Conseil d'État
N° 415475
ECLI:FR:CECHR:2020:415475.20200212
Mentionné aux tables du recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
Mme Cécile Viton, rapporteur
Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public
SCP RICHARD, avocats
Lecture du mercredi 12 février 2020
Vu la procédure suivante :
M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis à hauteur de 25 976 euros à raison d'une plus-value immobilière réalisée le 15 mai 2012. Par un jugement no 1400279 du 30 juin 2015, le tribunal a fait partiellement droit à cette demande en réduisant à 19 % le taux du prélèvement et a rejeté le surplus de leur demande.
Par un arrêt n° 15VE02792 du 12 octobre 2017, la cour administrative d'appel de Versailles a fait droit à l'appel de M. et Mme A... contre ce jugement et prononcé la décharge du surplus de l'imposition en cause.
Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 6 novembre 2017 et 13 décembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'action et des comptes publics demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention du 9 septembre 1966 entre la France et la Suisse en vue d'éliminer les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l'évasion fiscales ;
- le code général des impôts ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Cécile Viton, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Richard, avocat de M. et Mme B... A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme A..., alors résidents fiscaux suisses, ont réalisé le 15 mai 2012, à l'occasion de la cession de leur bien immobilier situé rue Chabrol à Paris, une plus-value qui a été soumise en France au prélèvement d'un tiers prévu par l'article 244 bis A du code général des impôts. Par voie de réclamation adressée à l'administration fiscale, ils ont demandé à être déchargés de cette imposition en invoquant le bénéfice de l'exonération prévue au 1° bis du II de l'article 150 U du même code et, à titre subsidiaire, l'application d'un taux réduit de 19 %. A la suite du rejet de cette réclamation par l'administration, M. et Mme A... ont saisi le tribunal administratif de Montreuil qui, par un jugement du 30 juin 2015, a partiellement fait droit à leur demande en jugeant que s'ils ne pouvaient, faute d'être résidents fiscaux à la date de la cession de leur bien, être exonérés de l'imposition en litige, ils étaient fondés, en application des dispositions de l'article 15-4 de la convention fiscale franco-suisse, à bénéficier du taux d'imposition de 19 % applicable aux plus-values de cession de biens immobiliers pour les résidents fiscaux français. Le ministre de l'action et des comptes publics se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 12 octobre 2017 de la cour administrative d'appel de Versailles qui a prononcé la décharge du reliquat d'imposition restant à la charge de M. et Mme A....
2. En application du paragraphe I de l'article 244 bis A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'imposition en litige, les personnes physiques qui ne sont pas fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B du même code, sont soumises, sous réserve des conventions internationales, à un prélèvement spécifique sur les plus-values résultant, notamment, de la cession de biens immobiliers. Le 1° du paragraphe II de cet article 244 bis A prévoit que, lorsque ce prélèvement est dû par des contribuables assujettis à l'impôt sur le revenu, les plus-values sont déterminées selon les modalités définies " Au I et aux 2° à 9° du II de l'article 150 U, aux II et III de l'article 150 UB et aux articles 150 V à 150 VD ".
3. Le paragraphe II de l'article 150 U du code général des impôts liste les cas d'exonération d'imposition sur la plus-value réalisée. Le renvoi, par le 1° du paragraphe II de l'article 244 bis A du même code, aux seuls 2° à 9° du paragraphe II de cet article 150 U a pour effet d'exclure les personnes physiques non fiscalement domiciliées en France lors de la cession de leur bien immobilier du bénéfice de l'exonération prévue en faveur de la première cession d'un logement autre que la résidence principale. Prévue par le 1° bis du paragraphe II de cet article 150 U, cette exonération s'applique lorsque le cédant n'a pas été propriétaire de sa résidence principale, directement ou par personne interposée, au cours des quatre années précédant la cession. Cette exonération est limitée à une seule cession et à la fraction du prix de cession employé, dans un délai de vingt-quatre mois à compter de la cession, à l'acquisition d'une résidence principale.
4. Toutefois, aux termes de l'article 15 de la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966 en vue d'éliminer les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l'évasion fiscales : " 1. Les gains provenant de l'aliénation des biens immobiliers, tels qu'ils sont définis à l'alinéa 1er du paragraphe 2 de l'article 6, sont imposable dans l'Etat contractant où ces biens sont situés. (...) /. 4. Les gains provenant de l'aliénation des biens mentionnés aux paragraphes 1, 2 et 3, tels qu'ils sont retenus pour l'assiette de l'impôt sur les plus-values, sont calculés dans les mêmes conditions, que le bénéficiaire soit résident de l'un ou de l'autre Etat contractant. Si ces gains sont soumis dans un Etat contractant à prélèvement libératoire de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, ce prélèvement est calculé dans les mêmes conditions, que le bénéficiaire soit résident de l'un ou de l'autre Etat contractant. ". Ces stipulations doivent être interprétées en ce sens que les plus-values résultant de la cession de biens immobiliers sont imposées dans les mêmes conditions que le bénéficiaire soit résident fiscal français ou suisse, ce qui implique notamment qu'un résident suisse ne peut être exclu du bénéfice de l'exonération prévue par le 1° bis du paragraphe II de l'article 150 U du code général des impôts, s'il en remplit les conditions.
5. Par suite, la cour administrative d'appel de Versailles a entaché son arrêt d'une erreur de droit en omettant de rechercher si, au vu du dossier qui lui était soumis, les requérants remplissaient les conditions pour bénéficier de l'exonération prévue au 1° bis du II de l'article 150 U du code général des impôts. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les moyens du pourvoi, le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 12 octobre 2017 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'action et des comptes publics et à M. et Mme B... A....
N° 415475
ECLI:FR:CECHR:2020:415475.20200212
Mentionné aux tables du recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
Mme Cécile Viton, rapporteur
Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public
SCP RICHARD, avocats
Lecture du mercredi 12 février 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis à hauteur de 25 976 euros à raison d'une plus-value immobilière réalisée le 15 mai 2012. Par un jugement no 1400279 du 30 juin 2015, le tribunal a fait partiellement droit à cette demande en réduisant à 19 % le taux du prélèvement et a rejeté le surplus de leur demande.
Par un arrêt n° 15VE02792 du 12 octobre 2017, la cour administrative d'appel de Versailles a fait droit à l'appel de M. et Mme A... contre ce jugement et prononcé la décharge du surplus de l'imposition en cause.
Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 6 novembre 2017 et 13 décembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'action et des comptes publics demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention du 9 septembre 1966 entre la France et la Suisse en vue d'éliminer les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l'évasion fiscales ;
- le code général des impôts ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Cécile Viton, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Richard, avocat de M. et Mme B... A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme A..., alors résidents fiscaux suisses, ont réalisé le 15 mai 2012, à l'occasion de la cession de leur bien immobilier situé rue Chabrol à Paris, une plus-value qui a été soumise en France au prélèvement d'un tiers prévu par l'article 244 bis A du code général des impôts. Par voie de réclamation adressée à l'administration fiscale, ils ont demandé à être déchargés de cette imposition en invoquant le bénéfice de l'exonération prévue au 1° bis du II de l'article 150 U du même code et, à titre subsidiaire, l'application d'un taux réduit de 19 %. A la suite du rejet de cette réclamation par l'administration, M. et Mme A... ont saisi le tribunal administratif de Montreuil qui, par un jugement du 30 juin 2015, a partiellement fait droit à leur demande en jugeant que s'ils ne pouvaient, faute d'être résidents fiscaux à la date de la cession de leur bien, être exonérés de l'imposition en litige, ils étaient fondés, en application des dispositions de l'article 15-4 de la convention fiscale franco-suisse, à bénéficier du taux d'imposition de 19 % applicable aux plus-values de cession de biens immobiliers pour les résidents fiscaux français. Le ministre de l'action et des comptes publics se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 12 octobre 2017 de la cour administrative d'appel de Versailles qui a prononcé la décharge du reliquat d'imposition restant à la charge de M. et Mme A....
2. En application du paragraphe I de l'article 244 bis A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'imposition en litige, les personnes physiques qui ne sont pas fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B du même code, sont soumises, sous réserve des conventions internationales, à un prélèvement spécifique sur les plus-values résultant, notamment, de la cession de biens immobiliers. Le 1° du paragraphe II de cet article 244 bis A prévoit que, lorsque ce prélèvement est dû par des contribuables assujettis à l'impôt sur le revenu, les plus-values sont déterminées selon les modalités définies " Au I et aux 2° à 9° du II de l'article 150 U, aux II et III de l'article 150 UB et aux articles 150 V à 150 VD ".
3. Le paragraphe II de l'article 150 U du code général des impôts liste les cas d'exonération d'imposition sur la plus-value réalisée. Le renvoi, par le 1° du paragraphe II de l'article 244 bis A du même code, aux seuls 2° à 9° du paragraphe II de cet article 150 U a pour effet d'exclure les personnes physiques non fiscalement domiciliées en France lors de la cession de leur bien immobilier du bénéfice de l'exonération prévue en faveur de la première cession d'un logement autre que la résidence principale. Prévue par le 1° bis du paragraphe II de cet article 150 U, cette exonération s'applique lorsque le cédant n'a pas été propriétaire de sa résidence principale, directement ou par personne interposée, au cours des quatre années précédant la cession. Cette exonération est limitée à une seule cession et à la fraction du prix de cession employé, dans un délai de vingt-quatre mois à compter de la cession, à l'acquisition d'une résidence principale.
4. Toutefois, aux termes de l'article 15 de la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966 en vue d'éliminer les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l'évasion fiscales : " 1. Les gains provenant de l'aliénation des biens immobiliers, tels qu'ils sont définis à l'alinéa 1er du paragraphe 2 de l'article 6, sont imposable dans l'Etat contractant où ces biens sont situés. (...) /. 4. Les gains provenant de l'aliénation des biens mentionnés aux paragraphes 1, 2 et 3, tels qu'ils sont retenus pour l'assiette de l'impôt sur les plus-values, sont calculés dans les mêmes conditions, que le bénéficiaire soit résident de l'un ou de l'autre Etat contractant. Si ces gains sont soumis dans un Etat contractant à prélèvement libératoire de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, ce prélèvement est calculé dans les mêmes conditions, que le bénéficiaire soit résident de l'un ou de l'autre Etat contractant. ". Ces stipulations doivent être interprétées en ce sens que les plus-values résultant de la cession de biens immobiliers sont imposées dans les mêmes conditions que le bénéficiaire soit résident fiscal français ou suisse, ce qui implique notamment qu'un résident suisse ne peut être exclu du bénéfice de l'exonération prévue par le 1° bis du paragraphe II de l'article 150 U du code général des impôts, s'il en remplit les conditions.
5. Par suite, la cour administrative d'appel de Versailles a entaché son arrêt d'une erreur de droit en omettant de rechercher si, au vu du dossier qui lui était soumis, les requérants remplissaient les conditions pour bénéficier de l'exonération prévue au 1° bis du II de l'article 150 U du code général des impôts. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les moyens du pourvoi, le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 12 octobre 2017 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'action et des comptes publics et à M. et Mme B... A....