Conseil d'État
N° 434423
ECLI:FR:CECHR:2020:434423.20200224
Mentionné aux tables du recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
M. Bastien Lignereux, rapporteur
Mme Karin Ciavaldini, rapporteur public
SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE, avocats
Lecture du lundi 24 février 2020
Vu la procédure suivante :
La société Club sportif de Sedan Ardennes a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge de la contribution foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2015 et 2016 dans les rôles de la commune de Sedan (Ardennes), à raison du stade Louis Dugauguez. Par un jugement n°s 1602401, 1700326 du 15 mars 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 18NC01466 du 23 juillet 2019, statuant sur l'appel formé par la société contre ce jugement, la cour administrative d'appel de Nancy a fait droit à ses conclusions subsidiaires, tendant à la réduction, par application du plafonnement de la contribution économique territoriale en fonction de la valeur ajoutée, de la contribution foncière des entreprises due au titre de l'année 2015, a réformé le jugement du tribunal administratif en ce qu'il avait de contraire à son arrêt et a rejeté le surplus des conclusions de la requête d'appel de la société.
Par un pourvoi, enregistré le 9 septembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'action et des comptes publics demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt en tant qu'il a, par ses articles 1er, 2 et 3, fait droit aux conclusions subsidiaires de la requête d'appel de la société et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, puis, réglant l'affaire au fond dans cette mesure, de rejeter ces conclusions.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bastien Lignereux, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat du Club sportif de Sedan Ardennes ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article 1647 B sexies du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Sur demande du redevable effectuée dans le délai légal de réclamation prévu pour la cotisation foncière des entreprises, la contribution économique territoriale de chaque entreprise est plafonnée en fonction de sa valeur ajoutée. (...) ". Aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales : " Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire. (...) ". Aux termes de l'article L. 199 C du même livre, le contribuable peut, " dans la limite du dégrèvement ou de la restitution sollicités, (...) faire valoir tout moyen nouveau, tant devant le tribunal administratif que devant la cour administrative d'appel ".
2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par réclamation présentée le 30 novembre 2015, la société Club sportif Sedan Ardennes a demandé la décharge de la contribution foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2015 à raison du stade Louis Dugauguez, au motif que, ne l'utilisant que de manière occasionnelle, elle n'en avait pas la disposition. Par un jugement du 15 mars 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande de décharge qu'elle avait formée devant lui à la suite du rejet de cette réclamation. Dans sa requête d'appel contre ce jugement, la société, qui avait demandé à l'administration, par une réclamation distincte, la réduction des cotisations contestées par application du plafonnement de la contribution économique territoriale en fonction de la valeur ajoutée prévu par l'article 1647 B sexies du code général des impôts cité ci-dessus, a formé des conclusions subsidiaires en ce sens. Le ministre de l'action et des comptes publics se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 23 juillet 2019 en tant qu'il a fait droit à ces conclusions subsidiaires.
3. Il résulte des dispositions de l'article 1647 B sexies du code général des impôts citées au point 1 qu'une demande de restitution de la fraction de la cotisation foncière des entreprises qui excède le plafond prévu par cet article constitue une réclamation tendant à obtenir le bénéfice d'un droit au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales. Une telle demande, dont la loi prévoit qu'elle doit être présentée à l'administration dans le délai de réclamation, a la nature de conclusions distinctes de celles, le cas échéant présentées par ailleurs par le contribuable, contestant le bien-fondé de la contribution foncière des entreprises mise à sa charge, et ne saurait être regardée comme un moyen nouveau, au sens des dispositions de l'article L. 199 C du même livre citées au point 1.
4. Il suit de là que saisie d'un jugement statuant sur le bien-fondé de la contribution foncière des entreprises, la cour a commis une erreur de droit en jugeant recevable une demande tendant au bénéfice du plafonnement prévu à l'article 1647 B sexies du code général des impôts présentée pour la première fois devant elle au motif qu'une réclamation en ce sens avait été présentée à l'administration fiscale, dès lors de telles conclusions n'avaient pas été soumises au juge de première instance. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, les articles 1er, 2 et 3 de son arrêt doivent être annulés.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
6. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que les conclusions formées par la société dans sa requête d'appel tendant au bénéfice du plafonnement prévu à l'article 1647 B sexies du code général des impôts sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées.
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Les articles 1er, 2 et 3 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 23 juillet 2019 sont annulés.
Article 2 : La demande de la société Club sportif Sedan Ardennes tendant à la réduction, par application du plafonnement de la contribution économique territoriale en fonction de la valeur ajoutée, de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2015, est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par la société Club sportif Sedan Ardennes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Club sportif Sedan Ardennes ainsi qu'au ministre de l'action et des comptes publics.
N° 434423
ECLI:FR:CECHR:2020:434423.20200224
Mentionné aux tables du recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
M. Bastien Lignereux, rapporteur
Mme Karin Ciavaldini, rapporteur public
SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE, avocats
Lecture du lundi 24 février 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société Club sportif de Sedan Ardennes a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge de la contribution foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2015 et 2016 dans les rôles de la commune de Sedan (Ardennes), à raison du stade Louis Dugauguez. Par un jugement n°s 1602401, 1700326 du 15 mars 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 18NC01466 du 23 juillet 2019, statuant sur l'appel formé par la société contre ce jugement, la cour administrative d'appel de Nancy a fait droit à ses conclusions subsidiaires, tendant à la réduction, par application du plafonnement de la contribution économique territoriale en fonction de la valeur ajoutée, de la contribution foncière des entreprises due au titre de l'année 2015, a réformé le jugement du tribunal administratif en ce qu'il avait de contraire à son arrêt et a rejeté le surplus des conclusions de la requête d'appel de la société.
Par un pourvoi, enregistré le 9 septembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'action et des comptes publics demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt en tant qu'il a, par ses articles 1er, 2 et 3, fait droit aux conclusions subsidiaires de la requête d'appel de la société et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, puis, réglant l'affaire au fond dans cette mesure, de rejeter ces conclusions.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bastien Lignereux, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat du Club sportif de Sedan Ardennes ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article 1647 B sexies du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Sur demande du redevable effectuée dans le délai légal de réclamation prévu pour la cotisation foncière des entreprises, la contribution économique territoriale de chaque entreprise est plafonnée en fonction de sa valeur ajoutée. (...) ". Aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales : " Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire. (...) ". Aux termes de l'article L. 199 C du même livre, le contribuable peut, " dans la limite du dégrèvement ou de la restitution sollicités, (...) faire valoir tout moyen nouveau, tant devant le tribunal administratif que devant la cour administrative d'appel ".
2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par réclamation présentée le 30 novembre 2015, la société Club sportif Sedan Ardennes a demandé la décharge de la contribution foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2015 à raison du stade Louis Dugauguez, au motif que, ne l'utilisant que de manière occasionnelle, elle n'en avait pas la disposition. Par un jugement du 15 mars 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande de décharge qu'elle avait formée devant lui à la suite du rejet de cette réclamation. Dans sa requête d'appel contre ce jugement, la société, qui avait demandé à l'administration, par une réclamation distincte, la réduction des cotisations contestées par application du plafonnement de la contribution économique territoriale en fonction de la valeur ajoutée prévu par l'article 1647 B sexies du code général des impôts cité ci-dessus, a formé des conclusions subsidiaires en ce sens. Le ministre de l'action et des comptes publics se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 23 juillet 2019 en tant qu'il a fait droit à ces conclusions subsidiaires.
3. Il résulte des dispositions de l'article 1647 B sexies du code général des impôts citées au point 1 qu'une demande de restitution de la fraction de la cotisation foncière des entreprises qui excède le plafond prévu par cet article constitue une réclamation tendant à obtenir le bénéfice d'un droit au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales. Une telle demande, dont la loi prévoit qu'elle doit être présentée à l'administration dans le délai de réclamation, a la nature de conclusions distinctes de celles, le cas échéant présentées par ailleurs par le contribuable, contestant le bien-fondé de la contribution foncière des entreprises mise à sa charge, et ne saurait être regardée comme un moyen nouveau, au sens des dispositions de l'article L. 199 C du même livre citées au point 1.
4. Il suit de là que saisie d'un jugement statuant sur le bien-fondé de la contribution foncière des entreprises, la cour a commis une erreur de droit en jugeant recevable une demande tendant au bénéfice du plafonnement prévu à l'article 1647 B sexies du code général des impôts présentée pour la première fois devant elle au motif qu'une réclamation en ce sens avait été présentée à l'administration fiscale, dès lors de telles conclusions n'avaient pas été soumises au juge de première instance. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, les articles 1er, 2 et 3 de son arrêt doivent être annulés.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
6. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que les conclusions formées par la société dans sa requête d'appel tendant au bénéfice du plafonnement prévu à l'article 1647 B sexies du code général des impôts sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées.
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Les articles 1er, 2 et 3 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 23 juillet 2019 sont annulés.
Article 2 : La demande de la société Club sportif Sedan Ardennes tendant à la réduction, par application du plafonnement de la contribution économique territoriale en fonction de la valeur ajoutée, de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2015, est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par la société Club sportif Sedan Ardennes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Club sportif Sedan Ardennes ainsi qu'au ministre de l'action et des comptes publics.