Conseil d'État
N° 419443
ECLI:FR:CEASS:2018:419443.20181214
Publié au recueil Lebon
Assemblée
M. Guillaume Leforestier, rapporteur
M. Nicolas Polge, rapporteur public
SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX ; SCP PIWNICA, MOLINIE, avocats
Lecture du vendredi 14 décembre 2018
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 30 mars et 10 août 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. Mathieu Gallet demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision n° 2018-13 du 31 janvier 2018 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a mis fin à ses fonctions de président de la société Radio France ;
2°) de mettre à la charge du CSA une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;
- la loi n° 2013-1028 du 15 novembre 2013 ;
- la loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Guillaume Leforestier, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. A...et à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat du Conseil supérieur de l'audiovisuel ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 27 février 2014, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a nommé M. Mathieu Gallet président de la société Radio France à compter du 12 mai 2014 ; que, par une décision du 31 janvier 2018, il a mis fin aux fonctions de M. A...à compter du 1er mars suivant, à la suite de l'intervention, le 15 janvier 2018, d'un jugement pénal prononçant la condamnation de l'intéressé ; que M. A... demande l'annulation pour excès de pouvoir de cette dernière décision ;
Sur les moyens relatifs à l'impartialité et à l'indépendance du CSA :
2. Considérant que le principe d'impartialité s'impose à toute autorité administrative ; qu'aux termes de l'article 9 de la loi du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes : " Dans l'exercice de leurs attributions, les membres des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes ne reçoivent ni ne sollicitent d'instruction d'aucune autorité./ Les membres des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes ne prennent, à titre personnel, aucune position publique préjudiciable au bon fonctionnement de l'autorité à laquelle ils appartiennent " ; que ces dispositions s'appliquent au CSA, qui en vertu des dispositions de l'article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est une autorité publique indépendante ;
3. Considérant, en premier lieu, que si, le 23 janvier 2018, le président du CSA s'est publiquement exprimé sur les faits à l'origine du litige, en déclarant que " la réponse juridique est tout à fait claire, c'est au CSA qu'il incombe, selon la procédure prévue par la loi, de désigner le président de Radio France, quelles que soient les circonstances et quelle que soit la période ", de tels propos, consistant en un simple rappel des attributions que le CSA tient de la loi en matière de nomination des dirigeants de l'audiovisuel public, ne sont pas de nature à faire naître un doute légitime quant à l'impartialité de leur auteur ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que, le 16 janvier 2018, la ministre de la culture s'est exprimée publiquement sur la situation de M. A...en déclarant qu'un " dirigeant d'entreprise publique condamné pour favoritisme, ce n'est pas une situation acceptable " et qu'il " appartient à l'intéressé d'en tirer les conséquences, ainsi qu'au Conseil supérieur de l'audiovisuel, légalement compétent " ; qu'il ne résulte pas du seul fait que la procédure qui a débouché sur le retrait du mandat de M. A...a été engagée par une délibération du 17 janvier 2018, soit le lendemain de ces déclarations, que le conseil supérieur se serait cru tenu d'y donner suite et aurait ainsi méconnu son devoir d'indépendance ;
5. Considérant, en troisième lieu, que, le 31 janvier 2018, le CSA a indiqué en début d'après-midi dans un communiqué qu'il s'était prononcé pour le retrait du mandat de M. A... et a rendu publique dans la soirée sa décision motivée ; qu'entre temps, la ministre de la culture avait publié un communiqué rappelant l'exigence d'exemplarité des dirigeant publics et soulignant que Radio France était au coeur de la réflexion en cours sur la transformation de l'audiovisuel public ; que la circonstance que la motivation de la décision du CSA fait également état de tels éléments n'est pas de nature à faire présumer que la ministre de la culture se serait ingérée dans l'élaboration de la décision attaquée ; que, par ailleurs, contrairement à ce qui est soutenu, la circonstance que le CSA a fait connaître le sens de sa décision avant de procéder à sa publication intégrale ne révèle pas que la mesure de révocation aurait été adoptée avant que les motifs en soient délibérés ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les circonstances relevées par le requérant ne sont, prises ensemble ou séparément, pas de nature à faire naître un doute légitime sur l'impartialité du CSA lors de l'adoption de la décision attaquée ou à caractériser une atteinte à son indépendance ;
Sur les moyens relatifs aux motifs de la décision attaquée :
7. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 47-4 de la loi du 30 septembre 1986, dans sa rédaction issue de la loi du 15 novembre 2013 relative à l'indépendance de l'audiovisuel public : " Les présidents de la société France Télévisions, de la société Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France sont nommés pour cinq ans par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, à la majorité des membres qui le composent. Ces nominations font l'objet d'une décision motivée se fondant sur des critères de compétence et d'expérience " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 47-5 de la même loi, ce mandat " peut leur être retiré, par décision motivée, dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article 47-4 " ;
8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par un jugement du 15 janvier 2018, la 9ème chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Créteil a condamné M. A...à une peine d'un an d'emprisonnement assortie du sursis et à une amende de 20 000 euros à raison de quatre faits constitutifs du délit d'atteinte à la liberté d'accès ou à l'égalité des candidats dans les marchés publics ; que cette condamnation, dont l'intéressé a fait appel, a été prononcée à raison de faits commis entre 2010 et 2014, alors qu'il exerçait les fonctions de président de l'Institut national de l'audiovisuel ; que le CSA a retenu que cette condamnation pénale, alors même qu'elle ne revêtait pas un caractère définitif, rendait le maintien de son mandat incompatible avec le bon fonctionnement du service public de l'audiovisuel, dont il a estimé qu'il requiert des dirigeants des sociétés de ce secteur qu'ils fassent preuve d'exemplarité, soient à même d'accomplir leurs fonctions dans de bonnes conditions de disponibilité et de sérénité et conservent la confiance de l'Etat et des pouvoirs publics, dans un contexte de réforme de l'audiovisuel public et d'exigences renforcées en matière de déontologie des responsables publics ;
9. Considérant qu'il résulte des travaux préparatoires de la loi du 15 novembre 2013 qu'en prévoyant à l'article 47-5 de la loi du 30 septembre 1986 que le mandat des présidents des sociétés de l'audiovisuel public peut leur être retiré " dans les conditions prévues à l'article 47-4 ", le législateur a entendu renvoyer seulement aux conditions de majorité applicables aux décisions nommant ces présidents ; qu'en outre et en tout état de cause, les dispositions de l'article 47-4 selon lesquelles les présidents sont nommés en fonction de critères de compétence et d'expérience n'ont ni pour objet ni pour effet d'interdire au CSA de tenir compte, lors des nominations, d'autres motifs d'intérêt général relatifs au bon fonctionnement du service public de l'audiovisuel ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que le CSA a méconnu les dispositions précitées en fondant la décision attaquée sur des motifs étrangers à la compétence et à l'expérience de M. A...doit être écarté ;
10. Considérant que, lorsqu'il met en oeuvre les dispositions de l'article 47-5 de la loi du 30 septembre 1986, le CSA ne prononce pas une sanction mais agit au titre de ses pouvoirs de régulation dans l'intérêt du bon fonctionnement du service public de l'audiovisuel ; que sont de nature à justifier légalement le retrait du mandat du président d'une société de l'audiovisuel public des éléments de nature à compromettre la capacité de l'intéressé à poursuivre sa mission dans des conditions garantissant le bon fonctionnement de cette société, la préservation de son indépendance et la mise en oeuvre du projet pris en compte lors de la nomination ;
11. Considérant qu'en estimant que, " dans un contexte où les questions de déontologie, de prévention des conflits d'intérêts et de moralisation de la vie publique sont des préoccupations particulièrement fortes des citoyens et des pouvoirs publics ", une condamnation prononcée par le juge pénal à raison d'infractions constitutives de manquements au devoir de probité, ainsi que le retentissement de cette condamnation auprès de l'opinion publique, constituaient, du fait de leurs répercussions sur la capacité de l'intéressé à accomplir sa mission, des éléments de nature à justifier la mise en oeuvre des dispositions de l'article 47-5 de la loi du 30 septembre 1986, le CSA n'a pas commis d'erreur de droit ; que la décision attaquée, qui ne se prononce ni sur la matérialité des faits, ni sur leur qualification pénale, et qui rappelle que l'intéressé, ayant fait appel du jugement du tribunal de grande instance de Créteil, bénéficie de la présomption d'innocence, ne saurait être regardée comme portant atteinte à cette présomption ;
12. Considérant qu'après avoir relevé que " pour assurer dans de bonnes conditions la gestion et la tutelle d'une société possédée à cent pour cent par l'Etat actionnaire, il importe, dans le respect strict de la liberté de communication, que les relations d'échange et de dialogue entre les représentants de l'Etat et le président-directeur général de la société soient denses, confiantes et permanentes ", le CSA a également fondé sa décision sur les difficultés que pourrait comporter le maintien du mandat de M. A...dans le contexte d'une réforme du secteur public de l'audiovisuel qui exigerait " une concertation permanente, dans le respect des responsabilités de chacun " entre les pouvoirs publics et les dirigeants des sociétés de ce secteur ; que si, par elle-même, la circonstance que le dirigeant d'une société du secteur public de l'audiovisuel ne dispose plus de la confiance des autorités de l'Etat ne justifie pas que l'autorité de régulation mette fin à son mandat, le CSA n'a pas méconnu les dispositions de l'article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986 qui le chargent de garantir " l'indépendance et l'impartialité " de ce secteur, ni celles de l'article 47-5 de la même loi, en tenant compte notamment, pour prendre la décision attaquée, de l'intérêt qui s'attachait, du point de vue du bon fonctionnement de la société Radio France et dans le contexte qu'il a rappelé, à l'existence, dans les relations entre les pouvoirs publics et le président de cette société, des conditions permettant à ce dernier d'accomplir efficacement sa mission ;
13. Considérant qu'en estimant que, nonobstant le bilan des premières années de M. A... à la tête de Radio France, le maintien de son mandat en dépit de sa condamnation serait préjudiciable aux relations de cette société avec l'Etat et les pouvoirs publics, ainsi qu'à la sérénité et à la disponibilité nécessaires au bon fonctionnement de celle-ci et à l'accomplissement des missions du service public dont elle a la charge, le Conseil supérieur de l'audiovisuel n'a pas commis d'erreur d'appréciation ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque ;
15. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le CSA sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du CSA qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le CSA sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Mathieu Gallet et au Conseil supérieur de l'audiovisuel.
Copie en sera adressée au ministre de la culture et à la garde des sceaux, ministre de la justice.
N° 419443
ECLI:FR:CEASS:2018:419443.20181214
Publié au recueil Lebon
Assemblée
M. Guillaume Leforestier, rapporteur
M. Nicolas Polge, rapporteur public
SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX ; SCP PIWNICA, MOLINIE, avocats
Lecture du vendredi 14 décembre 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 30 mars et 10 août 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. Mathieu Gallet demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision n° 2018-13 du 31 janvier 2018 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a mis fin à ses fonctions de président de la société Radio France ;
2°) de mettre à la charge du CSA une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;
- la loi n° 2013-1028 du 15 novembre 2013 ;
- la loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Guillaume Leforestier, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. A...et à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat du Conseil supérieur de l'audiovisuel ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 27 février 2014, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a nommé M. Mathieu Gallet président de la société Radio France à compter du 12 mai 2014 ; que, par une décision du 31 janvier 2018, il a mis fin aux fonctions de M. A...à compter du 1er mars suivant, à la suite de l'intervention, le 15 janvier 2018, d'un jugement pénal prononçant la condamnation de l'intéressé ; que M. A... demande l'annulation pour excès de pouvoir de cette dernière décision ;
Sur les moyens relatifs à l'impartialité et à l'indépendance du CSA :
2. Considérant que le principe d'impartialité s'impose à toute autorité administrative ; qu'aux termes de l'article 9 de la loi du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes : " Dans l'exercice de leurs attributions, les membres des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes ne reçoivent ni ne sollicitent d'instruction d'aucune autorité./ Les membres des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes ne prennent, à titre personnel, aucune position publique préjudiciable au bon fonctionnement de l'autorité à laquelle ils appartiennent " ; que ces dispositions s'appliquent au CSA, qui en vertu des dispositions de l'article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est une autorité publique indépendante ;
3. Considérant, en premier lieu, que si, le 23 janvier 2018, le président du CSA s'est publiquement exprimé sur les faits à l'origine du litige, en déclarant que " la réponse juridique est tout à fait claire, c'est au CSA qu'il incombe, selon la procédure prévue par la loi, de désigner le président de Radio France, quelles que soient les circonstances et quelle que soit la période ", de tels propos, consistant en un simple rappel des attributions que le CSA tient de la loi en matière de nomination des dirigeants de l'audiovisuel public, ne sont pas de nature à faire naître un doute légitime quant à l'impartialité de leur auteur ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que, le 16 janvier 2018, la ministre de la culture s'est exprimée publiquement sur la situation de M. A...en déclarant qu'un " dirigeant d'entreprise publique condamné pour favoritisme, ce n'est pas une situation acceptable " et qu'il " appartient à l'intéressé d'en tirer les conséquences, ainsi qu'au Conseil supérieur de l'audiovisuel, légalement compétent " ; qu'il ne résulte pas du seul fait que la procédure qui a débouché sur le retrait du mandat de M. A...a été engagée par une délibération du 17 janvier 2018, soit le lendemain de ces déclarations, que le conseil supérieur se serait cru tenu d'y donner suite et aurait ainsi méconnu son devoir d'indépendance ;
5. Considérant, en troisième lieu, que, le 31 janvier 2018, le CSA a indiqué en début d'après-midi dans un communiqué qu'il s'était prononcé pour le retrait du mandat de M. A... et a rendu publique dans la soirée sa décision motivée ; qu'entre temps, la ministre de la culture avait publié un communiqué rappelant l'exigence d'exemplarité des dirigeant publics et soulignant que Radio France était au coeur de la réflexion en cours sur la transformation de l'audiovisuel public ; que la circonstance que la motivation de la décision du CSA fait également état de tels éléments n'est pas de nature à faire présumer que la ministre de la culture se serait ingérée dans l'élaboration de la décision attaquée ; que, par ailleurs, contrairement à ce qui est soutenu, la circonstance que le CSA a fait connaître le sens de sa décision avant de procéder à sa publication intégrale ne révèle pas que la mesure de révocation aurait été adoptée avant que les motifs en soient délibérés ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les circonstances relevées par le requérant ne sont, prises ensemble ou séparément, pas de nature à faire naître un doute légitime sur l'impartialité du CSA lors de l'adoption de la décision attaquée ou à caractériser une atteinte à son indépendance ;
Sur les moyens relatifs aux motifs de la décision attaquée :
7. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 47-4 de la loi du 30 septembre 1986, dans sa rédaction issue de la loi du 15 novembre 2013 relative à l'indépendance de l'audiovisuel public : " Les présidents de la société France Télévisions, de la société Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France sont nommés pour cinq ans par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, à la majorité des membres qui le composent. Ces nominations font l'objet d'une décision motivée se fondant sur des critères de compétence et d'expérience " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 47-5 de la même loi, ce mandat " peut leur être retiré, par décision motivée, dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article 47-4 " ;
8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par un jugement du 15 janvier 2018, la 9ème chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Créteil a condamné M. A...à une peine d'un an d'emprisonnement assortie du sursis et à une amende de 20 000 euros à raison de quatre faits constitutifs du délit d'atteinte à la liberté d'accès ou à l'égalité des candidats dans les marchés publics ; que cette condamnation, dont l'intéressé a fait appel, a été prononcée à raison de faits commis entre 2010 et 2014, alors qu'il exerçait les fonctions de président de l'Institut national de l'audiovisuel ; que le CSA a retenu que cette condamnation pénale, alors même qu'elle ne revêtait pas un caractère définitif, rendait le maintien de son mandat incompatible avec le bon fonctionnement du service public de l'audiovisuel, dont il a estimé qu'il requiert des dirigeants des sociétés de ce secteur qu'ils fassent preuve d'exemplarité, soient à même d'accomplir leurs fonctions dans de bonnes conditions de disponibilité et de sérénité et conservent la confiance de l'Etat et des pouvoirs publics, dans un contexte de réforme de l'audiovisuel public et d'exigences renforcées en matière de déontologie des responsables publics ;
9. Considérant qu'il résulte des travaux préparatoires de la loi du 15 novembre 2013 qu'en prévoyant à l'article 47-5 de la loi du 30 septembre 1986 que le mandat des présidents des sociétés de l'audiovisuel public peut leur être retiré " dans les conditions prévues à l'article 47-4 ", le législateur a entendu renvoyer seulement aux conditions de majorité applicables aux décisions nommant ces présidents ; qu'en outre et en tout état de cause, les dispositions de l'article 47-4 selon lesquelles les présidents sont nommés en fonction de critères de compétence et d'expérience n'ont ni pour objet ni pour effet d'interdire au CSA de tenir compte, lors des nominations, d'autres motifs d'intérêt général relatifs au bon fonctionnement du service public de l'audiovisuel ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que le CSA a méconnu les dispositions précitées en fondant la décision attaquée sur des motifs étrangers à la compétence et à l'expérience de M. A...doit être écarté ;
10. Considérant que, lorsqu'il met en oeuvre les dispositions de l'article 47-5 de la loi du 30 septembre 1986, le CSA ne prononce pas une sanction mais agit au titre de ses pouvoirs de régulation dans l'intérêt du bon fonctionnement du service public de l'audiovisuel ; que sont de nature à justifier légalement le retrait du mandat du président d'une société de l'audiovisuel public des éléments de nature à compromettre la capacité de l'intéressé à poursuivre sa mission dans des conditions garantissant le bon fonctionnement de cette société, la préservation de son indépendance et la mise en oeuvre du projet pris en compte lors de la nomination ;
11. Considérant qu'en estimant que, " dans un contexte où les questions de déontologie, de prévention des conflits d'intérêts et de moralisation de la vie publique sont des préoccupations particulièrement fortes des citoyens et des pouvoirs publics ", une condamnation prononcée par le juge pénal à raison d'infractions constitutives de manquements au devoir de probité, ainsi que le retentissement de cette condamnation auprès de l'opinion publique, constituaient, du fait de leurs répercussions sur la capacité de l'intéressé à accomplir sa mission, des éléments de nature à justifier la mise en oeuvre des dispositions de l'article 47-5 de la loi du 30 septembre 1986, le CSA n'a pas commis d'erreur de droit ; que la décision attaquée, qui ne se prononce ni sur la matérialité des faits, ni sur leur qualification pénale, et qui rappelle que l'intéressé, ayant fait appel du jugement du tribunal de grande instance de Créteil, bénéficie de la présomption d'innocence, ne saurait être regardée comme portant atteinte à cette présomption ;
12. Considérant qu'après avoir relevé que " pour assurer dans de bonnes conditions la gestion et la tutelle d'une société possédée à cent pour cent par l'Etat actionnaire, il importe, dans le respect strict de la liberté de communication, que les relations d'échange et de dialogue entre les représentants de l'Etat et le président-directeur général de la société soient denses, confiantes et permanentes ", le CSA a également fondé sa décision sur les difficultés que pourrait comporter le maintien du mandat de M. A...dans le contexte d'une réforme du secteur public de l'audiovisuel qui exigerait " une concertation permanente, dans le respect des responsabilités de chacun " entre les pouvoirs publics et les dirigeants des sociétés de ce secteur ; que si, par elle-même, la circonstance que le dirigeant d'une société du secteur public de l'audiovisuel ne dispose plus de la confiance des autorités de l'Etat ne justifie pas que l'autorité de régulation mette fin à son mandat, le CSA n'a pas méconnu les dispositions de l'article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986 qui le chargent de garantir " l'indépendance et l'impartialité " de ce secteur, ni celles de l'article 47-5 de la même loi, en tenant compte notamment, pour prendre la décision attaquée, de l'intérêt qui s'attachait, du point de vue du bon fonctionnement de la société Radio France et dans le contexte qu'il a rappelé, à l'existence, dans les relations entre les pouvoirs publics et le président de cette société, des conditions permettant à ce dernier d'accomplir efficacement sa mission ;
13. Considérant qu'en estimant que, nonobstant le bilan des premières années de M. A... à la tête de Radio France, le maintien de son mandat en dépit de sa condamnation serait préjudiciable aux relations de cette société avec l'Etat et les pouvoirs publics, ainsi qu'à la sérénité et à la disponibilité nécessaires au bon fonctionnement de celle-ci et à l'accomplissement des missions du service public dont elle a la charge, le Conseil supérieur de l'audiovisuel n'a pas commis d'erreur d'appréciation ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque ;
15. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le CSA sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du CSA qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le CSA sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Mathieu Gallet et au Conseil supérieur de l'audiovisuel.
Copie en sera adressée au ministre de la culture et à la garde des sceaux, ministre de la justice.