Conseil d'État
N° 406435
ECLI:FR:CECHR:2018:406435.20180530
Mentionné aux tables du recueil Lebon
10ème - 9ème chambres réunies
Mme Isabelle Lemesle, rapporteur
M. Edouard Crépey, rapporteur public
SCP PIWNICA, MOLINIE, avocats
Lecture du mercredi 30 mai 2018
Vu la procédure suivante :
Procédure antérieure :
Mme C...A...a demandé au tribunal administratif de Paris la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2002, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 0913417/2-1 du 19 juillet 2011, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 11PA04271 du 18 avril 2013, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par Mme A...contre ce jugement.
Par une décision n° 369474 du 15 octobre 2015, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 18 avril 2013 et a renvoyé l'affaire devant la même cour.
Par un arrêt n° 15PA04006 du 30 novembre 2016, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par Mme A...contre le jugement du 19 juillet 2011 du tribunal administratif de Paris.
Procédure devant le Conseil d'Etat :
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 30 décembre 2016, 21 mars 2017 et 8 novembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt du 30 novembre 2016 ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Isabelle Lemesle, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de Mme C...A...;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A...a déclaré, au titre de ses revenus pour l'année 2002, une plus-value de cession de valeurs mobilières provenant de la vente d'actions de la société anonyme R.D. A la suite de la saisie de documents dans le cadre de la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales à l'encontre de la société SNGI, autorisée par une ordonnance du 17 mai 1999 délivrée par le juge délégué du tribunal de grande instance d'Orléans, l'administration a, en application des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, estimé que cette vente visait à obtenir l'imposition de cette plus-value de cession au taux proportionnel de 16 % alors que cette opération correspondait en réalité à la distribution à Mme A...d'une partie des bénéfices et réserves de la société, imposable selon le barème progressif de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. Par un jugement du 19 juillet 2011, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de Mme A...tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2002 à raison de ce redressement, ainsi que des pénalités correspondantes. Mme A...se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 30 novembre 2016 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, statuant sur renvoi du Conseil d'Etat, a rejeté son appel contre ce jugement.
2. Aux termes de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à l'opération de visite et de saisie litigieuse : " I. Lorsque l'autorité judiciaire, saisie par l'administration fiscale, estime qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou de la taxe sur la valeur ajoutée en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts, elle peut (...) autoriser les agents de l'administration des impôts (...) à rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s'y rapportant sont susceptibles d'être détenus et procéder à leur saisie. / II. Chaque visite doit être autorisée par une ordonnance du président du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter ou d'un juge délégué par lui. / (...) L'ordonnance mentionnée au premier alinéa n'est susceptible que d'un pourvoi en cassation selon les règles prévues par le code de procédure pénale (...)./ (...) IV. Un procès-verbal relatant les modalités et le déroulement de l'opération et consignant les constatations effectuées est dressé sur-le-champ par les agents de l'administration des impôts. Un inventaire des pièces et documents saisis lui est annexé s'il y a lieu. (...)".
3. A la suite de l'arrêt Ravon et autres c/France (n° 18497/03) du 21 février 2008 par lequel la Cour européenne des droits de l'homme a jugé que les voies de recours ouvertes aux contribuables pour contester la régularité des visites et saisies opérées sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ne garantissaient pas l'accès à un procès équitable au sens de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 164 de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie a prévu, pour les opérations mentionnées à l'article L. 16 B pour lesquelles le procès-verbal ou l'inventaire avait été remis ou réceptionné antérieurement à l'entrée en vigueur de cette loi, une procédure d'appel devant le premier président de la cour d'appel contre l'ordonnance autorisant la visite et un recours devant ce même juge contre le déroulement des opérations de visite et de saisie, les ordonnances rendues par ce dernier étant susceptibles d'un pourvoi en cassation. Le d) du 1 du IV du même article 164 dispose, d'une part, que cet appel et ce recours sont ouverts notamment " lorsque, à partir d'éléments obtenus par l'administration dans le cadre d'une procédure de visite et de saisie, des impositions ont été établies (...) et qu'elles font (...) l'objet, à la date de l'entrée en vigueur de la présente loi, (...) d'un recours contentieux devant le juge, sous réserve des affaires dans lesquelles des décisions sont passées en force de chose jugée " et, d'autre part, que " le juge, informé par l'auteur de l'appel ou du recours ou par l'administration, sursoit alors à statuer jusqu'au prononcé de l'ordonnance du premier président de la cour d'appel ". Le 3 du IV de ce même article fait obligation à l'administration d'informer les personnes visées par l'ordonnance ou par les opérations de visite et de saisie de l'existence de ces voies de recours et du délai de deux mois ouvert à compter de la réception de cette information pour, le cas échéant, faire appel de l'ordonnance ou former un recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie, cet appel et ce recours étant exclusifs de toute appréciation par le juge du fond de la régularité du déroulement de ces opérations. Il précise qu'en l'absence d'information de la part de l'administration, ces personnes peuvent exercer cet appel ou ce recours sans condition de délai. En outre, il résulte d'une jurisprudence établie de la Cour de cassation que cette contestation peut également être formée par des tiers, dès lors que des impositions ont été établies, ou des rectifications effectuées, à leur encontre, à partir d'éléments obtenus par l'administration dans le cadre d'une telle opération. Il appartient ainsi à un tiers, s'il s'y croit fondé et, en cas d'absence d'information de la part de l'administration sur l'existence de ces voies de recours, sans condition de délai, de saisir le premier président de la cour d'appel.
4. L'obligation d'information qui pèse ainsi sur l'administration fiscale ne peut être regardée comme satisfaite que si le contribuable a été effectivement mis à même d'exercer les voies de recours ouvertes par les dispositions du IV de l'article 164 de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie par la communication de l'ordonnance autorisant la visite, du procès-verbal de saisie et, le cas échéant, de l'inventaire des pièces et documents saisis. Il appartient à l'administration de s'assurer que le contribuable a été destinataire de ces pièces dans le cadre de la procédure de visite. Si tel n'est pas le cas, notamment en raison de sa qualité de tiers, l'administration est tenue de les lui transmettre.
5. En jugeant que Mme A...avait été en mesure d'exercer les voies de recours ouvertes par le IV de l'article 164 de la loi du 4 août 2008 au motif qu'elle avait eu connaissance de leur existence et des délais dans lesquels les exercer, sans rechercher si elle avait eu communication de l'ordonnance ayant autorisé la visite domiciliaire de la société SNGI ainsi que des procès-verbaux établis pour son exécution et le cas échéant de l'inventaire des pièces et documents saisis, la cour a entaché son arrêt d'erreur de droit.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que Mme A...est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
7. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ". Le Conseil d'Etat étant saisi, en l'espèce, d'un second pourvoi en cassation, il lui incombe de régler l'affaire au fond.
8. D'une part, si Mme A...conteste la régularité du jugement attaqué au motif qu'elle n'aurait pas disposé du temps nécessaire, avant l'audience qui s'est tenue le 5 juillet 2011, pour répondre au mémoire en défense de l'administration, enregistré au greffe du tribunal administratif le 27 juin 2011, il ressort des pièces du dossier de première instance qu'elle a reçu communication de ce mémoire le 28 juin et y a répondu le 1er juillet. Le moyen doit dès lors être écarté.
9. D'autre part, il résulte de l'instruction que l'administration fiscale s'est fondée sur des éléments qu'elle a recueillis à l'occasion de la procédure de visite et de saisie dont la société SNGI a fait l'objet en application de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales pour établir des impositions supplémentaires à l'encontre de MmeB.... La régularité des impositions en litige est, ainsi, subordonnée à la régularité de cette procédure, que la contribuable peut contester devant le juge judiciaire.
10. Alors même que la requérante aurait été informée, dans le cadre de la procédure juridictionnelle, de l'existence de voies de recours et des délais pour les exercer à l'encontre tant de l'ordonnance autorisant les opérations de visite et de saisie que du déroulement des opérations, elle n'a pas été mise à même d'exercer effectivement les voies de recours ouvertes dans des conditions conformes aux dispositions du IV de l'article 164 de la loi du 4 août 2008, dès lors qu'elle n'a eu communication, en dépit de sa demande formulée le 26 décembre 2003, ni de l'ordonnance autorisant la visite domiciliaire, ni du procès-verbal de visite et de saisie, le cas échéant avec ses annexes.
11. Dans ces conditions, il y a lieu, d'une part, dès lors que l'annulation, par la présente décision, de l'arrêt attaqué de la cour administrative d'appel rend à nouveau possible l'exercice des voies de recours prévues à l'article 164 de la loi du 4 août 2008, d'ordonner au ministre de l'action et des comptes publics de communiquer, dans un délai d'un mois, à Mme A... les documents mentionnés au point 10 après en avoir, s'il y a lieu, occulté les passages couverts par les secrets protégés par la loi et, d'autre part, de surseoir à statuer sur la requête de Mme A...et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative afin de lui permettre, si elle s'y croit fondée, de saisir le premier président de la cour d'appel en application de ces dispositions transitoires. Il sera ainsi sursis à statuer jusqu'à l'expiration du délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision si le ministre de l'action et des comptes publics s'abstient de mettre en oeuvre la communication des documents mentionnés au point 10, ou jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la notification de ces documents à Mme A...si cette dernière décide de ne pas exercer les voies de recours prévues à l'article 164 de la loi du 4 août 2008, ou encore jusqu'à la décision du juge judiciaire si elle décide de les exercer.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 30 novembre 2016 est annulé.
Article 2 : Le ministre de l'action et des comptes publics communiquera à MmeB..., dans un délai d'un mois à compter de la présente décision, l'ordonnance du 17 mai 1999 délivrée par le juge délégué du tribunal de grande instance d'Orléans, ainsi que le procès-verbal de visite et de saisie y afférent, accompagné le cas échéant de ses annexes, après en avoir, s'il y a lieu, occulté les passages couverts par les secrets protégés par la loi.
Article 3 : Mme A...devra justifier, le cas échéant, devant le Conseil d'Etat, de la saisine de la juridiction judiciaire compétente dans un délai de deux mois à compter de la communication ordonnée à l'article 2.
Article 4 : Il est sursis à statuer sur la requête de Mme A...et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans les conditions fixées par la présente décision.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme C...A...et au ministre de l'action et des comptes publics.
N° 406435
ECLI:FR:CECHR:2018:406435.20180530
Mentionné aux tables du recueil Lebon
10ème - 9ème chambres réunies
Mme Isabelle Lemesle, rapporteur
M. Edouard Crépey, rapporteur public
SCP PIWNICA, MOLINIE, avocats
Lecture du mercredi 30 mai 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure antérieure :
Mme C...A...a demandé au tribunal administratif de Paris la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2002, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 0913417/2-1 du 19 juillet 2011, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 11PA04271 du 18 avril 2013, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par Mme A...contre ce jugement.
Par une décision n° 369474 du 15 octobre 2015, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 18 avril 2013 et a renvoyé l'affaire devant la même cour.
Par un arrêt n° 15PA04006 du 30 novembre 2016, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par Mme A...contre le jugement du 19 juillet 2011 du tribunal administratif de Paris.
Procédure devant le Conseil d'Etat :
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 30 décembre 2016, 21 mars 2017 et 8 novembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt du 30 novembre 2016 ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Isabelle Lemesle, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de Mme C...A...;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A...a déclaré, au titre de ses revenus pour l'année 2002, une plus-value de cession de valeurs mobilières provenant de la vente d'actions de la société anonyme R.D. A la suite de la saisie de documents dans le cadre de la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales à l'encontre de la société SNGI, autorisée par une ordonnance du 17 mai 1999 délivrée par le juge délégué du tribunal de grande instance d'Orléans, l'administration a, en application des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, estimé que cette vente visait à obtenir l'imposition de cette plus-value de cession au taux proportionnel de 16 % alors que cette opération correspondait en réalité à la distribution à Mme A...d'une partie des bénéfices et réserves de la société, imposable selon le barème progressif de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. Par un jugement du 19 juillet 2011, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de Mme A...tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2002 à raison de ce redressement, ainsi que des pénalités correspondantes. Mme A...se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 30 novembre 2016 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, statuant sur renvoi du Conseil d'Etat, a rejeté son appel contre ce jugement.
2. Aux termes de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à l'opération de visite et de saisie litigieuse : " I. Lorsque l'autorité judiciaire, saisie par l'administration fiscale, estime qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou de la taxe sur la valeur ajoutée en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts, elle peut (...) autoriser les agents de l'administration des impôts (...) à rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s'y rapportant sont susceptibles d'être détenus et procéder à leur saisie. / II. Chaque visite doit être autorisée par une ordonnance du président du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter ou d'un juge délégué par lui. / (...) L'ordonnance mentionnée au premier alinéa n'est susceptible que d'un pourvoi en cassation selon les règles prévues par le code de procédure pénale (...)./ (...) IV. Un procès-verbal relatant les modalités et le déroulement de l'opération et consignant les constatations effectuées est dressé sur-le-champ par les agents de l'administration des impôts. Un inventaire des pièces et documents saisis lui est annexé s'il y a lieu. (...)".
3. A la suite de l'arrêt Ravon et autres c/France (n° 18497/03) du 21 février 2008 par lequel la Cour européenne des droits de l'homme a jugé que les voies de recours ouvertes aux contribuables pour contester la régularité des visites et saisies opérées sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ne garantissaient pas l'accès à un procès équitable au sens de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 164 de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie a prévu, pour les opérations mentionnées à l'article L. 16 B pour lesquelles le procès-verbal ou l'inventaire avait été remis ou réceptionné antérieurement à l'entrée en vigueur de cette loi, une procédure d'appel devant le premier président de la cour d'appel contre l'ordonnance autorisant la visite et un recours devant ce même juge contre le déroulement des opérations de visite et de saisie, les ordonnances rendues par ce dernier étant susceptibles d'un pourvoi en cassation. Le d) du 1 du IV du même article 164 dispose, d'une part, que cet appel et ce recours sont ouverts notamment " lorsque, à partir d'éléments obtenus par l'administration dans le cadre d'une procédure de visite et de saisie, des impositions ont été établies (...) et qu'elles font (...) l'objet, à la date de l'entrée en vigueur de la présente loi, (...) d'un recours contentieux devant le juge, sous réserve des affaires dans lesquelles des décisions sont passées en force de chose jugée " et, d'autre part, que " le juge, informé par l'auteur de l'appel ou du recours ou par l'administration, sursoit alors à statuer jusqu'au prononcé de l'ordonnance du premier président de la cour d'appel ". Le 3 du IV de ce même article fait obligation à l'administration d'informer les personnes visées par l'ordonnance ou par les opérations de visite et de saisie de l'existence de ces voies de recours et du délai de deux mois ouvert à compter de la réception de cette information pour, le cas échéant, faire appel de l'ordonnance ou former un recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie, cet appel et ce recours étant exclusifs de toute appréciation par le juge du fond de la régularité du déroulement de ces opérations. Il précise qu'en l'absence d'information de la part de l'administration, ces personnes peuvent exercer cet appel ou ce recours sans condition de délai. En outre, il résulte d'une jurisprudence établie de la Cour de cassation que cette contestation peut également être formée par des tiers, dès lors que des impositions ont été établies, ou des rectifications effectuées, à leur encontre, à partir d'éléments obtenus par l'administration dans le cadre d'une telle opération. Il appartient ainsi à un tiers, s'il s'y croit fondé et, en cas d'absence d'information de la part de l'administration sur l'existence de ces voies de recours, sans condition de délai, de saisir le premier président de la cour d'appel.
4. L'obligation d'information qui pèse ainsi sur l'administration fiscale ne peut être regardée comme satisfaite que si le contribuable a été effectivement mis à même d'exercer les voies de recours ouvertes par les dispositions du IV de l'article 164 de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie par la communication de l'ordonnance autorisant la visite, du procès-verbal de saisie et, le cas échéant, de l'inventaire des pièces et documents saisis. Il appartient à l'administration de s'assurer que le contribuable a été destinataire de ces pièces dans le cadre de la procédure de visite. Si tel n'est pas le cas, notamment en raison de sa qualité de tiers, l'administration est tenue de les lui transmettre.
5. En jugeant que Mme A...avait été en mesure d'exercer les voies de recours ouvertes par le IV de l'article 164 de la loi du 4 août 2008 au motif qu'elle avait eu connaissance de leur existence et des délais dans lesquels les exercer, sans rechercher si elle avait eu communication de l'ordonnance ayant autorisé la visite domiciliaire de la société SNGI ainsi que des procès-verbaux établis pour son exécution et le cas échéant de l'inventaire des pièces et documents saisis, la cour a entaché son arrêt d'erreur de droit.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que Mme A...est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
7. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ". Le Conseil d'Etat étant saisi, en l'espèce, d'un second pourvoi en cassation, il lui incombe de régler l'affaire au fond.
8. D'une part, si Mme A...conteste la régularité du jugement attaqué au motif qu'elle n'aurait pas disposé du temps nécessaire, avant l'audience qui s'est tenue le 5 juillet 2011, pour répondre au mémoire en défense de l'administration, enregistré au greffe du tribunal administratif le 27 juin 2011, il ressort des pièces du dossier de première instance qu'elle a reçu communication de ce mémoire le 28 juin et y a répondu le 1er juillet. Le moyen doit dès lors être écarté.
9. D'autre part, il résulte de l'instruction que l'administration fiscale s'est fondée sur des éléments qu'elle a recueillis à l'occasion de la procédure de visite et de saisie dont la société SNGI a fait l'objet en application de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales pour établir des impositions supplémentaires à l'encontre de MmeB.... La régularité des impositions en litige est, ainsi, subordonnée à la régularité de cette procédure, que la contribuable peut contester devant le juge judiciaire.
10. Alors même que la requérante aurait été informée, dans le cadre de la procédure juridictionnelle, de l'existence de voies de recours et des délais pour les exercer à l'encontre tant de l'ordonnance autorisant les opérations de visite et de saisie que du déroulement des opérations, elle n'a pas été mise à même d'exercer effectivement les voies de recours ouvertes dans des conditions conformes aux dispositions du IV de l'article 164 de la loi du 4 août 2008, dès lors qu'elle n'a eu communication, en dépit de sa demande formulée le 26 décembre 2003, ni de l'ordonnance autorisant la visite domiciliaire, ni du procès-verbal de visite et de saisie, le cas échéant avec ses annexes.
11. Dans ces conditions, il y a lieu, d'une part, dès lors que l'annulation, par la présente décision, de l'arrêt attaqué de la cour administrative d'appel rend à nouveau possible l'exercice des voies de recours prévues à l'article 164 de la loi du 4 août 2008, d'ordonner au ministre de l'action et des comptes publics de communiquer, dans un délai d'un mois, à Mme A... les documents mentionnés au point 10 après en avoir, s'il y a lieu, occulté les passages couverts par les secrets protégés par la loi et, d'autre part, de surseoir à statuer sur la requête de Mme A...et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative afin de lui permettre, si elle s'y croit fondée, de saisir le premier président de la cour d'appel en application de ces dispositions transitoires. Il sera ainsi sursis à statuer jusqu'à l'expiration du délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision si le ministre de l'action et des comptes publics s'abstient de mettre en oeuvre la communication des documents mentionnés au point 10, ou jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la notification de ces documents à Mme A...si cette dernière décide de ne pas exercer les voies de recours prévues à l'article 164 de la loi du 4 août 2008, ou encore jusqu'à la décision du juge judiciaire si elle décide de les exercer.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 30 novembre 2016 est annulé.
Article 2 : Le ministre de l'action et des comptes publics communiquera à MmeB..., dans un délai d'un mois à compter de la présente décision, l'ordonnance du 17 mai 1999 délivrée par le juge délégué du tribunal de grande instance d'Orléans, ainsi que le procès-verbal de visite et de saisie y afférent, accompagné le cas échéant de ses annexes, après en avoir, s'il y a lieu, occulté les passages couverts par les secrets protégés par la loi.
Article 3 : Mme A...devra justifier, le cas échéant, devant le Conseil d'Etat, de la saisine de la juridiction judiciaire compétente dans un délai de deux mois à compter de la communication ordonnée à l'article 2.
Article 4 : Il est sursis à statuer sur la requête de Mme A...et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans les conditions fixées par la présente décision.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme C...A...et au ministre de l'action et des comptes publics.