Conseil d'État
N° 436938
ECLI:FR:CEORD:2020:436938.20200106
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés
SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO ; SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE, avocats
Lecture du lundi 6 janvier 2020
Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 20 décembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution de la décision n° 2019/51 du 4 novembre 2019 par laquelle la présidente de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) a prononcé à son encontre une mesure de suspension provisoire, à titre conservatoire, en premier lieu, de la participation directe ou indirecte à l'organisation et au déroulement de toute manifestation sportive donnant lieu à la remise de prix en argent ou en nature, et à des manifestations sportives autorisées par une fédération professionnelle ainsi qu'aux entraînements y préparant organisés par une fédération agréée ou une ligue professionnelle ou l'un des membres de celles-ci, en deuxième lieu, de l'exercice des fonctions définies à l'article L. 212-1 du code du sport, en troisième lieu, de l'exercice des fonctions de personnel d'encadrement ou de toute activité administrative au sein d'une fédération agréée ou d'une ligue professionnelle, ou de l'un des membres de celles-ci et, en dernier lieu, de la participation à toute autre activité organisée par une fédération sportive, une ligue professionnelle ou l'un de leur membre, ou le comité olympique et sportif français, ainsi qu'aux activités sportives impliquant des sportifs de niveau national ou international et financées par une personne publique, à moins que ces activités ne s'inscrivent dans des programmes ayant pour objet la prévention du dopage ;
2°) de mettre à la charge de l'AFLD le versement à la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano de la somme de 3 000 euros au titre des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la condition d'urgence est remplie, dès lors que la décision contestée lui interdit de participer à toute compétition sportive et à toute activité organisée par la fédération française d'athlétisme, ainsi que de continuer à exercer ses fonctions de professeur d'éducation physique et sportive, la prive des avantages que lui accordaient ses sponsors et porte gravement atteinte à son honneur et à sa réputation ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;
- elle est intervenue au terme d'une procédure irrégulière, dès lors que, en premier lieu, il n'est pas établi que les agents ayant procédé au contrôle antidopage et rédigé les rapports de contrôle aient été agréés et assermentés, en deuxième lieu, il n'est pas établi que le contrôle ait été préalablement autorisé par le directeur du département des contrôles de l'AFLD, en troisième lieu, la requérante n'a pas été informée de la possibilité d'accepter la suspension provisoire, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 232-23-4 du code du sport, et, enfin, la requérante n'a pas reçu notification de la décision renouvelant son inscription dans le groupe cible, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 232-15 du code du sport ;
- la décision contestée méconnaît les droits de la défense, dès lors qu'elle n'a pas été mise à même de prendre connaissance de son dossier au préalable, qu'elle n'a été invitée à présenter des observations écrites ou orales que postérieurement à l'adoption de la mesure et à sa prise d'effet et qu'elle n'a pas été informée de son droit de se faire assister par un conseil de son choix ;
- elle méconnaît également le principe de la présomption d'innocence ;
- elle est injustifiée et disproportionnée, en ce qu'elle lui interdit l'exercice de ses fonctions d'enseignante.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 décembre 2019, l'Agence française de lutte contre le dopage conclut au rejet de la requête. Elle soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et que les moyens de la requête ne sont pas propres à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée.
La ministre des sports a présenté des observations le 31 décembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution ;
- le code du sport ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'ordonnance n° 2018-1178 du 19 décembre 2018 ;
- le décret n° 2018-1283 du 27 décembre 2018 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme A... et, d'autre part, l'Agence française de lutte contre le dopage et la ministre des sports ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 3 janvier 2020 à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Rocheteau, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme A... ;
- Me Valdelièvre, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de l'Agence française de lutte contre le dopage ;
- les représentants de l'Agence française de lutte contre le dopage ;
et à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
2. Aux termes de l'article L. 232-23-4 du code du sport : " Lorsqu'un résultat d'analyse implique une substance interdite ou une méthode interdite, à l'exception d'une substance spécifiée au sens de l'annexe I à la convention internationale mentionnée à l'article L. 230-2, le président de l'Agence française de lutte contre le dopage ordonne à l'encontre du sportif, à titre conservatoire et dans l'attente de la décision de la commission des sanctions, une suspension provisoire : / 1° De la participation directe ou indirecte à l'organisation et au déroulement de toute manifestation sportive donnant lieu à une remise de prix en argent ou en nature, et à des manifestations sportives autorisées par une fédération délégataire ou organisées par une fédération agréée ou par une ligue sportive professionnelle ainsi qu'aux entraînements y préparant organisés par une fédération agréée ou une ligue professionnelle ou l'un des membres de celles-ci ; / 2° De l'exercice des fonctions définies à l'article L. 212-1 ; / 3° De l'exercice des fonctions de personnel d'encadrement ou de toute activité administrative au sein d'une fédération agréée ou d'une ligue professionnelle, ou de l'un des membres de celles-ci ; / 4° De la participation à toute autre activité organisée par une fédération sportive, une ligue professionnelle ou l'un de leurs membres, ou le comité national olympique et sportif français, ainsi qu'aux activités sportives impliquant des sportifs de niveau national ou international et financées par une personne publique, à moins que ces activités ne s'inscrivent dans des programmes ayant pour objet la prévention du dopage. / Lorsque le résultat d'analyse implique une substance spécifiée au sens de l'annexe I à la convention internationale mentionnée à l'article L. 230-2, ou lorsqu'une autre infraction aux dispositions du présent titre est en cause, d'une part, l'intéressé peut accepter la suspension provisoire décrite à l'alinéa précédent dans l'attente de la décision de la commission des sanctions, d'autre part, le président de l'Agence française de lutte contre le dopage peut, de sa propre initiative, ordonner une telle suspension provisoire à l'égard de l'intéressé. / La décision de suspension provisoire est motivée. L'intéressé est convoqué par le président de l'agence, dans les meilleurs délais, pour faire valoir ses observations sur cette mesure. / La durée de la suspension provisoire est déduite de la durée de l'interdiction de participer aux manifestations sportives que la commission des sanctions peut ultérieurement prononcer ".
3. Il résulte de l'instruction que Mme A..., athlète de haut niveau, a fait l'objet d'un contrôle antidopage le 18 septembre 2019 à son domicile. Une procédure disciplinaire a été ouverte à son encontre à la suite de deux rapports datés des 3 et 14 octobre 2019 révélant la présence d'érythropoïétine (EPO) dans deux échantillons d'urine et de sang prélevés lors du contrôle du 18 septembre 2019. L'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) a informé Mme A... de l'existence d'une infraction présumée aux règles anti-dopage par un courrier du 4 novembre 2019, notifié le lendemain. Par un second courrier du même jour, également notifié le 5 novembre, Mme A... a été informée qu'une décision de suspension provisoire à titre conservatoire avait été prononcée à son encontre le 4 novembre 2019 par la présidente de l'AFLD sur le fondement de l'article L. 232-23-4 du code du sport. Mme A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution de cette décision.
4. En premier lieu, les moyens soulevés par Mme A... ayant trait à la régularité de la décision contestée, tirés de ce que les agents ayant procédé au contrôle antidopage et rédigé les rapports de contrôle n'auraient pas été agréés et assermentés et de ce que le contrôle n'aurait pas été préalablement autorisé par le directeur du département des contrôles de l'AFLD manquent en fait et ne sont, par conséquent, pas de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée.
5. En deuxième lieu, il résulte des termes mêmes du 10° de l'article R. 232-88 du code du sport, qui prévoient que le secrétaire général de l'agence doit informer l'intéressé, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par lettre remise contre récépissé, de " la possibilité d'accepter la suspension provisoire prévue à l'article L. 232-23-4 lorsque le résultat d'analyse implique une substance spécifiée au sens de l'annexe I à la convention internationale mentionnée à l'article L. 230-2, ou lorsqu'une autre infraction aux dispositions du présent titre est en cause ", que cette obligation n'est pas applicable lorsque le contrôle antidopage a révélé la présence d'une substance non spécifiée. Or, en vertu du décret du 27 décembre 2018 portant publication de l'amendement à l'annexe I de la convention internationale contre le dopage dans le sport, adopté à Paris le 15 novembre 2018, l'érythropoïétine fait partie des substances non spécifiées. Dès lors, Mme A... ne saurait, en tout état de cause, invoquer utilement la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article R. 232-88 du code du sport.
6. En troisième lieu, Mme A... fait valoir que la décision du collège de l'AFLD du 20 décembre 2018 renouvelant son inscription dans le groupe cible prévu par l'article L. 232-15 du code du sport ne lui aurait pas été notifiée régulièrement, en invoquant le fait que la signature figurant sur l'avis de réception diffèrerait de sa propre signature. Toutefois, lorsque le destinataire d'une décision administrative soutient que l'avis de réception d'un pli recommandé portant notification de cette décision à l'adresse qu'il avait lui-même indiquée à l'administration n'a pas été signé par lui, il lui appartient d'établir que le signataire de l'avis n'avait pas qualité pour recevoir le pli en cause. La requérante n'apporte aucun élément en ce sens. Au demeurant, il résulte de l'instruction qu'elle a continué de transmettre ses informations de localisation à l'Agence au cours de l'année 2019.
7. En quatrième lieu, Mme A... soutient que l'article L. 232-23-4 du code du sport - issu de l'ordonnance du 19 décembre 2018 relative aux mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour parfaire la transposition en droit interne des principes du code mondial antidopage et non encore ratifiée - méconnaît le principe général du respect des droits de la défense dès lors qu'il n'organise une procédure contradictoire qu'immédiatement après l'édiction de la mesure de suspension du sportif, et non avant l'intervention de celle-ci. Toutefois, ce principe général n'impose pas, compte tenu de l'objet et de la portée d'une telle mesure, qui n'a qu'un caractère conservatoire et ne saurait être regardée comme une sanction, que la suspension du sportif ne puisse légalement intervenir qu'à l'issue d'une procédure contradictoire. Les moyen tiré de l'inconstitutionnalité de l'article L. 232-23-4 du code du sport et, par suite, de la décision attaquée ne sont donc pas, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de celle-ci, non plus, pour les mêmes motifs, que les moyens tirés de ce que l'intéressée n'a pas été mise à même de prendre connaissance de son dossier au préalable et n'a pas été informée de son droit de se faire assister par un conseil de son choix, ainsi que le moyen tiré de la méconnaissance de la présomption d'innocence. Sur ce dernier point, en tout état de cause, la circonstance que la décision prononçant la suspension de Mme A... mentionne une " violation présumée des dispositions du I de l'article L. 232-9 du code du sport " ne saurait être regardée comme portant atteinte à la présomption d'innocence.
8. En cinquième et dernier lieu, Mme A... soutient que la mesure de suspension prise à son encontre emporterait des conséquences disproportionnées dans la mesure où, lui interdisant l'exercice des fonctions définies à l'article L. 212-1 du code du sport, elle ferait obstacle à la poursuite de son activité de professeur d'éducation physique et sportive au sein du ministère de l'éducation nationale. Toutefois, si l'article L. 212-1 mentionne les personnes qui, contre rémunération, enseignent, animent ou encadrent une activité physique ou sportive ou entraînent ses pratiquants, à titre d'occupation principale ou secondaire, de façon habituelle, saisonnière ou occasionnelle, il résulte de l'article L. 212-3 du même code que les dispositions de l'article L. 212-1 " ne sont pas applicables aux militaires, aux fonctionnaires relevant des titres II, III et IV du statut général des fonctionnaires dans l'exercice des missions prévues par leur statut particulier ni aux enseignants des établissements d'enseignement publics et des établissements d'enseignement privés sous contrat avec l'Etat dans l'exercice de leurs missions. " Le moyen n'est donc pas, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée.
9. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la condition d'urgence, que les conclusions à fin de suspension de Mme A... ne peuvent qu'être rejetées. Il en va de même, par voie de conséquence, de ses conclusions tendant à l'application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au titre de ce dernier article par l'AFLD.
O R D O N N E :
------------------
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'Agence française de lutte contre le dopage tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme B..., à l'Agence française de lutte contre le dopage et à la Fédération française d'athlétisme.
Copie en sera adressée à la ministre des sports.
N° 436938
ECLI:FR:CEORD:2020:436938.20200106
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés
SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO ; SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE, avocats
Lecture du lundi 6 janvier 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 20 décembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution de la décision n° 2019/51 du 4 novembre 2019 par laquelle la présidente de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) a prononcé à son encontre une mesure de suspension provisoire, à titre conservatoire, en premier lieu, de la participation directe ou indirecte à l'organisation et au déroulement de toute manifestation sportive donnant lieu à la remise de prix en argent ou en nature, et à des manifestations sportives autorisées par une fédération professionnelle ainsi qu'aux entraînements y préparant organisés par une fédération agréée ou une ligue professionnelle ou l'un des membres de celles-ci, en deuxième lieu, de l'exercice des fonctions définies à l'article L. 212-1 du code du sport, en troisième lieu, de l'exercice des fonctions de personnel d'encadrement ou de toute activité administrative au sein d'une fédération agréée ou d'une ligue professionnelle, ou de l'un des membres de celles-ci et, en dernier lieu, de la participation à toute autre activité organisée par une fédération sportive, une ligue professionnelle ou l'un de leur membre, ou le comité olympique et sportif français, ainsi qu'aux activités sportives impliquant des sportifs de niveau national ou international et financées par une personne publique, à moins que ces activités ne s'inscrivent dans des programmes ayant pour objet la prévention du dopage ;
2°) de mettre à la charge de l'AFLD le versement à la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano de la somme de 3 000 euros au titre des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la condition d'urgence est remplie, dès lors que la décision contestée lui interdit de participer à toute compétition sportive et à toute activité organisée par la fédération française d'athlétisme, ainsi que de continuer à exercer ses fonctions de professeur d'éducation physique et sportive, la prive des avantages que lui accordaient ses sponsors et porte gravement atteinte à son honneur et à sa réputation ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;
- elle est intervenue au terme d'une procédure irrégulière, dès lors que, en premier lieu, il n'est pas établi que les agents ayant procédé au contrôle antidopage et rédigé les rapports de contrôle aient été agréés et assermentés, en deuxième lieu, il n'est pas établi que le contrôle ait été préalablement autorisé par le directeur du département des contrôles de l'AFLD, en troisième lieu, la requérante n'a pas été informée de la possibilité d'accepter la suspension provisoire, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 232-23-4 du code du sport, et, enfin, la requérante n'a pas reçu notification de la décision renouvelant son inscription dans le groupe cible, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 232-15 du code du sport ;
- la décision contestée méconnaît les droits de la défense, dès lors qu'elle n'a pas été mise à même de prendre connaissance de son dossier au préalable, qu'elle n'a été invitée à présenter des observations écrites ou orales que postérieurement à l'adoption de la mesure et à sa prise d'effet et qu'elle n'a pas été informée de son droit de se faire assister par un conseil de son choix ;
- elle méconnaît également le principe de la présomption d'innocence ;
- elle est injustifiée et disproportionnée, en ce qu'elle lui interdit l'exercice de ses fonctions d'enseignante.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 décembre 2019, l'Agence française de lutte contre le dopage conclut au rejet de la requête. Elle soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et que les moyens de la requête ne sont pas propres à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée.
La ministre des sports a présenté des observations le 31 décembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution ;
- le code du sport ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'ordonnance n° 2018-1178 du 19 décembre 2018 ;
- le décret n° 2018-1283 du 27 décembre 2018 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme A... et, d'autre part, l'Agence française de lutte contre le dopage et la ministre des sports ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 3 janvier 2020 à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Rocheteau, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme A... ;
- Me Valdelièvre, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de l'Agence française de lutte contre le dopage ;
- les représentants de l'Agence française de lutte contre le dopage ;
et à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
2. Aux termes de l'article L. 232-23-4 du code du sport : " Lorsqu'un résultat d'analyse implique une substance interdite ou une méthode interdite, à l'exception d'une substance spécifiée au sens de l'annexe I à la convention internationale mentionnée à l'article L. 230-2, le président de l'Agence française de lutte contre le dopage ordonne à l'encontre du sportif, à titre conservatoire et dans l'attente de la décision de la commission des sanctions, une suspension provisoire : / 1° De la participation directe ou indirecte à l'organisation et au déroulement de toute manifestation sportive donnant lieu à une remise de prix en argent ou en nature, et à des manifestations sportives autorisées par une fédération délégataire ou organisées par une fédération agréée ou par une ligue sportive professionnelle ainsi qu'aux entraînements y préparant organisés par une fédération agréée ou une ligue professionnelle ou l'un des membres de celles-ci ; / 2° De l'exercice des fonctions définies à l'article L. 212-1 ; / 3° De l'exercice des fonctions de personnel d'encadrement ou de toute activité administrative au sein d'une fédération agréée ou d'une ligue professionnelle, ou de l'un des membres de celles-ci ; / 4° De la participation à toute autre activité organisée par une fédération sportive, une ligue professionnelle ou l'un de leurs membres, ou le comité national olympique et sportif français, ainsi qu'aux activités sportives impliquant des sportifs de niveau national ou international et financées par une personne publique, à moins que ces activités ne s'inscrivent dans des programmes ayant pour objet la prévention du dopage. / Lorsque le résultat d'analyse implique une substance spécifiée au sens de l'annexe I à la convention internationale mentionnée à l'article L. 230-2, ou lorsqu'une autre infraction aux dispositions du présent titre est en cause, d'une part, l'intéressé peut accepter la suspension provisoire décrite à l'alinéa précédent dans l'attente de la décision de la commission des sanctions, d'autre part, le président de l'Agence française de lutte contre le dopage peut, de sa propre initiative, ordonner une telle suspension provisoire à l'égard de l'intéressé. / La décision de suspension provisoire est motivée. L'intéressé est convoqué par le président de l'agence, dans les meilleurs délais, pour faire valoir ses observations sur cette mesure. / La durée de la suspension provisoire est déduite de la durée de l'interdiction de participer aux manifestations sportives que la commission des sanctions peut ultérieurement prononcer ".
3. Il résulte de l'instruction que Mme A..., athlète de haut niveau, a fait l'objet d'un contrôle antidopage le 18 septembre 2019 à son domicile. Une procédure disciplinaire a été ouverte à son encontre à la suite de deux rapports datés des 3 et 14 octobre 2019 révélant la présence d'érythropoïétine (EPO) dans deux échantillons d'urine et de sang prélevés lors du contrôle du 18 septembre 2019. L'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) a informé Mme A... de l'existence d'une infraction présumée aux règles anti-dopage par un courrier du 4 novembre 2019, notifié le lendemain. Par un second courrier du même jour, également notifié le 5 novembre, Mme A... a été informée qu'une décision de suspension provisoire à titre conservatoire avait été prononcée à son encontre le 4 novembre 2019 par la présidente de l'AFLD sur le fondement de l'article L. 232-23-4 du code du sport. Mme A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution de cette décision.
4. En premier lieu, les moyens soulevés par Mme A... ayant trait à la régularité de la décision contestée, tirés de ce que les agents ayant procédé au contrôle antidopage et rédigé les rapports de contrôle n'auraient pas été agréés et assermentés et de ce que le contrôle n'aurait pas été préalablement autorisé par le directeur du département des contrôles de l'AFLD manquent en fait et ne sont, par conséquent, pas de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée.
5. En deuxième lieu, il résulte des termes mêmes du 10° de l'article R. 232-88 du code du sport, qui prévoient que le secrétaire général de l'agence doit informer l'intéressé, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par lettre remise contre récépissé, de " la possibilité d'accepter la suspension provisoire prévue à l'article L. 232-23-4 lorsque le résultat d'analyse implique une substance spécifiée au sens de l'annexe I à la convention internationale mentionnée à l'article L. 230-2, ou lorsqu'une autre infraction aux dispositions du présent titre est en cause ", que cette obligation n'est pas applicable lorsque le contrôle antidopage a révélé la présence d'une substance non spécifiée. Or, en vertu du décret du 27 décembre 2018 portant publication de l'amendement à l'annexe I de la convention internationale contre le dopage dans le sport, adopté à Paris le 15 novembre 2018, l'érythropoïétine fait partie des substances non spécifiées. Dès lors, Mme A... ne saurait, en tout état de cause, invoquer utilement la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article R. 232-88 du code du sport.
6. En troisième lieu, Mme A... fait valoir que la décision du collège de l'AFLD du 20 décembre 2018 renouvelant son inscription dans le groupe cible prévu par l'article L. 232-15 du code du sport ne lui aurait pas été notifiée régulièrement, en invoquant le fait que la signature figurant sur l'avis de réception diffèrerait de sa propre signature. Toutefois, lorsque le destinataire d'une décision administrative soutient que l'avis de réception d'un pli recommandé portant notification de cette décision à l'adresse qu'il avait lui-même indiquée à l'administration n'a pas été signé par lui, il lui appartient d'établir que le signataire de l'avis n'avait pas qualité pour recevoir le pli en cause. La requérante n'apporte aucun élément en ce sens. Au demeurant, il résulte de l'instruction qu'elle a continué de transmettre ses informations de localisation à l'Agence au cours de l'année 2019.
7. En quatrième lieu, Mme A... soutient que l'article L. 232-23-4 du code du sport - issu de l'ordonnance du 19 décembre 2018 relative aux mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour parfaire la transposition en droit interne des principes du code mondial antidopage et non encore ratifiée - méconnaît le principe général du respect des droits de la défense dès lors qu'il n'organise une procédure contradictoire qu'immédiatement après l'édiction de la mesure de suspension du sportif, et non avant l'intervention de celle-ci. Toutefois, ce principe général n'impose pas, compte tenu de l'objet et de la portée d'une telle mesure, qui n'a qu'un caractère conservatoire et ne saurait être regardée comme une sanction, que la suspension du sportif ne puisse légalement intervenir qu'à l'issue d'une procédure contradictoire. Les moyen tiré de l'inconstitutionnalité de l'article L. 232-23-4 du code du sport et, par suite, de la décision attaquée ne sont donc pas, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de celle-ci, non plus, pour les mêmes motifs, que les moyens tirés de ce que l'intéressée n'a pas été mise à même de prendre connaissance de son dossier au préalable et n'a pas été informée de son droit de se faire assister par un conseil de son choix, ainsi que le moyen tiré de la méconnaissance de la présomption d'innocence. Sur ce dernier point, en tout état de cause, la circonstance que la décision prononçant la suspension de Mme A... mentionne une " violation présumée des dispositions du I de l'article L. 232-9 du code du sport " ne saurait être regardée comme portant atteinte à la présomption d'innocence.
8. En cinquième et dernier lieu, Mme A... soutient que la mesure de suspension prise à son encontre emporterait des conséquences disproportionnées dans la mesure où, lui interdisant l'exercice des fonctions définies à l'article L. 212-1 du code du sport, elle ferait obstacle à la poursuite de son activité de professeur d'éducation physique et sportive au sein du ministère de l'éducation nationale. Toutefois, si l'article L. 212-1 mentionne les personnes qui, contre rémunération, enseignent, animent ou encadrent une activité physique ou sportive ou entraînent ses pratiquants, à titre d'occupation principale ou secondaire, de façon habituelle, saisonnière ou occasionnelle, il résulte de l'article L. 212-3 du même code que les dispositions de l'article L. 212-1 " ne sont pas applicables aux militaires, aux fonctionnaires relevant des titres II, III et IV du statut général des fonctionnaires dans l'exercice des missions prévues par leur statut particulier ni aux enseignants des établissements d'enseignement publics et des établissements d'enseignement privés sous contrat avec l'Etat dans l'exercice de leurs missions. " Le moyen n'est donc pas, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée.
9. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la condition d'urgence, que les conclusions à fin de suspension de Mme A... ne peuvent qu'être rejetées. Il en va de même, par voie de conséquence, de ses conclusions tendant à l'application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au titre de ce dernier article par l'AFLD.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'Agence française de lutte contre le dopage tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme B..., à l'Agence française de lutte contre le dopage et à la Fédération française d'athlétisme.
Copie en sera adressée à la ministre des sports.