Conseil d'État
N° 395681
ECLI:FR:CECHR:2016:395681.20161230
Publié au recueil Lebon
2ème - 7ème chambres réunies
M. Paul Bernard, rapporteur
Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public
SCP LYON-CAEN, THIRIEZ ; SCP DIDIER, PINET, avocats
Lecture du vendredi 30 décembre 2016
Vu la procédure suivante :
La société Darta a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions n° 13/050, n° 13/051, n° 13/052, n° 13/053, n° 13/054 et n° 13/058 du 19 février 2013 par lesquelles l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA) a prononcé à son encontre des amendes administratives d'un montant respectif de 3 000, 4 000, 3 000, 4 000, 2 000 et 3 000 euros pour dépassement par ses aéronefs des heures limites d'arrivée ou de départ de l'aire de stationnement de l'aérodrome de Nice-Côte d'Azur.
Par un jugement n°1306796, 1306798, 1306800, 1306803, 1306804 et 1306806 du 8 avril 2014, le tribunal administratif de Paris a annulé ces décisions.
Par un arrêt n° 14PA02411 du 3 décembre 2015, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par l'ACNUSA contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 30 décembre 2015 et les 29 janvier et 6 décembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'ACNUSA demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de la société Darta, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 3 000 euros augmentée des sommes exposées au même titre en première instance et en appel.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'aviation civile ;
- le code des transports ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Paul Bernard, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public,
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires, et à la SCP Didier, Pinet, avocat de la société Darta ;
1. Considérant, en premier lieu, qu'il appartient au juge administratif saisi d'une contestation portant sur une sanction infligée par l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires, de se prononcer sur cette contestation comme juge de plein contentieux ; que cette circonstance ne fait pas obstacle, ainsi que l'a jugé la cour administrative d'appel sans erreur de droit, à ce que le juge administratif puisse annuler, pour un motif de légalité qui le justifie, une décision de cette Autorité infligeant une sanction ;
2. Considérant, en deuxième lieu, que la cour administrative d'appel ne s'est pas méprise sur la portée des écritures produites par l'Autorité devant le tribunal administratif en jugeant que le tribunal n'avait pas omis de viser et d'analyser certaines conclusions de l'Autorité et en écartant, en conséquence, le moyen mettant en cause à cet égard la régularité du jugement de première instance ;
3. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 6361-12 du code des transports : " L'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires prononce une amende administrative à l'encontre : / 1° de la personne exerçant une activité de transport aérien (...) ne respectant pas les mesures prises par l'autorité administrative sur un aérodrome fixant (...) c) des procédures particulières de décollage ou d'atterrissage en vue de limiter les nuisances environnementales engendrées par ces phases de vol (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 6361-14 du même code : " les fonctionnaires et agents mentionnés à l'article L. 6142-1 constatent les manquements aux mesures définies par l'article L. 6361-12. Ces manquements font l'objet de procès-verbaux (...) notifiés à la personne concernée et communiqués à l'autorité (...) " ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le 11 octobre 2011, six procès verbaux de constat de manquement à la réglementation relative aux horaires de décollage et d'atterrissage de l'aéroport de Nice-Côte d'Azur par les aéronefs de la société de transport aérien Darta ont été dressés ; que l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA), par six décisions du 16 février 2012 prises en formation plénière, après avoir relevé que, compte tenu des heures auxquelles elles avaient eu lieu sur l'aire de stationnement, les manoeuvres des aéronefs de la société Darta étaient intervenues en violation de la réglementation de l'aéroport de Nice-Côte d'Azur et qu'une amende administrative était encourue, a toutefois décidé de ne pas prononcer de sanction au motif que les manquements n'étaient pas constitués, dès lors que les procès-verbaux faisaient référence non à l'aire de stationnement mais au poste de stationnement ; que de nouveaux procès verbaux ont ensuite été établis et transmis à la société et à l'ACNUSA, qui, après instruction contradictoire, a, par six nouvelles décisions du 19 février 2013, infligé à la société de transport aérien Darta six amendes administratives d'un montant respectif de 3 000, 4 000, 3 000, 4 000, 2 000 et 3 000 euros pour des dépassements par ses aéronefs de l'heure limite de départ de l'aérodrome de Nice-Côte d'Azur ; que, par un jugement du 8 avril 2014, le tribunal administratif de Paris a annulé ces sanctions pour méconnaissance du principe qui interdit de sanctionner deux fois la même personne à raison des mêmes faits ; que, par un arrêt du 3 décembre 2015, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par l'ACNUSA contre ce jugement ; qu'à l'appui de son pourvoi, l'autorité soutient que ce principe n'était pas applicable en l'espèce ;
5. Considérant qu'il découle du principe général du droit selon lequel une autorité administrative ne peut sanctionner deux fois la même personne à raison des mêmes faits qu'une autorité administrative qui a pris une première décision définitive à l'égard d'une personne qui faisait l'objet de poursuites à raison de certains faits, ne peut ensuite engager de nouvelles poursuites à raison des mêmes faits en vue d'infliger une sanction ; que cette règle s'applique tant lorsque l'autorité avait initialement infligé une sanction que lorsqu'elle avait décidé de ne pas en infliger une ;
6. Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, l'ACNUSA a, sur la base de procès verbaux établis en 2011 qui constataient des manquements à la réglementation de l'aéroport Nice-Côte d'Azur mais portaient la mention d'une heure relevée au poste de stationnement, décidé de ne pas infliger de sanction à la compagnie Darta ; que les nouveaux procès-verbaux établis en 2012 faisaient état de manquements commis les mêmes jours aux mêmes heures, alors même qu'ils se référaient à des constatations faites sur l'aire de stationnement ; que la cour a souverainement jugé, sans dénaturer les procès-verbaux ou les faits de l'espèce ni commettre d'erreur de droit, que les faits pour lesquels la société Darta avait été poursuivie une seconde fois étaient les mêmes que ceux qui avaient donné lieu aux décisions de ne pas infliger de sanction prises initialement par l'ACNUSA ; que la cour a pu, sans commettre d'erreur de droit, en déduire que les décisions de sanction prises en février 2013 par cette autorité étaient intervenues en méconnaissance du principe général du droit rappelé ci-dessus ; que la circonstance que le délai de prescription des poursuites n'était pas expiré lorsque les nouveaux procès-verbaux ont été dressés est sans incidence à cet égard ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'ACNUSA n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à la société Darta au titre de ces dispositions ; que celles-ci font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société Darta qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à la société Darta une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires et à la société Darta.
N° 395681
ECLI:FR:CECHR:2016:395681.20161230
Publié au recueil Lebon
2ème - 7ème chambres réunies
M. Paul Bernard, rapporteur
Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public
SCP LYON-CAEN, THIRIEZ ; SCP DIDIER, PINET, avocats
Lecture du vendredi 30 décembre 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société Darta a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions n° 13/050, n° 13/051, n° 13/052, n° 13/053, n° 13/054 et n° 13/058 du 19 février 2013 par lesquelles l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA) a prononcé à son encontre des amendes administratives d'un montant respectif de 3 000, 4 000, 3 000, 4 000, 2 000 et 3 000 euros pour dépassement par ses aéronefs des heures limites d'arrivée ou de départ de l'aire de stationnement de l'aérodrome de Nice-Côte d'Azur.
Par un jugement n°1306796, 1306798, 1306800, 1306803, 1306804 et 1306806 du 8 avril 2014, le tribunal administratif de Paris a annulé ces décisions.
Par un arrêt n° 14PA02411 du 3 décembre 2015, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par l'ACNUSA contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 30 décembre 2015 et les 29 janvier et 6 décembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'ACNUSA demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de la société Darta, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 3 000 euros augmentée des sommes exposées au même titre en première instance et en appel.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'aviation civile ;
- le code des transports ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Paul Bernard, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public,
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires, et à la SCP Didier, Pinet, avocat de la société Darta ;
1. Considérant, en premier lieu, qu'il appartient au juge administratif saisi d'une contestation portant sur une sanction infligée par l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires, de se prononcer sur cette contestation comme juge de plein contentieux ; que cette circonstance ne fait pas obstacle, ainsi que l'a jugé la cour administrative d'appel sans erreur de droit, à ce que le juge administratif puisse annuler, pour un motif de légalité qui le justifie, une décision de cette Autorité infligeant une sanction ;
2. Considérant, en deuxième lieu, que la cour administrative d'appel ne s'est pas méprise sur la portée des écritures produites par l'Autorité devant le tribunal administratif en jugeant que le tribunal n'avait pas omis de viser et d'analyser certaines conclusions de l'Autorité et en écartant, en conséquence, le moyen mettant en cause à cet égard la régularité du jugement de première instance ;
3. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 6361-12 du code des transports : " L'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires prononce une amende administrative à l'encontre : / 1° de la personne exerçant une activité de transport aérien (...) ne respectant pas les mesures prises par l'autorité administrative sur un aérodrome fixant (...) c) des procédures particulières de décollage ou d'atterrissage en vue de limiter les nuisances environnementales engendrées par ces phases de vol (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 6361-14 du même code : " les fonctionnaires et agents mentionnés à l'article L. 6142-1 constatent les manquements aux mesures définies par l'article L. 6361-12. Ces manquements font l'objet de procès-verbaux (...) notifiés à la personne concernée et communiqués à l'autorité (...) " ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le 11 octobre 2011, six procès verbaux de constat de manquement à la réglementation relative aux horaires de décollage et d'atterrissage de l'aéroport de Nice-Côte d'Azur par les aéronefs de la société de transport aérien Darta ont été dressés ; que l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA), par six décisions du 16 février 2012 prises en formation plénière, après avoir relevé que, compte tenu des heures auxquelles elles avaient eu lieu sur l'aire de stationnement, les manoeuvres des aéronefs de la société Darta étaient intervenues en violation de la réglementation de l'aéroport de Nice-Côte d'Azur et qu'une amende administrative était encourue, a toutefois décidé de ne pas prononcer de sanction au motif que les manquements n'étaient pas constitués, dès lors que les procès-verbaux faisaient référence non à l'aire de stationnement mais au poste de stationnement ; que de nouveaux procès verbaux ont ensuite été établis et transmis à la société et à l'ACNUSA, qui, après instruction contradictoire, a, par six nouvelles décisions du 19 février 2013, infligé à la société de transport aérien Darta six amendes administratives d'un montant respectif de 3 000, 4 000, 3 000, 4 000, 2 000 et 3 000 euros pour des dépassements par ses aéronefs de l'heure limite de départ de l'aérodrome de Nice-Côte d'Azur ; que, par un jugement du 8 avril 2014, le tribunal administratif de Paris a annulé ces sanctions pour méconnaissance du principe qui interdit de sanctionner deux fois la même personne à raison des mêmes faits ; que, par un arrêt du 3 décembre 2015, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par l'ACNUSA contre ce jugement ; qu'à l'appui de son pourvoi, l'autorité soutient que ce principe n'était pas applicable en l'espèce ;
5. Considérant qu'il découle du principe général du droit selon lequel une autorité administrative ne peut sanctionner deux fois la même personne à raison des mêmes faits qu'une autorité administrative qui a pris une première décision définitive à l'égard d'une personne qui faisait l'objet de poursuites à raison de certains faits, ne peut ensuite engager de nouvelles poursuites à raison des mêmes faits en vue d'infliger une sanction ; que cette règle s'applique tant lorsque l'autorité avait initialement infligé une sanction que lorsqu'elle avait décidé de ne pas en infliger une ;
6. Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, l'ACNUSA a, sur la base de procès verbaux établis en 2011 qui constataient des manquements à la réglementation de l'aéroport Nice-Côte d'Azur mais portaient la mention d'une heure relevée au poste de stationnement, décidé de ne pas infliger de sanction à la compagnie Darta ; que les nouveaux procès-verbaux établis en 2012 faisaient état de manquements commis les mêmes jours aux mêmes heures, alors même qu'ils se référaient à des constatations faites sur l'aire de stationnement ; que la cour a souverainement jugé, sans dénaturer les procès-verbaux ou les faits de l'espèce ni commettre d'erreur de droit, que les faits pour lesquels la société Darta avait été poursuivie une seconde fois étaient les mêmes que ceux qui avaient donné lieu aux décisions de ne pas infliger de sanction prises initialement par l'ACNUSA ; que la cour a pu, sans commettre d'erreur de droit, en déduire que les décisions de sanction prises en février 2013 par cette autorité étaient intervenues en méconnaissance du principe général du droit rappelé ci-dessus ; que la circonstance que le délai de prescription des poursuites n'était pas expiré lorsque les nouveaux procès-verbaux ont été dressés est sans incidence à cet égard ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'ACNUSA n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à la société Darta au titre de ces dispositions ; que celles-ci font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société Darta qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à la société Darta une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires et à la société Darta.