Conseil d'État
N° 418797
ECLI:FR:CECHR:2020:418797.20200130
Publié au recueil Lebon
10ème - 9ème chambres réunies
Mme Myriam Benlolo Carabot, rapporteur
M. Alexandre Lallet, rapporteur public
SCP GHESTIN, avocats
Lecture du jeudi 30 janvier 2020
Vu la procédure suivante :
La société par actions simplifiée Cutting Tools Management Services a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler les décisions implicites par lesquelles le directeur du contrôle fiscal Sud-Est Outre-Mer a rejeté ses demandes de communication de son dossier fiscal.
Par un jugement n° 1603715 du 8 février 2018, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, deux mémoires en réplique, enregistrés les 6 mars et 5 juin 2018 et les 12 mars et 29 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Cutting Tools Management Services demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Myriam Benlolo Carabot, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Ghestin, avocat de la société Cutting Tools Management Services ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'une vérification de comptabilité au terme de laquelle elle a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de rappels de TVA, la société Cutting Tools Management Services a, le 25 août 2015, demandé à l'administration fiscale la communication de la copie de son dossier fiscal. La commission d'accès aux documents administratifs a émis un avis favorable à sa demande le 21 janvier 2016. La société Cutting Tools Management Services se pourvoit en cassation contre le jugement en date du 8 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande d'annulation des décisions implicites du directeur du contrôle fiscal Sud-Est Outre-Mer refusant de lui communiquer l'ensemble des pièces composant son dossier fiscal.
Sur les conclusions dirigées contre le jugement en tant qu'il a statué sur la demande de communication des documents du dossier fiscal de la société requérante figurant sur son espace personnel sur le site " impots.gouv.fr " :
2. L'article L. 311-1 du code des relations entre le public et l'administration, dans sa rédaction antérieure à la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique, applicable à la date des décisions attaquées, dispose que : " Sous réserve des dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-6, les administrations mentionnées à l'article L. 300-2 sont tenues de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent livre. ". Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 311-2 du même code : " L'administration n'est pas tenue de donner suite aux demandes abusives, en particulier par leur nombre ou leur caractère répétitif ou systématique. ". Aux termes de l'article L. 311-9 du code des relations entre le public et l'administration, dans sa rédaction alors applicable : " L'accès aux documents administratifs s'exerce, au choix du demandeur et dans la limite des possibilités techniques de l'administration : 1° Par consultation gratuite sur place, sauf si la préservation du document ne le permet pas ; 2° Sous réserve que la production ne nuise pas à la conservation du document, par la délivrance d'une copie sur un support identique à celui utilisé par l'administration ou compatible avec celui-ci aux frais du demandeur, sans que ces frais puissent excéder le coût de cette reproduction, dans des conditions prévues par décret ; 3° Par courrier électronique et sans frais lorsque le document est disponible sous forme électronique.".
3. Dès lors que des documents administratifs sont disponibles sur un espace de stockage numérique hébergé sur une plateforme, mis à la disposition de la personne qu'elle concerne par l'administration, auquel cette personne peut librement accéder sur Internet grâce à un identifiant et un code et à partir duquel il lui est loisible de télécharger le document demandé, elle doit en principe être regardée comme détenant ces documents, au même titre que l'administration. Par suite, elle n'est pas fondée à demander à l'administration de lui en donner accès au titre des articles L. 311-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration, sauf si des circonstances particulières, notamment des difficultés de connexion à son espace personnel, font obstacle à l'accès effectif à ces documents.
4. En jugeant que la demande de la société requérante était sans objet dans la mesure où elle tendait à la communication de pièces figurant sur le compte professionnel qu'elle détient sur le site " impots.gouv.fr " sans rechercher s'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis si des circonstances particulières étaient de nature à faire obstacle à ce que cette société puisse effectivement y accéder, le tribunal administratif a entaché son jugement d'erreur de droit.
Sur les conclusions dirigées contre le jugement en tant qu'il a statué sur la communication des autres pièces sollicitées par la société requérante :
5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier qui lui était soumis que le tribunal administratif a estimé, par une appréciation souveraine exempte de toute dénaturation, que l'existence des documents valant preuves de réception de courriers émanant de l'administration fiscale demandés par la société requérante, dans le dernier état de ses écritures, n'était pas établie.
6. En second lieu, en jugeant que la question de l'existence de la preuve de la réception de divers courriers de l'administration fiscale dont la société requérante demandait la communication et des conséquences à en tirer sur la régularité de la procédure d'imposition ne pouvait pas être examinée dans le cadre du litige portant sur la communication du dossier fiscal de la contribuable, le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Cutting Tools Management Services est seulement fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque en tant qu'il a statué sur la communication des documents de son dossier fiscal figurant sur son espace personnel sur le site " impots.gouv.fr ".
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
9. En premier lieu, il est constant, d'une part, que la société Cutting Tools Management Services dispose d'un compte professionnel sur le site " impots.gouv.fr " sur lequel elle effectue d'ailleurs ses déclarations au titre de l'impôt sur les sociétés et de la TVA et procède au paiement de la cotisation foncière des entreprises et, d'autre part, que les documents de son dossier fiscal dont elle demande la communication qui figurent sur ce site lui sont librement accessibles sur cet espace personnel. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que des circonstances particulières feraient obstacle à ce que la société requérante puisse accéder effectivement à ces documents. Dans ces conditions, il résulte des motifs énoncés au point 3 que l'administration fiscale a pu légalement refuser de donner suite à la demande de communication de ces documents présentée sur le fondement des articles L. 311-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration.
10. Il résulte de ce qui précède que la société Cutting Tools Management Services n'est pas fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir des décisions lui refusant la communication des pièces de son dossier fiscal figurant sur son espace personnel sur le site " impots.gouv.fr ". Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon en date du 8 février 2018 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la société Cutting Tools Management Services relatives à la communication des documents de son dossier fiscal figurant sur son espace personnel sur le site " impots.gouv.fr ".
Article 2 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la société Cutting Tools Management Services, ses conclusions présentées devant le tribunal administratif de Toulon tendant à l'annulation des décisions rejetant sa demande de communication des documents de son dossier fiscal figurant sur son espace personnel sur le site " impots.gouv.fr " et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société par actions simplifiée Cutting Tools Management Services et au ministre de l'action et des comptes publics.
N° 418797
ECLI:FR:CECHR:2020:418797.20200130
Publié au recueil Lebon
10ème - 9ème chambres réunies
Mme Myriam Benlolo Carabot, rapporteur
M. Alexandre Lallet, rapporteur public
SCP GHESTIN, avocats
Lecture du jeudi 30 janvier 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société par actions simplifiée Cutting Tools Management Services a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler les décisions implicites par lesquelles le directeur du contrôle fiscal Sud-Est Outre-Mer a rejeté ses demandes de communication de son dossier fiscal.
Par un jugement n° 1603715 du 8 février 2018, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, deux mémoires en réplique, enregistrés les 6 mars et 5 juin 2018 et les 12 mars et 29 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Cutting Tools Management Services demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Myriam Benlolo Carabot, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Ghestin, avocat de la société Cutting Tools Management Services ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'une vérification de comptabilité au terme de laquelle elle a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de rappels de TVA, la société Cutting Tools Management Services a, le 25 août 2015, demandé à l'administration fiscale la communication de la copie de son dossier fiscal. La commission d'accès aux documents administratifs a émis un avis favorable à sa demande le 21 janvier 2016. La société Cutting Tools Management Services se pourvoit en cassation contre le jugement en date du 8 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande d'annulation des décisions implicites du directeur du contrôle fiscal Sud-Est Outre-Mer refusant de lui communiquer l'ensemble des pièces composant son dossier fiscal.
Sur les conclusions dirigées contre le jugement en tant qu'il a statué sur la demande de communication des documents du dossier fiscal de la société requérante figurant sur son espace personnel sur le site " impots.gouv.fr " :
2. L'article L. 311-1 du code des relations entre le public et l'administration, dans sa rédaction antérieure à la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique, applicable à la date des décisions attaquées, dispose que : " Sous réserve des dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-6, les administrations mentionnées à l'article L. 300-2 sont tenues de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent livre. ". Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 311-2 du même code : " L'administration n'est pas tenue de donner suite aux demandes abusives, en particulier par leur nombre ou leur caractère répétitif ou systématique. ". Aux termes de l'article L. 311-9 du code des relations entre le public et l'administration, dans sa rédaction alors applicable : " L'accès aux documents administratifs s'exerce, au choix du demandeur et dans la limite des possibilités techniques de l'administration : 1° Par consultation gratuite sur place, sauf si la préservation du document ne le permet pas ; 2° Sous réserve que la production ne nuise pas à la conservation du document, par la délivrance d'une copie sur un support identique à celui utilisé par l'administration ou compatible avec celui-ci aux frais du demandeur, sans que ces frais puissent excéder le coût de cette reproduction, dans des conditions prévues par décret ; 3° Par courrier électronique et sans frais lorsque le document est disponible sous forme électronique.".
3. Dès lors que des documents administratifs sont disponibles sur un espace de stockage numérique hébergé sur une plateforme, mis à la disposition de la personne qu'elle concerne par l'administration, auquel cette personne peut librement accéder sur Internet grâce à un identifiant et un code et à partir duquel il lui est loisible de télécharger le document demandé, elle doit en principe être regardée comme détenant ces documents, au même titre que l'administration. Par suite, elle n'est pas fondée à demander à l'administration de lui en donner accès au titre des articles L. 311-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration, sauf si des circonstances particulières, notamment des difficultés de connexion à son espace personnel, font obstacle à l'accès effectif à ces documents.
4. En jugeant que la demande de la société requérante était sans objet dans la mesure où elle tendait à la communication de pièces figurant sur le compte professionnel qu'elle détient sur le site " impots.gouv.fr " sans rechercher s'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis si des circonstances particulières étaient de nature à faire obstacle à ce que cette société puisse effectivement y accéder, le tribunal administratif a entaché son jugement d'erreur de droit.
Sur les conclusions dirigées contre le jugement en tant qu'il a statué sur la communication des autres pièces sollicitées par la société requérante :
5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier qui lui était soumis que le tribunal administratif a estimé, par une appréciation souveraine exempte de toute dénaturation, que l'existence des documents valant preuves de réception de courriers émanant de l'administration fiscale demandés par la société requérante, dans le dernier état de ses écritures, n'était pas établie.
6. En second lieu, en jugeant que la question de l'existence de la preuve de la réception de divers courriers de l'administration fiscale dont la société requérante demandait la communication et des conséquences à en tirer sur la régularité de la procédure d'imposition ne pouvait pas être examinée dans le cadre du litige portant sur la communication du dossier fiscal de la contribuable, le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Cutting Tools Management Services est seulement fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque en tant qu'il a statué sur la communication des documents de son dossier fiscal figurant sur son espace personnel sur le site " impots.gouv.fr ".
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
9. En premier lieu, il est constant, d'une part, que la société Cutting Tools Management Services dispose d'un compte professionnel sur le site " impots.gouv.fr " sur lequel elle effectue d'ailleurs ses déclarations au titre de l'impôt sur les sociétés et de la TVA et procède au paiement de la cotisation foncière des entreprises et, d'autre part, que les documents de son dossier fiscal dont elle demande la communication qui figurent sur ce site lui sont librement accessibles sur cet espace personnel. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que des circonstances particulières feraient obstacle à ce que la société requérante puisse accéder effectivement à ces documents. Dans ces conditions, il résulte des motifs énoncés au point 3 que l'administration fiscale a pu légalement refuser de donner suite à la demande de communication de ces documents présentée sur le fondement des articles L. 311-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration.
10. Il résulte de ce qui précède que la société Cutting Tools Management Services n'est pas fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir des décisions lui refusant la communication des pièces de son dossier fiscal figurant sur son espace personnel sur le site " impots.gouv.fr ". Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon en date du 8 février 2018 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la société Cutting Tools Management Services relatives à la communication des documents de son dossier fiscal figurant sur son espace personnel sur le site " impots.gouv.fr ".
Article 2 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la société Cutting Tools Management Services, ses conclusions présentées devant le tribunal administratif de Toulon tendant à l'annulation des décisions rejetant sa demande de communication des documents de son dossier fiscal figurant sur son espace personnel sur le site " impots.gouv.fr " et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société par actions simplifiée Cutting Tools Management Services et au ministre de l'action et des comptes publics.