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Ariane Web: Conseil d'État 431364, lecture du 18 décembre 2019, ECLI:FR:CECHS:2019:431364.20191218

Décision n° 431364
18 décembre 2019
Conseil d'État

N° 431364
ECLI:FR:CECHS:2019:431364.20191218
Inédit au recueil Lebon
7ème chambre
M. Yohann Bouquerel, rapporteur
M. Gilles Pellissier, rapporteur public
SCP DELAMARRE, JEHANNIN ; SCP LYON-CAEN, THIRIEZ, avocats


Lecture du mercredi 18 décembre 2019
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

L'office public d'habitat (OPH) Gironde Habitat a demandé, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, au juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux d'enjoindre à la société Sud Contentieux de lui restituer l'intégralité des 70 dossiers de recouvrement en sa possession ainsi que l'ensemble des pièces des 260 dossiers déjà restitués, notamment les courriers et actes de poursuite et recouvrement qu'elle a établis avant la rupture des relations contractuelles, de lui communiquer l'état des règlements des créances des 260 dossiers en cours de recouvrement ainsi que l'état des procédures de recouvrement en cours et de lui restituer l'ensemble des sommes perçues de ses débiteurs depuis le 1er septembre 2017, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la date de lecture de sa décision. Par une ordonnance n° 1902053 du 21 mai 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 5 et 19 juin et 13 novembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'OPH Gironde Habitat demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de la société Sud Contentieux la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code des marchés publics ;
- la loi nº 2001-1168 du 11 décembre 2001 ;
- l'ordonnance n° 2007-137 du 1er février 2007 ;
- l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 ;
- le code de justice administrative.


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Yohann Bouquerel, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat de l'OPH Gironde Habitat et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la société Sud Contentieux ;


Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés qu'à la suite de la décision du 8 juin 2017 de l'OPH Gironde Habitat de résilier le contrat de recouvrement de créances de loyers impayés qu'il avait conclu en 1997 avec la société Sud Contentieux, l'office a demandé, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, au juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux d'enjoindre à cette société, d'une part, de lui restituer les dossiers de recouvrement demeurant en possession de celle-ci ainsi que l'ensemble des pièces des dossiers déjà restitués, d'autre part, de lui communiquer l'état des règlements des créances des dossiers en cours de recouvrement ainsi que l'état des procédures de recouvrement en cours, enfin, de lui restituer l'ensemble des sommes perçues par cette même société des débiteurs depuis le 1er septembre 2017. Par une ordonnance du 21 mai 2019, contre laquelle Gironde Habitat se pourvoit en cassation, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 521-3 du code de justice administrative : " En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune mesure administrative ". Les mesures ainsi sollicitées ne doivent pas être manifestement insusceptibles de se rattacher à un litige relevant de la compétence de la juridiction administrative.

3. D'autre part, aux termes de l'article 2 de la loi du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier : " Les marchés passés en application du code des marchés publics ont le caractère de contrats administratifs. / Toutefois, le juge judiciaire demeure compétent pour connaître des litiges qui relevaient de sa compétence et qui ont été portés devant lui avant la date d'entrée en vigueur de la présente loi. ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 423-7 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction applicable lors de la conclusion du contrat en litige : " Les marchés passés par l'office [public d'aménagement et de construction] sont soumis aux dispositions du livre III du code des marchés publics, sous réserve des dispositions ci-après ".

4. Il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que, pour rejeter les conclusions dont il était saisi par l'office, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a estimé que les mesures sollicitées devaient être regardées comme un litige portant sur la résiliation d'un " contrat de service " relevant de la compétence du juge judicaire, dès lors notamment qu'il a été " conclu par une personne morale de droit privé, statut dont relève Gironde Habitat, " avec une société de droit privé. Toutefois, ainsi que le soutient l'office, celui-ci, qui avait le statut d'office public d'aménagement et de construction lors de la signature du contrat en litige, était soumis aux règles des marchés publics en application des dispositions, citées au point 3, du premier alinéa de l'article R. 423-7 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction alors en vigueur. Par suite, en application des dispositions de l'article 2 de la loi du 11 décembre 2001, ce contrat avait un caractère administratif. Dès lors, en estimant que les mesures sollicitées par l'office sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative ne relevaient pas de sa compétence, alors qu'elles n'étaient pas manifestement insusceptibles de se rattacher à un litige relevant de la compétence de la juridiction administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a commis une erreur de droit. L'OPH Gironde Habitat est, par suite, fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Sud Contentieux une somme de 3 000 euros à verser à l'OPH Gironde Habitat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'office qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.


D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux du 21 mai 2019 est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux.
Article 3 : La société Sud Contentieux versera à l'OPH Gironde Habitat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la société Sud Contentieux sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'office public d'habitat Gironde Habitat et à la société Sud Contentieux.