Conseil d'État
N° 429782
ECLI:FR:CECHS:2019:429782.20190712
Inédit au recueil Lebon
7ème chambre
M. Marc Firoud, rapporteur
M. Gilles Pellissier, rapporteur public
SCP GATINEAU, FATTACCINI ; SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE, avocats
Lecture du vendredi 12 juillet 2019
Vu la procédure suivante :
Les sociétés Eurofins Biomnis, Laborizon et eBioSanté ont demandé chacune au juge des référés du tribunal administratif de Paris, sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, d'annuler la procédure de passation du marché public engagée par la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM) pour le programme français de dépistage du cancer colorectal et de lui enjoindre de reprendre la procédure de consultation. Par des ordonnances n°s 1904204, 1904899 et 1904340 du 1er avril 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a fait droit à ces demandes et a enjoint à la CNAM de reprendre la procédure de passation.
1° Sous le numéro 429782, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 15 et 29 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Cerba demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1904204 ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société Eurofins Biomnis ;
3°) de mettre à la charge de la société Eurofins Biomnis la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le numéro 429783, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 15 et 29 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Cerba demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1904899 ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société Laborizon ;
3°) de mettre à la charge de la société Laborizon la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
3° Sous le numéro 429786, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 15 avril, 18 avril et 28 juin 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la CNAM demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1904204 ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société Eurofins Biomnis ;
3°) de mettre à la charge de la société Eurofins Biomnis la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
4° Sous le numéro 429789, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 15 avril, 18 avril et 28 juin 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la CNAM demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1904340 ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société eBioSanté ;
3°) de mettre à la charge de la société eBioSanté la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
5° Sous le numéro 429791, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 15 avril, 18 avril et 28 juin 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la CNAM demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1904889 ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société Laborizon ;
3°) de mettre à la charge de la société Laborizon la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
6° Sous le numéro 429812, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 15 et 29 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Cerba demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1904340 ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société eBioSanté ;
3°) de mettre à la charge de la société eBioSanté la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- l'ordonnance n° 2015-889 du 23 juillet 2015 ;
- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Marc Firoud, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de la société Cerba, à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de la société Eurofins Biomnis, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Laborizon, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM) et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la société eBioSanté ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 3 juillet 2019, présentée par la société Cerba, et la note en délibéré, enregistrée le 4 juillet 2019, présentée par la Caisse nationale de l'assurance maladie ;
Considérant ce qui suit :
1. Par un avis d'appel public à la concurrence publié le 26 juin 2018, la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM) a lancé une procédure d'appel d'offres ouvert pour la conclusion d'un marché en vue du renouvellement, pour une durée de cinq ans, du programme français de dépistage du cancer colorectal reposant sur l'utilisation d'un test immunologique et sa solution de lecture. Les offres présentées par la société Eurofins Biomnis, mandataire du groupement constitué avec la société Groupe Diffusion plus, et par la société Laborizon ont été rejetées pour irrégularité. L'offre de la société eBioSanté a été classée en seconde position. Le marché a été attribué à un groupement dont le mandataire est la société Cerba. Saisi sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative par les sociétés Eurofins Biomnis, eBioSanté et Laborizon, le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Paris a, par trois ordonnances distinctes du 1er avril 2019 contre lesquelles la CNAM et la société Cerba se pourvoient en cassation, annulé la procédure de passation du marché contesté.
2. Les pourvois de la société Cerba et de la CNAM sont dirigés contre les mêmes ordonnances. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
Sur les pourvois de la CNAM et de la société Cerba dirigés contre l'ordonnance n° 1904340 :
En ce qui concerne la régularité de l'ordonnance :
3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 742-5 du code de justice administrative : " La minute de l'ordonnance est signée du seul magistrat qui l'a rendue. (...) ". Il ressort de la minute de l'ordonnance attaquée que celle-ci porte la signature du juge des référés qui l'a rendue. Ainsi, le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article R. 742-5 du code de justice administrative auraient été méconnues ne peut qu'être écarté.
4. En deuxième lieu, en jugeant que la société eBioSanté invoquait un moyen tiré d'une information insuffisante en ce qui concerne la répartition probable des commandes entre coffrets de 20 et de 50 " kits " de dépistage, et non, comme le soutient la société Cerba, la seule répartition géographique des commandes, le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Paris ne s'est pas mépris sur la portée des écritures dont il était saisi. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'ordonnance aurait été fondée sur un moyen qui n'était pas soulevé doit être écarté.
5. En troisième lieu, en estimant que le manquement qu'il avait relevé, tiré du caractère incomplet des informations données aux candidats, était caractérisé et susceptible d'avoir lésé la société eBioSanté, dans la mesure où l'écart de notation sur le critère du prix entre son offre et celle de la société Cerba n'était que de 1,36 point, le juge du référé précontractuel, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments invoqués en défense, a suffisamment motivé son ordonnance.
En ce qui concerne le bien-fondé de l'ordonnance :
6. Il résulte des énonciations de l'ordonnance attaquée que le juge du référé précontractuel, pour annuler la procédure de passation du marché, s'est fondé sur le fait qu'une information incomplète et erronée avait été fournie aux entreprises candidates en ce qui concerne le nombre et la répartition des commandes entre celles portant sur des coffrets de 20 " kits " de dépistage et celles portant sur des coffrets de 50 " kits ", alors qu'il s'agissait d'une information utile pour l'élaboration des offres, car elle avait notamment une incidence sur le coût du transport.
7. En premier lieu, en estimant qu'une telle irrégularité constituait un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence, le juge du référé précontractuel, dont l'ordonnance ne saurait être interprétée comme ayant jugé que ce manquement présentait un caractère simplement hypothétique, ne l'a pas entachée d'erreur de droit.
8. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que les offres de prix des candidats, en vertu du règlement de consultation, devaient être évaluées à partir d'une simulation basée sur l'état de consommation du marché en 2016. En estimant, au terme de son appréciation souveraine, que si la quantité totale des commandes de l'année 2016 figurait à l'annexe 6 du cahier des charges techniques particulières (CCTP), cette annexe ne permettait pas de distinguer, au sein des commandes des centres de gestion, la répartition entre coffrets de 20 et de 50 " kits ", et que le tableau transmis aux candidats le 7 septembre 2018, soit le jour de l'expiration du délai qui leur était imparti pour demander des renseignements complémentaires, comportait des incohérences, ne permettait pas de déterminer la périodicité des volumes indiqués et comprenait des données ne correspondant pas à celles figurant dans l'annexe 6, le juge du référé précontractuel n'a pas entaché son ordonnance de dénaturation. Par ailleurs, les moyens tirés de ce qu'il aurait entaché son ordonnance d'erreur de qualification juridique ou de dénaturation en jugeant que la société Cerba disposait d'informations privilégiées ne peuvent, en tout état de cause, qu'être écartés, dès lors que ce n'est pas sur ce motif que s'est fondé le juge du référé précontractuel, qui s'est borné à relever incidemment que la société avait pu bénéficier de sa situation d'attributaire sortant.
9. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier soumis au juge du référé précontractuel que la société eBioSanté a obtenu une note de 48,64 sur le critère du prix, contre 50 pour la société Cerba, et une note de 44,5 sur le critère technique, contre 46 pour la société Cerba. Toutefois, il ne peut être exclu qu'en l'absence du manquement relevé, la société eBioSanté aurait pu obtenir une meilleure note que la société Cerba sur le critère du prix, avec un écart supérieur à celui séparant les deux sociétés sur le critère de la valeur technique. Dès lors, en relevant que la société eBioSanté était susceptible d'avoir été lésée par le manquement qu'il avait retenu, le juge du référé précontractuel n'a entaché son ordonnance ni d'erreur de droit, ni d'erreur de qualification juridique.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Cerba et la CNAM ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elles attaquent.
Sur les pourvois de la CNAM et de la société Cerba dirigés contre les ordonnances n°s 1904204 et 1904899 :
11. Il résulte des énonciations des ordonnances attaquées que le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Paris, après avoir annulé la procédure de passation du marché sous le n° 1904340, l'a de nouveau annulée, sous les n°s 1904204 et 1904899, " par voie de conséquence " de la première annulation, fondant ainsi sa décision sur un moyen qui n'avait pas été soulevé par les parties et ne leur avait pas été communiqué. Dès lors, la société Cerba et la CNAM sont fondées à soutenir que les ordonnances attaquées sont entachées d'irrégularité et, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de leurs pourvois, à en demander l'annulation.
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre des procédures engagées par les sociétés Laborizon et Eurofins Biomnis devant le juge des référés.
13. La présente décision rejetant les pourvois de la CNAM et de la société CERBA contre l'ordonnance n° 1904340 qui a annulé la procédure de passation du marché, il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes des sociétés Laborizon et Eurofins Biomnis tendant à cette même fin.
Sur les conclusions relatives aux frais d'instance :
14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la CNAM et de la société Cerba le versement d'une somme de 1 500 euros chacune à chacune des sociétés Eurofins Biomnis, eBioSanté et Laborizon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge des sociétés Eurofins Biomnis, eBioSanté et Laborizon, qui ne sont pas, dans les présentes instances, les parties perdantes.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Les pourvois de la société Cerba et de la CNAM contre l'ordonnance n° 1904340 du 1er avril 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Paris sont rejetés.
Article 2 : Les ordonnances n°s 1904204 et 1904899 du 1er avril 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Paris sont annulées.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes des sociétés Laborizon et Eurofins Biomnis formées devant le juge des référés du tribunal administratif de Paris.
Article 4 : La CNAM et la société Cerba verseront chacune une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à chacune des sociétés Eurofins Biomnis, eBioSanté et Laborizon.
Article 5 : Les conclusions présentées par la CNAM et la société Cerba au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la Caisse nationale de l'assurance maladie et aux sociétés Cerba, Eurofins Biomnis, eBioSanté, Laborizon.
Copie en sera adressée à la ministre des solidarités et de la santé.
N° 429782
ECLI:FR:CECHS:2019:429782.20190712
Inédit au recueil Lebon
7ème chambre
M. Marc Firoud, rapporteur
M. Gilles Pellissier, rapporteur public
SCP GATINEAU, FATTACCINI ; SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE, avocats
Lecture du vendredi 12 juillet 2019
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Les sociétés Eurofins Biomnis, Laborizon et eBioSanté ont demandé chacune au juge des référés du tribunal administratif de Paris, sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, d'annuler la procédure de passation du marché public engagée par la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM) pour le programme français de dépistage du cancer colorectal et de lui enjoindre de reprendre la procédure de consultation. Par des ordonnances n°s 1904204, 1904899 et 1904340 du 1er avril 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a fait droit à ces demandes et a enjoint à la CNAM de reprendre la procédure de passation.
1° Sous le numéro 429782, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 15 et 29 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Cerba demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1904204 ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société Eurofins Biomnis ;
3°) de mettre à la charge de la société Eurofins Biomnis la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le numéro 429783, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 15 et 29 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Cerba demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1904899 ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société Laborizon ;
3°) de mettre à la charge de la société Laborizon la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
3° Sous le numéro 429786, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 15 avril, 18 avril et 28 juin 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la CNAM demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1904204 ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société Eurofins Biomnis ;
3°) de mettre à la charge de la société Eurofins Biomnis la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
4° Sous le numéro 429789, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 15 avril, 18 avril et 28 juin 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la CNAM demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1904340 ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société eBioSanté ;
3°) de mettre à la charge de la société eBioSanté la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
5° Sous le numéro 429791, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 15 avril, 18 avril et 28 juin 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la CNAM demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1904889 ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société Laborizon ;
3°) de mettre à la charge de la société Laborizon la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
6° Sous le numéro 429812, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 15 et 29 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Cerba demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1904340 ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société eBioSanté ;
3°) de mettre à la charge de la société eBioSanté la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- l'ordonnance n° 2015-889 du 23 juillet 2015 ;
- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Marc Firoud, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de la société Cerba, à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de la société Eurofins Biomnis, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Laborizon, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM) et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la société eBioSanté ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 3 juillet 2019, présentée par la société Cerba, et la note en délibéré, enregistrée le 4 juillet 2019, présentée par la Caisse nationale de l'assurance maladie ;
Considérant ce qui suit :
1. Par un avis d'appel public à la concurrence publié le 26 juin 2018, la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM) a lancé une procédure d'appel d'offres ouvert pour la conclusion d'un marché en vue du renouvellement, pour une durée de cinq ans, du programme français de dépistage du cancer colorectal reposant sur l'utilisation d'un test immunologique et sa solution de lecture. Les offres présentées par la société Eurofins Biomnis, mandataire du groupement constitué avec la société Groupe Diffusion plus, et par la société Laborizon ont été rejetées pour irrégularité. L'offre de la société eBioSanté a été classée en seconde position. Le marché a été attribué à un groupement dont le mandataire est la société Cerba. Saisi sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative par les sociétés Eurofins Biomnis, eBioSanté et Laborizon, le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Paris a, par trois ordonnances distinctes du 1er avril 2019 contre lesquelles la CNAM et la société Cerba se pourvoient en cassation, annulé la procédure de passation du marché contesté.
2. Les pourvois de la société Cerba et de la CNAM sont dirigés contre les mêmes ordonnances. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
Sur les pourvois de la CNAM et de la société Cerba dirigés contre l'ordonnance n° 1904340 :
En ce qui concerne la régularité de l'ordonnance :
3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 742-5 du code de justice administrative : " La minute de l'ordonnance est signée du seul magistrat qui l'a rendue. (...) ". Il ressort de la minute de l'ordonnance attaquée que celle-ci porte la signature du juge des référés qui l'a rendue. Ainsi, le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article R. 742-5 du code de justice administrative auraient été méconnues ne peut qu'être écarté.
4. En deuxième lieu, en jugeant que la société eBioSanté invoquait un moyen tiré d'une information insuffisante en ce qui concerne la répartition probable des commandes entre coffrets de 20 et de 50 " kits " de dépistage, et non, comme le soutient la société Cerba, la seule répartition géographique des commandes, le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Paris ne s'est pas mépris sur la portée des écritures dont il était saisi. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'ordonnance aurait été fondée sur un moyen qui n'était pas soulevé doit être écarté.
5. En troisième lieu, en estimant que le manquement qu'il avait relevé, tiré du caractère incomplet des informations données aux candidats, était caractérisé et susceptible d'avoir lésé la société eBioSanté, dans la mesure où l'écart de notation sur le critère du prix entre son offre et celle de la société Cerba n'était que de 1,36 point, le juge du référé précontractuel, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments invoqués en défense, a suffisamment motivé son ordonnance.
En ce qui concerne le bien-fondé de l'ordonnance :
6. Il résulte des énonciations de l'ordonnance attaquée que le juge du référé précontractuel, pour annuler la procédure de passation du marché, s'est fondé sur le fait qu'une information incomplète et erronée avait été fournie aux entreprises candidates en ce qui concerne le nombre et la répartition des commandes entre celles portant sur des coffrets de 20 " kits " de dépistage et celles portant sur des coffrets de 50 " kits ", alors qu'il s'agissait d'une information utile pour l'élaboration des offres, car elle avait notamment une incidence sur le coût du transport.
7. En premier lieu, en estimant qu'une telle irrégularité constituait un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence, le juge du référé précontractuel, dont l'ordonnance ne saurait être interprétée comme ayant jugé que ce manquement présentait un caractère simplement hypothétique, ne l'a pas entachée d'erreur de droit.
8. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que les offres de prix des candidats, en vertu du règlement de consultation, devaient être évaluées à partir d'une simulation basée sur l'état de consommation du marché en 2016. En estimant, au terme de son appréciation souveraine, que si la quantité totale des commandes de l'année 2016 figurait à l'annexe 6 du cahier des charges techniques particulières (CCTP), cette annexe ne permettait pas de distinguer, au sein des commandes des centres de gestion, la répartition entre coffrets de 20 et de 50 " kits ", et que le tableau transmis aux candidats le 7 septembre 2018, soit le jour de l'expiration du délai qui leur était imparti pour demander des renseignements complémentaires, comportait des incohérences, ne permettait pas de déterminer la périodicité des volumes indiqués et comprenait des données ne correspondant pas à celles figurant dans l'annexe 6, le juge du référé précontractuel n'a pas entaché son ordonnance de dénaturation. Par ailleurs, les moyens tirés de ce qu'il aurait entaché son ordonnance d'erreur de qualification juridique ou de dénaturation en jugeant que la société Cerba disposait d'informations privilégiées ne peuvent, en tout état de cause, qu'être écartés, dès lors que ce n'est pas sur ce motif que s'est fondé le juge du référé précontractuel, qui s'est borné à relever incidemment que la société avait pu bénéficier de sa situation d'attributaire sortant.
9. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier soumis au juge du référé précontractuel que la société eBioSanté a obtenu une note de 48,64 sur le critère du prix, contre 50 pour la société Cerba, et une note de 44,5 sur le critère technique, contre 46 pour la société Cerba. Toutefois, il ne peut être exclu qu'en l'absence du manquement relevé, la société eBioSanté aurait pu obtenir une meilleure note que la société Cerba sur le critère du prix, avec un écart supérieur à celui séparant les deux sociétés sur le critère de la valeur technique. Dès lors, en relevant que la société eBioSanté était susceptible d'avoir été lésée par le manquement qu'il avait retenu, le juge du référé précontractuel n'a entaché son ordonnance ni d'erreur de droit, ni d'erreur de qualification juridique.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Cerba et la CNAM ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elles attaquent.
Sur les pourvois de la CNAM et de la société Cerba dirigés contre les ordonnances n°s 1904204 et 1904899 :
11. Il résulte des énonciations des ordonnances attaquées que le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Paris, après avoir annulé la procédure de passation du marché sous le n° 1904340, l'a de nouveau annulée, sous les n°s 1904204 et 1904899, " par voie de conséquence " de la première annulation, fondant ainsi sa décision sur un moyen qui n'avait pas été soulevé par les parties et ne leur avait pas été communiqué. Dès lors, la société Cerba et la CNAM sont fondées à soutenir que les ordonnances attaquées sont entachées d'irrégularité et, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de leurs pourvois, à en demander l'annulation.
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre des procédures engagées par les sociétés Laborizon et Eurofins Biomnis devant le juge des référés.
13. La présente décision rejetant les pourvois de la CNAM et de la société CERBA contre l'ordonnance n° 1904340 qui a annulé la procédure de passation du marché, il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes des sociétés Laborizon et Eurofins Biomnis tendant à cette même fin.
Sur les conclusions relatives aux frais d'instance :
14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la CNAM et de la société Cerba le versement d'une somme de 1 500 euros chacune à chacune des sociétés Eurofins Biomnis, eBioSanté et Laborizon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge des sociétés Eurofins Biomnis, eBioSanté et Laborizon, qui ne sont pas, dans les présentes instances, les parties perdantes.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Les pourvois de la société Cerba et de la CNAM contre l'ordonnance n° 1904340 du 1er avril 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Paris sont rejetés.
Article 2 : Les ordonnances n°s 1904204 et 1904899 du 1er avril 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Paris sont annulées.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes des sociétés Laborizon et Eurofins Biomnis formées devant le juge des référés du tribunal administratif de Paris.
Article 4 : La CNAM et la société Cerba verseront chacune une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à chacune des sociétés Eurofins Biomnis, eBioSanté et Laborizon.
Article 5 : Les conclusions présentées par la CNAM et la société Cerba au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la Caisse nationale de l'assurance maladie et aux sociétés Cerba, Eurofins Biomnis, eBioSanté, Laborizon.
Copie en sera adressée à la ministre des solidarités et de la santé.