Conseil d'État
N° 387420
ECLI:FR:CESSR:2015:387420.20151230
Publié au recueil Lebon
4ème - 5ème SSR
M. Benjamin de Maillard, rapporteur
Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public
HAAS, avocats
Lecture du mercredi 30 décembre 2015
Vu la procédure suivante :
La Confédération générale du travail - Force ouvrière (CGT-FO) a demandé à la cour administrative d'appel de Paris d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 30 mai 2013 par lequel le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a fixé la liste des organisations syndicales représentatives au niveau national et interprofessionnel.
Par un arrêt n° 13PA02876 du 24 novembre 2014, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 26 janvier et 27 avril 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Confédération générale du travail - Force ouvrière demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 2010-1215 du 10 octobre 2010 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Benjamin de Maillard, auditeur,
- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Haas, avocat de la Confédération générale du travail - Force ouvrière ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2122-9 du code du travail : " Sont représentatives au niveau national et interprofessionnel les organisations syndicales qui : (...) / 3° Ont recueilli au moins 8 % des suffrages exprimés résultant de l'addition au niveau national et interprofessionnel des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires aux comités d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants, des suffrages exprimés au scrutin concernant les entreprises de moins de onze salariés dans les conditions prévues aux articles L. 2122-10-1 et suivants ainsi que des suffrages exprimés aux élections des membres représentant les salariés aux chambres départementales d'agriculture dans les conditions prévues à l'article L. 2122-6. La mesure de l'audience s'effectue tous les quatre ans " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 2122-11 du même code : " Après avis du Haut Conseil du dialogue social, le ministre chargé du travail arrête la liste des organisations syndicales reconnues représentatives par branche professionnelle et des organisations syndicales reconnues représentatives au niveau national et interprofessionnel en application des articles L. 2122-5 à L. 2122-10 " ; qu'en application de cet article, le ministre chargé du travail a pris le 30 mai 2013 un arrêté fixant la liste des organisations reconnues représentatives au niveau national et interprofessionnel et leurs audiences respectives ; que la Confédération générale du travail - Force ouvrière se pourvoit en cassation contre l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Paris, compétente en premier et dernier ressort en vertu de l'article R. 311-2 du code de justice administrative, a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la régularité de l'arrêt attaqué :
2. Considérant que, contrairement à ce que soutient la confédération requérante, la cour administrative d'appel n'a pas entaché son arrêt d'irrégularité en se bornant à viser sans l'analyser le mémoire produit devant elle par la Confédération générale de l'encadrement - Confédération générale des cadres, qui ne comportait ni moyens ni conclusions ;
3. Considérant que la cour administrative d'appel, qui a répondu par une motivation suffisante au moyen tiré de l'absence de fiabilité des résultats présentés au Haut Conseil pour le dialogue social, n'a pas entaché son arrêt d'irrégularité en ne répondant pas à un moyen d'irrégularité de la procédure de consultation de ce conseil, aucun moyen en ce sens n'étant soulevé devant elle ;
Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2232-2 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi du 15 octobre 2010 : " La validité d'un accord interprofessionnel est subordonnée à sa signature par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli, aux élections prises en compte pour la mesure de l'audience prévue au 3° de l'article L. 2122-9, au moins 30 % des suffrages exprimés en faveur d'organisations reconnues représentatives à ce niveau, quel que soit le nombre de votants (...) " ; que si le syndicat requérant soutient que l'arrêté litigieux, en lui attribuant une audience inférieure à 30 %, le prive du droit, dont il disposait sous l'empire des dispositions législatives antérieurement applicables, de signer seul un accord national interprofessionnel, cette circonstance n'est pas de nature à conférer à cet arrêté le caractère d'un acte retirant ou abrogeant une décision créatrice de droit au sens des dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ; qu'ainsi, en tout état de cause, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait dû être motivé en application de ces dispositions doit être écarté ;
5. Considérant que, pour l'application des dispositions rappelées au point 1, l'audience des organisations syndicales au plan national et interprofessionnel est mesurée en se fondant sur les suffrages exprimés à l'occasion des élections professionnelles grâce à un système de centralisation des résultats dont les caractéristiques sont fixées par l'article D. 2122-6 du code du travail ; qu'à cette fin, l'article D. 2122-7 du même code prévoit que les procès-verbaux de ces élections sont transmis par les employeurs ou leurs représentants au prestataire agissant pour le compte du ministre chargé du travail ; que si le ministre chargé du travail, à qui il incombe ainsi d'assurer cette centralisation, est fondé, pour assurer la fiabilité des données requise pour l'établissement des mesures d'audience prévues par les dispositions de l'article L. 2122-9 du code du travail, à écarter les procès-verbaux dont les données ne sont pas exploitables en raison des anomalies qu'ils comportent, il lui appartient de veiller, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, à ce que les traitements opérés à ce titre ne remettent pas en cause, eu égard notamment au nombre des procès-verbaux concernés, l'exhaustivité nécessaire à l'établissement de ces mêmes mesures d'audience ;
6. Considérant qu'il résulte des énonciations non contestées de l'arrêt attaqué que plus de 510 000 procès-verbaux avaient été collectés représentant une population d'environ 15,5 millions de salariés, soit 88 % de la population salariée totale, chiffre ramené à 12,8 millions et 72 % de la population salariée en excluant les entreprises en situation de carence totale ou partielle au regard de l'obligation d'organiser des élections professionnelles ; qu'à l'issue des contrôles effectués par l'administration en accord avec le Haut Conseil du dialogue social, un peu moins de 10 % des procès-verbaux ont dû être écartés en raison des anomalies qu'ils présentaient, qui les rendaient inexploitables ; que, dans ces circonstances, et eu égard au fait qu'elle relevait que la confédération requérante ne faisait état d'aucune erreur de nature à fausser spécifiquement la mesure de l'audience d'une des organisations syndicales, la cour administrative d'appel, qui a procédé à une appréciation globale des conséquences des différentes anomalies invoquées, n'a pas commis d'erreur de droit ni donné aux faits ainsi énoncés une qualification juridique erronée en jugeant que l'arrêté attaqué n'avait pas été pris en méconnaissance des exigences de fiabilité et d'exhaustivité requises pour l'établissement de la mesure d'audience qui fonde, en vertu des dispositions de l'article L. 2122-9 du code du travail, la représentativité syndicale au niveau national et interprofessionnel ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la confédération requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de la Confédération générale du travail - Force ouvrière est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Confédération générale du travail - Force ouvrière et à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Copie sera adressée à la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC), à la Confédération française démocratique du travail (CFDT), à la Confédération générale du travail (CGT) et à la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC).
N° 387420
ECLI:FR:CESSR:2015:387420.20151230
Publié au recueil Lebon
4ème - 5ème SSR
M. Benjamin de Maillard, rapporteur
Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public
HAAS, avocats
Lecture du mercredi 30 décembre 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La Confédération générale du travail - Force ouvrière (CGT-FO) a demandé à la cour administrative d'appel de Paris d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 30 mai 2013 par lequel le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a fixé la liste des organisations syndicales représentatives au niveau national et interprofessionnel.
Par un arrêt n° 13PA02876 du 24 novembre 2014, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 26 janvier et 27 avril 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Confédération générale du travail - Force ouvrière demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 2010-1215 du 10 octobre 2010 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Benjamin de Maillard, auditeur,
- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Haas, avocat de la Confédération générale du travail - Force ouvrière ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2122-9 du code du travail : " Sont représentatives au niveau national et interprofessionnel les organisations syndicales qui : (...) / 3° Ont recueilli au moins 8 % des suffrages exprimés résultant de l'addition au niveau national et interprofessionnel des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires aux comités d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants, des suffrages exprimés au scrutin concernant les entreprises de moins de onze salariés dans les conditions prévues aux articles L. 2122-10-1 et suivants ainsi que des suffrages exprimés aux élections des membres représentant les salariés aux chambres départementales d'agriculture dans les conditions prévues à l'article L. 2122-6. La mesure de l'audience s'effectue tous les quatre ans " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 2122-11 du même code : " Après avis du Haut Conseil du dialogue social, le ministre chargé du travail arrête la liste des organisations syndicales reconnues représentatives par branche professionnelle et des organisations syndicales reconnues représentatives au niveau national et interprofessionnel en application des articles L. 2122-5 à L. 2122-10 " ; qu'en application de cet article, le ministre chargé du travail a pris le 30 mai 2013 un arrêté fixant la liste des organisations reconnues représentatives au niveau national et interprofessionnel et leurs audiences respectives ; que la Confédération générale du travail - Force ouvrière se pourvoit en cassation contre l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Paris, compétente en premier et dernier ressort en vertu de l'article R. 311-2 du code de justice administrative, a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la régularité de l'arrêt attaqué :
2. Considérant que, contrairement à ce que soutient la confédération requérante, la cour administrative d'appel n'a pas entaché son arrêt d'irrégularité en se bornant à viser sans l'analyser le mémoire produit devant elle par la Confédération générale de l'encadrement - Confédération générale des cadres, qui ne comportait ni moyens ni conclusions ;
3. Considérant que la cour administrative d'appel, qui a répondu par une motivation suffisante au moyen tiré de l'absence de fiabilité des résultats présentés au Haut Conseil pour le dialogue social, n'a pas entaché son arrêt d'irrégularité en ne répondant pas à un moyen d'irrégularité de la procédure de consultation de ce conseil, aucun moyen en ce sens n'étant soulevé devant elle ;
Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2232-2 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi du 15 octobre 2010 : " La validité d'un accord interprofessionnel est subordonnée à sa signature par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli, aux élections prises en compte pour la mesure de l'audience prévue au 3° de l'article L. 2122-9, au moins 30 % des suffrages exprimés en faveur d'organisations reconnues représentatives à ce niveau, quel que soit le nombre de votants (...) " ; que si le syndicat requérant soutient que l'arrêté litigieux, en lui attribuant une audience inférieure à 30 %, le prive du droit, dont il disposait sous l'empire des dispositions législatives antérieurement applicables, de signer seul un accord national interprofessionnel, cette circonstance n'est pas de nature à conférer à cet arrêté le caractère d'un acte retirant ou abrogeant une décision créatrice de droit au sens des dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ; qu'ainsi, en tout état de cause, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait dû être motivé en application de ces dispositions doit être écarté ;
5. Considérant que, pour l'application des dispositions rappelées au point 1, l'audience des organisations syndicales au plan national et interprofessionnel est mesurée en se fondant sur les suffrages exprimés à l'occasion des élections professionnelles grâce à un système de centralisation des résultats dont les caractéristiques sont fixées par l'article D. 2122-6 du code du travail ; qu'à cette fin, l'article D. 2122-7 du même code prévoit que les procès-verbaux de ces élections sont transmis par les employeurs ou leurs représentants au prestataire agissant pour le compte du ministre chargé du travail ; que si le ministre chargé du travail, à qui il incombe ainsi d'assurer cette centralisation, est fondé, pour assurer la fiabilité des données requise pour l'établissement des mesures d'audience prévues par les dispositions de l'article L. 2122-9 du code du travail, à écarter les procès-verbaux dont les données ne sont pas exploitables en raison des anomalies qu'ils comportent, il lui appartient de veiller, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, à ce que les traitements opérés à ce titre ne remettent pas en cause, eu égard notamment au nombre des procès-verbaux concernés, l'exhaustivité nécessaire à l'établissement de ces mêmes mesures d'audience ;
6. Considérant qu'il résulte des énonciations non contestées de l'arrêt attaqué que plus de 510 000 procès-verbaux avaient été collectés représentant une population d'environ 15,5 millions de salariés, soit 88 % de la population salariée totale, chiffre ramené à 12,8 millions et 72 % de la population salariée en excluant les entreprises en situation de carence totale ou partielle au regard de l'obligation d'organiser des élections professionnelles ; qu'à l'issue des contrôles effectués par l'administration en accord avec le Haut Conseil du dialogue social, un peu moins de 10 % des procès-verbaux ont dû être écartés en raison des anomalies qu'ils présentaient, qui les rendaient inexploitables ; que, dans ces circonstances, et eu égard au fait qu'elle relevait que la confédération requérante ne faisait état d'aucune erreur de nature à fausser spécifiquement la mesure de l'audience d'une des organisations syndicales, la cour administrative d'appel, qui a procédé à une appréciation globale des conséquences des différentes anomalies invoquées, n'a pas commis d'erreur de droit ni donné aux faits ainsi énoncés une qualification juridique erronée en jugeant que l'arrêté attaqué n'avait pas été pris en méconnaissance des exigences de fiabilité et d'exhaustivité requises pour l'établissement de la mesure d'audience qui fonde, en vertu des dispositions de l'article L. 2122-9 du code du travail, la représentativité syndicale au niveau national et interprofessionnel ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la confédération requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de la Confédération générale du travail - Force ouvrière est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Confédération générale du travail - Force ouvrière et à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Copie sera adressée à la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC), à la Confédération française démocratique du travail (CFDT), à la Confédération générale du travail (CGT) et à la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC).