Conseil d'État
N° 422377
ECLI:FR:CECHR:2019:422377.20191108
Mentionné aux tables du recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
M. Vincent Uher, rapporteur
M. Romain Victor, rapporteur public
SCP WAQUET, FARGE, HAZAN, avocats
Lecture du vendredi 8 novembre 2019
Vu la procédure suivante :
La société anonyme (SA) Crédit agricole a demandé au tribunal administratif de Montreuil la restitution de l'impôt sur les sociétés acquitté au titre de l'exercice clos en 2012 à hauteur de la différence en base de 2,32 milliards d'euros entre le montant du bénéfice initialement déclaré et le montant corrigé pour tenir compte de la déduction de la provision sur les nouvelles actions de la banque Emporiki acquises dans le cadre de l'augmentation de capital réalisée le 19 juillet 2012. Par un jugement n° 1403204 du 5 novembre 2015, ce tribunal a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 15VE04052 du 17 mai 2018, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel de la société Crédit agricole, annulé ce jugement et fait droit à sa demande.
Par un pourvoi et deux nouveaux mémoires, enregistrés le 18 juillet 2018 et les 9 mai et 26 septembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'action et des comptes publics demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de commerce ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code monétaire et financier ;
- la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Vincent Uher, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la société Crédit agricole ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'en 2006 la société Crédit agricole a acquis 100 % des titres de la société Emporiki Bank, qu'elle a inscrits dans un compte de titres de participation. Le 19 juillet 2012, elle a procédé à une opération de recapitalisation de sa filiale en souscrivant à une augmentation de capital de la société Emporiki Bank de 2,32 milliards d'euros et a inscrit ces nouveaux titres dans un compte de titres de participation, tout en enregistrant parallèlement une provision d'égal montant pour dépréciation de ces derniers titres. Cette provision n'étant pas déductible, la société Crédit agricole a réintégré ces sommes dans sa déclaration de résultats déposée au titre de l'exercice clos en 2012. Elle a cependant ensuite estimé avoir commis une erreur comptable en inscrivant les nouveaux titres dans un compte de titres de participation, ainsi qu'en réintégrant extra-comptablement la provision qu'elle avait constituée à raison de ces nouveaux titres. Par un jugement du 5 novembre 2015, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la restitution de l'impôt sur les sociétés qu'elle estimait avoir acquitté à tort au titre de l'exercice clos en 2012 du fait de cette erreur comptable. Par un arrêt du 17 mai 2018, la cour administrative d'appel de Versailles a annulé ce jugement et prononcé la restitution demandée. Le ministre de l'action et des comptes publics se pourvoit en cassation contre cet arrêt.
2. D'une part, en vertu du premier alinéa du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts, les charges déductibles pour la détermination du bénéfice imposable comprennent " les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice ". Aux termes du dix-septième alinéa du même 5°, dans sa rédaction applicable au litige : " Par dérogation aux dispositions des premier et seizième alinéas, la provision pour dépréciation qui résulte éventuellement de l'estimation du portefeuille est soumise au régime fiscal des moins-values à long terme défini au 2 du I de l'article 39 quindecies ". Aux termes du premier alinéa du 2 du I de l'article 39 quindecies du même code : " L'excédent éventuel des moins-values à long terme ne peut être imputé que sur les plus-values à long terme réalisées au cours des dix exercices suivants ". En vertu du a quinquies du I de l'article 219 du même code, le montant net des plus-values à long terme correspondant à des titres de participation fait l'objet d'une imposition séparée au taux de 0'% pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2007, une quote-part de frais et charges étant toutefois prise en compte pour la détermination du résultat imposable, et ce régime des plus-values et moins-values à long terme s'applique uniquement aux cessions des parts ou actions de sociétés revêtant le caractère de titres de participation, lesquels s'entendent notamment des titres de participation revêtant ce caractère sur le plan comptable. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que les provisions pour dépréciation qui se rapportent à des titres exclus du régime des plus-values et moins-values à long terme sont immédiatement déductibles du résultat, imposable dans les conditions de droit commun, de l'exercice au cours duquel elles sont constituées, alors que les provisions pour dépréciation de titres de participation sont seulement imputables en tant que moins-values sur les plus-values à long terme, imposables au taux de 0 %, réalisées lors des dix ans suivant leur constitution.
3. D'autre part, en vertu du premier alinéa de l'article L. 511-35 du code monétaire et financier, les obligations comptables auxquelles sont soumises les sociétés commerciales en vertu de l'article L. 232-1 du code de commerce sont applicables aux établissements de crédit dans des conditions fixées par l'Autorité des normes comptables après avis du Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières. En vertu de l'article 9 bis du règlement n° 90-01 du Comité de la réglementation bancaire, instance alors compétente en vertu de l'article 33 de la loi du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit, relatif à la comptabilisation des opérations sur titres dans sa rédaction alors applicable, qui définit les dispositions applicables aux titres de l'activité de portefeuille, aux autres titres détenus à long terme, ainsi qu'aux titres de participation et parts dans les entreprises liées, relèvent de cette dernière catégorie des titres de participation et parts dans les entreprises liées " les titres dont la possession durable est estimée utile à l'activité de l'entreprise, notamment parce qu'elle permet d'exercer une influence sur la société émettrice des titres, ou d'en assurer le contrôle ". Enfin, aux termes du 1 de l'article 19 de ce même règlement : " Les titres d'une même société peuvent figurer simultanément dans les catégories comptables suivantes : / - titres de transaction ; / - titres de placement ; / - titres d'investissement ; / - et l'une seulement parmi les trois autres catégories comptables dans lesquelles des titres à revenu variable peuvent être inclus. / Les titres enregistrés dans chacune des catégories doivent répondre aux conditions de détention fixées pour celles-ci ", les " trois autres catégories comptables " dont il est fait mention correspondant à celles régies par l'article 9 bis.
4. Il résulte de ces dispositions, comme l'a au demeurant relevé l'Autorité des normes comptables dans ses observations présentées à la demande du Conseil d'Etat, que, sur le plan comptable, les titres de participation détenus par des établissements de crédit sont ceux dont la possession durable est estimée utile à l'activité de l'entreprise, notamment parce qu'elle permet d'exercer une influence sur la société émettrice des titres ou d'en assurer le contrôle. Une telle utilité peut notamment être caractérisée si les conditions d'achat ou de souscription des titres en cause révèlent l'intention de l'acquéreur d'exercer une influence sur la société émettrice et lui donnent les moyens d'exercer une telle influence. Dans les limites autorisées par la réglementation comptable applicable aux entreprises du secteur bancaire, la qualification comptable donnée aux titres issus d'une acquisition antérieure ne fait pas par elle-même obstacle à ce que les titres de la même société émettrice acquis ultérieurement par un établissement de crédit puissent recevoir une qualification comptable différente, en fonction de l'intention de l'acquéreur à la date de leur achat ou souscription.
5. En premier lieu, il résulte de ce qui précède qu'en jugeant que, dès lors que la destination d'un actif à sa date d'acquisition permet de déterminer sa comptabilisation au bilan, il convenait de se placer à la date de la souscription à l'augmentation de capital de la société Emporiki Bank, intervenue le 19 juillet 2012, pour définir la nature comptable des titres ainsi souscrits par la société Crédit agricole, indépendamment de la qualification comptable des titres de la même société émettrice acquis antérieurement, la cour administrative d'appel de Versailles n'a, contrairement à ce que soutient le ministre, pas commis d'erreur de droit.
6. En deuxième lieu, en relevant que la société Crédit agricole avait engagé au début de l'année 2012 un processus visant à la cession de la société Emporiki Bank, qu'elle avait adressé une lettre le 2 juillet 2012 au ministre de l'économie et des finances mentionnant une cession envisagée " dans les semaines à venir ", que le procès-verbal de la séance de son conseil d'administration du 17 juillet 2012 avait approuvé une opération financière s'inscrivant dans une stratégie de diminution de l'exposition directe du groupe Crédit agricole à la banque Emporiki, qu'elle avait reçu des offres fermes d'achat dès le mois d'août 2012 et que la vente de la banque Emporiki avait été conclue au mois d'octobre de cette année, et en estimant en conséquence que l'intention de la société Crédit agricole, au 19 juillet 2012, était de céder au plus vite ses participations dans la banque Emporiki, la cour a porté sur les faits qui lui étaient soumis, sans les dénaturer, une appréciation souveraine insusceptible d'être contestée devant le juge de cassation.
7. En troisième lieu, en déduisant de ces faits que le critère de possession durable des titres acquis le 19 juillet 2012 pour un montant de 2,32 milliards d'euros n'était pas rempli, de sorte que ces derniers ne constituaient pas des titres de participation sur le plan comptable, la cour leur a donné leur qualification juridique exacte.
8. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi du ministre de l'action et des comptes publics doit être rejeté.
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Crédit agricole au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi du ministre de l'action et des comptes publics est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à la société Crédit agricole une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'action et des comptes publics et à la société anonyme Crédit agricole.
N° 422377
ECLI:FR:CECHR:2019:422377.20191108
Mentionné aux tables du recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
M. Vincent Uher, rapporteur
M. Romain Victor, rapporteur public
SCP WAQUET, FARGE, HAZAN, avocats
Lecture du vendredi 8 novembre 2019
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société anonyme (SA) Crédit agricole a demandé au tribunal administratif de Montreuil la restitution de l'impôt sur les sociétés acquitté au titre de l'exercice clos en 2012 à hauteur de la différence en base de 2,32 milliards d'euros entre le montant du bénéfice initialement déclaré et le montant corrigé pour tenir compte de la déduction de la provision sur les nouvelles actions de la banque Emporiki acquises dans le cadre de l'augmentation de capital réalisée le 19 juillet 2012. Par un jugement n° 1403204 du 5 novembre 2015, ce tribunal a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 15VE04052 du 17 mai 2018, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel de la société Crédit agricole, annulé ce jugement et fait droit à sa demande.
Par un pourvoi et deux nouveaux mémoires, enregistrés le 18 juillet 2018 et les 9 mai et 26 septembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'action et des comptes publics demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de commerce ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code monétaire et financier ;
- la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Vincent Uher, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la société Crédit agricole ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'en 2006 la société Crédit agricole a acquis 100 % des titres de la société Emporiki Bank, qu'elle a inscrits dans un compte de titres de participation. Le 19 juillet 2012, elle a procédé à une opération de recapitalisation de sa filiale en souscrivant à une augmentation de capital de la société Emporiki Bank de 2,32 milliards d'euros et a inscrit ces nouveaux titres dans un compte de titres de participation, tout en enregistrant parallèlement une provision d'égal montant pour dépréciation de ces derniers titres. Cette provision n'étant pas déductible, la société Crédit agricole a réintégré ces sommes dans sa déclaration de résultats déposée au titre de l'exercice clos en 2012. Elle a cependant ensuite estimé avoir commis une erreur comptable en inscrivant les nouveaux titres dans un compte de titres de participation, ainsi qu'en réintégrant extra-comptablement la provision qu'elle avait constituée à raison de ces nouveaux titres. Par un jugement du 5 novembre 2015, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la restitution de l'impôt sur les sociétés qu'elle estimait avoir acquitté à tort au titre de l'exercice clos en 2012 du fait de cette erreur comptable. Par un arrêt du 17 mai 2018, la cour administrative d'appel de Versailles a annulé ce jugement et prononcé la restitution demandée. Le ministre de l'action et des comptes publics se pourvoit en cassation contre cet arrêt.
2. D'une part, en vertu du premier alinéa du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts, les charges déductibles pour la détermination du bénéfice imposable comprennent " les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice ". Aux termes du dix-septième alinéa du même 5°, dans sa rédaction applicable au litige : " Par dérogation aux dispositions des premier et seizième alinéas, la provision pour dépréciation qui résulte éventuellement de l'estimation du portefeuille est soumise au régime fiscal des moins-values à long terme défini au 2 du I de l'article 39 quindecies ". Aux termes du premier alinéa du 2 du I de l'article 39 quindecies du même code : " L'excédent éventuel des moins-values à long terme ne peut être imputé que sur les plus-values à long terme réalisées au cours des dix exercices suivants ". En vertu du a quinquies du I de l'article 219 du même code, le montant net des plus-values à long terme correspondant à des titres de participation fait l'objet d'une imposition séparée au taux de 0'% pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2007, une quote-part de frais et charges étant toutefois prise en compte pour la détermination du résultat imposable, et ce régime des plus-values et moins-values à long terme s'applique uniquement aux cessions des parts ou actions de sociétés revêtant le caractère de titres de participation, lesquels s'entendent notamment des titres de participation revêtant ce caractère sur le plan comptable. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que les provisions pour dépréciation qui se rapportent à des titres exclus du régime des plus-values et moins-values à long terme sont immédiatement déductibles du résultat, imposable dans les conditions de droit commun, de l'exercice au cours duquel elles sont constituées, alors que les provisions pour dépréciation de titres de participation sont seulement imputables en tant que moins-values sur les plus-values à long terme, imposables au taux de 0 %, réalisées lors des dix ans suivant leur constitution.
3. D'autre part, en vertu du premier alinéa de l'article L. 511-35 du code monétaire et financier, les obligations comptables auxquelles sont soumises les sociétés commerciales en vertu de l'article L. 232-1 du code de commerce sont applicables aux établissements de crédit dans des conditions fixées par l'Autorité des normes comptables après avis du Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières. En vertu de l'article 9 bis du règlement n° 90-01 du Comité de la réglementation bancaire, instance alors compétente en vertu de l'article 33 de la loi du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit, relatif à la comptabilisation des opérations sur titres dans sa rédaction alors applicable, qui définit les dispositions applicables aux titres de l'activité de portefeuille, aux autres titres détenus à long terme, ainsi qu'aux titres de participation et parts dans les entreprises liées, relèvent de cette dernière catégorie des titres de participation et parts dans les entreprises liées " les titres dont la possession durable est estimée utile à l'activité de l'entreprise, notamment parce qu'elle permet d'exercer une influence sur la société émettrice des titres, ou d'en assurer le contrôle ". Enfin, aux termes du 1 de l'article 19 de ce même règlement : " Les titres d'une même société peuvent figurer simultanément dans les catégories comptables suivantes : / - titres de transaction ; / - titres de placement ; / - titres d'investissement ; / - et l'une seulement parmi les trois autres catégories comptables dans lesquelles des titres à revenu variable peuvent être inclus. / Les titres enregistrés dans chacune des catégories doivent répondre aux conditions de détention fixées pour celles-ci ", les " trois autres catégories comptables " dont il est fait mention correspondant à celles régies par l'article 9 bis.
4. Il résulte de ces dispositions, comme l'a au demeurant relevé l'Autorité des normes comptables dans ses observations présentées à la demande du Conseil d'Etat, que, sur le plan comptable, les titres de participation détenus par des établissements de crédit sont ceux dont la possession durable est estimée utile à l'activité de l'entreprise, notamment parce qu'elle permet d'exercer une influence sur la société émettrice des titres ou d'en assurer le contrôle. Une telle utilité peut notamment être caractérisée si les conditions d'achat ou de souscription des titres en cause révèlent l'intention de l'acquéreur d'exercer une influence sur la société émettrice et lui donnent les moyens d'exercer une telle influence. Dans les limites autorisées par la réglementation comptable applicable aux entreprises du secteur bancaire, la qualification comptable donnée aux titres issus d'une acquisition antérieure ne fait pas par elle-même obstacle à ce que les titres de la même société émettrice acquis ultérieurement par un établissement de crédit puissent recevoir une qualification comptable différente, en fonction de l'intention de l'acquéreur à la date de leur achat ou souscription.
5. En premier lieu, il résulte de ce qui précède qu'en jugeant que, dès lors que la destination d'un actif à sa date d'acquisition permet de déterminer sa comptabilisation au bilan, il convenait de se placer à la date de la souscription à l'augmentation de capital de la société Emporiki Bank, intervenue le 19 juillet 2012, pour définir la nature comptable des titres ainsi souscrits par la société Crédit agricole, indépendamment de la qualification comptable des titres de la même société émettrice acquis antérieurement, la cour administrative d'appel de Versailles n'a, contrairement à ce que soutient le ministre, pas commis d'erreur de droit.
6. En deuxième lieu, en relevant que la société Crédit agricole avait engagé au début de l'année 2012 un processus visant à la cession de la société Emporiki Bank, qu'elle avait adressé une lettre le 2 juillet 2012 au ministre de l'économie et des finances mentionnant une cession envisagée " dans les semaines à venir ", que le procès-verbal de la séance de son conseil d'administration du 17 juillet 2012 avait approuvé une opération financière s'inscrivant dans une stratégie de diminution de l'exposition directe du groupe Crédit agricole à la banque Emporiki, qu'elle avait reçu des offres fermes d'achat dès le mois d'août 2012 et que la vente de la banque Emporiki avait été conclue au mois d'octobre de cette année, et en estimant en conséquence que l'intention de la société Crédit agricole, au 19 juillet 2012, était de céder au plus vite ses participations dans la banque Emporiki, la cour a porté sur les faits qui lui étaient soumis, sans les dénaturer, une appréciation souveraine insusceptible d'être contestée devant le juge de cassation.
7. En troisième lieu, en déduisant de ces faits que le critère de possession durable des titres acquis le 19 juillet 2012 pour un montant de 2,32 milliards d'euros n'était pas rempli, de sorte que ces derniers ne constituaient pas des titres de participation sur le plan comptable, la cour leur a donné leur qualification juridique exacte.
8. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi du ministre de l'action et des comptes publics doit être rejeté.
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Crédit agricole au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du ministre de l'action et des comptes publics est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à la société Crédit agricole une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'action et des comptes publics et à la société anonyme Crédit agricole.