Conseil d'État
N° 422576
ECLI:FR:Code Inconnu:2020:422576.20200212
Inédit au recueil Lebon
6ème - 5ème chambres réunies
Mme Carine Chevrier, rapporteur
M. Stéphane Hoynck, rapporteur public
SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN ; SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER, avocats
Lecture du mercredi 12 février 2020
Vu la procédure suivante :
M. et Mme A... et Catherine E... ont demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler, d'une part, l'arrêté du 1er mars 2013 par lequel le maire de Villennes-sur-Seine a accordé à la société Erilia un permis pour la construction de deux immeubles et trois groupes de maisons individuelles comportant vingt-six logements sur un terrain situé rue des Renardières et, d'autre part, l'arrêté du 5 juin 2014 par lequel il a accordé à cette société un permis modificatif. Par un jugement n° 1302531-1405513 du 5 février 2016, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leurs demandes.
Par un arrêt n° 16VE00933 du 24 mai 2018, la cour administrative d'appel de Versailles, saisie par Mme E... et M. B... E..., venant aux droits de son père, a annulé ce jugement ainsi que les arrêtés attaqués.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 juillet, le 10 octobre 2018 et le 18 mars 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Erilia demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de M. et Mme E... ;
3°) de mettre à la charge de M. et Mme E... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Carine Chevrier, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la société Erilia et à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de Mme C... et autre ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 1er mars 2013, le maire de Villennes-sur-Seine (Yvelines) a délivré à la société Erilia un permis de construire pour la construction de deux immeubles et trois groupes de maisons individuelles comportant vingt-six logements. Un permis de construire modificatif a été délivré par arrêté du 5 juin 2014. Par un jugement du 5 février 2016, le tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de M. et Mme E... tendant à l'annulation de ces arrêtés. Par un arrêt du 24 mai 2018, sur appel de Mme E... et de M. B... E..., venant aux droits de son père, la cour administrative d'appel de Versailles a annulé ce jugement ainsi que les arrêtés du maire de Villennes-sur-Seine du 1er mars 2013 et du 5 juin 2014, après avoir accueilli deux moyens tirés, d'une part, de la méconnaissance de l'article UC 10 du règlement du plan local d'urbanisme de Villennes-sur-Seine relatif à la hauteur des constructions et, d'autre part, de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le maire de cette commune dans l'application des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme faute d'avoir assorti le permis de construire de prescriptions relatives aux risques d'effondrement et de déstabilisation de la zone d'assiette du projet. La société Erilia se pourvoit en cassation contre cet arrêt.
Sur l'arrêt en tant qu'il statue sur la légalité des arrêtés portant permis de construire
2. En premier lieu, aux termes de l'article UC 10 du règlement du plan local d'urbanisme de Villennes-sur-Seine : " 10.1 Dispositions générales applicables en zone UC / La hauteur ne doit pas excéder un étage droit sur rez-de-chaussée plus un comble aménageable. / 10.2 En outre, en zone UC, à l'exclusion du secteur UCe / La hauteur ne doit pas excéder 9,50 mètres. (...) ". Le lexique de ce règlement définit les combles comme " l'étage constitué par l'espace entre le plancher haut et la toiture du bâtiment ". Il en résulte que le dernier niveau d'un bâtiment doit être regardé comme constituant un " étage droit " au sens de ces dispositions s'il est établi qu'il peut être aménagé en niveau habitable sans qu'il soit nécessaire d'y intégrer le volume situé au-dessus de l'égout du toit. Dans le cas contraire, le dernier niveau constitue des combles aménageables au sens de ces dispositions.
3. D'une part, s'agissant de l'immeuble identifié comme étant le " bâtiment A ", il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour a relevé que son dernier niveau, d'une surface de plancher de 148,6 m², est aménagé, sans aucun retrait de façade, en deux appartements de 3 et 4 pièces d'une hauteur sous plafond allant jusqu'à 2,60 m et que, hormis une surface supplémentaire de 37,9 m² située sous la toiture à une hauteur inférieure à 1,80 m, le plafond de ces deux appartements est en grande partie séparé de la toiture par un espace non aménageable d'une hauteur d'un mètre sous l'arête du toit. En déduisant de ces énonciations que le dernier niveau de ce bâtiment devait être regardé comme un étage droit supplémentaire et non comme des combles aménageables au sens des dispositions citées précédemment, sans rechercher s'il pouvait être aménagé en niveau habitable sans qu'il soit nécessaire d'y intégrer le volume situé au-dessus de l'égout du toit, la cour a commis une erreur de droit.
4. D'autre part, s'agissant de l'immeuble identifié comme étant le " bâtiment B ", en estimant que le dernier niveau est aménagé sans aucun retrait de façade, pour en déduire qu'il ne pouvait être qualifié de combles aménageables au sens du règlement du plan local d'urbanisme, alors qu'il ressort des pièces du dossier qui lui était soumis que ce niveau est situé en totalité au-dessus de l'égout du toit et marque une rupture de pente avec l'alignement droit de l'étage inférieur, seules certaines des fenêtres étant disposées en saillie dans la continuité de la façade, la cour administrative d'appel de Versailles a entaché son arrêt de dénaturation.
5. En deuxième lieu, d'une part, en vertu de l'article L. 562-1 du code de l'environnement, les plans de prévention des risques naturels prévisibles tels que les inondations, les mouvements de terrain, les avalanches, les incendies de forêt, les séismes, les éruptions volcaniques, les tempêtes ou les cyclones, ont notamment pour objet de délimiter les zones selon leur exposition aux risques et d'y interdire tout type de construction, d'ouvrage, d'aménagement ou d'exploitation agricole, forestière, artisanale, commerciale ou industrielle ou de prescrire les conditions dans lesquelles les constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations doivent être réalisés, utilisés ou exploités. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 562-4 du code de l'environnement dans sa version alors en vigueur : " Le plan de prévention des risques naturels prévisibles approuvé vaut servitude d'utilité publique. Il est annexé au plan local d'urbanisme, conformément à l'article L. 126-1 du code de l'urbanisme. ". En vertu de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme, le dossier joint à la demande de permis de construire comprend, lorsque la construction projetée est subordonnée par un plan de prévention des risques naturels prévisibles " à la réalisation d'une étude préalable permettant d'en déterminer les conditions de réalisation, d'utilisation ou d'exploitation, une attestation établie par l'architecte du projet ou par un expert certifiant la réalisation de cette étude et constatant que le projet prend en compte ces conditions au stade de la conception ". D'autre part, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme alors applicable : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. "
6. Il résulte de ces dispositions que les prescriptions d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles, destinées notamment à assurer la sécurité des personnes et des biens exposés aux risques d'inondation et valant servitude d'utilité publique, s'imposent directement aux autorisations de construire, sans que l'autorité administrative soit tenue de reprendre ces prescriptions dans le cadre de la délivrance du permis de construire. Il incombe toutefois à l'autorité compétente pour délivrer une autorisation d'urbanisme, si les particularités de la situation qu'il lui appartient d'apprécier l'exigent, de préciser dans l'autorisation, le cas échéant, les conditions d'application d'une prescription générale contenue dans le plan ou de subordonner, en application des dispositions précitées de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, la délivrance du permis de construire sollicité à d'autres prescriptions spéciales, si elles lui apparaissent nécessaires, que celles du plan de prévention des risques naturels prévisibles.
7. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les parcelles faisant l'objet des permis de construire contestés sont classées en partie en zone bleue B2 par le plan de prévention des risques naturels prévisibles de mouvements de terrain liés aux anciennes carrières souterraines de gypse abandonnées, où l'implantation de projets nouveaux est autorisée sous réserve de prescriptions qu'il édicte. A ce titre, les dispositions de son article 4 prévoient que les réseaux d'eaux pluviales doivent être étanches et interdisent " les rejets dans le milieu naturel ", et celles de son article 11 prévoient " la recherche de vides éventuels au droit de la surface au sol du projet augmentée, à sa périphérie, de celle de la zone de protection adoptée pour le site " et disposent que " le bénéficiaire de (...) permis de construire (...) a l'obligation de se conformer aux conditions spéciales qui lui sont prescrites par les autorités, préalablement à (...) la réalisation des constructions projetées (...). Quel que soit le résultat de la recherche de vide (...) tous les projets de construction (...) font l'objet de dispositions visant à garantir leur stabilité vis-à-vis des tassements des sols. (...) ".
8. Après avoir relevé, d'une part, que l'avis de l'inspection générale des carrières du 26 mai 2014 recommandait " que les réseaux d'eaux pluviales (...) soient raccordés aux infrastructures publiques, soient étanches et fassent l'objet de contrôle d'étanchéité " et que " Les rejets directs dans le milieu naturel (...) sont à proscrire (...) " et, d'autre part, que le projet litigieux, qui comportait de nombreuses constructions sur un terrain en déclivité naturelle, se bornait à prévoir le recueil des eaux pluviales dans la partie basse du terrain sans comporter d'autres éléments de nature à éviter leur rejet dans le milieu naturel, c'est sans erreur droit ni dénaturation que la cour a estimé que le maire a entaché l'autorisation litigieuse d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en n'assortissant pas le permis de construire de prescriptions portant sur la prévention ce risque. En revanche, la cour a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis en estimant que l'autorisation était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des mêmes dispositions, au motif qu'elle ne comporte pas de prescriptions suffisantes relatives à la réalisation de travaux de confortement des construction projetées, alors qu'elle avait relevé que le permis de construire modificatif l'avait assortie d'une prescription imposant au pétitionnaire de " se mettre en rapport avec (...) l'inspection générale des carrières, afin d'arrêter les modalités de réalisation de la construction projetée " et qu' " il devra se conformer aux directives reçues ".
Sur l'arrêt en tant qu'il statue sur l'application des dispositions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme :
9. Aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable : " Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire (...) estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé par un permis modificatif, peut limiter à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixer le délai dans lequel le titulaire du permis pourra en demander la régularisation. "
10. Saisi d'un pourvoi dirigé contre une décision juridictionnelle retenant plusieurs motifs d'illégalité d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, puis refusant de faire usage des dispositions des articles L. 600-5 ou L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, le juge de cassation, dans le cas où il censure une partie de ces motifs, ne peut rejeter le pourvoi qu'après avoir vérifié si les autres motifs retenus et qui demeurent justifient ce refus.
11. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour a annulé les arrêtés attaqués après avoir décidé de ne pas faire application des dispositions des articles L. 600-5 du code de l'urbanisme au motif que les illégalités qu'elle a constatées, eu égard notamment aux caractéristiques du terrain d'assiette du projet et de l'ampleur des constructions projetées, n'apparaissent pas régularisables sans que soient notamment diligentées des études complémentaires susceptibles de remettre en cause la conception générale du projet. Cependant, il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que la cour, d'une part, a commis une erreur de droit et dénaturé les pièces du dossier en retenant les vices tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article UC 10 du règlement du plan local d'urbanisme et, d'autre part, a dénaturé les pièces du dossier en retenant le vice tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en ce qui concerne les modalités de réalisation des travaux de confortement des constructions projetées. Par ailleurs, le motif tiré de la méconnaissance de R. 111-2 du code de l'urbanisme en ce qui concerne le recueil des eaux pluviales apparaît susceptible de faire l'objet d'une mesure de régularisation en application de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme et n'est, par suite, pas de nature à justifier à lui seul le refus de la cour de faire application de ces dispositions.
12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, qu'il y a lieu de faire droit aux conclusions à fin d'annulation de l'arrêt attaqué, présentées par la société Erilia.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société Erilia, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des consorts E... le versement à la société Erilia d'une somme de 3 000 euros au titre de ces dispositions.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 24 mai 2018 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles.
Article 3 : Les consorts E... verseront à la société Erilia une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par les consorts E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Erilia, à Mme D... E... et M. B... E....
Copie en sera adressée et à la commune de Villennes-sur-Seine.
N° 422576
ECLI:FR:Code Inconnu:2020:422576.20200212
Inédit au recueil Lebon
6ème - 5ème chambres réunies
Mme Carine Chevrier, rapporteur
M. Stéphane Hoynck, rapporteur public
SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN ; SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER, avocats
Lecture du mercredi 12 février 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
M. et Mme A... et Catherine E... ont demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler, d'une part, l'arrêté du 1er mars 2013 par lequel le maire de Villennes-sur-Seine a accordé à la société Erilia un permis pour la construction de deux immeubles et trois groupes de maisons individuelles comportant vingt-six logements sur un terrain situé rue des Renardières et, d'autre part, l'arrêté du 5 juin 2014 par lequel il a accordé à cette société un permis modificatif. Par un jugement n° 1302531-1405513 du 5 février 2016, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leurs demandes.
Par un arrêt n° 16VE00933 du 24 mai 2018, la cour administrative d'appel de Versailles, saisie par Mme E... et M. B... E..., venant aux droits de son père, a annulé ce jugement ainsi que les arrêtés attaqués.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 juillet, le 10 octobre 2018 et le 18 mars 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Erilia demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de M. et Mme E... ;
3°) de mettre à la charge de M. et Mme E... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Carine Chevrier, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la société Erilia et à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de Mme C... et autre ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 1er mars 2013, le maire de Villennes-sur-Seine (Yvelines) a délivré à la société Erilia un permis de construire pour la construction de deux immeubles et trois groupes de maisons individuelles comportant vingt-six logements. Un permis de construire modificatif a été délivré par arrêté du 5 juin 2014. Par un jugement du 5 février 2016, le tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de M. et Mme E... tendant à l'annulation de ces arrêtés. Par un arrêt du 24 mai 2018, sur appel de Mme E... et de M. B... E..., venant aux droits de son père, la cour administrative d'appel de Versailles a annulé ce jugement ainsi que les arrêtés du maire de Villennes-sur-Seine du 1er mars 2013 et du 5 juin 2014, après avoir accueilli deux moyens tirés, d'une part, de la méconnaissance de l'article UC 10 du règlement du plan local d'urbanisme de Villennes-sur-Seine relatif à la hauteur des constructions et, d'autre part, de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le maire de cette commune dans l'application des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme faute d'avoir assorti le permis de construire de prescriptions relatives aux risques d'effondrement et de déstabilisation de la zone d'assiette du projet. La société Erilia se pourvoit en cassation contre cet arrêt.
Sur l'arrêt en tant qu'il statue sur la légalité des arrêtés portant permis de construire
2. En premier lieu, aux termes de l'article UC 10 du règlement du plan local d'urbanisme de Villennes-sur-Seine : " 10.1 Dispositions générales applicables en zone UC / La hauteur ne doit pas excéder un étage droit sur rez-de-chaussée plus un comble aménageable. / 10.2 En outre, en zone UC, à l'exclusion du secteur UCe / La hauteur ne doit pas excéder 9,50 mètres. (...) ". Le lexique de ce règlement définit les combles comme " l'étage constitué par l'espace entre le plancher haut et la toiture du bâtiment ". Il en résulte que le dernier niveau d'un bâtiment doit être regardé comme constituant un " étage droit " au sens de ces dispositions s'il est établi qu'il peut être aménagé en niveau habitable sans qu'il soit nécessaire d'y intégrer le volume situé au-dessus de l'égout du toit. Dans le cas contraire, le dernier niveau constitue des combles aménageables au sens de ces dispositions.
3. D'une part, s'agissant de l'immeuble identifié comme étant le " bâtiment A ", il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour a relevé que son dernier niveau, d'une surface de plancher de 148,6 m², est aménagé, sans aucun retrait de façade, en deux appartements de 3 et 4 pièces d'une hauteur sous plafond allant jusqu'à 2,60 m et que, hormis une surface supplémentaire de 37,9 m² située sous la toiture à une hauteur inférieure à 1,80 m, le plafond de ces deux appartements est en grande partie séparé de la toiture par un espace non aménageable d'une hauteur d'un mètre sous l'arête du toit. En déduisant de ces énonciations que le dernier niveau de ce bâtiment devait être regardé comme un étage droit supplémentaire et non comme des combles aménageables au sens des dispositions citées précédemment, sans rechercher s'il pouvait être aménagé en niveau habitable sans qu'il soit nécessaire d'y intégrer le volume situé au-dessus de l'égout du toit, la cour a commis une erreur de droit.
4. D'autre part, s'agissant de l'immeuble identifié comme étant le " bâtiment B ", en estimant que le dernier niveau est aménagé sans aucun retrait de façade, pour en déduire qu'il ne pouvait être qualifié de combles aménageables au sens du règlement du plan local d'urbanisme, alors qu'il ressort des pièces du dossier qui lui était soumis que ce niveau est situé en totalité au-dessus de l'égout du toit et marque une rupture de pente avec l'alignement droit de l'étage inférieur, seules certaines des fenêtres étant disposées en saillie dans la continuité de la façade, la cour administrative d'appel de Versailles a entaché son arrêt de dénaturation.
5. En deuxième lieu, d'une part, en vertu de l'article L. 562-1 du code de l'environnement, les plans de prévention des risques naturels prévisibles tels que les inondations, les mouvements de terrain, les avalanches, les incendies de forêt, les séismes, les éruptions volcaniques, les tempêtes ou les cyclones, ont notamment pour objet de délimiter les zones selon leur exposition aux risques et d'y interdire tout type de construction, d'ouvrage, d'aménagement ou d'exploitation agricole, forestière, artisanale, commerciale ou industrielle ou de prescrire les conditions dans lesquelles les constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations doivent être réalisés, utilisés ou exploités. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 562-4 du code de l'environnement dans sa version alors en vigueur : " Le plan de prévention des risques naturels prévisibles approuvé vaut servitude d'utilité publique. Il est annexé au plan local d'urbanisme, conformément à l'article L. 126-1 du code de l'urbanisme. ". En vertu de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme, le dossier joint à la demande de permis de construire comprend, lorsque la construction projetée est subordonnée par un plan de prévention des risques naturels prévisibles " à la réalisation d'une étude préalable permettant d'en déterminer les conditions de réalisation, d'utilisation ou d'exploitation, une attestation établie par l'architecte du projet ou par un expert certifiant la réalisation de cette étude et constatant que le projet prend en compte ces conditions au stade de la conception ". D'autre part, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme alors applicable : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. "
6. Il résulte de ces dispositions que les prescriptions d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles, destinées notamment à assurer la sécurité des personnes et des biens exposés aux risques d'inondation et valant servitude d'utilité publique, s'imposent directement aux autorisations de construire, sans que l'autorité administrative soit tenue de reprendre ces prescriptions dans le cadre de la délivrance du permis de construire. Il incombe toutefois à l'autorité compétente pour délivrer une autorisation d'urbanisme, si les particularités de la situation qu'il lui appartient d'apprécier l'exigent, de préciser dans l'autorisation, le cas échéant, les conditions d'application d'une prescription générale contenue dans le plan ou de subordonner, en application des dispositions précitées de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, la délivrance du permis de construire sollicité à d'autres prescriptions spéciales, si elles lui apparaissent nécessaires, que celles du plan de prévention des risques naturels prévisibles.
7. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les parcelles faisant l'objet des permis de construire contestés sont classées en partie en zone bleue B2 par le plan de prévention des risques naturels prévisibles de mouvements de terrain liés aux anciennes carrières souterraines de gypse abandonnées, où l'implantation de projets nouveaux est autorisée sous réserve de prescriptions qu'il édicte. A ce titre, les dispositions de son article 4 prévoient que les réseaux d'eaux pluviales doivent être étanches et interdisent " les rejets dans le milieu naturel ", et celles de son article 11 prévoient " la recherche de vides éventuels au droit de la surface au sol du projet augmentée, à sa périphérie, de celle de la zone de protection adoptée pour le site " et disposent que " le bénéficiaire de (...) permis de construire (...) a l'obligation de se conformer aux conditions spéciales qui lui sont prescrites par les autorités, préalablement à (...) la réalisation des constructions projetées (...). Quel que soit le résultat de la recherche de vide (...) tous les projets de construction (...) font l'objet de dispositions visant à garantir leur stabilité vis-à-vis des tassements des sols. (...) ".
8. Après avoir relevé, d'une part, que l'avis de l'inspection générale des carrières du 26 mai 2014 recommandait " que les réseaux d'eaux pluviales (...) soient raccordés aux infrastructures publiques, soient étanches et fassent l'objet de contrôle d'étanchéité " et que " Les rejets directs dans le milieu naturel (...) sont à proscrire (...) " et, d'autre part, que le projet litigieux, qui comportait de nombreuses constructions sur un terrain en déclivité naturelle, se bornait à prévoir le recueil des eaux pluviales dans la partie basse du terrain sans comporter d'autres éléments de nature à éviter leur rejet dans le milieu naturel, c'est sans erreur droit ni dénaturation que la cour a estimé que le maire a entaché l'autorisation litigieuse d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en n'assortissant pas le permis de construire de prescriptions portant sur la prévention ce risque. En revanche, la cour a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis en estimant que l'autorisation était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des mêmes dispositions, au motif qu'elle ne comporte pas de prescriptions suffisantes relatives à la réalisation de travaux de confortement des construction projetées, alors qu'elle avait relevé que le permis de construire modificatif l'avait assortie d'une prescription imposant au pétitionnaire de " se mettre en rapport avec (...) l'inspection générale des carrières, afin d'arrêter les modalités de réalisation de la construction projetée " et qu' " il devra se conformer aux directives reçues ".
Sur l'arrêt en tant qu'il statue sur l'application des dispositions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme :
9. Aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable : " Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire (...) estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé par un permis modificatif, peut limiter à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixer le délai dans lequel le titulaire du permis pourra en demander la régularisation. "
10. Saisi d'un pourvoi dirigé contre une décision juridictionnelle retenant plusieurs motifs d'illégalité d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, puis refusant de faire usage des dispositions des articles L. 600-5 ou L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, le juge de cassation, dans le cas où il censure une partie de ces motifs, ne peut rejeter le pourvoi qu'après avoir vérifié si les autres motifs retenus et qui demeurent justifient ce refus.
11. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour a annulé les arrêtés attaqués après avoir décidé de ne pas faire application des dispositions des articles L. 600-5 du code de l'urbanisme au motif que les illégalités qu'elle a constatées, eu égard notamment aux caractéristiques du terrain d'assiette du projet et de l'ampleur des constructions projetées, n'apparaissent pas régularisables sans que soient notamment diligentées des études complémentaires susceptibles de remettre en cause la conception générale du projet. Cependant, il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que la cour, d'une part, a commis une erreur de droit et dénaturé les pièces du dossier en retenant les vices tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article UC 10 du règlement du plan local d'urbanisme et, d'autre part, a dénaturé les pièces du dossier en retenant le vice tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en ce qui concerne les modalités de réalisation des travaux de confortement des constructions projetées. Par ailleurs, le motif tiré de la méconnaissance de R. 111-2 du code de l'urbanisme en ce qui concerne le recueil des eaux pluviales apparaît susceptible de faire l'objet d'une mesure de régularisation en application de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme et n'est, par suite, pas de nature à justifier à lui seul le refus de la cour de faire application de ces dispositions.
12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, qu'il y a lieu de faire droit aux conclusions à fin d'annulation de l'arrêt attaqué, présentées par la société Erilia.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société Erilia, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des consorts E... le versement à la société Erilia d'une somme de 3 000 euros au titre de ces dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 24 mai 2018 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles.
Article 3 : Les consorts E... verseront à la société Erilia une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par les consorts E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Erilia, à Mme D... E... et M. B... E....
Copie en sera adressée et à la commune de Villennes-sur-Seine.