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Ariane Web: Conseil d'État 398546, lecture du 1 juillet 2016, ECLI:FR:Code Inconnu:2016:398546.20160701

Décision n° 398546
1 juillet 2016
Conseil d'État

N° 398546
ECLI:FR:CECHR:2016:398546.20160701
Publié au recueil Lebon
5ème - 4ème chambres réunies
M. Alain Seban, rapporteur


Lecture du vendredi 1 juillet 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE





Vu la procédure suivante :

Par un jugement n° 1510008 du 30 mars 2016, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 5 avril 2016, le tribunal administratif de Melun, avant de statuer sur la demande de M. A...B...tendant à l'annulation du courrier du 12 octobre 2015 par lequel le préfet du Val-de-Marne lui a indiqué qu'il perdait le bénéfice de la décision par laquelle la commission de médiation du Val-de-Marne a reconnu le caractère prioritaire et urgent de sa demande de logement, a décidé, par application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette affaire au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen les questions suivantes :

1° La lettre du préfet prononçant la perte du bénéfice de la décision de la commission de médiation est-elle une décision faisant grief à son destinataire ' Si oui, est-elle susceptible d'ouvrir droit à un recours pour excès de pouvoir ' Si oui, quel est le degré de contrôle que doit exercer le juge sur cet acte '

2° S'il est admis qu'un tel recours soit possible, est-il exclusif de celui introduit aux fins d'injonction '

3° L'information du demandeur de logement social selon laquelle le refus d'acceptation d'une offre de logement adaptée pourrait lui faire perdre le bénéfice de la décision de la commission de médiation le reconnaissant prioritaire peut-elle être donnée par le préfet lorsque celui-ci lui notifie une proposition de logement ou uniquement par le bailleur social ainsi que le prévoient les dispositions de l'article R. 441-16-3 du code de la construction et de l'habitation '

4° Si l'on admet l'existence d'une voie de recours spécifique à l'encontre des décisions de perte de la reconnaissance du caractère prioritaire et urgent de la demande de logement, la décision doit-elle être prise par le préfet ou par la commission de médiation ayant reconnu la situation de l'intéressé comme prioritaire et urgente '

Des observations, enregistrées le 2 mai 2016 ont été présentées par le ministre du logement et de l'habitat durable.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de justice administrative, notamment l'article L. 113-1 ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alain Seban, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Laurence Marion, rapporteur public ;
REND L'AVIS SUIVANT



1. L'article L. 300-1 du code de la construction et de l'habitation garantit à toute personne résidant sur le territoire français de façon régulière et dans des conditions de permanence définies par décret en Conseil d'Etat, " le droit à un logement décent et indépendant ". Pour assurer l'effectivité de ce droit, l'article L. 441-2-3 du même code crée des commissions de médiation qui peuvent être saisies, sous certaines conditions, par toute personne qui n'est pas en mesure d'accéder à un logement décent et indépendant. Le demandeur reconnu comme prioritaire par la commission de médiation doit se voir proposer, selon le cas, un logement ou un hébergement répondant à ses besoins et à ses capacités. A défaut d'une telle proposition dans un certain délai, l'article L. 441-3-2-1 permet au demandeur reconnu comme prioritaire d'exercer un recours spécial devant le tribunal administratif, qui peut ordonner, au besoin sous astreinte, son logement ou relogement ou son accueil en structure d'hébergement. En vertu des dispositions de l'article R. 778-2 du code de justice administrative, ce recours doit être exercé dans un délai de quatre mois à compter de l'expiration du délai dont le préfet disposait pour exécuter la décision de la commission de médiation.

2. Il résulte des dispositions organisant le droit au logement opposable, et particulièrement de celles des articles R. 441-16-3, R. 441-18 et R. 441-18-2, que le demandeur reconnu comme prioritaire par une décision de la commission de médiation peut perdre le bénéfice de cette décision s'il refuse, sans motif impérieux, une offre de logement ou d'hébergement correspondant à ses besoins et à ses capacités.

Lorsque le préfet fait savoir au demandeur que le refus d'une offre de logement ou d'hébergement lui a fait perdre le bénéfice de la décision de la commission, il doit être regardé comme informant l'intéressé qu'il estime avoir exécuté cette décision et se trouver désormais délié de l'obligation d'assurer son logement ou son hébergement. Le demandeur qui reçoit une telle information n'est pas recevable à saisir le tribunal administratif d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision du préfet. En effet, les dispositions de l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation, par lesquelles le législateur a ouvert aux personnes déclarées prioritaires pour l'attribution d'un logement un recours spécial en vue de rendre effectif leur droit au logement, définissent la seule voie de droit ouverte devant la juridiction administrative afin d'obtenir l'exécution d'une décision de la commission de médiation.

Il entre dans l'office du juge saisi à ce titre d'examiner si le refus par le demandeur d'une offre de logement qui lui a été faite lui fait perdre le bénéfice de la décision de la commission de médiation. La circonstance que le préfet ait notifié à l'intéressé une décision de ne plus lui faire d'offre de logement ou d'hébergement est, par elle-même, sans incidence sur la possibilité pour le juge de faire droit à une demande d'injonction présentée sur le fondement de l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation, même si cette notification mentionnait un délai de recours et que la demande d'injonction n'a pas été présentée dans le délai indiqué. Une demande tendant à ce que le tribunal administratif annule la décision prise en ce sens par le préfet doit être regardée comme tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet d'exécuter la décision de la commission de médiation.

3. Il résulte des dispositions combinées des articles L. 441-2-3, R. 441-16-3 et R. 441-18 du code de la construction et de l'habitation qu'en cas de demande de logement social, il appartient au bailleur auquel le demandeur est désigné d'informer ce dernier, dans la proposition de logement qu'il lui adresse, que cette offre lui est faite au titre du droit au logement opposable et d'attirer son attention sur le fait qu'en cas de refus d'une offre de logement tenant compte de ses besoins et capacités, il risque de perdre le bénéfice de la décision de la commission de médiation en application de laquelle l'offre lui est faite.

En revanche, en cas de demande d'accueil dans une structure d'hébergement, un logement de transition, un logement-foyer ou une résidence hôtelière à vocation sociale, il appartient au préfet du département d'informer la personne concernée que la proposition d'hébergement lui est faite au titre du droit à l'hébergement opposable qui lui a été reconnu par la commission et d'attirer son attention sur le fait qu'en cas de refus d'une proposition d'accueil non manifestement inadaptée à sa situation particulière, elle risque de perdre le bénéfice de la décision de la commission en application de laquelle la proposition lui est faite.

C'est seulement si le demandeur a été informé des conséquences d'un refus que le fait de rejeter une offre de logement peut lui faire perdre le bénéfice de la décision de la commission de médiation le reconnaissant comme prioritaire. Il appartient à l'administration d'établir que cette information a été délivrée au demandeur. Si le demandeur a reçu de manière complète l'information exigée par le code lors de la présentation d'une offre de logement, un refus de sa part est susceptible de lui faire perdre le bénéfice de la décision de la commission, même si l'information a été dispensée par le préfet alors qu'en application des dispositions de l'article R. 441-16-3 du code de la construction et de l'habitation elle incombait au bailleur.

Le présent avis sera notifié au tribunal administratif de Melun, à M. A...B...et au ministre du logement et de l'habitat durable.

Il sera publié au Journal officiel de la République française.




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