Conseil d'État
N° 399506
ECLI:FR:CECHR:2016:399506.20160627
Mentionné aux tables du recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
Mme Karin Ciavaldini, rapporteur
Mme Nathalie Escaut, rapporteur public
Lecture du lundi 27 juin 2016
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 4 et 27 mai 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la société Layher demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir, à titre principal, les paragraphes n°s 70, 130 et 200 et, subsidiairement, les paragraphes n°s 230 et 240 de l'instruction BOI-IS-AUT-30-20160302 ;
2°) à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de questions préjudicielles.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 ;
- la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Karin Ciavaldini, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;
1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'État (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
2. Considérant qu'aux termes du I de l'article 235 ter ZCA du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015 applicable au présent litige : " Les sociétés ou organismes français ou étrangers passibles de l'impôt sur les sociétés en France (...) sont assujettis à une contribution additionnelle à cet impôt au titre des montants qu'ils distribuent au sens des articles 109 à 117 du présent code. / La contribution est égale à 3 % des montants distribués. Toutefois, elle n'est pas applicable : / 1° Aux montants distribués entre sociétés du même groupe au sens de l'article 223 A ou de l'article 223 A bis, y compris pour les montants mis en paiement par une société du groupe au cours du premier exercice dont le résultat n'est pas pris en compte dans le résultat d'ensemble si la distribution a lieu avant l'événement qui entraîne sa sortie du groupe (...) " ; qu'aux termes de l'article 223 A du même code, dans sa rédaction applicable à la date de l'instruction contestée : " I.- Une société, ci-après désignée par les mots : "société mère", peut se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient 95 % au moins du capital de manière continue au cours de l'exercice, directement ou indirectement par l'intermédiaire de sociétés ou d'établissements stables membres du groupe, ci-après désignés par les mots : "sociétés du groupe", ou de sociétés ou d'établissements stables, ci-après désignés par les mots : "sociétés intermédiaires", détenus à 95 % au moins par la société mère de manière continue au cours de l'exercice, directement ou indirectement par l'intermédiaire de sociétés du groupe ou de sociétés intermédiaires (...) " ;
3. Considérant que les mots " entre sociétés du même groupe au sens de l'article 223 A " figurant au 1° du I de l'article 235 ter ZCA du code général des impôts sont applicables au jugement du recours pour excès de pouvoir formé par la société Layher et tendant notamment à l'annulation partielle du paragraphe n° 130 de l'instruction BOI-IS-AUT-30-20160302 commentant l'article 235 ter ZCA du code général des impôts ; que ces dispositions n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ;
4. Considérant qu'il résulte des termes mêmes de l'article 235 ter ZCA du code général des impôts, au demeurant confirmés par les travaux préparatoires de la loi du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 dont ces dispositions sont issues, que sont exemptés de la contribution additionnelle prévue par cet article les montants distribués entre les seules sociétés membres d'un groupe intégré au sens de l'article 223 A du même code ; qu'en conséquence, contrairement à ce que soutient la société requérante, l'exonération ainsi prévue ne peut être interprétée comme bénéficiant à l'ensemble des groupes dans lesquels les chaînes de participation sont supérieures ou égales à 95 %, sans tenir compte de l'absence d'exercice effectif de l'option pour le régime de l'intégration fiscale ou de l'impossibilité de cet exercice ;
5. Considérant que la société Layher soutient que le fait de réserver cette exonération aux seules sociétés bénéficiant du régime de l'intégration fiscale méconnaît les principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques découlant des articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'elle fait valoir, d'une part, que la différence de traitement pour l'imposition des montants distribués entre sociétés d'un groupe dans lequel les participations sont égales ou supérieures à 95 %, fondée sur le fait que les sociétés concernées ont opté ou non pour le régime prévu à l'article 223 A du code général des impôts, n'est justifiée ni par une différence objective de situation, au regard de l'objet de la contribution, ni par aucune raison d'intérêt général ; qu'elle soutient également que, pour apprécier les facultés contributives des groupes de sociétés au regard d'un impôt sur les distributions, il n'est pas pertinent de faire prévaloir le cadre juridique plutôt que des données économiques et financières objectives ; qu'elle fait valoir, d'autre part, qu'il existe une différence de traitement injustifiée, pour l'imposition des montants distribués, entre le cas d'une société mère ayant opté pour le régime de l'intégration fiscale prévu par l'article 223 A et celui d'une société mère établie dans un autre Etat membre de l'Union européenne ou dans un Etat tiers, qui remplirait les conditions de détention de capital prévues par ce même article mais qui ne peut opter pour le régime de l'intégration fiscale ;
6. Considérant que ce moyen soulève une question présentant un caractère sérieux ; qu'ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;
7. Considérant que, dans son mémoire enregistré le 27 mai 2016, la société Layher, tout en développant de nouveaux arguments au soutien de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée dans son mémoire distinct enregistré le 4 mai 2016, demande au Conseil d'Etat de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de dispositions législatives figurant à l'article 235 ter ZCA, mais qui n'étaient pas critiquées dans le mémoire enregistré le 4 mai 2016, qui portait uniquement sur les mots : " entre sociétés du même groupe au sens de l'article 223 A " figurant au 1° du I de cet article ; que, toutefois, faute d'avoir été introduites par mémoire distinct dans les formes prescrites par l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 et l'article R. 771-13 du code de justice administrative, ces nouvelles questions sont irrecevables ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des mots : " entre sociétés du même groupe au sens de l'article 223 A " figurant au 1° du I de l'article 235 ter ZCA du code général des impôts est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de la société Layher jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil constitutionnel la question de la conformité à la constitution des autres dispositions de l'article 235 ter ZCA du code général des impôts.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Layher et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée au Premier ministre.
N° 399506
ECLI:FR:CECHR:2016:399506.20160627
Mentionné aux tables du recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
Mme Karin Ciavaldini, rapporteur
Mme Nathalie Escaut, rapporteur public
Lecture du lundi 27 juin 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 4 et 27 mai 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la société Layher demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir, à titre principal, les paragraphes n°s 70, 130 et 200 et, subsidiairement, les paragraphes n°s 230 et 240 de l'instruction BOI-IS-AUT-30-20160302 ;
2°) à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de questions préjudicielles.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 ;
- la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Karin Ciavaldini, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;
1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'État (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
2. Considérant qu'aux termes du I de l'article 235 ter ZCA du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015 applicable au présent litige : " Les sociétés ou organismes français ou étrangers passibles de l'impôt sur les sociétés en France (...) sont assujettis à une contribution additionnelle à cet impôt au titre des montants qu'ils distribuent au sens des articles 109 à 117 du présent code. / La contribution est égale à 3 % des montants distribués. Toutefois, elle n'est pas applicable : / 1° Aux montants distribués entre sociétés du même groupe au sens de l'article 223 A ou de l'article 223 A bis, y compris pour les montants mis en paiement par une société du groupe au cours du premier exercice dont le résultat n'est pas pris en compte dans le résultat d'ensemble si la distribution a lieu avant l'événement qui entraîne sa sortie du groupe (...) " ; qu'aux termes de l'article 223 A du même code, dans sa rédaction applicable à la date de l'instruction contestée : " I.- Une société, ci-après désignée par les mots : "société mère", peut se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient 95 % au moins du capital de manière continue au cours de l'exercice, directement ou indirectement par l'intermédiaire de sociétés ou d'établissements stables membres du groupe, ci-après désignés par les mots : "sociétés du groupe", ou de sociétés ou d'établissements stables, ci-après désignés par les mots : "sociétés intermédiaires", détenus à 95 % au moins par la société mère de manière continue au cours de l'exercice, directement ou indirectement par l'intermédiaire de sociétés du groupe ou de sociétés intermédiaires (...) " ;
3. Considérant que les mots " entre sociétés du même groupe au sens de l'article 223 A " figurant au 1° du I de l'article 235 ter ZCA du code général des impôts sont applicables au jugement du recours pour excès de pouvoir formé par la société Layher et tendant notamment à l'annulation partielle du paragraphe n° 130 de l'instruction BOI-IS-AUT-30-20160302 commentant l'article 235 ter ZCA du code général des impôts ; que ces dispositions n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ;
4. Considérant qu'il résulte des termes mêmes de l'article 235 ter ZCA du code général des impôts, au demeurant confirmés par les travaux préparatoires de la loi du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 dont ces dispositions sont issues, que sont exemptés de la contribution additionnelle prévue par cet article les montants distribués entre les seules sociétés membres d'un groupe intégré au sens de l'article 223 A du même code ; qu'en conséquence, contrairement à ce que soutient la société requérante, l'exonération ainsi prévue ne peut être interprétée comme bénéficiant à l'ensemble des groupes dans lesquels les chaînes de participation sont supérieures ou égales à 95 %, sans tenir compte de l'absence d'exercice effectif de l'option pour le régime de l'intégration fiscale ou de l'impossibilité de cet exercice ;
5. Considérant que la société Layher soutient que le fait de réserver cette exonération aux seules sociétés bénéficiant du régime de l'intégration fiscale méconnaît les principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques découlant des articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'elle fait valoir, d'une part, que la différence de traitement pour l'imposition des montants distribués entre sociétés d'un groupe dans lequel les participations sont égales ou supérieures à 95 %, fondée sur le fait que les sociétés concernées ont opté ou non pour le régime prévu à l'article 223 A du code général des impôts, n'est justifiée ni par une différence objective de situation, au regard de l'objet de la contribution, ni par aucune raison d'intérêt général ; qu'elle soutient également que, pour apprécier les facultés contributives des groupes de sociétés au regard d'un impôt sur les distributions, il n'est pas pertinent de faire prévaloir le cadre juridique plutôt que des données économiques et financières objectives ; qu'elle fait valoir, d'autre part, qu'il existe une différence de traitement injustifiée, pour l'imposition des montants distribués, entre le cas d'une société mère ayant opté pour le régime de l'intégration fiscale prévu par l'article 223 A et celui d'une société mère établie dans un autre Etat membre de l'Union européenne ou dans un Etat tiers, qui remplirait les conditions de détention de capital prévues par ce même article mais qui ne peut opter pour le régime de l'intégration fiscale ;
6. Considérant que ce moyen soulève une question présentant un caractère sérieux ; qu'ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;
7. Considérant que, dans son mémoire enregistré le 27 mai 2016, la société Layher, tout en développant de nouveaux arguments au soutien de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée dans son mémoire distinct enregistré le 4 mai 2016, demande au Conseil d'Etat de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de dispositions législatives figurant à l'article 235 ter ZCA, mais qui n'étaient pas critiquées dans le mémoire enregistré le 4 mai 2016, qui portait uniquement sur les mots : " entre sociétés du même groupe au sens de l'article 223 A " figurant au 1° du I de cet article ; que, toutefois, faute d'avoir été introduites par mémoire distinct dans les formes prescrites par l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 et l'article R. 771-13 du code de justice administrative, ces nouvelles questions sont irrecevables ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des mots : " entre sociétés du même groupe au sens de l'article 223 A " figurant au 1° du I de l'article 235 ter ZCA du code général des impôts est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de la société Layher jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil constitutionnel la question de la conformité à la constitution des autres dispositions de l'article 235 ter ZCA du code général des impôts.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Layher et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée au Premier ministre.