Conseil d'État
N° 407914
ECLI:FR:CECHR:2018:407914.20180214
Mentionné aux tables du recueil Lebon
5ème et 6ème chambres réunies
M. Florian Roussel, rapporteur
Mme Laurence Marion, rapporteur public
Lecture du mercredi 14 février 2018
Vu la procédure suivante :
M. B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 18 janvier 2016 par laquelle le préfet de la Drôme a suspendu son permis de conduire en application de l'article L. 224-2 du code de la route pour une durée de six mois. Par un jugement n° 1601470 du 12 décembre 2016, le tribunal administratif a fait droit à cette demande.
Par un pourvoi enregistré le 13 février 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de M.B....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la route ;
- la loi du 4 juillet 1837 modifiée ;
- le décret n° 2001-387 du 3 mai 2001 ;
- l'arrêté du 8 juillet 2003 relatif au contrôle des éthylomètres ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Florian Roussel, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Laurence Marion, rapporteur public.
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par une décision du 18 janvier 2016, le préfet de la Drôme a, au vu d'un procès-verbal faisant apparaître que M. B...avait conduit sous l'empire d'un état alcoolique caractérisé par un taux de 0,43 mg d'alcool par litre d'air expiré selon une première mesure et de 0,40 mg selon une seconde mesure, suspendu le permis de conduire de l'intéressé pour une durée de six mois en application de l'article L. 224-2 du code de la route ; que le ministre de l'intérieur se pourvoit en cassation contre le jugement du 12 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 224-1 du code de la route : " Lorsque les épreuves de dépistage de l'imprégnation alcoolique et le comportement du conducteur permettent de présumer que celui-ci conduisait sous l'empire de l'état alcoolique défini à l'article L. 234-1 ou lorsque les mesures faites au moyen de l'appareil homologué mentionné à l'article L. 234-4 ont établi cet état, les officiers et agents de police judiciaire retiennent à titre conservatoire le permis de conduire de l'intéressé. (...) " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 224-2 du même code : " Lorsque l'état alcoolique est établi au moyen d'un appareil homologué, comme il est dit au premier alinéa de l'article L. 224-1, ou lorsque les vérifications mentionnées aux articles L. 234-4 et L. 234-5 apportent la preuve de cet état, le représentant de l'Etat dans le département peut, dans les soixante-douze heures de la rétention du permis, prononcer la suspension du permis de conduire pour une durée qui ne peut excéder six mois. (...) " ; qu'aux termes du I et du II de l'article L. 234-1 du même code : " I.- Même en l'absence de tout signe d'ivresse manifeste, le fait de conduire un véhicule sous l'empire d'un état alcoolique caractérisé par une concentration d'alcool dans le sang égale ou supérieure à 0,80 gramme par litre ou par une concentration d'alcool dans l'air expiré égale ou supérieure à 0,40 milligramme par litre est puni de deux ans d'emprisonnement et de 4 500 euros d'amende " ; qu'il résulte de ces dispositions que la suspension du permis de conduire qu'elles prévoient ne peut être prononcée par le représentant de l'Etat dans le département qu'en cas de conduite sous l'empire d'un état alcoolique caractérisé par une concentration d'alcool dans le sang égale ou supérieure à 0,80 gramme par litre ou par une concentration d'alcool dans l'air expiré égale ou supérieure à 0,40 milligramme par litre ;
3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 234-4 du même code : " Les vérifications destinées à établir la preuve de l'état alcoolique sont faites soit au moyen d'analyses et examens médicaux, cliniques et biologiques, soit au moyen d'un appareil permettant de déterminer la concentration d'alcool par l'analyse de l'air expiré à la condition que cet appareil soit conforme à un type homologué " ; qu'aux termes de l'article L. 234-5 du même code : " Lorsque les vérifications sont faites au moyen d'analyses et examens médicaux, cliniques et biologiques, un échantillon est conservé ./ Lorsqu'elles sont faites au moyen d'un appareil permettant de déterminer la concentration d'alcool par l'analyse de l'air expiré, un second contrôle peut être immédiatement effectué, après vérification du bon fonctionnement de l'appareil ; ce contrôle est de droit lorsqu'il est demandé par l'intéressé " ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 15 de l'arrêté du 8 juillet 2003 relatif au contrôle des éthylomètres pris en application de la loi du 4 juillet 1837, modifiée par la loi du 15 juillet 1944, relative au système métrique et à la vérification des poids et mesures, et du décret du 3 mai 2001 relatif au contrôle des instruments de mesure, les erreurs maximales tolérées de ces instruments sont de " 8 % de la valeur mesurée pour les concentrations égales ou supérieures à 0,400 mg/l et inférieures ou égales à 2,000 mg/l " ; que, compte tenu de la tolérance admise par ces dispositions, il appartient au représentant de l'Etat dans le département, lorsqu'il entend prononcer la suspension de permis de conduire prévue par l'article L. 224-2 du code de la route au titre d'une conduite sous l'empire d'un état alcoolique caractérisé par une concentration d'alcool dans le sang égale ou supérieure à 0,80 gramme par litre ou par une concentration d'alcool dans l'air expiré égale ou supérieure à 0,40 milligramme par litre, de s'assurer qu'il est établi que ces seuils ont été effectivement dépassés ; qu'il lui appartient, par suite, de prendre en compte la marge d'erreur maximale tolérée en vertu de l'arrêté du 8 juillet 2003 précité, sauf si le résultat qui lui a été communiqué mentionne que le chiffre indiqué tient déjà compte de la marge d'erreur, ou fait état d'une marge d'erreur de la technique utilisée inférieure à cette marge maximale ;
5. Considérant que pour annuler la décision de suspension du permis de conduire de M.B..., le tribunal administratif de Grenoble a relevé que M. B... présentait une concentration d'alcool de 0,43 mg/l lors de la première mesure, mais de 0,40 mg/l lors de la seconde et qu'eu égard à la tolérance de 8 % applicable en pareil cas, son taux d'alcoolémie devait être regardé comme inférieur au seuil de 0,40 milligramme par litre d'air expiré, pour en déduire que le représentant de l'Etat n'avait pas tenu compte de cette marge d'erreur ; qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 4 qu'en statuant ainsi, alors que les résultats communiqués au préfet ne mentionnaient pas que les chiffres indiqués tenaient déjà compte de la marge d'erreur et ne faisaient pas état d'une marge d'erreur de la technique utilisée inférieure à la marge maximale tolérée, le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit ; que le pourvoi du ministre de l'intérieur doit, par suite, être rejeté ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi du ministre de l'intérieur est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à M. A... B....
N° 407914
ECLI:FR:CECHR:2018:407914.20180214
Mentionné aux tables du recueil Lebon
5ème et 6ème chambres réunies
M. Florian Roussel, rapporteur
Mme Laurence Marion, rapporteur public
Lecture du mercredi 14 février 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
M. B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 18 janvier 2016 par laquelle le préfet de la Drôme a suspendu son permis de conduire en application de l'article L. 224-2 du code de la route pour une durée de six mois. Par un jugement n° 1601470 du 12 décembre 2016, le tribunal administratif a fait droit à cette demande.
Par un pourvoi enregistré le 13 février 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de M.B....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la route ;
- la loi du 4 juillet 1837 modifiée ;
- le décret n° 2001-387 du 3 mai 2001 ;
- l'arrêté du 8 juillet 2003 relatif au contrôle des éthylomètres ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Florian Roussel, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Laurence Marion, rapporteur public.
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par une décision du 18 janvier 2016, le préfet de la Drôme a, au vu d'un procès-verbal faisant apparaître que M. B...avait conduit sous l'empire d'un état alcoolique caractérisé par un taux de 0,43 mg d'alcool par litre d'air expiré selon une première mesure et de 0,40 mg selon une seconde mesure, suspendu le permis de conduire de l'intéressé pour une durée de six mois en application de l'article L. 224-2 du code de la route ; que le ministre de l'intérieur se pourvoit en cassation contre le jugement du 12 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 224-1 du code de la route : " Lorsque les épreuves de dépistage de l'imprégnation alcoolique et le comportement du conducteur permettent de présumer que celui-ci conduisait sous l'empire de l'état alcoolique défini à l'article L. 234-1 ou lorsque les mesures faites au moyen de l'appareil homologué mentionné à l'article L. 234-4 ont établi cet état, les officiers et agents de police judiciaire retiennent à titre conservatoire le permis de conduire de l'intéressé. (...) " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 224-2 du même code : " Lorsque l'état alcoolique est établi au moyen d'un appareil homologué, comme il est dit au premier alinéa de l'article L. 224-1, ou lorsque les vérifications mentionnées aux articles L. 234-4 et L. 234-5 apportent la preuve de cet état, le représentant de l'Etat dans le département peut, dans les soixante-douze heures de la rétention du permis, prononcer la suspension du permis de conduire pour une durée qui ne peut excéder six mois. (...) " ; qu'aux termes du I et du II de l'article L. 234-1 du même code : " I.- Même en l'absence de tout signe d'ivresse manifeste, le fait de conduire un véhicule sous l'empire d'un état alcoolique caractérisé par une concentration d'alcool dans le sang égale ou supérieure à 0,80 gramme par litre ou par une concentration d'alcool dans l'air expiré égale ou supérieure à 0,40 milligramme par litre est puni de deux ans d'emprisonnement et de 4 500 euros d'amende " ; qu'il résulte de ces dispositions que la suspension du permis de conduire qu'elles prévoient ne peut être prononcée par le représentant de l'Etat dans le département qu'en cas de conduite sous l'empire d'un état alcoolique caractérisé par une concentration d'alcool dans le sang égale ou supérieure à 0,80 gramme par litre ou par une concentration d'alcool dans l'air expiré égale ou supérieure à 0,40 milligramme par litre ;
3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 234-4 du même code : " Les vérifications destinées à établir la preuve de l'état alcoolique sont faites soit au moyen d'analyses et examens médicaux, cliniques et biologiques, soit au moyen d'un appareil permettant de déterminer la concentration d'alcool par l'analyse de l'air expiré à la condition que cet appareil soit conforme à un type homologué " ; qu'aux termes de l'article L. 234-5 du même code : " Lorsque les vérifications sont faites au moyen d'analyses et examens médicaux, cliniques et biologiques, un échantillon est conservé ./ Lorsqu'elles sont faites au moyen d'un appareil permettant de déterminer la concentration d'alcool par l'analyse de l'air expiré, un second contrôle peut être immédiatement effectué, après vérification du bon fonctionnement de l'appareil ; ce contrôle est de droit lorsqu'il est demandé par l'intéressé " ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 15 de l'arrêté du 8 juillet 2003 relatif au contrôle des éthylomètres pris en application de la loi du 4 juillet 1837, modifiée par la loi du 15 juillet 1944, relative au système métrique et à la vérification des poids et mesures, et du décret du 3 mai 2001 relatif au contrôle des instruments de mesure, les erreurs maximales tolérées de ces instruments sont de " 8 % de la valeur mesurée pour les concentrations égales ou supérieures à 0,400 mg/l et inférieures ou égales à 2,000 mg/l " ; que, compte tenu de la tolérance admise par ces dispositions, il appartient au représentant de l'Etat dans le département, lorsqu'il entend prononcer la suspension de permis de conduire prévue par l'article L. 224-2 du code de la route au titre d'une conduite sous l'empire d'un état alcoolique caractérisé par une concentration d'alcool dans le sang égale ou supérieure à 0,80 gramme par litre ou par une concentration d'alcool dans l'air expiré égale ou supérieure à 0,40 milligramme par litre, de s'assurer qu'il est établi que ces seuils ont été effectivement dépassés ; qu'il lui appartient, par suite, de prendre en compte la marge d'erreur maximale tolérée en vertu de l'arrêté du 8 juillet 2003 précité, sauf si le résultat qui lui a été communiqué mentionne que le chiffre indiqué tient déjà compte de la marge d'erreur, ou fait état d'une marge d'erreur de la technique utilisée inférieure à cette marge maximale ;
5. Considérant que pour annuler la décision de suspension du permis de conduire de M.B..., le tribunal administratif de Grenoble a relevé que M. B... présentait une concentration d'alcool de 0,43 mg/l lors de la première mesure, mais de 0,40 mg/l lors de la seconde et qu'eu égard à la tolérance de 8 % applicable en pareil cas, son taux d'alcoolémie devait être regardé comme inférieur au seuil de 0,40 milligramme par litre d'air expiré, pour en déduire que le représentant de l'Etat n'avait pas tenu compte de cette marge d'erreur ; qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 4 qu'en statuant ainsi, alors que les résultats communiqués au préfet ne mentionnaient pas que les chiffres indiqués tenaient déjà compte de la marge d'erreur et ne faisaient pas état d'une marge d'erreur de la technique utilisée inférieure à la marge maximale tolérée, le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit ; que le pourvoi du ministre de l'intérieur doit, par suite, être rejeté ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du ministre de l'intérieur est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à M. A... B....