Conseil d'État
N° 414384
ECLI:FR:CECHR:2018:414384.20181130
Inédit au recueil Lebon
7ème - 2ème chambres réunies
M. Marc Firoud, rapporteur
M. Gilles Pellissier, rapporteur public
SCP SPINOSI, SUREAU ; SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE ; SCP FOUSSARD, FROGER, avocats
Lecture du vendredi 30 novembre 2018
Vu la procédure suivante :
La société Philippe Vediaud Publicité a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler le contrat conclu le 26 juillet 2012 entre la commune d'Eysines et la société Communication et Développement Atlantique (CDA) ayant pour objet la mise à disposition, l'installation, l'entretien et la maintenance de mobilier publicitaire et non publicitaire à Eysines. Par un jugement n° 1203465 du 18 mars 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la requête.
Par un arrêt n° 15BX01573 du 17 juillet 2017, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé ce jugement ainsi que le contrat conclu le 26 juillet 2012 entre la commune d'Eysines et la société CDA.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 septembre et 18 décembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société CDA Publimedia, venant aux droits de la société CDA, demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;
3°) de mettre à la charge de la société Philippe Vediaud Publicité la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Marc Firoud, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de la société CDA Publimedia, à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de la société Philippe Vediaud Publicité et à la SCP Foussard, Froger, avocat de Bordeaux Métropole.
Considérant ce qui suit :
1. La société Philippe Vediaud Publicité a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler le marché public conclu le 26 juillet 2012 entre la commune d'Eysines et la société Communication et Développement Atlantique (CDA), ayant pour objet la mise à disposition, l'installation, l'entretien et la maintenance de mobiliers urbains sur le territoire de la commune ainsi que la réalisation de prestations d'impression et d'affichage pour la commune. Par un jugement du 18 mars 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Sur appel de la société Philippe Vediaud Publicité, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, par un arrêt du 17 juillet 2017, annulé ce jugement et prononcé l'annulation du contrat conclu le 26 juillet 2012. La société CDA Publimedia, venant aux droits de la société CDA, se pourvoit en cassation contre cet arrêt.
Sur l'intervention de Bordeaux Métropole :
2. Bordeaux Métropole justifie, eu égard à la nature et à l'objet du litige, d'un intérêt suffisant à l'annulation de l'arrêt attaqué. Par suite, son intervention est recevable.
Sur le pourvoi en cassation de la société CDA Publimedia :
3. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel de Bordeaux a estimé que le contrat attribué par la commune d'Eysines, qui, à la date à laquelle il a été conclu, était membre de la communauté urbaine de Bordeaux, devenue Bordeaux Métropole, avait un contenu illicite faute pour la commune de disposer du pouvoir de concéder à son cocontractant, en contrepartie des prestations obtenues, le droit d'exploiter commercialement les mobiliers urbains, dès lors qu'ils étaient installés sur le domaine public routier dont la communauté urbaine était devenue seule gestionnaire en vertu de l'article L. 5215-20-1 du code général des collectivités territoriales, qui, dans sa rédaction alors applicable, avait transféré aux communautés urbaines les pouvoirs des communes membres en matière de gestion du domaine public routier, et que l'installation de ces mobiliers impliquait une emprise au sol.
4. Toutefois, il ressort également des énonciations de l'arrêt attaqué que le marché de mobilier urbain passé par la commune avait pour objet de permettre la réalisation et la fourniture de prestations de service en matière d'information municipale par voie d'affichage. Ce contrat répondait aux besoins de la commune. En contrepartie des prestations assurées, le cocontractant se rémunérait par l'exploitation, à titre exclusif, d'une partie des mobiliers urbains à des fins publicitaires. Un tel contrat ne constituait ainsi ni une simple convention domaniale, ni une convention se rapportant à la gestion de la voirie.
5. Par suite, si l'installation sur le domaine public routier des dispositifs de mobilier urbain nécessitait la délivrance d'une autorisation de la part du gestionnaire du domaine public, celui-ci n'était compétent ni pour prendre la décision de recourir à ce mode d'affichage, ni pour l'exploiter. La cour administrative d'appel de Bordeaux a, dès lors, commis une erreur de droit en déduisant de la circonstance que l'implantation des mobiliers urbains sur le domaine public routier nécessitait la délivrance d'une permission de voirie par la communauté urbaine de Bordeaux l'incompétence de la commune pour passer un tel contrat.
6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, que la société CDA Publimedia est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Philippe Vediaud Publicité le versement d'une somme de 3 000 euros à la société CDA Publimedia au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'intervention de Bordeaux Métropole est admise.
Article 2 : L'arrêt du 17 juillet 2017 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé.
Article 3 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 4 : La société Philippe Védiaud Publicité versera à la société CDA Publimedia une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5: Le présent arrêt sera notifié à la société CDA Publimedia et à Bordeaux Métropole.
Copie en sera adressée à la société Philippe Vediaud Publicité et à la commune d'Eysines.
N° 414384
ECLI:FR:CECHR:2018:414384.20181130
Inédit au recueil Lebon
7ème - 2ème chambres réunies
M. Marc Firoud, rapporteur
M. Gilles Pellissier, rapporteur public
SCP SPINOSI, SUREAU ; SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE ; SCP FOUSSARD, FROGER, avocats
Lecture du vendredi 30 novembre 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société Philippe Vediaud Publicité a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler le contrat conclu le 26 juillet 2012 entre la commune d'Eysines et la société Communication et Développement Atlantique (CDA) ayant pour objet la mise à disposition, l'installation, l'entretien et la maintenance de mobilier publicitaire et non publicitaire à Eysines. Par un jugement n° 1203465 du 18 mars 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la requête.
Par un arrêt n° 15BX01573 du 17 juillet 2017, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé ce jugement ainsi que le contrat conclu le 26 juillet 2012 entre la commune d'Eysines et la société CDA.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 septembre et 18 décembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société CDA Publimedia, venant aux droits de la société CDA, demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;
3°) de mettre à la charge de la société Philippe Vediaud Publicité la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Marc Firoud, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de la société CDA Publimedia, à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de la société Philippe Vediaud Publicité et à la SCP Foussard, Froger, avocat de Bordeaux Métropole.
Considérant ce qui suit :
1. La société Philippe Vediaud Publicité a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler le marché public conclu le 26 juillet 2012 entre la commune d'Eysines et la société Communication et Développement Atlantique (CDA), ayant pour objet la mise à disposition, l'installation, l'entretien et la maintenance de mobiliers urbains sur le territoire de la commune ainsi que la réalisation de prestations d'impression et d'affichage pour la commune. Par un jugement du 18 mars 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Sur appel de la société Philippe Vediaud Publicité, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, par un arrêt du 17 juillet 2017, annulé ce jugement et prononcé l'annulation du contrat conclu le 26 juillet 2012. La société CDA Publimedia, venant aux droits de la société CDA, se pourvoit en cassation contre cet arrêt.
Sur l'intervention de Bordeaux Métropole :
2. Bordeaux Métropole justifie, eu égard à la nature et à l'objet du litige, d'un intérêt suffisant à l'annulation de l'arrêt attaqué. Par suite, son intervention est recevable.
Sur le pourvoi en cassation de la société CDA Publimedia :
3. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel de Bordeaux a estimé que le contrat attribué par la commune d'Eysines, qui, à la date à laquelle il a été conclu, était membre de la communauté urbaine de Bordeaux, devenue Bordeaux Métropole, avait un contenu illicite faute pour la commune de disposer du pouvoir de concéder à son cocontractant, en contrepartie des prestations obtenues, le droit d'exploiter commercialement les mobiliers urbains, dès lors qu'ils étaient installés sur le domaine public routier dont la communauté urbaine était devenue seule gestionnaire en vertu de l'article L. 5215-20-1 du code général des collectivités territoriales, qui, dans sa rédaction alors applicable, avait transféré aux communautés urbaines les pouvoirs des communes membres en matière de gestion du domaine public routier, et que l'installation de ces mobiliers impliquait une emprise au sol.
4. Toutefois, il ressort également des énonciations de l'arrêt attaqué que le marché de mobilier urbain passé par la commune avait pour objet de permettre la réalisation et la fourniture de prestations de service en matière d'information municipale par voie d'affichage. Ce contrat répondait aux besoins de la commune. En contrepartie des prestations assurées, le cocontractant se rémunérait par l'exploitation, à titre exclusif, d'une partie des mobiliers urbains à des fins publicitaires. Un tel contrat ne constituait ainsi ni une simple convention domaniale, ni une convention se rapportant à la gestion de la voirie.
5. Par suite, si l'installation sur le domaine public routier des dispositifs de mobilier urbain nécessitait la délivrance d'une autorisation de la part du gestionnaire du domaine public, celui-ci n'était compétent ni pour prendre la décision de recourir à ce mode d'affichage, ni pour l'exploiter. La cour administrative d'appel de Bordeaux a, dès lors, commis une erreur de droit en déduisant de la circonstance que l'implantation des mobiliers urbains sur le domaine public routier nécessitait la délivrance d'une permission de voirie par la communauté urbaine de Bordeaux l'incompétence de la commune pour passer un tel contrat.
6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, que la société CDA Publimedia est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Philippe Vediaud Publicité le versement d'une somme de 3 000 euros à la société CDA Publimedia au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'intervention de Bordeaux Métropole est admise.
Article 2 : L'arrêt du 17 juillet 2017 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé.
Article 3 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 4 : La société Philippe Védiaud Publicité versera à la société CDA Publimedia une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5: Le présent arrêt sera notifié à la société CDA Publimedia et à Bordeaux Métropole.
Copie en sera adressée à la société Philippe Vediaud Publicité et à la commune d'Eysines.