Conseil d'État
N° 405586
ECLI:FR:CECHR:2017:405586.20170315
Publié au recueil Lebon
2ème - 7ème chambres réunies
Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur
Lecture du mercredi 15 mars 2017
Vu les procédures suivantes :
1° Sous le n° 405586, par un arrêt n° 16NT00774 du 1er décembre 2016, enregistré le 2 décembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la cour administrative d'appel de Nantes, avant de statuer sur l'appel du préfet de la Loire-Atlantique, tendant à l'annulation du jugement n° 1509338 du 3 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du 29 juillet 2015 ayant refusé de délivrer un titre de séjour à Mme C...A...et ayant fait obligation à l'intéressée de quitter le territoire dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination, a décidé, par application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen la question suivante : dans le cas où, à la suite du rejet d'une demande d'asile par les autorités compétentes, le préfet rejette une demande de titre de séjour présentée exclusivement au titre de l'asile et fait obligation à l'étranger de quitter le territoire français, en mentionnant que cette mesure d'éloignement ne porte pas atteinte au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé ou sans prendre parti explicitement sur ce point, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales demeure-t-il eu égard à l'objet et à la portée de celles-ci, utilement invocable à l'appui de la contestation du refus de titre de séjour en dépit de la situation de compétence liée dans laquelle l'autorité administrative se trouve pour refuser le titre de séjour demandé au titre de l'asile '
2° Sous le n° 405590, par un arrêt n° 16NT02290 du 1er décembre 2016, enregistré le 2 décembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la cour administrative d'appel de Nantes, avant de statuer sur l'appel de M. B...D..., tendant à l'annulation du jugement n° 1502055 du 14 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 septembre 2015 du préfet du Calvados ayant refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'ayant obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination, a décidé, par application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen la question suivante : dans le cas où, à la suite du rejet d'une demande d'asile par les autorités compétentes en la matière, le préfet rejette une demande de titre de séjour présentée au titre de l'asile en l'assortissant d'une obligation de quitter le territoire après avoir relevé, sans autre précision, que " l'intéressé n'entre dans aucun autre cas d'attribution d'un titre de séjour de plein droit en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ", cette autorité administrative doit-elle être regardée comme s'étant bornée à vérifier que l'étranger pouvait effectivement faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou comme s'étant nécessairement prononcée, au titre du droit au séjour, sur l'ensemble des cas où l'étranger peut se voir délivrer un titre de séjour de plein droit sur le fondement d'autres dispositions de ce code, de sorte que l'étranger pourrait se prévaloir utilement, devant le juge, des moyens relatifs à la méconnaissance de l'ensemble des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile régissant la délivrance de ces titres de séjour de plein droit, en dépit de la situation de compétence liée dans laquelle cette autorité se trouve pour rejeter la demande dont elle a été saisie '
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative, notamment son article L. 113-1 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Cécile Barrois de Sarigny, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Xavier Domino, rapporteur public,
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. D...;
REND L'AVIS SUIVANT
Les arrêts de la cour administrative d'appel de Nantes visés ci-dessus soumettent au Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, des questions analogues. Il y a lieu de les joindre pour y répondre par le même avis.
1. Lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code.
Il est toutefois loisible au préfet d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à un titre de séjour sur le fondement d'une autre disposition du code. Il lui est aussi possible, exerçant le pouvoir discrétionnaire qui lui appartient dès lors qu'aucune disposition expresse ne le lui interdit, de régulariser la situation d'un étranger en lui délivrant un titre de séjour, compte tenu de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle.
2. En vertu du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la carte de résident est délivrée de plein droit, sauf menace pour l'ordre public et sous réserve de la régularité du séjour, à l'étranger reconnu réfugié en application du livre VII du code. Le 1° de l'article L. 313-13, pour sa part, prévoit que la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est, sauf menace pour l'ordre public, délivrée de plein droit à l'étranger qui s'est vu accorder le bénéfice de la protection subsidiaire en application de l'article L. 712-1 du code.
Saisi d'une demande d'autorisation de séjour présentée uniquement au titre de l'asile ou de la protection subsidiaire, le préfet n'est pas tenu, ainsi qu'il a été dit au point 1, d'examiner d'office si le demandeur est susceptible de se voir délivrer une autorisation de séjour à un autre titre.
3. Sont inopérants, devant le juge de l'excès de pouvoir, les moyens de légalité interne qui, sans rapport avec la teneur de la décision, ne contestent pas utilement la légalité des motifs et du dispositif qui sont ceux de la décision administrative attaquée.
Dans le cas où le préfet se borne à rejeter une demande d'autorisation de séjour présentée uniquement au titre de l'asile, sans examiner d'office d'autres motifs d'accorder un titre à l'intéressé, ce dernier ne peut utilement soulever, devant le juge de l'excès de pouvoir saisi de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus du préfet, des moyens de légalité interne sans rapport avec la teneur de la décision contestée. Ainsi, par exemple, un moyen tiré de la méconnaissance du droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'appui du recours formé contre une décision de refus motivée uniquement par le rejet de la demande d'asile ou de la protection subsidiaire, l'invocation des stipulations de l'article 8 étant sans incidence sur l'appréciation que doit porter l'autorité administrative sur les conditions posées aux 1° et 8° des articles L. 313-13 et L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour la délivrance des autorisations de séjour demandées au titre de l'asile ou de la protection subsidiaire.
En revanche, lorsque le préfet, statuant sur la demande de titre de séjour, examine d'office si l'étranger est susceptible de se voir délivrer un titre sur un autre fondement que l'asile, tous les motifs de rejet de la demande, y compris donc les motifs se prononçant sur les fondements examinés d'office par le préfet, peuvent être utilement contestés devant le juge de l'excès de pouvoir. Il en va, par exemple, ainsi si la décision de refus de titre de séjour a pour motif que le demandeur n'entre dans aucun cas d'attribution d'un titre de séjour de plein droit ou que le refus ne porte pas d'atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé.
Enfin, lorsque le préfet assortit sa décision de refus d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger peut notamment se prévaloir des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour contester cette obligation.
Le présent avis sera notifié à la cour administrative d'appel de Nantes, à Mme C...A..., à M. B...D...et au ministre de l'intérieur.
Il sera publié au Journal officiel de la République française.
N° 405586
ECLI:FR:CECHR:2017:405586.20170315
Publié au recueil Lebon
2ème - 7ème chambres réunies
Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur
Lecture du mercredi 15 mars 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE
Vu les procédures suivantes :
1° Sous le n° 405586, par un arrêt n° 16NT00774 du 1er décembre 2016, enregistré le 2 décembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la cour administrative d'appel de Nantes, avant de statuer sur l'appel du préfet de la Loire-Atlantique, tendant à l'annulation du jugement n° 1509338 du 3 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du 29 juillet 2015 ayant refusé de délivrer un titre de séjour à Mme C...A...et ayant fait obligation à l'intéressée de quitter le territoire dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination, a décidé, par application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen la question suivante : dans le cas où, à la suite du rejet d'une demande d'asile par les autorités compétentes, le préfet rejette une demande de titre de séjour présentée exclusivement au titre de l'asile et fait obligation à l'étranger de quitter le territoire français, en mentionnant que cette mesure d'éloignement ne porte pas atteinte au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé ou sans prendre parti explicitement sur ce point, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales demeure-t-il eu égard à l'objet et à la portée de celles-ci, utilement invocable à l'appui de la contestation du refus de titre de séjour en dépit de la situation de compétence liée dans laquelle l'autorité administrative se trouve pour refuser le titre de séjour demandé au titre de l'asile '
2° Sous le n° 405590, par un arrêt n° 16NT02290 du 1er décembre 2016, enregistré le 2 décembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la cour administrative d'appel de Nantes, avant de statuer sur l'appel de M. B...D..., tendant à l'annulation du jugement n° 1502055 du 14 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 septembre 2015 du préfet du Calvados ayant refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'ayant obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination, a décidé, par application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen la question suivante : dans le cas où, à la suite du rejet d'une demande d'asile par les autorités compétentes en la matière, le préfet rejette une demande de titre de séjour présentée au titre de l'asile en l'assortissant d'une obligation de quitter le territoire après avoir relevé, sans autre précision, que " l'intéressé n'entre dans aucun autre cas d'attribution d'un titre de séjour de plein droit en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ", cette autorité administrative doit-elle être regardée comme s'étant bornée à vérifier que l'étranger pouvait effectivement faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou comme s'étant nécessairement prononcée, au titre du droit au séjour, sur l'ensemble des cas où l'étranger peut se voir délivrer un titre de séjour de plein droit sur le fondement d'autres dispositions de ce code, de sorte que l'étranger pourrait se prévaloir utilement, devant le juge, des moyens relatifs à la méconnaissance de l'ensemble des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile régissant la délivrance de ces titres de séjour de plein droit, en dépit de la situation de compétence liée dans laquelle cette autorité se trouve pour rejeter la demande dont elle a été saisie '
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative, notamment son article L. 113-1 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Cécile Barrois de Sarigny, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Xavier Domino, rapporteur public,
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. D...;
REND L'AVIS SUIVANT
Les arrêts de la cour administrative d'appel de Nantes visés ci-dessus soumettent au Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, des questions analogues. Il y a lieu de les joindre pour y répondre par le même avis.
1. Lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code.
Il est toutefois loisible au préfet d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à un titre de séjour sur le fondement d'une autre disposition du code. Il lui est aussi possible, exerçant le pouvoir discrétionnaire qui lui appartient dès lors qu'aucune disposition expresse ne le lui interdit, de régulariser la situation d'un étranger en lui délivrant un titre de séjour, compte tenu de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle.
2. En vertu du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la carte de résident est délivrée de plein droit, sauf menace pour l'ordre public et sous réserve de la régularité du séjour, à l'étranger reconnu réfugié en application du livre VII du code. Le 1° de l'article L. 313-13, pour sa part, prévoit que la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est, sauf menace pour l'ordre public, délivrée de plein droit à l'étranger qui s'est vu accorder le bénéfice de la protection subsidiaire en application de l'article L. 712-1 du code.
Saisi d'une demande d'autorisation de séjour présentée uniquement au titre de l'asile ou de la protection subsidiaire, le préfet n'est pas tenu, ainsi qu'il a été dit au point 1, d'examiner d'office si le demandeur est susceptible de se voir délivrer une autorisation de séjour à un autre titre.
3. Sont inopérants, devant le juge de l'excès de pouvoir, les moyens de légalité interne qui, sans rapport avec la teneur de la décision, ne contestent pas utilement la légalité des motifs et du dispositif qui sont ceux de la décision administrative attaquée.
Dans le cas où le préfet se borne à rejeter une demande d'autorisation de séjour présentée uniquement au titre de l'asile, sans examiner d'office d'autres motifs d'accorder un titre à l'intéressé, ce dernier ne peut utilement soulever, devant le juge de l'excès de pouvoir saisi de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus du préfet, des moyens de légalité interne sans rapport avec la teneur de la décision contestée. Ainsi, par exemple, un moyen tiré de la méconnaissance du droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'appui du recours formé contre une décision de refus motivée uniquement par le rejet de la demande d'asile ou de la protection subsidiaire, l'invocation des stipulations de l'article 8 étant sans incidence sur l'appréciation que doit porter l'autorité administrative sur les conditions posées aux 1° et 8° des articles L. 313-13 et L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour la délivrance des autorisations de séjour demandées au titre de l'asile ou de la protection subsidiaire.
En revanche, lorsque le préfet, statuant sur la demande de titre de séjour, examine d'office si l'étranger est susceptible de se voir délivrer un titre sur un autre fondement que l'asile, tous les motifs de rejet de la demande, y compris donc les motifs se prononçant sur les fondements examinés d'office par le préfet, peuvent être utilement contestés devant le juge de l'excès de pouvoir. Il en va, par exemple, ainsi si la décision de refus de titre de séjour a pour motif que le demandeur n'entre dans aucun cas d'attribution d'un titre de séjour de plein droit ou que le refus ne porte pas d'atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé.
Enfin, lorsque le préfet assortit sa décision de refus d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger peut notamment se prévaloir des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour contester cette obligation.
Le présent avis sera notifié à la cour administrative d'appel de Nantes, à Mme C...A..., à M. B...D...et au ministre de l'intérieur.
Il sera publié au Journal officiel de la République française.