Conseil d'État
N° 427192
ECLI:FR:CECHR:2019:427192.20190724
Mentionné aux tables du recueil Lebon
6ème et 5ème chambres réunies
Mme Cécile Vaullerin, rapporteur
M. Stéphane Hoynck, rapporteur public
Lecture du mercredi 24 juillet 2019
Vu la procédure suivante :
Le préfet du Morbihan a déféré au tribunal administratif de Rennes la délibération n° 2018-10-15-AGJ 94 du 15 octobre 2018 du conseil municipal de la commune nouvelle de Theix-Noyalo, prenant acte de l'installation de M. E...F...comme conseiller municipal, à la suite de la démission de Mme B...D.... Par un jugement n° 1805185 du 20 décembre 2018, le tribunal administratif a rejeté le déféré du préfet.
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 janvier et 29 mars 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le préfet du Morbihan demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du 20 décembre 2018 du tribunal administratif de Rennes et la délibération du 15 octobre 2018 du conseil municipal de Theix-Noyalo.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code électoral ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Cécile Vaullerin, auditeur,
- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 4 juillet 2019, présentée par M. C...et M.F... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il résulte de l'instruction que la commune de Theix-Noyalo est une commune nouvelle, créée à partir du 1er janvier 2016 par arrêté préfectoral du 5 novembre 2015, issue de la fusion des anciennes communes de Theix et de Noyalo, qui comptaient respectivement 7100 et 850 habitants. Le conseil municipal de la commune nouvelle est formé de l'ensemble des membres en exercice des conseils municipaux des deux anciennes communes conformément à l'article L. 2113-7 du code général des collectivités territoriales, soit un total de 44 élus, dont 29 pour Theix et 15 pour Noyalo. Depuis 2016, les conseillers municipaux de l'ancienne commune de Noyalo démissionnaires ou décédés n'ont pas été remplacés. Les conseillers municipaux démissionnaires de l'ancienne commune de Theix, ont, en revanche, été remplacés par les suivants de liste issue des élections municipales de 2014, conduisant à ce que le conseil municipal de la commune nouvelle ne soit plus composé que de 41 membres, dont 29 issus de Theix et 12 de Noyalo. Par une délibération du 15 octobre 2018, à la suite de la démission de Mme B...D..., conseillère municipale élue dans l'ancienne commune de Theix, le conseil municipal de Theix-Noyalo a installé comme conseiller municipal le suivant de liste, M. E...F.... Par un jugement du 20 décembre 2018, le tribunal administratif de Rennes a rejeté le déféré formé par le préfet du Morbihan contre cette délibération. Le préfet relève appel de ce jugement.
Sur la recevabilité du mémoire en défense et sur l'intervention de la commune de Theix-Noyalo :
2. Aux termes de l'article L. 248 du code électoral : " Tout électeur et tout éligible a le droit d'arguer de nullité les opérations électorales de la commune devant le tribunal administratif. / Le préfet, s'il estime que les conditions et les formes légalement prescrites n'ont pas été remplies, peut également déférer les opérations électorales au tribunal administratif ". Aux termes de l'article L. 250 du même code : " Le recours au Conseil d'Etat contre la décision du tribunal administratif est ouvert soit au préfet, soit aux parties intéressées ". Il résulte de ces dispositions que, dans un contentieux électoral, faute de justifier d'un intérêt propre, une commune ne peut avoir, quand bien même elle aurait été mise en cause dans l'instance, ni la qualité de partie, ni celle d'intervenant. Par suite, il y a lieu d'écarter le mémoire de la commune et de refuser l'admission de son intervention.
Au fond :
3. D'une part, en vertu de l'article L. 2113-1 du code général des collectivités territoriales, les communes nouvelles sont soumises aux règles applicables aux communes, sous réserve des dispositions du chapitre III du titre Ier du livre Ier de la deuxième partie de ce code et des autres dispositions législatives qui leur sont propres. L'article L. 2113-7 du même code dispose que : " I- Jusqu'au prochain renouvellement suivant la création de la commune nouvelle, le conseil municipal est composé : 1° De l'ensemble des membres en exercice des conseils municipaux des anciennes communes, si les conseils municipaux des communes concernées le décident par délibérations concordantes prises avant la création de la commune nouvelle (...) ".
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 270 du code électoral, applicable aux communes de plus de 1 000 habitants, dans lesquelles l'élection des conseillers municipaux a lieu au scrutin de liste : " Le candidat venant sur une liste immédiatement après le dernier élu est appelé à remplacer le conseiller municipal élu sur cette liste dont le siège devient vacant pour quelque cause que ce soit. La constatation, par la juridiction administrative, de l'inéligibilité d'un ou plusieurs candidats n'entraîne l'annulation de l'élection que du ou des élus inéligibles. La juridiction saisie proclame en conséquence l'élection du ou des suivants de liste. / (...) / Lorsque les dispositions des alinéas précédents ne peuvent plus être appliquées, il est procédé au renouvellement du conseil municipal : / 1° Dans les trois mois de la dernière vacance, si le conseil municipal a perdu le tiers de ses membres, et sous réserve de l'application du deuxième alinéa de l'article L. 258 ; / 2° Dans les conditions prévues aux articles L. 2122-8 et L. 2122-14 du code général des collectivités territoriales, s'il est nécessaire de compléter le conseil avant l'élection d'un nouveau maire ". Pour sa part, le premier alinéa de l'article L. 258 du même code, applicable aux communes de moins de 1 000 habitants, dans lesquelles l'élection des conseillers municipaux a lieu au scrutin majoritaire, dispose que : " Lorsque le conseil municipal a perdu, par l'effet des vacances survenues, le tiers de ses membres, il est, dans le délai de trois mois à dater de la dernière vacance, procédé à des élections complémentaires (...) ".
5. Il résulte des dispositions de l'article L. 2113-7 du code des collectivités territoriales que, si les anciens conseils municipaux l'ont décidé par délibérations concordantes, le conseil municipal d'une commune nouvelle issue de la fusion de plusieurs communes est composé, à titre transitoire jusqu'au premier renouvellement suivant la création de la commune nouvelle, des seuls conseillers municipaux en exercice lors de la fusion. Ces dispositions font obstacle, pendant la période allant de la création de la commune nouvelle au premier renouvellement du conseil municipal suivant cette création, à l'application des dispositions de l'article L. 270 du code électoral permettant, pour les communes de plus de 1 000 habitants, le remplacement des conseillers municipaux dont le siège devient vacant par les suivants de liste.
6. Il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, lorsqu'un siège de conseiller municipal devient vacant après la création d'une commune nouvelle et avant le premier renouvellement du conseil municipal suivant cette création, il ne peut être pourvu au remplacement par le suivant de liste. Le préfet du Morbihan est, dès lors, fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté son déféré dirigé contre la délibération du 15 octobre 2018 par laquelle le conseil municipal de Theix-Noyalo, à la suite de la démission de MmeD..., conseillère municipale élue dans l'ancienne commune de Theix, a installé M. E...F...en qualité de conseiller municipal.
Sur les frais de l'instance :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'intervention de la commune de Theix-Noyalo n'est pas admise.
Article 2 : Le jugement du 20 décembre 2018 du tribunal administratif de Rennes et la délibération du 15 octobre 2018 du conseil municipal de Theix-Noyalo sont annulés.
Article 3 : Il y a lieu de constater la vacance du siège de conseiller municipal de Theix-Noyalo précédemment occupé par MmeD....
Article 4 : Les conclusions de M. C...et M. F...présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au préfet du Morbihan, à M. E...F..., à M. A... C...et à la commune de Theix-Noyalo.
Copie en sera adressée à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
N° 427192
ECLI:FR:CECHR:2019:427192.20190724
Mentionné aux tables du recueil Lebon
6ème et 5ème chambres réunies
Mme Cécile Vaullerin, rapporteur
M. Stéphane Hoynck, rapporteur public
Lecture du mercredi 24 juillet 2019
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Le préfet du Morbihan a déféré au tribunal administratif de Rennes la délibération n° 2018-10-15-AGJ 94 du 15 octobre 2018 du conseil municipal de la commune nouvelle de Theix-Noyalo, prenant acte de l'installation de M. E...F...comme conseiller municipal, à la suite de la démission de Mme B...D.... Par un jugement n° 1805185 du 20 décembre 2018, le tribunal administratif a rejeté le déféré du préfet.
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 janvier et 29 mars 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le préfet du Morbihan demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du 20 décembre 2018 du tribunal administratif de Rennes et la délibération du 15 octobre 2018 du conseil municipal de Theix-Noyalo.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code électoral ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Cécile Vaullerin, auditeur,
- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 4 juillet 2019, présentée par M. C...et M.F... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il résulte de l'instruction que la commune de Theix-Noyalo est une commune nouvelle, créée à partir du 1er janvier 2016 par arrêté préfectoral du 5 novembre 2015, issue de la fusion des anciennes communes de Theix et de Noyalo, qui comptaient respectivement 7100 et 850 habitants. Le conseil municipal de la commune nouvelle est formé de l'ensemble des membres en exercice des conseils municipaux des deux anciennes communes conformément à l'article L. 2113-7 du code général des collectivités territoriales, soit un total de 44 élus, dont 29 pour Theix et 15 pour Noyalo. Depuis 2016, les conseillers municipaux de l'ancienne commune de Noyalo démissionnaires ou décédés n'ont pas été remplacés. Les conseillers municipaux démissionnaires de l'ancienne commune de Theix, ont, en revanche, été remplacés par les suivants de liste issue des élections municipales de 2014, conduisant à ce que le conseil municipal de la commune nouvelle ne soit plus composé que de 41 membres, dont 29 issus de Theix et 12 de Noyalo. Par une délibération du 15 octobre 2018, à la suite de la démission de Mme B...D..., conseillère municipale élue dans l'ancienne commune de Theix, le conseil municipal de Theix-Noyalo a installé comme conseiller municipal le suivant de liste, M. E...F.... Par un jugement du 20 décembre 2018, le tribunal administratif de Rennes a rejeté le déféré formé par le préfet du Morbihan contre cette délibération. Le préfet relève appel de ce jugement.
Sur la recevabilité du mémoire en défense et sur l'intervention de la commune de Theix-Noyalo :
2. Aux termes de l'article L. 248 du code électoral : " Tout électeur et tout éligible a le droit d'arguer de nullité les opérations électorales de la commune devant le tribunal administratif. / Le préfet, s'il estime que les conditions et les formes légalement prescrites n'ont pas été remplies, peut également déférer les opérations électorales au tribunal administratif ". Aux termes de l'article L. 250 du même code : " Le recours au Conseil d'Etat contre la décision du tribunal administratif est ouvert soit au préfet, soit aux parties intéressées ". Il résulte de ces dispositions que, dans un contentieux électoral, faute de justifier d'un intérêt propre, une commune ne peut avoir, quand bien même elle aurait été mise en cause dans l'instance, ni la qualité de partie, ni celle d'intervenant. Par suite, il y a lieu d'écarter le mémoire de la commune et de refuser l'admission de son intervention.
Au fond :
3. D'une part, en vertu de l'article L. 2113-1 du code général des collectivités territoriales, les communes nouvelles sont soumises aux règles applicables aux communes, sous réserve des dispositions du chapitre III du titre Ier du livre Ier de la deuxième partie de ce code et des autres dispositions législatives qui leur sont propres. L'article L. 2113-7 du même code dispose que : " I- Jusqu'au prochain renouvellement suivant la création de la commune nouvelle, le conseil municipal est composé : 1° De l'ensemble des membres en exercice des conseils municipaux des anciennes communes, si les conseils municipaux des communes concernées le décident par délibérations concordantes prises avant la création de la commune nouvelle (...) ".
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 270 du code électoral, applicable aux communes de plus de 1 000 habitants, dans lesquelles l'élection des conseillers municipaux a lieu au scrutin de liste : " Le candidat venant sur une liste immédiatement après le dernier élu est appelé à remplacer le conseiller municipal élu sur cette liste dont le siège devient vacant pour quelque cause que ce soit. La constatation, par la juridiction administrative, de l'inéligibilité d'un ou plusieurs candidats n'entraîne l'annulation de l'élection que du ou des élus inéligibles. La juridiction saisie proclame en conséquence l'élection du ou des suivants de liste. / (...) / Lorsque les dispositions des alinéas précédents ne peuvent plus être appliquées, il est procédé au renouvellement du conseil municipal : / 1° Dans les trois mois de la dernière vacance, si le conseil municipal a perdu le tiers de ses membres, et sous réserve de l'application du deuxième alinéa de l'article L. 258 ; / 2° Dans les conditions prévues aux articles L. 2122-8 et L. 2122-14 du code général des collectivités territoriales, s'il est nécessaire de compléter le conseil avant l'élection d'un nouveau maire ". Pour sa part, le premier alinéa de l'article L. 258 du même code, applicable aux communes de moins de 1 000 habitants, dans lesquelles l'élection des conseillers municipaux a lieu au scrutin majoritaire, dispose que : " Lorsque le conseil municipal a perdu, par l'effet des vacances survenues, le tiers de ses membres, il est, dans le délai de trois mois à dater de la dernière vacance, procédé à des élections complémentaires (...) ".
5. Il résulte des dispositions de l'article L. 2113-7 du code des collectivités territoriales que, si les anciens conseils municipaux l'ont décidé par délibérations concordantes, le conseil municipal d'une commune nouvelle issue de la fusion de plusieurs communes est composé, à titre transitoire jusqu'au premier renouvellement suivant la création de la commune nouvelle, des seuls conseillers municipaux en exercice lors de la fusion. Ces dispositions font obstacle, pendant la période allant de la création de la commune nouvelle au premier renouvellement du conseil municipal suivant cette création, à l'application des dispositions de l'article L. 270 du code électoral permettant, pour les communes de plus de 1 000 habitants, le remplacement des conseillers municipaux dont le siège devient vacant par les suivants de liste.
6. Il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, lorsqu'un siège de conseiller municipal devient vacant après la création d'une commune nouvelle et avant le premier renouvellement du conseil municipal suivant cette création, il ne peut être pourvu au remplacement par le suivant de liste. Le préfet du Morbihan est, dès lors, fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté son déféré dirigé contre la délibération du 15 octobre 2018 par laquelle le conseil municipal de Theix-Noyalo, à la suite de la démission de MmeD..., conseillère municipale élue dans l'ancienne commune de Theix, a installé M. E...F...en qualité de conseiller municipal.
Sur les frais de l'instance :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'intervention de la commune de Theix-Noyalo n'est pas admise.
Article 2 : Le jugement du 20 décembre 2018 du tribunal administratif de Rennes et la délibération du 15 octobre 2018 du conseil municipal de Theix-Noyalo sont annulés.
Article 3 : Il y a lieu de constater la vacance du siège de conseiller municipal de Theix-Noyalo précédemment occupé par MmeD....
Article 4 : Les conclusions de M. C...et M. F...présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au préfet du Morbihan, à M. E...F..., à M. A... C...et à la commune de Theix-Noyalo.
Copie en sera adressée à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.