Conseil d'État
N° 433004
ECLI:FR:CECHR:2020:433004.20200527
Mentionné aux tables du recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
M. Laurent Domingo, rapporteur
M. Romain Victor, rapporteur public
SCP BOUTET-HOURDEAUX, avocats
Lecture du mercredi 27 mai 2020
Vu la procédure suivante :
La société par actions simplifiée (SAS) Lor Matignon a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la réduction des cotisations de taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement perçue dans la région Ile-de-France auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013, 2014 et 2015, à raison des locaux situés 23-25/25 bis avenue de Matignon à Paris. Par un jugement n° 1615501 du 15 novembre 2017, ce tribunal a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 18PA00161 du 29 mai 2019, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Lor Matignon contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés les 26 juillet et 24 septembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Lor Matignon demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Laurent Domingo, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boutet-Hourdeaux, avocat de la société Lor Matignon ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Lor Matignon a demandé au tribunal administratif de Paris la réduction des cotisations de taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement perçue dans la région Ile-de-France auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013, 2014 et 2015, à raison des locaux dont elle est propriétaire situés aux 23-25/25 bis avenue de Matignon à Paris. Elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 29 mai 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre le jugement du 15 novembre 2017 du tribunal administratif de Paris ayant rejeté sa demande.
2. Aux termes de l'article 231 ter du code général des impôts, dans sa version applicable aux années en litige : " (...) II. Sont soumises à la taxe les personnes privées ou publiques qui sont propriétaires de locaux imposables ou titulaires d'un droit réel portant sur de tels locaux. (...) III. La taxe est due : 1° Pour les locaux à usage de bureaux, qui s'entendent, d'une part, des bureaux proprement dits et de leurs dépendances immédiates et indispensables (...) ; / 4° Pour les surfaces de stationnement, qui s'entendent des locaux ou aires, couvertes ou non couvertes annexées aux locaux mentionnés aux 1° à 3°, destinés au stationnement des véhicules, qui ne sont pas intégrés topographiquement à un établissement de production. / IV. Pour le calcul des surfaces visées au 3° du V et au VI, il est tenu compte de tous les locaux de même nature, hors parties communes, qu'une personne privée ou publique possède à une même adresse ou, en cas de pluralité d'adresses, dans un même groupement topographique / V.- Sont exonérés de la taxe : (...) 3° Les locaux à usage de bureaux d'une superficie inférieure à 100 mètres carrés, les locaux commerciaux d'une superficie inférieure à 2 500 mètres carrés, les locaux de stockage d'une superficie inférieure à 5 000 mètres carrés et les surfaces de stationnement de moins de 500 mètres carrés annexées à ces catégories de locaux (...)". Le VI du même article est relatif au tarif de la taxe.
3. Pour l'application des dispositions du IV de l'article 231 ter du code général des impôts, les parties communes des locaux imposables au nom de la personne propriétaire de ces locaux, ou de la personne titulaire de droits réels portant sur eux, doivent s'entendre comme les surfaces affectées à l'usage ou à l'utilité de tous les occupants de ces locaux ou de plusieurs d'entre eux, alors même qu'elles seraient la propriété d'une seule et même personne.
4. Pour écarter le moyen, soulevé par la société Lor Matignon, tiré de ce que le calcul des cotisations de taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement perçue dans la région Ile-de-France mises à sa charge au titre des années 2013, 2014 et 2015 prenait à tort en compte des parties communes, la cour a retenu que les parties communes mentionnées par le IV de l'article 231 ter du code général des impôts devaient être entendues, conformément aux dispositions de loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, comme visant les parties des bâtiments et des terrains qui, n'étant pas la propriété exclusive d'un copropriétaire déterminé et réservées à son usage, sont affectées à l'usage ou l'utilité de tous les copropriétaires ou de plusieurs d'entre eux. Elle en a déduit que la société Lor Matignon ne pouvait faire valoir l'existence de parties communes pour le calcul des cotisations d'impôt contestées, dès lors qu'elle est propriétaire unique des locaux en litige. En statuant ainsi, alors que les parties communes, au sens du IV de l'article 231 ter du code général des impôts, ne se limitent pas aux parties communes définies par la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis mais doivent s'entendre, ainsi qu'il a été dit au point 3, de l'ensemble des surfaces affectées à l'usage ou à l'utilité commune de l'ensemble des occupants de l'immeuble ou de plusieurs d'entre eux, y compris lorsque les locaux imposables appartiennent à un propriétaire unique, la cour a commis une erreur de droit.
5. Il résulte de ce qui précède que la société Lor Matignon est fondée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de son pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt du 29 mai 2019 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à la société Lor Matignon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société par actions simplifiée Lor Matignon et au ministre de l'action et des comptes publics.
N° 433004
ECLI:FR:CECHR:2020:433004.20200527
Mentionné aux tables du recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
M. Laurent Domingo, rapporteur
M. Romain Victor, rapporteur public
SCP BOUTET-HOURDEAUX, avocats
Lecture du mercredi 27 mai 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société par actions simplifiée (SAS) Lor Matignon a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la réduction des cotisations de taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement perçue dans la région Ile-de-France auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013, 2014 et 2015, à raison des locaux situés 23-25/25 bis avenue de Matignon à Paris. Par un jugement n° 1615501 du 15 novembre 2017, ce tribunal a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 18PA00161 du 29 mai 2019, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Lor Matignon contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés les 26 juillet et 24 septembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Lor Matignon demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Laurent Domingo, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boutet-Hourdeaux, avocat de la société Lor Matignon ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Lor Matignon a demandé au tribunal administratif de Paris la réduction des cotisations de taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement perçue dans la région Ile-de-France auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013, 2014 et 2015, à raison des locaux dont elle est propriétaire situés aux 23-25/25 bis avenue de Matignon à Paris. Elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 29 mai 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre le jugement du 15 novembre 2017 du tribunal administratif de Paris ayant rejeté sa demande.
2. Aux termes de l'article 231 ter du code général des impôts, dans sa version applicable aux années en litige : " (...) II. Sont soumises à la taxe les personnes privées ou publiques qui sont propriétaires de locaux imposables ou titulaires d'un droit réel portant sur de tels locaux. (...) III. La taxe est due : 1° Pour les locaux à usage de bureaux, qui s'entendent, d'une part, des bureaux proprement dits et de leurs dépendances immédiates et indispensables (...) ; / 4° Pour les surfaces de stationnement, qui s'entendent des locaux ou aires, couvertes ou non couvertes annexées aux locaux mentionnés aux 1° à 3°, destinés au stationnement des véhicules, qui ne sont pas intégrés topographiquement à un établissement de production. / IV. Pour le calcul des surfaces visées au 3° du V et au VI, il est tenu compte de tous les locaux de même nature, hors parties communes, qu'une personne privée ou publique possède à une même adresse ou, en cas de pluralité d'adresses, dans un même groupement topographique / V.- Sont exonérés de la taxe : (...) 3° Les locaux à usage de bureaux d'une superficie inférieure à 100 mètres carrés, les locaux commerciaux d'une superficie inférieure à 2 500 mètres carrés, les locaux de stockage d'une superficie inférieure à 5 000 mètres carrés et les surfaces de stationnement de moins de 500 mètres carrés annexées à ces catégories de locaux (...)". Le VI du même article est relatif au tarif de la taxe.
3. Pour l'application des dispositions du IV de l'article 231 ter du code général des impôts, les parties communes des locaux imposables au nom de la personne propriétaire de ces locaux, ou de la personne titulaire de droits réels portant sur eux, doivent s'entendre comme les surfaces affectées à l'usage ou à l'utilité de tous les occupants de ces locaux ou de plusieurs d'entre eux, alors même qu'elles seraient la propriété d'une seule et même personne.
4. Pour écarter le moyen, soulevé par la société Lor Matignon, tiré de ce que le calcul des cotisations de taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement perçue dans la région Ile-de-France mises à sa charge au titre des années 2013, 2014 et 2015 prenait à tort en compte des parties communes, la cour a retenu que les parties communes mentionnées par le IV de l'article 231 ter du code général des impôts devaient être entendues, conformément aux dispositions de loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, comme visant les parties des bâtiments et des terrains qui, n'étant pas la propriété exclusive d'un copropriétaire déterminé et réservées à son usage, sont affectées à l'usage ou l'utilité de tous les copropriétaires ou de plusieurs d'entre eux. Elle en a déduit que la société Lor Matignon ne pouvait faire valoir l'existence de parties communes pour le calcul des cotisations d'impôt contestées, dès lors qu'elle est propriétaire unique des locaux en litige. En statuant ainsi, alors que les parties communes, au sens du IV de l'article 231 ter du code général des impôts, ne se limitent pas aux parties communes définies par la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis mais doivent s'entendre, ainsi qu'il a été dit au point 3, de l'ensemble des surfaces affectées à l'usage ou à l'utilité commune de l'ensemble des occupants de l'immeuble ou de plusieurs d'entre eux, y compris lorsque les locaux imposables appartiennent à un propriétaire unique, la cour a commis une erreur de droit.
5. Il résulte de ce qui précède que la société Lor Matignon est fondée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de son pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt du 29 mai 2019 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à la société Lor Matignon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société par actions simplifiée Lor Matignon et au ministre de l'action et des comptes publics.