Conseil d'État
N° 420567
ECLI:FR:CECHR:2020:420567.20200207
Mentionné aux tables du recueil Lebon
3ème - 8ème chambres réunies
Mme Déborah Coricon, rapporteur
M. Laurent Cytermann, rapporteur public
GOLDMAN ; SCP LYON-CAEN, THIRIEZ, avocats
Lecture du vendredi 7 février 2020
Vu la procédure suivante :
Par une décision du 21 novembre 2018, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi de M. A... D... dirigées contre l'arrêt du 28 décembre 2017 de la cour administrative d'appel de Versailles en tant seulement que cet arrêt a rejeté ses demandes portant sur les frais de transport réclamés au titre de l'année 2011 et sur le versement des intérêts légaux sur les sommes destinées à compenser les rémunérations qui auraient dû être versées.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code monétaire et financier ;
- le décret n° 2010-676 du 21 juin 2010 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Déborah Coricon, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. C... Cytermann, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Goldman Laurent, avocat de M. D... et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la commune de Nanterre ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. D... a été recruté le 1er avril 2011 par la commune de Nanterre en qualité de vacataire, afin d'assurer le remplacement de gardiens titulaires les week-ends, jours fériés et pendant les périodes de vacances scolaires. Par une décision du 24 mars 2014, le maire de Nanterre a rejeté la demande formulée par l'intéressé le 16 février 2014 tendant à la requalification de son contrat de vacataire en contrat d'agent non titulaire, avec les conséquences financières qui en découlent, et à ce qu'une indemnité de 15 000 euros lui soit versée en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis. Par un jugement du 29 février 2016, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a partiellement fait droit à ses demandes en annulant la décision du 24 mars 2014 et en enjoignant au maire de Nanterre de réexaminer la situation de l'intéressé et de lui verser, le cas échéant, la différence entre les rémunérations qu'il aurait dû percevoir en qualité d'agent non titulaire et celles effectivement perçues en qualité de vacataire. M. D... s'est pourvu en cassation contre l'arrêt du 28 décembre 2017 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles n'a que partiellement fait droit à ses conclusions d'appel. Par décision du 21 novembre 2018, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux n'a admis les conclusions de son pourvoi qu'en tant, d'une part, que la cour a rejeté ses conclusions à fin d'exécution du jugement du 29 février 2016 portant sur le remboursement partiel de ses frais de transport au titre de l'année 2011, d'autre part, que la cour lui a refusé le versement des intérêts au taux légal puis au taux majoré sur la somme de 29 142, 89 euros qui lui a été allouée, au titre de la régularisation de sa rémunération.
Sur la contestation relative à la prise en charge des frais de transport au titre de l'année 2011 :
2. Aux termes de l'article 1er du décret du 21 juin 2010 instituant une prise en charge partielle du prix des titres d'abonnement correspondant aux déplacements effectués par les agents publics entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail : " En application de l'article L. 3261-2 du code du travail, les fonctionnaires relevant de la loi du 13 juillet 1983 susvisée, les autres personnels civils de l'Etat, des collectivités territoriales, de leurs établissements publics administratifs, des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée, les agents publics des groupements d'intérêt public ainsi que les magistrats et les militaires bénéficient, dans les conditions prévues au présent décret, de la prise en charge partielle du prix des titres d'abonnement correspondant aux déplacements effectués au moyen de transports publics de voyageurs et de services publics de location de vélos entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail ".
3. Il résulte de ces dispositions qu'elles ouvrent droit à la prise en charge partielle du prix des titres d'abonnement de transport à tous les " personnels civils " des collectivités et établissements qu'elles visent, au nombre desquels figurent les agents vacataires. Par ailleurs, les dispositions de l'article 7 du même décret ne prévoient une modulation de cette prise en charge qu'en fonction du nombre d'heures travaillées, indépendamment du statut des agents. Ainsi, M. D... avait droit à cette prise en charge indépendamment de la qualification donnée à son contrat de travail. Par suite, en jugeant que le refus opposé par la commune de Nanterre, au motif de la prescription de cette créance, au versement à M. D... des sommes représentatives de cette prise en charge au titre de l'année 2011 relevait d'un litige distinct de celui qui a été tranché par le jugement du 29 février 2016 requalifiant le contrat de vacataire de l'intéressé en contrat d'agent non titulaire, dont il n'appartenait pas au juge de l'exécution de connaître, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit.
Sur le paiement des intérêts au taux légal sur les sommes versées au titre de la régularisation des rémunérations :
4. Aux termes de l'article 1153-1 du code civil, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " En toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement (...) ". Aux termes de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier : " En cas de condamnation pécuniaire par décision de justice le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire ".
5. Par son jugement du 29 février 2016, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, d'une part, annulé pour excès de pouvoir la décision du maire de Nanterre du 24 mars 2014 refusant de requalifier en contrat d'agent non titulaire le contrat de M. D... et, d'autre part, enjoint à la commune de reconnaître à l'intéressé la qualité d'agent non titulaire relevant du décret du 15 février 1988 et de lui verser les sommes qu'il aurait perçues si cette qualité lui avait été reconnue depuis le 1er janvier 2011. En jugeant que l'intéressé ne pouvait prétendre, en exécution de ce jugement du tribunal administratif, au bénéfice d'intérêts moratoires sur la somme de 29 142, 89 euros qui lui a été allouée au titre de la régularisation de sa rémunération, au motif que, par ce jugement, le tribunal avait seulement tranché un litige d'excès de pouvoir et qu'il ne pouvait dès lors constituer une condamnation à une indemnité au sens des dispositions de l'article 1153-1 du code civil et une condamnation pécuniaire au sens de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.
6. Il résulte de ce qui précède que M. D... est fondé, dans cette mesure, à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B..., avocat de M. D..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de la commune de Nanterre le versement à Me B... de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Les dispositions de l'article L. 761-1 font en revanche obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur leur fondement par la commune de Nanterre.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 28 décembre 2017 est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de M. D... portant sur le versement des intérêts au taux légal sur les sommes devant lui être versées au titre de la régularisation de ses rémunérations.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Versailles.
Article 3 : La commune de Nanterre versera à Me C... B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi et les conclusions présentées par la commune de Nanterre au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A... D... et à la commune de Nanterre.
N° 420567
ECLI:FR:CECHR:2020:420567.20200207
Mentionné aux tables du recueil Lebon
3ème - 8ème chambres réunies
Mme Déborah Coricon, rapporteur
M. Laurent Cytermann, rapporteur public
GOLDMAN ; SCP LYON-CAEN, THIRIEZ, avocats
Lecture du vendredi 7 février 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une décision du 21 novembre 2018, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi de M. A... D... dirigées contre l'arrêt du 28 décembre 2017 de la cour administrative d'appel de Versailles en tant seulement que cet arrêt a rejeté ses demandes portant sur les frais de transport réclamés au titre de l'année 2011 et sur le versement des intérêts légaux sur les sommes destinées à compenser les rémunérations qui auraient dû être versées.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code monétaire et financier ;
- le décret n° 2010-676 du 21 juin 2010 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Déborah Coricon, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. C... Cytermann, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Goldman Laurent, avocat de M. D... et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la commune de Nanterre ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. D... a été recruté le 1er avril 2011 par la commune de Nanterre en qualité de vacataire, afin d'assurer le remplacement de gardiens titulaires les week-ends, jours fériés et pendant les périodes de vacances scolaires. Par une décision du 24 mars 2014, le maire de Nanterre a rejeté la demande formulée par l'intéressé le 16 février 2014 tendant à la requalification de son contrat de vacataire en contrat d'agent non titulaire, avec les conséquences financières qui en découlent, et à ce qu'une indemnité de 15 000 euros lui soit versée en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis. Par un jugement du 29 février 2016, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a partiellement fait droit à ses demandes en annulant la décision du 24 mars 2014 et en enjoignant au maire de Nanterre de réexaminer la situation de l'intéressé et de lui verser, le cas échéant, la différence entre les rémunérations qu'il aurait dû percevoir en qualité d'agent non titulaire et celles effectivement perçues en qualité de vacataire. M. D... s'est pourvu en cassation contre l'arrêt du 28 décembre 2017 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles n'a que partiellement fait droit à ses conclusions d'appel. Par décision du 21 novembre 2018, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux n'a admis les conclusions de son pourvoi qu'en tant, d'une part, que la cour a rejeté ses conclusions à fin d'exécution du jugement du 29 février 2016 portant sur le remboursement partiel de ses frais de transport au titre de l'année 2011, d'autre part, que la cour lui a refusé le versement des intérêts au taux légal puis au taux majoré sur la somme de 29 142, 89 euros qui lui a été allouée, au titre de la régularisation de sa rémunération.
Sur la contestation relative à la prise en charge des frais de transport au titre de l'année 2011 :
2. Aux termes de l'article 1er du décret du 21 juin 2010 instituant une prise en charge partielle du prix des titres d'abonnement correspondant aux déplacements effectués par les agents publics entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail : " En application de l'article L. 3261-2 du code du travail, les fonctionnaires relevant de la loi du 13 juillet 1983 susvisée, les autres personnels civils de l'Etat, des collectivités territoriales, de leurs établissements publics administratifs, des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée, les agents publics des groupements d'intérêt public ainsi que les magistrats et les militaires bénéficient, dans les conditions prévues au présent décret, de la prise en charge partielle du prix des titres d'abonnement correspondant aux déplacements effectués au moyen de transports publics de voyageurs et de services publics de location de vélos entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail ".
3. Il résulte de ces dispositions qu'elles ouvrent droit à la prise en charge partielle du prix des titres d'abonnement de transport à tous les " personnels civils " des collectivités et établissements qu'elles visent, au nombre desquels figurent les agents vacataires. Par ailleurs, les dispositions de l'article 7 du même décret ne prévoient une modulation de cette prise en charge qu'en fonction du nombre d'heures travaillées, indépendamment du statut des agents. Ainsi, M. D... avait droit à cette prise en charge indépendamment de la qualification donnée à son contrat de travail. Par suite, en jugeant que le refus opposé par la commune de Nanterre, au motif de la prescription de cette créance, au versement à M. D... des sommes représentatives de cette prise en charge au titre de l'année 2011 relevait d'un litige distinct de celui qui a été tranché par le jugement du 29 février 2016 requalifiant le contrat de vacataire de l'intéressé en contrat d'agent non titulaire, dont il n'appartenait pas au juge de l'exécution de connaître, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit.
Sur le paiement des intérêts au taux légal sur les sommes versées au titre de la régularisation des rémunérations :
4. Aux termes de l'article 1153-1 du code civil, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " En toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement (...) ". Aux termes de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier : " En cas de condamnation pécuniaire par décision de justice le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire ".
5. Par son jugement du 29 février 2016, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, d'une part, annulé pour excès de pouvoir la décision du maire de Nanterre du 24 mars 2014 refusant de requalifier en contrat d'agent non titulaire le contrat de M. D... et, d'autre part, enjoint à la commune de reconnaître à l'intéressé la qualité d'agent non titulaire relevant du décret du 15 février 1988 et de lui verser les sommes qu'il aurait perçues si cette qualité lui avait été reconnue depuis le 1er janvier 2011. En jugeant que l'intéressé ne pouvait prétendre, en exécution de ce jugement du tribunal administratif, au bénéfice d'intérêts moratoires sur la somme de 29 142, 89 euros qui lui a été allouée au titre de la régularisation de sa rémunération, au motif que, par ce jugement, le tribunal avait seulement tranché un litige d'excès de pouvoir et qu'il ne pouvait dès lors constituer une condamnation à une indemnité au sens des dispositions de l'article 1153-1 du code civil et une condamnation pécuniaire au sens de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.
6. Il résulte de ce qui précède que M. D... est fondé, dans cette mesure, à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B..., avocat de M. D..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de la commune de Nanterre le versement à Me B... de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Les dispositions de l'article L. 761-1 font en revanche obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur leur fondement par la commune de Nanterre.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 28 décembre 2017 est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de M. D... portant sur le versement des intérêts au taux légal sur les sommes devant lui être versées au titre de la régularisation de ses rémunérations.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Versailles.
Article 3 : La commune de Nanterre versera à Me C... B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi et les conclusions présentées par la commune de Nanterre au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A... D... et à la commune de Nanterre.