Conseil d'État
N° 414329
ECLI:FR:CECHR:2019:414329.20190930
Mentionné aux tables du recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
Mme Cécile Viton, rapporteur
Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public
SCP FABIANI, LUC-THALER, PINATEL ; SCP L. POULET, ODENT, avocats
Lecture du lundi 30 septembre 2019
Vu la procédure suivante :
Mme C... A... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 7 mai 2014 par laquelle le directeur de la caisse de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) a rejeté sa demande tendant à la requalification, en service actif, de sa période de travail allant du 18 février 1985 au 30 juin 1989 pour le décompte de ses droits à pension et d'enjoindre à la CNRACL de réexaminer sa demande de revalorisation de sa pension de retraite dans le délai de 15 jours à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard. Par un jugement no 1402547 du 26 mai 2017, le tribunal a rejeté sa demande.
Par une ordonnance n° 17MA03202 du 12 septembre 2017, enregistrée le 15 septembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 24 juillet 2017 au greffe de cette cour, présenté par Mme B....
Par ce pourvoi et un mémoire complémentaire, enregistré le 13 décembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de renvoyer l'affaire devant un tribunal administratif pour qu'elle soit jugée au fond ;
3°) de mettre à la charge, solidairement, de l'Etat et de la CNRACL la somme totale de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que le tribunal administratif de Toulon :
- a entaché son jugement d'un vice de forme en ce que la minute de la décision ne comporte pas les signatures requises par les dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- a commis une erreur de droit en ayant rejeté sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 55 du décret du 26 décembre 2003.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 65-773 du 9 septembre 1965 ;
- le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ;
- l'arrêté interministériel du 12 novembre 1969 portant classement des emplois des agents des collectivités locales en catégories A et B ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Cécile Viton, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de Mme B... et à la SCP L. Poulet, Odent, avocat de la Caisse Nationale de Retraite des Agents des Collectivités Locales ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B..., recrutée le 7 septembre 1979 en qualité d'infirmière par le centre hospitalier de Nemours, a poursuivi sa carrière en qualité de puéricultrice au sein du centre hospitalier universitaire de Rennes puis de la commune de Rennes où elle a été titularisée dans cet emploi le 10 juin 1984. A compter du 18 février 1985, Mme B... a été placée en position de détachement auprès du centre hospitalier du Mans où elle a été affectée dans le service de réanimation néo-natale et pédiatrique avant d'être intégrée, le 1er juillet 1989, dans les effectifs de cet établissement puis mutée le 3 septembre 2002 au sein du centre hospitalier intercommunal de Fréjus-Saint Raphael. Elle a demandé, le 10 mars 2014, son admission anticipée à la retraite. Par une décision du 7 mai 2014, le directeur de la CNRACL a rejeté la demande de Mme B... tendant à ce que soit requalifiée en service actif la période allant du 18 février 1985 au 30 juin 1989 pendant laquelle elle avait été placée en position de détachement auprès du centre hospitalier du Mans. Mme B... se pourvoit en cassation contre le jugement du 26 mai 2017 du tribunal administratif de Toulon qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision de refus.
2. D'une part, aux termes de l'article 64 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Le détachement est la position du fonctionnaire placé hors de son cadre d'emploi, emploi ou corps d'origine mais continuant à bénéficier dans ce corps, de ses droits à l'avancement et à la retraite. (...) / Le fonctionnaire détaché est soumis aux règles régissant la fonction qu'il exerce par l'effet de son détachement ". Aux termes de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " I.-La liquidation de la pension intervient : /1° Lorsque le fonctionnaire civil est radié des cadres par limite d'âge, ou s'il a atteint, à la date de l'admission à la retraite, l'âge mentionné à l'article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale, ou de cinquante-sept ans s'il a accompli au moins dix-sept ans de services dans des emplois classés dans la catégorie active. / Sont classés dans la catégorie active les emplois présentant un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles. La nomenclature en est établie par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article 25 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales : " I. -Les dispositions du I de l'article L. 24 et celles de l'article R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite s'appliquent aux fonctionnaires mentionnés à l'article 1er du présent décret. (...) III. -Par dérogation aux dispositions du I du présent article : / 1° Les emplois classés dans la catégorie active sont déterminés par des arrêtés conjoints des ministres chargés de la sécurité sociale, des collectivités territoriales, de la santé et du budget, après avis du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale ou hospitalière selon les cas. / Les fonctionnaires titulaires appartenant à un cadre d'emploi et nommés à l'un des emplois classés en catégorie active bénéficient de ce classement à compter de leur affectation. " Selon l'article 1er de l'arrêté du 12 novembre 1969 pris en application de ces dispositions : " La liste des emplois de la catégorie B établie par les tableaux I et II annexés au présent arrêté se substitue à celle fixée par les tableaux annexés à l'arrêté du 5 novembre 1953 (...) :/ Tableau I (...) / II-3 - Services de santé et établissements publics d'hospitalisation et de cure : (...) puéricultrices en fonctions dans les services de pédiatrie (...) ".
3. D'autre part, aux termes du second alinéa de l'article 55 du décret du 26 décembre 2003 précité : " Les avantages spéciaux attachés à l'accomplissement des services actifs ou de la catégorie active sont maintenus en faveur des fonctionnaires détachés dans un emploi classé en catégorie active pour exercer des fonctions de même nature que celles assumées dans le cadre d'origine (...) ".
4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que les avantages, en matière de droits à la retraite, attachés au classement d'un emploi en catégorie active sont susceptibles d'être accordés au fonctionnaire qui occupe cet emploi en position de détachement lorsque l'agent aurait vocation à assumer des fonctions de même nature dans son corps ou cadre d'emploi d'origine.
5. Il résulte de ce qui précède qu'en jugeant que les dispositions de l'article 55 du décret du 26 décembre 2003 s'appliquaient aux seuls fonctionnaires détachés sur un emploi classé en catégorie active et ayant occupé, avant leur détachement, un emploi bénéficiant du même classement sans rechercher si la requérante exerçait dans le cadre de son détachement des fonctions de même nature que celles qu'elle aurait eu vocation à assumer dans son cadre d'origine, le tribunal administratif a entaché son jugement d'une erreur de droit. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, Mme B... est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque.
6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la CNRACL la somme de 3 000 euros à verser à Mme B..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 26 mai 2017 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Toulon.
Article 3 : La CNRACL versera à Mme B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme C... B... et à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales.
Copie en sera adressée au ministre des solidarités et de la santé.
N° 414329
ECLI:FR:CECHR:2019:414329.20190930
Mentionné aux tables du recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
Mme Cécile Viton, rapporteur
Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public
SCP FABIANI, LUC-THALER, PINATEL ; SCP L. POULET, ODENT, avocats
Lecture du lundi 30 septembre 2019
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Mme C... A... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 7 mai 2014 par laquelle le directeur de la caisse de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) a rejeté sa demande tendant à la requalification, en service actif, de sa période de travail allant du 18 février 1985 au 30 juin 1989 pour le décompte de ses droits à pension et d'enjoindre à la CNRACL de réexaminer sa demande de revalorisation de sa pension de retraite dans le délai de 15 jours à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard. Par un jugement no 1402547 du 26 mai 2017, le tribunal a rejeté sa demande.
Par une ordonnance n° 17MA03202 du 12 septembre 2017, enregistrée le 15 septembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 24 juillet 2017 au greffe de cette cour, présenté par Mme B....
Par ce pourvoi et un mémoire complémentaire, enregistré le 13 décembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de renvoyer l'affaire devant un tribunal administratif pour qu'elle soit jugée au fond ;
3°) de mettre à la charge, solidairement, de l'Etat et de la CNRACL la somme totale de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que le tribunal administratif de Toulon :
- a entaché son jugement d'un vice de forme en ce que la minute de la décision ne comporte pas les signatures requises par les dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- a commis une erreur de droit en ayant rejeté sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 55 du décret du 26 décembre 2003.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 65-773 du 9 septembre 1965 ;
- le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ;
- l'arrêté interministériel du 12 novembre 1969 portant classement des emplois des agents des collectivités locales en catégories A et B ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Cécile Viton, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de Mme B... et à la SCP L. Poulet, Odent, avocat de la Caisse Nationale de Retraite des Agents des Collectivités Locales ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B..., recrutée le 7 septembre 1979 en qualité d'infirmière par le centre hospitalier de Nemours, a poursuivi sa carrière en qualité de puéricultrice au sein du centre hospitalier universitaire de Rennes puis de la commune de Rennes où elle a été titularisée dans cet emploi le 10 juin 1984. A compter du 18 février 1985, Mme B... a été placée en position de détachement auprès du centre hospitalier du Mans où elle a été affectée dans le service de réanimation néo-natale et pédiatrique avant d'être intégrée, le 1er juillet 1989, dans les effectifs de cet établissement puis mutée le 3 septembre 2002 au sein du centre hospitalier intercommunal de Fréjus-Saint Raphael. Elle a demandé, le 10 mars 2014, son admission anticipée à la retraite. Par une décision du 7 mai 2014, le directeur de la CNRACL a rejeté la demande de Mme B... tendant à ce que soit requalifiée en service actif la période allant du 18 février 1985 au 30 juin 1989 pendant laquelle elle avait été placée en position de détachement auprès du centre hospitalier du Mans. Mme B... se pourvoit en cassation contre le jugement du 26 mai 2017 du tribunal administratif de Toulon qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision de refus.
2. D'une part, aux termes de l'article 64 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Le détachement est la position du fonctionnaire placé hors de son cadre d'emploi, emploi ou corps d'origine mais continuant à bénéficier dans ce corps, de ses droits à l'avancement et à la retraite. (...) / Le fonctionnaire détaché est soumis aux règles régissant la fonction qu'il exerce par l'effet de son détachement ". Aux termes de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " I.-La liquidation de la pension intervient : /1° Lorsque le fonctionnaire civil est radié des cadres par limite d'âge, ou s'il a atteint, à la date de l'admission à la retraite, l'âge mentionné à l'article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale, ou de cinquante-sept ans s'il a accompli au moins dix-sept ans de services dans des emplois classés dans la catégorie active. / Sont classés dans la catégorie active les emplois présentant un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles. La nomenclature en est établie par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article 25 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales : " I. -Les dispositions du I de l'article L. 24 et celles de l'article R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite s'appliquent aux fonctionnaires mentionnés à l'article 1er du présent décret. (...) III. -Par dérogation aux dispositions du I du présent article : / 1° Les emplois classés dans la catégorie active sont déterminés par des arrêtés conjoints des ministres chargés de la sécurité sociale, des collectivités territoriales, de la santé et du budget, après avis du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale ou hospitalière selon les cas. / Les fonctionnaires titulaires appartenant à un cadre d'emploi et nommés à l'un des emplois classés en catégorie active bénéficient de ce classement à compter de leur affectation. " Selon l'article 1er de l'arrêté du 12 novembre 1969 pris en application de ces dispositions : " La liste des emplois de la catégorie B établie par les tableaux I et II annexés au présent arrêté se substitue à celle fixée par les tableaux annexés à l'arrêté du 5 novembre 1953 (...) :/ Tableau I (...) / II-3 - Services de santé et établissements publics d'hospitalisation et de cure : (...) puéricultrices en fonctions dans les services de pédiatrie (...) ".
3. D'autre part, aux termes du second alinéa de l'article 55 du décret du 26 décembre 2003 précité : " Les avantages spéciaux attachés à l'accomplissement des services actifs ou de la catégorie active sont maintenus en faveur des fonctionnaires détachés dans un emploi classé en catégorie active pour exercer des fonctions de même nature que celles assumées dans le cadre d'origine (...) ".
4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que les avantages, en matière de droits à la retraite, attachés au classement d'un emploi en catégorie active sont susceptibles d'être accordés au fonctionnaire qui occupe cet emploi en position de détachement lorsque l'agent aurait vocation à assumer des fonctions de même nature dans son corps ou cadre d'emploi d'origine.
5. Il résulte de ce qui précède qu'en jugeant que les dispositions de l'article 55 du décret du 26 décembre 2003 s'appliquaient aux seuls fonctionnaires détachés sur un emploi classé en catégorie active et ayant occupé, avant leur détachement, un emploi bénéficiant du même classement sans rechercher si la requérante exerçait dans le cadre de son détachement des fonctions de même nature que celles qu'elle aurait eu vocation à assumer dans son cadre d'origine, le tribunal administratif a entaché son jugement d'une erreur de droit. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, Mme B... est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque.
6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la CNRACL la somme de 3 000 euros à verser à Mme B..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 26 mai 2017 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Toulon.
Article 3 : La CNRACL versera à Mme B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme C... B... et à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales.
Copie en sera adressée au ministre des solidarités et de la santé.