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Ariane Web: Conseil d'État 422321, lecture du 15 juillet 2019, ECLI:FR:CECHS:2019:422321.20190715

Décision n° 422321
15 juillet 2019
Conseil d'État

N° 422321
ECLI:FR:CECHS:2019:422321.20190715
Inédit au recueil Lebon
7ème chambre
M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur
M. Gilles Pellissier, rapporteur public
SCP PIWNICA, MOLINIE ; CARBONNIER, avocats


Lecture du lundi 15 juillet 2019
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une décision du 22 février 2019, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi de la société Sogea Caroni contre l'arrêt n°s 15DA2028, 16DA00124 du 17 mai 2018 de la cour administrative d'appel de Douai en tant seulement que cet arrêt s'est prononcé sur les pénalités de retard mises à la charge de cette société dans le cadre du lot n° 1 " clos et couvert " du marché de construction de la base urbaine de loisirs de Saint-Quentin.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code des marchés publics ;
- le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux approuvé par le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Thomas Pez-Lavergne, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Sogea Caroni et à Me Carbonnier, avocat de la communauté d'agglomération de Saint Quentin ;


Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par acte d'engagement du 9 juillet 2007, la communauté d'agglomération de Saint-Quentin, devenue la communauté d'agglomération du Saint-Quentinois, a confié à la société Sogea Caroni le marché correspondant au lot n° 1 " clos et couvert " de la construction de la base urbaine de loisirs de Saint-Quentin. Le procès-verbal de réception avec réserves des ouvrages a été notifié à la société Sogea Caroni le 17 novembre 2010, avec effet au 25 août 2010. Par un ordre de service du 3 juillet 2012, la société d'équipement du département de l'Aisne, à qui avait été confiée une mission de maîtrise d'oeuvre déléguée, a notifié à la société Sogea Caroni le décompte général du marché. Sa demande d'annulation des pénalités de retard ayant été rejetée par le maître d'ouvrage, la société a saisi le tribunal administratif d'Amiens qui, par un jugement du 17 novembre 2015, a fait droit à cette demande. Sur appel de la communauté d'agglomération du Saint-Quentinois, la cour administrative d'appel de Douai a, par un arrêt du 17 mai 2018, contre lequel la société Sogea Caroni se pourvoit en cassation, fixé à 724 352,30 euros le montant des pénalités de retard à la charge de la société Sogea Caroni et rejeté la requête présentée par celle-ci. Les conclusions de ce pourvoi ont fait l'objet d'une admission partielle par une décision du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, du 22 février 2019, en tant seulement qu'elles portent sur les pénalités de retard.

2. Aux termes de l'article 20 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicables aux marchés publics de travaux, dans sa version applicable au litige : " Pénalités, primes et retenues. 20.1. En cas de retard dans l'exécution des travaux, qu'il s'agisse de l'ensemble du marché ou d'une tranche pour laquelle un délai d'exécution partiel ou une date limite a été fixé, il est appliqué, sauf stipulation différente du C.C.A.P., une pénalité journalière de 1/3.000 du montant de l'ensemble du marché ou de la tranche considérée. Ce montant est celui qui résulte des prévisions du marché, c'est-à-dire du marché initial éventuellement modifié ou complété par les avenants intervenus ". Aux termes de l'article 4.3. du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché en litige : " sauf dispositions différentes indiquées à l'article 4 de l'additif au CCAP, les stipulations de l'article 20 du CCAG sont applicables ". Aux termes de l'article 4.3. de l'additif au CCAP : " L'entrepreneur subira en cas de non-respect de la date limite d'achèvement des travaux, les pénalités journalières suivantes applicables au montant HT de l'acompte mensuel une pénalité journalière de 1/3000ème du montant du marché du lot considéré pour chacun des cinq premiers jours de retard et 1/2000ème du montant du marché du lot considéré pour chaque jour de retard ultérieur (....). Ces pénalités sont appliquées, lot par lot, en cas de retard dans l'exécution des travaux, comparativement au calendrier détaillé d'exécution élaboré et éventuellement modifié comme indiqué au 4.1.2. ci-dessus. / Ces dispositions s'appliquent aux délais intermédiaires définis dans le planning d'exécution. Toutefois, le maître d'ouvrage se réserve la possibilité, au cas où le retard serait résorbé, de remettre ces pénalités ".

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le compte rendu de la réunion de chantier du 8 juin 2010 indique que la société Sogea Caroni cumulait à cette date vingt-deux semaines de retard pour sept tâches. Le document intitulé " révision des pénalités de retard ", produit devant la cour administrative d'appel par la communauté d'agglomération, mentionne, pour sa part, un retard total de douze semaines qui sert de base au calcul des pénalités, en additionnant les retards observés sur différentes tâches. En jugeant que la communauté d'agglomération du Saint-Quentinois était fondée à appliquer des pénalités de retard à la société Sogea Caroni au motif que des retards avaient été constatés tâche par tâche lors de réunions de chantier, alors que les pénalités ne peuvent être appliquées, en vertu des stipulations citées au point 2, que lorsque les délais intermédiaires tels que définis dans les plannings d'exécution sont dépassés, la cour administrative d'appel de Douai s'est livrée à une interprétation de l'article 4.3. du CCAP du marché entachée de dénaturation.

4. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la société Sogea Caroni est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque, en tant qu'il se prononce sur les pénalités de retard mises à sa charge par la communauté d'agglomération du Saint-Quentinois.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté d'agglomération du Saint-Quentinois le versement de la somme de 3 500 euros à la société Sogea Caroni, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société Sogea Caroni qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 17 mai 2018 de la cour administrative d'appel de Douai est annulé en tant qu'il se prononce sur les pénalités de retard mises à la charge de la société Sogea Caroni.
Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure à la cour administrative d'appel de Douai.
Article 3 : La communauté d'agglomération du Saint-Quentinois versera à la société Sogea Caroni une somme de 3 500 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées au même titre par la communauté d'agglomération sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Sogea Caroni et à la communauté d'agglomération du Saint-Quentinois.