ". Il résulte de ces dispositions que les personnes qui accomplissent une action de formation inscrite dans le projet personnalisé d'accès à l'emploi peuvent bénéficier de l'allocation de retour à l'emploi alors même qu'elles ne sont, de ce fait, pas immédiatement disponibles pour occuper un emploi, au sens de l'article L. 5411-6 du code du travail.

13. Il résulte de l'instruction qu'alors qu'elle était inscrite comme demandeur d'emploi, Mme A..., a fait figurer, dès le 29 août 2014 dans son projet personnalisé d'accès à l'emploi, sa formation d'infirmière, laquelle a ensuite donné lieu, par lettre du 26 février 2016 du directeur de l'agence Pôle emploi de Castelnau, à une notification d'inscription à un stage au titre de la formation professionnelle. La circonstance que Mme A... ne serait, dans ces conditions, pas immédiatement disponible pour occuper un emploi, au sens de la condition posée par l'article L. 5411-6 du code du travail est dès lors sans incidence sur son droit à percevoir l'allocation d'aide au retour à l'emploi. Par ailleurs, la commune de Castries ne peut utilement invoquer, pour justifier les refus d'attribution litigieux, l'absence d'actes positifs et répétés de recherche d'emploi.

14. Il résulte de ce qui précède qu'en l'absence de contestation des autres conditions auxquelles est subordonné l'octroi des allocations d'aide au retour à l'emploi, Mme A... est fondée à demander l'annulation des décisions par lesquelles le maire de Castries a rejeté ses demandes. En revanche, l'état de l'instruction ne permettant pas de déterminer le montant exact des droits de Mme A..., il y a lieu de la renvoyer devant la commune pour que soient calculées et versées, dans un délai de trois mois, les allocations d'aide au retour à l'emploi qui lui sont dues. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions aux fins d'astreinte.

15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Castries, le versement à Mme A... d'une somme de 4000 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre de l'ensemble de la procédure. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de Mme A... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.



D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 16 février 2018 est annulé.
Article 2 : La décision du 20 janvier 2016 et la décision implicite de rejet du maire de Castries sont annulées.
Article 3 : Mme A... est renvoyée devant la commune de Castries pour qu'il soit procédé, dans les trois mois suivant la notification de la présente décision, au calcul et au versement des allocations d'aide au retour à l'emploi qui lui sont dues à la suite de ses demandes, conformément aux motifs de la présente décision.
Article 4 : La commune de Castries versera à Mme A... une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par Mme A... et les conclusions de la commune de Castries sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la commune de Castries et à Mme B... A....