Conseil d'État
N° 375322
ECLI:FR:CESSR:2015:375322.20151109
Inédit au recueil Lebon
6ème / 1ère SSR
M. Jean-Baptiste de Froment, rapporteur
M. Xavier de Lesquen, rapporteur public
SCP MEIER-BOURDEAU, LECUYER, avocats
Lecture du lundi 9 novembre 2015
Vu la procédure suivante :
1°, sous le n° 375322, par une requête, un mémoire en réplique et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 10 février 2014, 2 février, 10 mars et 10 juillet 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association France Nature Environnement et l'Union des fédérations Rhône-Alpes de protection de la nature demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 23 août 2013 déclarant d'utilité publique et urgents les travaux nécessaires à la réalisation de l'itinéraire d'accès au tunnel franco-italien de la liaison ferroviaire Lyon-Turin ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux contre ce décret ;
2°) à titre subsidiaire, de renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne la question de l'interprétation du champ d'application de diverses directives de l'Union européenne ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2°, sous le n° 375672, par une requête, un mémoire en réplique et deux nouveaux mémoires, enregistrés le 21 février 2014, 15 février, 4 mai et 7 août 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...B...et 646 autres requérants demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision de refus née du silence gardé par le Premier ministre sur leur demande tendant au retrait de la décision du 7 février 1994 du ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme validant le cahier des charges d'un projet Lyon-Turin, de la décision du 14 avril 1995 du même ministre arrêtant les principales caractéristiques du projet de liaison transalpine entre Lyon et Montmélian et entre Montmélian et l'Italie, de l'arrêté interpréfectoral du 30 novembre 2011 fixant les modalités de l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique du projet " Liaison ferroviaire Lyon-Turin - Itinéraires d'accès au tunnel franco-italien " et du décret du 23 août 2013 déclarant d'utilité publique et urgents les travaux nécessaires à la réalisation de l'itinéraire d'accès au tunnel franco-italien de la liaison ferroviaire Lyon-Turin ;
2°) d'enjoindre au Premier ministre, dans le délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard, de retirer les décisions mentionnées ci-dessus ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
3°, sous le n° 375673, par une requête, un mémoire en réplique et quatre nouveaux mémoires, enregistrés les 21 février 2014, 16 janvier, 19 janvier, 27 février, 4 juin et 9 octobre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Chimilin, la commune d'Aoste, la commune de Romagnieu, la commune de Belmont-Tramonet, la commune de Verel-de-Montbel, la commune de Chapareillan, la commune de La Chambre, la commune de Laissaud, la commune de Les Mollettes, la commune de La Motte-Servolex et la commune d'Avressieux demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision de refus née du silence gardé par le Premier ministre sur leur demande tendant au retrait des mêmes décisions que celles contestées sous le n° 375672 ;
2°) d'ordonner au Premier ministre, dans le délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard, de retirer les décisions ayant fait l'objet de cette demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le premier protocole additionnel à cette convention ;
- la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 ;
- le code de l'environnement ;
- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 ;
- la loi n° 95-101 du 2 février 1995 ;
- la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 ;
- le décret n° 84-617 du 17 juillet 1984 ;
- le décret n° 97-544 du 5 mai 1997 ;
- le décret n° 2002-1275 du 22 octobre 2002 ;
- le décret du 23 août 2013 ;
- la décision du 7 février 1994 du ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme validant le cahier des charges d'un projet Lyon-Turin ;
- la décision du 14 avril 1995 du ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme du même ministre arrêtant les principales caractéristiques du projet de liaison transalpine entre Lyon et Montmélian et entre Montmélian et l'Italie ;
- l'arrêté interpréfectoral du 30 novembre 2011 fixant les modalités de l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique du projet " Liaison ferroviaire Lyon-Turin - Itinéraires d'accès au tunnel franco-italien " ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Baptiste de Froment, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Meier-Bourdeau, Lecuyer, avocat de Réseau Ferré de France ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 19 octobre 2015, présentée par l'association France Nature Environnement et l'Union des fédérations Rhône-Alpes de protection de la nature ;
1. Considérant que les décisions du 7 février 1994 du ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme validant le cahier des charges d'un projet Lyon-Turin, et du 14 avril 1995 du même ministre arrêtant les principales caractéristiques du projet de liaison transalpine entre Lyon et Montmélian et entre Montmélian et l'Italie, présentent le caractère de simples mesures préparatoires des actes déclarant d'utilité publique les différents projets relatifs à la nouvelle liaison ferroviaire Lyon-Turin et sont insusceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; qu'il en va de même de l'arrêté interpréfectoral du 30 novembre 2011, qui a eu exclusivement pour objet de fixer les modalités de l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique du projet " Liaison ferroviaire Lyon-Turin - Itinéraires d'accès au tunnel franco-italien " ; que les requêtes de M. B...et autres et de la commune de Chimilin et autres sont par suite irrecevables en tant qu'elles demandent l'annulation de la décision née du silence gardé par le Premier ministre sur leur demande en tant qu'elle portait sur le retrait de ces trois décisions ;
2. Considérant que les requêtes de l'association France Nature environnement et autre, de M. B...et autres et de la commune de Chimilin et autres sont dirigées contre le même décret du 23 août 2013 ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par Réseau Ferré de France :
3. Considérant que M. B...réside sur le territoire de la commune des Mollettes, traversé par le projet qui fait l'objet de la déclaration d'utilité publique litigieuse ; qu'il justifie ainsi d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation du décret du 23 août 2013 ; que la circonstance que certains des autres auteurs de la requête ne justifieraient pas d'un intérêt à agir ne fait pas obstacle à ce que les conclusions de cette requête soient jugées recevables ; que, par suite, la fin de non-recevoir soulevée par Réseau Ferré de France, devenu SNCF Réseau, et tirées du défaut d'intérêt à agir des auteurs de la requête enregistrée sous le n° 383956 doivent être écartées ;
Sur l'intervention de M. C...et autres :
4. Considérant que M. C...et autres justifient d'un intérêt suffisant à l'annulation du décret attaqué ; qu'ainsi, leur intervention au soutien de la requête de M. B...et autres est recevable, dans la limite de la recevabilité des conclusions des requérants ;
Sur la légalité externe du décret du 23 août 2013 :
En ce qui concerne les moyens relatifs à la phase préparatoire à l'enquête publique :
5. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 121-8 du code de l'environnement : " La Commission nationale du débat public est saisie de tous les projets d'aménagement ou d'équipement qui, par leur nature, leurs caractéristiques techniques ou leur coût prévisionnel, tel qu'il peut être évalué lors de la phase d'élaboration, répondent à des critères ou excèdent des seuils fixés par décret en Conseil d'Etat. / (...) " ; qu'aux termes de l'article 17 du décret du 22 octobre 2002 relatif à l'organisation du débat public et à la Commission nationale du débat public, pris en application de cet article L. 121-8 : " Le présent décret ne s'applique pas : / (...) 2° Aux projets qui ont fait l'objet, avant la publication du présent décret, d'une fixation de leurs caractéristiques principales par mention ou publication régulière dans les conditions prévues par l'alinéa 2 de l'article 1er du décret n° 96-388 du 10 mai 1996 " ; qu'aux termes de l'article 1er du décret du 10 mai 1996 relatif à la consultation du public et des associations en amont des décisions d'aménagement pris pour l'application de l'article 2 de la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement : " Le présent décret définit les conditions dans lesquelles un débat public peut être organisé sur les objectifs et les caractéristiques principales des grandes opérations d'aménagement d'intérêt national de l'Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics et des sociétés d'économie mixte. / Il concerne l'ensemble des opérations présentant un fort enjeu socio-économique ou ayant un impact significatif sur l'environnement, afin de permettre un débat public, avant la mention au Journal officiel, ou la publication régulière de la décision fixant les principales caractéristiques du projet et, en tout état de cause, avant l'arrêté prescrivant l'enquête publique. / L'annexe au présent décret précise, pour les opérations principalement concernées, le stade d'élaboration du projet avant lequel le débat public peut être organisé " ; que l'annexe à ce décret prévoit que le stade au-delà duquel le débat public ne peut plus être organisé est constitué par la mention au Journal officiel de la République française de la décision ministérielle déterminant les principales caractéristiques du projet ;
6. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que les projets d'aménagement ou d'équipement ayant fait l'objet d'une décision ministérielle déterminant leurs principales caractéristiques intervenue avant la date de publication du décret du 22 octobre 2002, soit le 23 octobre 2002, ne sont pas soumis à la procédure prévue au I de l'article L. 121-8 du code de l'environnement ; qu'il ressort des pièces du dossier que les principales caractéristiques du projet contesté ont été fixées par deux décisions du ministre de l'équipement des 7 février 1994 et 14 avril 1995, qui ont été mentionnées au Journal officiel de la République française le 30 avril 1996 ; que, par suite, les dispositions du I de l'article L. 121-8 du code de l'environnement ne sont pas applicables au projet contesté ; que, d'autre part, si les associations requérantes soutiennent que l'économie générale du projet a été modifiée postérieurement aux décisions ministérielles publiées le 30 avril 1996, ce qui justifiait selon elles la tenue d'un débat public en application des dispositions issues de la loi du 2 février 1995, il ressort des pièces du dossier que les caractéristiques essentielles du projet faisant l'objet de la déclaration d'utilité publique contestée - améliorer la liaison entre la France et l'Italie grâce à une ligne à grande vitesse reliant Lyon et Turin, rendre le transport de fret plus performant, favoriser la complémentarité entre les modes de transports, augmenter l'accessibilité des Alpes du nord, contribuer à l'amélioration des liaisons ferroviaires à l'intérieur de la région Rhône-Alpes - sont identiques à celles qui avaient été fixées par les deux décisions des 7 février 1994 et 14 février 1995 du ministre de l'équipement ; qu'en particulier, l'abandon du projet de nouvelle gare Dauphiné-Savoie n'a pas eu pour effet de remettre en cause l'objectif d'amélioration de l'accessibilité des Alpes du Nord, le projet prévoyant l'amélioration des dessertes d'Annecy et Chambéry, de la Maurienne et de la Tarentaise, ainsi que de la liaison Grenoble-Chambéry par les nouveaux aménagements prévus en gare de Montmélian ; qu'il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré de l'absence de débat public préalable à la déclaration d'utilité publique litigieuse doit être écarté ;
En ce qui concerne les conditions dans lesquelles a été menée l'enquête publique :
7. Considérant que le décret attaqué déclare d'utilité publique et urgents les travaux nécessaires à la réalisation de l'itinéraire d'accès au tunnel franco-italien de la liaison ferroviaire Lyon-Turin ; que si cette réalisation s'insère dans le projet global de nouvelle liaison ferroviaire Lyon-Turin, auquel concourent également le contournement ferroviaire de l'agglomération lyonnaise et la construction du tunnel franco-italien, elle constitue toutefois un programme distinct des autres parties de l'opération ; qu'elle pouvait par conséquent, et contrairement à ce qui est soutenu, faire l'objet d'une enquête publique elle-même distincte ;
8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la commune de Rochefort-en-Savoie n'est pas concernée par le projet et n'avait donc pas, contrairement à ce qui est soutenu, à être associée à l'enquête publique ; qu'en dépit du fait que le territoire de la commune de Saint-Savin n'est pas, lui non plus, traversé par le projet de ligne à grande vitesse, le dossier d'enquête publique du projet a été mis à disposition de la commune et deux permanences ont été tenues à Saint-Savin par la commission d'enquête ; que le moyen tiré de l'irrégularité de l'enquête publique en ce qui la concerne doit aussi être écarté ;
9. Considérant qu'aux termes de l'article R. 123-31 du code rural et de la pêche maritime : " En application du dernier alinéa de l'article L. 121-2, le conseil général constitue, au plus tard à compter de la publication de l'arrêté d'ouverture de l'enquête publique prévue à l'article L. 11-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, la commission communale ou intercommunale d'aménagement foncier prévue aux articles L. 121-3 à L. 121-5 dans chacune des communes désignées en application de l'article R. 123-30. / Il peut instituer des commissions intercommunales lorsqu'il y a lieu, pour plusieurs communes limitrophes, de poursuivre en commun des opérations d'aménagement foncier. Cette création est de droit dans les cas prévus au premier alinéa de l'article L. 121-4. / (..) " ; que si, contrairement à ce que prévoient ces dispositions, le conseil général de l'Isère et la commission permanente du conseil général de Savoie ont désigné les communes dans lesquelles il y avait lieu de constituer des commissions communales d'aménagement foncier respectivement les 5 janvier 2012 et 17 février 2012, soit postérieurement à la publication de l'arrêté d'ouverture de l'enquête publique, le 30 novembre 2011, cette circonstance n'a pas été susceptible, en l'espèce, d'exercer une influence sur le sens de la déclaration litigieuse et n'a pas privé les intéressés d'une garantie ; que, par suite, le moyen tiré de la constitution tardive des commissions communales d'aménagement foncier prévues par l'article R. 123-31 du code rural et de la pêche maritime doit être écarté ;
10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'appréciation sommaire des dépenses de 7,7 milliards d'euros qui a été donnée lors des réunions publiques organisées par la commission d'enquête, qui correspond à la réalisation du projet soumis à enquête publique et ne doit pas être confondue avec le montant des investissements incluant le contournement ferré de l'agglomération lyonnaise, est identique à celle qui figure dans le dossier d'enquête publique ; que le moyen tiré de l'inexactitude de cette mention ne peut donc qu'être écarté ;
11. Considérant qu'il ressort du rapport de la commission d'enquête que cette dernière a estimé que le dossier d'enquête publique était " complet, bien structuré, comprenant de nombreuses cartes et photos, des graphiques explicatifs, avec un résumé non technique de l'étude d'impact précis, l'ensemble bien rédigé " ; que si la commission d'enquête a sollicité RFF à deux reprises au cours de la rédaction de son rapport, c'était principalement afin de lui poser des questions d'ordre technique ; que, dans ses réponses apportées à ces questions, RFF n'a fourni aucun élément nouveau de nature à modifier substantiellement l'information du public ; qu'il ne ressort d'aucun texte que les réponses adressées par RFF à la commission auraient dû être communiquées à ce dernier ;
S'agissant de la commission d'enquête :
12. Considérant qu'aux termes de l'article R. 11-5 du code l'expropriation pour cause d'utilité publique, dans sa rédaction alors applicable : " Le commissaire enquêteur ou les membres de la commission d'enquête sont choisis parmi les personnes figurant sur l'une des listes d'aptitude prévues au deuxième alinéa de l'article L. 123-4 du code de l'environnement. / Ne peuvent être désignées pour exercer les fonctions de commissaire enquêteur les personnes appartenant à l'administration de la collectivité ou de l'organisme expropriant ou participant à son contrôle ou les personnes intéressées à l'opération soit à titre personnel, soit en raison des fonctions qu'elles exercent ou ont exercées depuis moins de cinq ans " ; que s'il ressort des pièces du dossier que deux membres de la commission d'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique litigieuse avaient siégé dans celle relative au projet de contournement ferroviaire de l'agglomération lyonnaise qui a émis un avis favorable sur l'utilité publique de ce projet, cette circonstance n'établit aucunement qu'ils soient " intéressés à l'opération " au sens des dispositions citées ci-dessus ; que le fait qu'un commissaire enquêteur soit, en sa qualité de président de l'association " Conservatoire des espaces naturels ", en contact avec RFF et la société française du tunnel routier du Fréjus, n'établit pas davantage qu'il soit " intéressé à l'opération " au sens de ces mêmes dispositions ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. Fafournoux, président de la commission d'enquête publique, ait exercé de fonctions en rapport avec le projet dans les cinq ans précédant l'enquête publique, ainsi que l'exigent les dispositions de l'article R. 11 5 citées ci-dessus ; que la seule circonstance que le rapport de la commission d'enquête " invite à étudier " le mémoire d'une entreprise, proposant une solution de stockage des déblais, dont le dirigeant est le frère d'un commissaire-enquêteur, sans qu'une telle invitation soit reprise dans les conclusions motivées du rapport, n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure d'enquête publique ; que, par suite, le moyen tiré du défaut d'impartialité de l'enquête publique ne peut qu'être écarté ;
13. Considérant qu'il ressort des conclusions motivées du rapport de la commission d'enquête publique que les commissaires-enquêteurs ont notamment participé à deux journées de présentation du projet organisées par RFF, ainsi qu'à deux journées de visite d'ensemble, ont tenu 125 permanences dans les mairies des différentes communes concernées, organisé et présidé quatre réunions publiques d'information ayant rassemblé plus de 1 200 personnes ; qu'ils ont analysé les observations écrites dans les registres, présenté une synthèse des observations à RFF, examiné les mémoires en réponse de RFF et, enfin, rédigé le rapport et les conclusions motivées relatifs à l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique ; qu'ainsi, contrairement à ce qui est soutenu, ils ont fait preuve, au service de leur mission, d'une disponibilité appropriée à l'opération et aux circonstances de l'enquête ;
S'agissant de l'accessibilité du dossier pour le public :
14. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations : " Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable. / Constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs mentionnés au premier alinéa, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés " ; qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté que la procédure d'information du public s'est déroulée dans le respect des dispositions du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et du code de l'environnement alors en vigueur ; qu'aucun texte ni aucun principe n'imposait la diffusion par moyens radiophoniques ou audiovisuels, de l'avis d'enquête publique, ni la publication sur internet de l'intégralité du dossier d'enquête publique ; qu'en outre, nonobstant la circonstance que certaines communes ont mis à disposition les documents du dossier d'enquête publique dans des salles qui n'étaient pas accessibles aux handicapés, les requérants n'établissent pas que des personnes handicapées auraient été mises dans l'impossibilité de participer à l'enquête publique ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 1er de la loi du 27 mai 2008 ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté ;
En ce qui concerne les moyens relatifs au dossier soumis à enquête publique :
S'agissant de la lisibilité des documents :
15. Considérant que si les requérants font valoir que les hauteurs inscrites sur les " profils en longs " de certains plans d'ouvrages contenus dans le dossier d'enquête publique sont difficiles à déchiffrer, ces plans sont systématiquement accompagnés d'un texte de description et de photomontages illustrant, en outre, pour chaque secteur, l'insertion paysagère ; que les deux départs d'ouvrage dans le secteur de Détrier (une " descenderie " de 700 mètres et une galerie de reconnaissance d'environ 6 kilomètres) sont parfaitement visibles sur le document du dossier d'enquête publique ; que, par suite, le moyen tiré de ce que certains documents contenus dans le dossier d'enquête publique seraient illisibles ne peut qu'être écarté ;
S'agissant du contenu de l'étude d'impact :
16. Considérant que s'il ressort des pièces du dossier que l'autorité environnementale, dans son avis du 7 décembre 2011, a fait état d'un certain nombre d'insuffisances et d'imprécisions affectant, de façon générale, l'étude d'impact du projet, RFF a produit, en réponse à cet avis, un mémoire complémentaire de vingt-cinq pages, qui a été joint au dossier d'enquête publique et apporte l'ensemble des compléments suggérés par l'autorité environnementale ;
17. Considérant qu'aux termes de l'article L. 122-1 du code de l'environnement : " I.-Les projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements publics et privés qui, par leur nature, leurs dimensions ou leur localisation sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine sont précédés d'une étude d'impact. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement : " I. -Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. / II.-L'étude d'impact présente : (...) / 2° Une analyse de l'état initial de la zone et des milieux susceptibles d'être affectés par le projet, portant notamment sur la population, la faune et la flore, les habitats naturels, les sites et paysages, les biens matériels, les continuités écologiques telles que définies par l'article L. 371-1, les équilibres biologiques, les facteurs climatiques, le patrimoine culturel et archéologique, le sol, l'eau, l'air, le bruit, les espaces naturels, agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, ainsi que les interrelations entre ces éléments ; / 3° Une analyse des effets négatifs et positifs, directs et indirects, temporaires (y compris pendant la phase des travaux) et permanents, à court, moyen et long terme, du projet sur l'environnement, en particulier sur les éléments énumérés au 2° et sur la consommation énergétique, la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses), l'hygiène, la santé, la sécurité, la salubrité publique, ainsi que l'addition et l'interaction de ces effets entre eux ; / 4° Une analyse des effets cumulés du projet avec d'autres projets connus. (...) ; / 5° Une esquisse des principales solutions de substitution examinées par le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage et les raisons pour lesquelles, eu égard aux effets sur l'environnement ou la santé humaine, le projet présenté a été retenu ; / 6° Les éléments permettant d'apprécier la compatibilité du projet avec l'affectation des sols définie par le document d'urbanisme opposable, ainsi que, si nécessaire, son articulation avec les plans, schémas et programmes mentionnés à l'article R. 122-17, et la prise en compte du schéma régional de cohérence écologique dans les cas mentionnés à l'article L. 371-3 " ; qu'aux termes du II de l'article L. 121-10 du code de l'urbanisme : " Font également l'objet de l'évaluation environnementale prévue au premier alinéa du I les documents qui déterminent l'usage de petites zones au niveau local suivants : / 1° Les plans locaux d'urbanisme : / a) Qui sont susceptibles d'avoir des effets notables sur l'environnement, au sens de l'annexe II à la directive 2001/42/ CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 juin 2001, précitée, compte tenu notamment de la superficie du territoire auquel ils s'appliquent, de la nature et de l'importance des travaux et aménagements qu'ils autorisent et de la sensibilité du milieu dans lequel ceux-ci doivent être réalisés " ; que l'article R. 123-2-1 du même code définit le contenu du rapport de présentation du plan local d'urbanisme, lorsque ce dernier doit faire l'objet de cette évaluation environnementale ;
18. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'une étude d'impact a notamment pour objet d'analyser toutes les incidences prévisibles sur l'environnement qu'un projet de travaux, d'ouvrages ou d'aménagement est susceptible d'avoir ; que parmi ces incidences figurent en particulier les effets induits par la mise en conformité d'un plan local d'urbanisme qui serait impliquée par le projet en cause ; que lorsque ces effets sont notables, ils doivent faire l'objet de l'évaluation environnementale prévue à l'article L. 121-10 du code de l'urbanisme ;
19. Considérant que le décret litigieux emporte mise en compatibilité de quarante et un documents d'urbanisme ; que, toutefois, le moyen tiré de ce que l'étude d'impact jointe au dossier d'enquête publique n'aurait pas procédé aux évaluations environnementales exigées par la mise en conformité de certains de ces documents n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé ; qu'en tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que l'étude d'impact identifie avec précision chacune des zones, figurant dans les différents documents d'urbanisme, des territoires concernées par le projet, en présente l'état d'origine, les impacts que le projet est susceptible d'avoir sur chacune d'entre elles, ainsi que les mesures prévues pour y remédier ; qu'elle consacre un dossier complet aux incidences du projet sur les cinq sites Natura 2000, dont chacun fait l'objet d'une description détaillée, d'un recensement des espèces et des habitats d'intérêt communautaire qu'il accueille, de son état de conservation, accompagné des objectifs de conservation ; que le " Réseau de zones humides et alluviales des Hurtières ", situé sur le territoire de deux communes ayant fait l'objet d'une mise en compatibilité de leurs documents d'urbanisme, est étudié de façon particulièrement détaillée, en raison de l'impact significatif que le projet est susceptible d'avoir sur l'état de conservation de la population de l'écrevisse à pieds blancs ; qu'ainsi, il ressort des pièces du dossier que les exigences énoncées dans le code de l'urbanisme relatives à l'évaluation environnementale des documents d'urbanisme, en transposition de la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001, ont été respectées ;
20. Considérant que le moyen tiré de ce que le dossier soumis à l'enquête publique ne traiterait pas suffisamment de la question de la préservation des ressources en eaux potables et aurait ainsi méconnu le principe de précaution est sans incidence sur la régularité du dossier d'enquête publique ; que l'étude d'impact réalisée par RFF consacre plusieurs chapitres aux impacts généraux du projet sur la ressource en eaux et sur les mesures curatives envisagées, notamment dans le mémoire complémentaire joint au dossier d'enquête publique produit par RFF en réponse aux observations formulées par l'autorité environnementale dans son avis ; qu'en outre, des études ultérieures seront réalisées pour mesurer les effets du projet sur ces ressources ;
21. Considérant que la déclaration d'utilité publique contestée porte sur les travaux nécessaires à la réalisation de l'itinéraire français d'accès au tunnel franco-italien de la liaison ferroviaire Lyon-Turin ; que ces travaux n'ont, en tout état de cause, aucune incidence notable sur le territoire italien ; que le dossier d'enquête publique, dès lors, n'avait pas à étudier les impacts du projet sur la partie italienne du programme Lyon-Turin ;
S'agissant de l'évaluation socio-économique :
22. Considérant qu'en vertu des dispositions combinées de l'article 14 de la loi du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs et du 3° de l'article 2 du décret du 17 juillet 1984 pris pour son application, dans leur rédaction alors en vigueur, il incombe à l'administration, lorsqu'elle engage un projet d'infrastructure de transports dont le coût est égal ou supérieur à 83 084 714,39 euros, de procéder à une évaluation socio-économique ; qu'aux termes de l'article 3 du décret du 17 juillet 1984 : " Lorsqu'un projet est susceptible d'être réalisé par tranches successives, les conditions prévues à l'article 2 s'apprécient au regard de la totalité dudit projet et non de chacune de ses tranches ; l'évaluation prévue à l'article 4 doit être préalable à la réalisation de la première tranche. / Dans le cas où une tranche fait l'objet d'une modification qui remet en cause l'économie générale du projet, il est procédé à une nouvelle évaluation " ; qu'aux termes de l'article 4 du même décret, l'évaluation doit comporter : " 1º) Une analyse des conditions et des coûts de construction, d'entretien, d'exploitation et de renouvellement de l'infrastructure projetée ; / 2º) Une analyse des conditions de financement et, chaque fois que cela est possible, une estimation du taux de rentabilité financière ; / 3º) Les motifs pour lesquels, parmi les partis envisagés par le maître d'ouvrage, le projet présenté a été retenu ; / 4º) Une analyse de l'incidence de ce choix sur les équipements de transport existants ou en cours de réalisation, ainsi que sur leurs conditions d'exploitation, et un exposé sur sa compatibilité avec les schémas directeurs d'infrastructures applicables ; (...) L'évaluation (...) comporte également une analyse des différentes données de nature à permettre de dégager un bilan prévisionnel, tant des avantages et inconvénients entraînés, directement ou non, par la mise en service de ces infrastructures dans les zones intéressées que des avantages et des inconvénients résultant de leur utilisation par les usagers " ; qu'il résulte de ces dispositions, et notamment de l'article 3 du décret du 17 juillet 1984, que lorsqu'un projet d'infrastructure de transports est réalisé en plusieurs tranches, l'évaluation socio-économique doit porter sur l'ensemble du projet et doit être effectuée avant la réalisation de la première tranche du projet ; qu'à l'exception des cas où, en raison du délai écoulé, des circonstances ultérieures auraient modifié les données essentielles sur lesquelles l'évaluation est fondée, ces dispositions n'imposent pas de réaliser une étude socio-économique pour chacune de ses tranches, alors même que le coût de réalisation de cette tranche est égal ou supérieur à 83 084 714,39 euros ; qu'ainsi, les associations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que RFF aurait dû procéder à une étude socio-économique phase par phase du projet soumis à enquête publique ; qu'en tout état de cause, elles ne peuvent utilement invoquer l'instruction-cadre du 25 mars 2004 relative aux méthodes d'évaluation économique des grands projets d'infrastructures de transport, qui est dépourvue de tout caractère normatif ;
23. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la présentation contenue dans le dossier d'enquête publique de l'intérêt socio-économique du projet est le résultat d'un travail approfondi auquel ont été associés de nombreuses institutions et de nombreux experts ; que les hypothèses de croissance sur lesquelles repose cette évaluation résultent des scenarii prospectifs définis par la direction générale des affaires économiques et financières de la commission européenne ; que, de même, les valeurs retenues pour l'évolution du prix des carburants sont conformes aux études de référence sur la question ; que le dossier n'avait pas à présenter le nombre d'emplois qui seraient détruits en raison du report sur les autres modes de transport ; que la circonstance que l'autorité environnementale aurait demandé une mise à jour des données socio-économiques présentées dans l'étude est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité du décret contesté ; que les dispositions de l'article 4 du décret du 5 mai 1997 relatif aux missions et aux statuts de Réseau ferré de France, qui n'ont pas pour objet de déterminer les éléments devant figurer dans un dossier d'enquête publique, ne peuvent être utilement invoquées pour contester la légalité d'un dossier d'enquête publique ; qu'il résulte de ce qui précède que les associations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que le dossier d'enquête publique contiendrait une présentation erronée de l'équilibre socio-économique du projet ;
S'agissant de l'appréciation sommaire des dépenses :
24. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le coût de l'opération soumise à enquête publique, estimé à 7,7 milliards d'euros aux conditions économiques de l'année 2011, serait sous-évalué ; que le mode de calcul adopté par les requérants pour contester l'évaluation faite dans l'appréciation sommaire des dépenses, reposant sur l'équivalence entre le coût de la réalisation d'un kilomètre de tunnel " bitube " et celui de la réalisation de deux kilomètres de tunnel " monotube " ne tient pas compte, toutes choses égales par ailleurs, des économies d'échelle que permet de réaliser le percement de deux tunnels parallèles, en comparaison du percement de deux tunnels qui ne seraient pas conjoints ;
S'agissant des données relatives au trafic transalpin :
25. Considérant que, contrairement à ce qui est soutenu, le dossier d'enquête publique s'appuie sur les données de trafic constatées les plus récentes et ne se borne nullement à reprendre les projections réalisées en 1993 ;
Sur la légalité interne du décret :
En ce qui concerne l'utilité publique du projet :
26. Considérant qu'une opération ne peut être déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d'ordre social ou l'atteinte à d'autres intérêts publics qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ;
27. Considérant, en premier lieu, que l'opération projetée constitue un élément essentiel du projet prioritaire n° 6 du réseau transeuropéen de transport ; qu'elle vise à mettre en place un service " d'autoroutes ferroviaires " performantes et cadencées qui permettra le développement du fret ferroviaire transalpin entre la France et l'Italie, tout en assurant un transport plus rapide des passagers, ainsi que des gains en termes de sécurité et de réduction de la pollution ; que cette opération améliorera également les dessertes ferroviaires régionales, grâce aux gains de temps qu'elle permet et à l'amélioration des circulations sur les lignes existantes ; qu'en particulier, elle permettra de raccourcir le temps de trajet entre Lyon et les villes de Chambéry, Aix-les-Bains et Annecy, tout en augmentant le nombre d'allers-retours quotidiens vers ces destinations ; qu'une telle opération poursuit ainsi un objectif d'utilité publique ;
28. Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce qui est soutenu, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'aménagement, en lieu et place de la ligne projetée, de la ligne existante permettrait des résultats comparables, notamment en termes de gains de temps et d'augmentation du trafic, sans procéder à des expropriations aussi importantes que celles qu'autorise le décret attaqué ; que si les requérants font état de solutions différentes qui auraient présenté moins d'inconvénients que celle privilégiée par le projet litigieux, il n'appartient pas au Conseil d'Etat statuant au contentieux de procéder à une telle comparaison ;
29. Considérant, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût économique du projet, dont il ne ressort pas des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit plus haut, qu'il aurait été sous-estimé, et qui prend en compte, contrairement à ce qui est soutenu, les coûts des impacts sur l'environnement, compte tenu par ailleurs de la réduction de la pollution permise par la diminution du transport routier et des mesures prises afin de réduire les effets dommageables pour la faune et la flore, ne sont pas, eu égard à l'importance de l'opération, de nature à retirer au projet son caractère d'utilité publique ;
En ce qui concerne les autres moyens de légalité interne :
30. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 11-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " L'acte déclarant l'utilité publique précise le délai pendant lequel l'expropriation devra être réalisée. Ce délai ne peut, si la déclaration d'utilité publique est prononcée par arrêté, être supérieur à cinq ans. Toutefois, ce délai est porté à dix ans pour les opérations prévues aux projets d'aménagement approuvés, aux plans d'urbanisme approuvés et aux plans d'occupation des sols approuvés. / (...) / Toute autre prorogation ne peut être prononcée que par décret en Conseil d'Etat " ; qu'il résulte de ces dispositions que le pouvoir réglementaire pouvait légalement, par l'article 2 du décret litigieux, porter à quinze ans le délai pendant lequel les expropriations devront être réalisées ; que cette durée est justifiée par les nécessités liées à l'opération d'utilité publique projetée, sans que les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales y fassent, par elles-mêmes, obstacle ; que le moyen tiré de la constitution de fait de " réserves foncières " ne peut ainsi qu'être écarté ;
31. Considérant que les trois réserves dont la commission d'enquête, dans son rapport, a assorti son avis favorable au projet sont relatives à la phase postérieure à la déclaration d'utilité publique litigieuse ; que, par suite, elles ne peuvent être utilement invoquées à l'appui de conclusions dirigées contre décret du décret du 23 août 2013 ;
Sur la légalité de la décision du Premier ministre rejetant la demande de retrait du décret attaqué :
32. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il y ait lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, que la Fédération nationale de l'environnement et autres, M. B...et autres et la commune de Chimilin et autres ne sont pas fondés à demander l'annulation de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le Premier ministre sur leurs demandes tendant à l'abrogation du décret du 23 août 2013 déclarant d'utilité publique et urgents les travaux nécessaires à la réalisation de l'itinéraire d'accès au tunnel franco-italien de la liaison ferroviaire Lyon-Turin ; que, par suite, les conclusions de M. B...et autres et de la commune de Chimilin et autres tendant à ce qu'il soit enjoint, sous peine d'astreinte, au Premier ministre de retirer sa décision ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être également rejetées ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'intervention de M. C...et autres est admise.
Article 2 : Les requêtes de l'association France Nature Environnement et autre, de M. B...et autres et de la commune de Chimilin et autres sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association France Nature Environnement, à l'Union des fédérations Rhône-Alpes de protection de la nature, à M. A...B...et à la commune de Chimilin, premiers requérants dénommés de chacune des requêtes, et à Réseau Ferré de France. Les autres requérants seront informés de la présente décision respectivement par la SCP Devers-Duval-Paris et par MeD....
Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur, au Premier ministre, au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
N° 375322
ECLI:FR:CESSR:2015:375322.20151109
Inédit au recueil Lebon
6ème / 1ère SSR
M. Jean-Baptiste de Froment, rapporteur
M. Xavier de Lesquen, rapporteur public
SCP MEIER-BOURDEAU, LECUYER, avocats
Lecture du lundi 9 novembre 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
1°, sous le n° 375322, par une requête, un mémoire en réplique et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 10 février 2014, 2 février, 10 mars et 10 juillet 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association France Nature Environnement et l'Union des fédérations Rhône-Alpes de protection de la nature demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 23 août 2013 déclarant d'utilité publique et urgents les travaux nécessaires à la réalisation de l'itinéraire d'accès au tunnel franco-italien de la liaison ferroviaire Lyon-Turin ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux contre ce décret ;
2°) à titre subsidiaire, de renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne la question de l'interprétation du champ d'application de diverses directives de l'Union européenne ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2°, sous le n° 375672, par une requête, un mémoire en réplique et deux nouveaux mémoires, enregistrés le 21 février 2014, 15 février, 4 mai et 7 août 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...B...et 646 autres requérants demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision de refus née du silence gardé par le Premier ministre sur leur demande tendant au retrait de la décision du 7 février 1994 du ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme validant le cahier des charges d'un projet Lyon-Turin, de la décision du 14 avril 1995 du même ministre arrêtant les principales caractéristiques du projet de liaison transalpine entre Lyon et Montmélian et entre Montmélian et l'Italie, de l'arrêté interpréfectoral du 30 novembre 2011 fixant les modalités de l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique du projet " Liaison ferroviaire Lyon-Turin - Itinéraires d'accès au tunnel franco-italien " et du décret du 23 août 2013 déclarant d'utilité publique et urgents les travaux nécessaires à la réalisation de l'itinéraire d'accès au tunnel franco-italien de la liaison ferroviaire Lyon-Turin ;
2°) d'enjoindre au Premier ministre, dans le délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard, de retirer les décisions mentionnées ci-dessus ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
3°, sous le n° 375673, par une requête, un mémoire en réplique et quatre nouveaux mémoires, enregistrés les 21 février 2014, 16 janvier, 19 janvier, 27 février, 4 juin et 9 octobre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Chimilin, la commune d'Aoste, la commune de Romagnieu, la commune de Belmont-Tramonet, la commune de Verel-de-Montbel, la commune de Chapareillan, la commune de La Chambre, la commune de Laissaud, la commune de Les Mollettes, la commune de La Motte-Servolex et la commune d'Avressieux demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision de refus née du silence gardé par le Premier ministre sur leur demande tendant au retrait des mêmes décisions que celles contestées sous le n° 375672 ;
2°) d'ordonner au Premier ministre, dans le délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard, de retirer les décisions ayant fait l'objet de cette demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le premier protocole additionnel à cette convention ;
- la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 ;
- le code de l'environnement ;
- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 ;
- la loi n° 95-101 du 2 février 1995 ;
- la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 ;
- le décret n° 84-617 du 17 juillet 1984 ;
- le décret n° 97-544 du 5 mai 1997 ;
- le décret n° 2002-1275 du 22 octobre 2002 ;
- le décret du 23 août 2013 ;
- la décision du 7 février 1994 du ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme validant le cahier des charges d'un projet Lyon-Turin ;
- la décision du 14 avril 1995 du ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme du même ministre arrêtant les principales caractéristiques du projet de liaison transalpine entre Lyon et Montmélian et entre Montmélian et l'Italie ;
- l'arrêté interpréfectoral du 30 novembre 2011 fixant les modalités de l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique du projet " Liaison ferroviaire Lyon-Turin - Itinéraires d'accès au tunnel franco-italien " ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Baptiste de Froment, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Meier-Bourdeau, Lecuyer, avocat de Réseau Ferré de France ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 19 octobre 2015, présentée par l'association France Nature Environnement et l'Union des fédérations Rhône-Alpes de protection de la nature ;
1. Considérant que les décisions du 7 février 1994 du ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme validant le cahier des charges d'un projet Lyon-Turin, et du 14 avril 1995 du même ministre arrêtant les principales caractéristiques du projet de liaison transalpine entre Lyon et Montmélian et entre Montmélian et l'Italie, présentent le caractère de simples mesures préparatoires des actes déclarant d'utilité publique les différents projets relatifs à la nouvelle liaison ferroviaire Lyon-Turin et sont insusceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; qu'il en va de même de l'arrêté interpréfectoral du 30 novembre 2011, qui a eu exclusivement pour objet de fixer les modalités de l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique du projet " Liaison ferroviaire Lyon-Turin - Itinéraires d'accès au tunnel franco-italien " ; que les requêtes de M. B...et autres et de la commune de Chimilin et autres sont par suite irrecevables en tant qu'elles demandent l'annulation de la décision née du silence gardé par le Premier ministre sur leur demande en tant qu'elle portait sur le retrait de ces trois décisions ;
2. Considérant que les requêtes de l'association France Nature environnement et autre, de M. B...et autres et de la commune de Chimilin et autres sont dirigées contre le même décret du 23 août 2013 ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par Réseau Ferré de France :
3. Considérant que M. B...réside sur le territoire de la commune des Mollettes, traversé par le projet qui fait l'objet de la déclaration d'utilité publique litigieuse ; qu'il justifie ainsi d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation du décret du 23 août 2013 ; que la circonstance que certains des autres auteurs de la requête ne justifieraient pas d'un intérêt à agir ne fait pas obstacle à ce que les conclusions de cette requête soient jugées recevables ; que, par suite, la fin de non-recevoir soulevée par Réseau Ferré de France, devenu SNCF Réseau, et tirées du défaut d'intérêt à agir des auteurs de la requête enregistrée sous le n° 383956 doivent être écartées ;
Sur l'intervention de M. C...et autres :
4. Considérant que M. C...et autres justifient d'un intérêt suffisant à l'annulation du décret attaqué ; qu'ainsi, leur intervention au soutien de la requête de M. B...et autres est recevable, dans la limite de la recevabilité des conclusions des requérants ;
Sur la légalité externe du décret du 23 août 2013 :
En ce qui concerne les moyens relatifs à la phase préparatoire à l'enquête publique :
5. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 121-8 du code de l'environnement : " La Commission nationale du débat public est saisie de tous les projets d'aménagement ou d'équipement qui, par leur nature, leurs caractéristiques techniques ou leur coût prévisionnel, tel qu'il peut être évalué lors de la phase d'élaboration, répondent à des critères ou excèdent des seuils fixés par décret en Conseil d'Etat. / (...) " ; qu'aux termes de l'article 17 du décret du 22 octobre 2002 relatif à l'organisation du débat public et à la Commission nationale du débat public, pris en application de cet article L. 121-8 : " Le présent décret ne s'applique pas : / (...) 2° Aux projets qui ont fait l'objet, avant la publication du présent décret, d'une fixation de leurs caractéristiques principales par mention ou publication régulière dans les conditions prévues par l'alinéa 2 de l'article 1er du décret n° 96-388 du 10 mai 1996 " ; qu'aux termes de l'article 1er du décret du 10 mai 1996 relatif à la consultation du public et des associations en amont des décisions d'aménagement pris pour l'application de l'article 2 de la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement : " Le présent décret définit les conditions dans lesquelles un débat public peut être organisé sur les objectifs et les caractéristiques principales des grandes opérations d'aménagement d'intérêt national de l'Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics et des sociétés d'économie mixte. / Il concerne l'ensemble des opérations présentant un fort enjeu socio-économique ou ayant un impact significatif sur l'environnement, afin de permettre un débat public, avant la mention au Journal officiel, ou la publication régulière de la décision fixant les principales caractéristiques du projet et, en tout état de cause, avant l'arrêté prescrivant l'enquête publique. / L'annexe au présent décret précise, pour les opérations principalement concernées, le stade d'élaboration du projet avant lequel le débat public peut être organisé " ; que l'annexe à ce décret prévoit que le stade au-delà duquel le débat public ne peut plus être organisé est constitué par la mention au Journal officiel de la République française de la décision ministérielle déterminant les principales caractéristiques du projet ;
6. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que les projets d'aménagement ou d'équipement ayant fait l'objet d'une décision ministérielle déterminant leurs principales caractéristiques intervenue avant la date de publication du décret du 22 octobre 2002, soit le 23 octobre 2002, ne sont pas soumis à la procédure prévue au I de l'article L. 121-8 du code de l'environnement ; qu'il ressort des pièces du dossier que les principales caractéristiques du projet contesté ont été fixées par deux décisions du ministre de l'équipement des 7 février 1994 et 14 avril 1995, qui ont été mentionnées au Journal officiel de la République française le 30 avril 1996 ; que, par suite, les dispositions du I de l'article L. 121-8 du code de l'environnement ne sont pas applicables au projet contesté ; que, d'autre part, si les associations requérantes soutiennent que l'économie générale du projet a été modifiée postérieurement aux décisions ministérielles publiées le 30 avril 1996, ce qui justifiait selon elles la tenue d'un débat public en application des dispositions issues de la loi du 2 février 1995, il ressort des pièces du dossier que les caractéristiques essentielles du projet faisant l'objet de la déclaration d'utilité publique contestée - améliorer la liaison entre la France et l'Italie grâce à une ligne à grande vitesse reliant Lyon et Turin, rendre le transport de fret plus performant, favoriser la complémentarité entre les modes de transports, augmenter l'accessibilité des Alpes du nord, contribuer à l'amélioration des liaisons ferroviaires à l'intérieur de la région Rhône-Alpes - sont identiques à celles qui avaient été fixées par les deux décisions des 7 février 1994 et 14 février 1995 du ministre de l'équipement ; qu'en particulier, l'abandon du projet de nouvelle gare Dauphiné-Savoie n'a pas eu pour effet de remettre en cause l'objectif d'amélioration de l'accessibilité des Alpes du Nord, le projet prévoyant l'amélioration des dessertes d'Annecy et Chambéry, de la Maurienne et de la Tarentaise, ainsi que de la liaison Grenoble-Chambéry par les nouveaux aménagements prévus en gare de Montmélian ; qu'il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré de l'absence de débat public préalable à la déclaration d'utilité publique litigieuse doit être écarté ;
En ce qui concerne les conditions dans lesquelles a été menée l'enquête publique :
7. Considérant que le décret attaqué déclare d'utilité publique et urgents les travaux nécessaires à la réalisation de l'itinéraire d'accès au tunnel franco-italien de la liaison ferroviaire Lyon-Turin ; que si cette réalisation s'insère dans le projet global de nouvelle liaison ferroviaire Lyon-Turin, auquel concourent également le contournement ferroviaire de l'agglomération lyonnaise et la construction du tunnel franco-italien, elle constitue toutefois un programme distinct des autres parties de l'opération ; qu'elle pouvait par conséquent, et contrairement à ce qui est soutenu, faire l'objet d'une enquête publique elle-même distincte ;
8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la commune de Rochefort-en-Savoie n'est pas concernée par le projet et n'avait donc pas, contrairement à ce qui est soutenu, à être associée à l'enquête publique ; qu'en dépit du fait que le territoire de la commune de Saint-Savin n'est pas, lui non plus, traversé par le projet de ligne à grande vitesse, le dossier d'enquête publique du projet a été mis à disposition de la commune et deux permanences ont été tenues à Saint-Savin par la commission d'enquête ; que le moyen tiré de l'irrégularité de l'enquête publique en ce qui la concerne doit aussi être écarté ;
9. Considérant qu'aux termes de l'article R. 123-31 du code rural et de la pêche maritime : " En application du dernier alinéa de l'article L. 121-2, le conseil général constitue, au plus tard à compter de la publication de l'arrêté d'ouverture de l'enquête publique prévue à l'article L. 11-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, la commission communale ou intercommunale d'aménagement foncier prévue aux articles L. 121-3 à L. 121-5 dans chacune des communes désignées en application de l'article R. 123-30. / Il peut instituer des commissions intercommunales lorsqu'il y a lieu, pour plusieurs communes limitrophes, de poursuivre en commun des opérations d'aménagement foncier. Cette création est de droit dans les cas prévus au premier alinéa de l'article L. 121-4. / (..) " ; que si, contrairement à ce que prévoient ces dispositions, le conseil général de l'Isère et la commission permanente du conseil général de Savoie ont désigné les communes dans lesquelles il y avait lieu de constituer des commissions communales d'aménagement foncier respectivement les 5 janvier 2012 et 17 février 2012, soit postérieurement à la publication de l'arrêté d'ouverture de l'enquête publique, le 30 novembre 2011, cette circonstance n'a pas été susceptible, en l'espèce, d'exercer une influence sur le sens de la déclaration litigieuse et n'a pas privé les intéressés d'une garantie ; que, par suite, le moyen tiré de la constitution tardive des commissions communales d'aménagement foncier prévues par l'article R. 123-31 du code rural et de la pêche maritime doit être écarté ;
10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'appréciation sommaire des dépenses de 7,7 milliards d'euros qui a été donnée lors des réunions publiques organisées par la commission d'enquête, qui correspond à la réalisation du projet soumis à enquête publique et ne doit pas être confondue avec le montant des investissements incluant le contournement ferré de l'agglomération lyonnaise, est identique à celle qui figure dans le dossier d'enquête publique ; que le moyen tiré de l'inexactitude de cette mention ne peut donc qu'être écarté ;
11. Considérant qu'il ressort du rapport de la commission d'enquête que cette dernière a estimé que le dossier d'enquête publique était " complet, bien structuré, comprenant de nombreuses cartes et photos, des graphiques explicatifs, avec un résumé non technique de l'étude d'impact précis, l'ensemble bien rédigé " ; que si la commission d'enquête a sollicité RFF à deux reprises au cours de la rédaction de son rapport, c'était principalement afin de lui poser des questions d'ordre technique ; que, dans ses réponses apportées à ces questions, RFF n'a fourni aucun élément nouveau de nature à modifier substantiellement l'information du public ; qu'il ne ressort d'aucun texte que les réponses adressées par RFF à la commission auraient dû être communiquées à ce dernier ;
S'agissant de la commission d'enquête :
12. Considérant qu'aux termes de l'article R. 11-5 du code l'expropriation pour cause d'utilité publique, dans sa rédaction alors applicable : " Le commissaire enquêteur ou les membres de la commission d'enquête sont choisis parmi les personnes figurant sur l'une des listes d'aptitude prévues au deuxième alinéa de l'article L. 123-4 du code de l'environnement. / Ne peuvent être désignées pour exercer les fonctions de commissaire enquêteur les personnes appartenant à l'administration de la collectivité ou de l'organisme expropriant ou participant à son contrôle ou les personnes intéressées à l'opération soit à titre personnel, soit en raison des fonctions qu'elles exercent ou ont exercées depuis moins de cinq ans " ; que s'il ressort des pièces du dossier que deux membres de la commission d'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique litigieuse avaient siégé dans celle relative au projet de contournement ferroviaire de l'agglomération lyonnaise qui a émis un avis favorable sur l'utilité publique de ce projet, cette circonstance n'établit aucunement qu'ils soient " intéressés à l'opération " au sens des dispositions citées ci-dessus ; que le fait qu'un commissaire enquêteur soit, en sa qualité de président de l'association " Conservatoire des espaces naturels ", en contact avec RFF et la société française du tunnel routier du Fréjus, n'établit pas davantage qu'il soit " intéressé à l'opération " au sens de ces mêmes dispositions ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. Fafournoux, président de la commission d'enquête publique, ait exercé de fonctions en rapport avec le projet dans les cinq ans précédant l'enquête publique, ainsi que l'exigent les dispositions de l'article R. 11 5 citées ci-dessus ; que la seule circonstance que le rapport de la commission d'enquête " invite à étudier " le mémoire d'une entreprise, proposant une solution de stockage des déblais, dont le dirigeant est le frère d'un commissaire-enquêteur, sans qu'une telle invitation soit reprise dans les conclusions motivées du rapport, n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure d'enquête publique ; que, par suite, le moyen tiré du défaut d'impartialité de l'enquête publique ne peut qu'être écarté ;
13. Considérant qu'il ressort des conclusions motivées du rapport de la commission d'enquête publique que les commissaires-enquêteurs ont notamment participé à deux journées de présentation du projet organisées par RFF, ainsi qu'à deux journées de visite d'ensemble, ont tenu 125 permanences dans les mairies des différentes communes concernées, organisé et présidé quatre réunions publiques d'information ayant rassemblé plus de 1 200 personnes ; qu'ils ont analysé les observations écrites dans les registres, présenté une synthèse des observations à RFF, examiné les mémoires en réponse de RFF et, enfin, rédigé le rapport et les conclusions motivées relatifs à l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique ; qu'ainsi, contrairement à ce qui est soutenu, ils ont fait preuve, au service de leur mission, d'une disponibilité appropriée à l'opération et aux circonstances de l'enquête ;
S'agissant de l'accessibilité du dossier pour le public :
14. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations : " Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable. / Constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs mentionnés au premier alinéa, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés " ; qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté que la procédure d'information du public s'est déroulée dans le respect des dispositions du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et du code de l'environnement alors en vigueur ; qu'aucun texte ni aucun principe n'imposait la diffusion par moyens radiophoniques ou audiovisuels, de l'avis d'enquête publique, ni la publication sur internet de l'intégralité du dossier d'enquête publique ; qu'en outre, nonobstant la circonstance que certaines communes ont mis à disposition les documents du dossier d'enquête publique dans des salles qui n'étaient pas accessibles aux handicapés, les requérants n'établissent pas que des personnes handicapées auraient été mises dans l'impossibilité de participer à l'enquête publique ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 1er de la loi du 27 mai 2008 ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté ;
En ce qui concerne les moyens relatifs au dossier soumis à enquête publique :
S'agissant de la lisibilité des documents :
15. Considérant que si les requérants font valoir que les hauteurs inscrites sur les " profils en longs " de certains plans d'ouvrages contenus dans le dossier d'enquête publique sont difficiles à déchiffrer, ces plans sont systématiquement accompagnés d'un texte de description et de photomontages illustrant, en outre, pour chaque secteur, l'insertion paysagère ; que les deux départs d'ouvrage dans le secteur de Détrier (une " descenderie " de 700 mètres et une galerie de reconnaissance d'environ 6 kilomètres) sont parfaitement visibles sur le document du dossier d'enquête publique ; que, par suite, le moyen tiré de ce que certains documents contenus dans le dossier d'enquête publique seraient illisibles ne peut qu'être écarté ;
S'agissant du contenu de l'étude d'impact :
16. Considérant que s'il ressort des pièces du dossier que l'autorité environnementale, dans son avis du 7 décembre 2011, a fait état d'un certain nombre d'insuffisances et d'imprécisions affectant, de façon générale, l'étude d'impact du projet, RFF a produit, en réponse à cet avis, un mémoire complémentaire de vingt-cinq pages, qui a été joint au dossier d'enquête publique et apporte l'ensemble des compléments suggérés par l'autorité environnementale ;
17. Considérant qu'aux termes de l'article L. 122-1 du code de l'environnement : " I.-Les projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements publics et privés qui, par leur nature, leurs dimensions ou leur localisation sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine sont précédés d'une étude d'impact. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement : " I. -Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. / II.-L'étude d'impact présente : (...) / 2° Une analyse de l'état initial de la zone et des milieux susceptibles d'être affectés par le projet, portant notamment sur la population, la faune et la flore, les habitats naturels, les sites et paysages, les biens matériels, les continuités écologiques telles que définies par l'article L. 371-1, les équilibres biologiques, les facteurs climatiques, le patrimoine culturel et archéologique, le sol, l'eau, l'air, le bruit, les espaces naturels, agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, ainsi que les interrelations entre ces éléments ; / 3° Une analyse des effets négatifs et positifs, directs et indirects, temporaires (y compris pendant la phase des travaux) et permanents, à court, moyen et long terme, du projet sur l'environnement, en particulier sur les éléments énumérés au 2° et sur la consommation énergétique, la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses), l'hygiène, la santé, la sécurité, la salubrité publique, ainsi que l'addition et l'interaction de ces effets entre eux ; / 4° Une analyse des effets cumulés du projet avec d'autres projets connus. (...) ; / 5° Une esquisse des principales solutions de substitution examinées par le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage et les raisons pour lesquelles, eu égard aux effets sur l'environnement ou la santé humaine, le projet présenté a été retenu ; / 6° Les éléments permettant d'apprécier la compatibilité du projet avec l'affectation des sols définie par le document d'urbanisme opposable, ainsi que, si nécessaire, son articulation avec les plans, schémas et programmes mentionnés à l'article R. 122-17, et la prise en compte du schéma régional de cohérence écologique dans les cas mentionnés à l'article L. 371-3 " ; qu'aux termes du II de l'article L. 121-10 du code de l'urbanisme : " Font également l'objet de l'évaluation environnementale prévue au premier alinéa du I les documents qui déterminent l'usage de petites zones au niveau local suivants : / 1° Les plans locaux d'urbanisme : / a) Qui sont susceptibles d'avoir des effets notables sur l'environnement, au sens de l'annexe II à la directive 2001/42/ CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 juin 2001, précitée, compte tenu notamment de la superficie du territoire auquel ils s'appliquent, de la nature et de l'importance des travaux et aménagements qu'ils autorisent et de la sensibilité du milieu dans lequel ceux-ci doivent être réalisés " ; que l'article R. 123-2-1 du même code définit le contenu du rapport de présentation du plan local d'urbanisme, lorsque ce dernier doit faire l'objet de cette évaluation environnementale ;
18. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'une étude d'impact a notamment pour objet d'analyser toutes les incidences prévisibles sur l'environnement qu'un projet de travaux, d'ouvrages ou d'aménagement est susceptible d'avoir ; que parmi ces incidences figurent en particulier les effets induits par la mise en conformité d'un plan local d'urbanisme qui serait impliquée par le projet en cause ; que lorsque ces effets sont notables, ils doivent faire l'objet de l'évaluation environnementale prévue à l'article L. 121-10 du code de l'urbanisme ;
19. Considérant que le décret litigieux emporte mise en compatibilité de quarante et un documents d'urbanisme ; que, toutefois, le moyen tiré de ce que l'étude d'impact jointe au dossier d'enquête publique n'aurait pas procédé aux évaluations environnementales exigées par la mise en conformité de certains de ces documents n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé ; qu'en tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que l'étude d'impact identifie avec précision chacune des zones, figurant dans les différents documents d'urbanisme, des territoires concernées par le projet, en présente l'état d'origine, les impacts que le projet est susceptible d'avoir sur chacune d'entre elles, ainsi que les mesures prévues pour y remédier ; qu'elle consacre un dossier complet aux incidences du projet sur les cinq sites Natura 2000, dont chacun fait l'objet d'une description détaillée, d'un recensement des espèces et des habitats d'intérêt communautaire qu'il accueille, de son état de conservation, accompagné des objectifs de conservation ; que le " Réseau de zones humides et alluviales des Hurtières ", situé sur le territoire de deux communes ayant fait l'objet d'une mise en compatibilité de leurs documents d'urbanisme, est étudié de façon particulièrement détaillée, en raison de l'impact significatif que le projet est susceptible d'avoir sur l'état de conservation de la population de l'écrevisse à pieds blancs ; qu'ainsi, il ressort des pièces du dossier que les exigences énoncées dans le code de l'urbanisme relatives à l'évaluation environnementale des documents d'urbanisme, en transposition de la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001, ont été respectées ;
20. Considérant que le moyen tiré de ce que le dossier soumis à l'enquête publique ne traiterait pas suffisamment de la question de la préservation des ressources en eaux potables et aurait ainsi méconnu le principe de précaution est sans incidence sur la régularité du dossier d'enquête publique ; que l'étude d'impact réalisée par RFF consacre plusieurs chapitres aux impacts généraux du projet sur la ressource en eaux et sur les mesures curatives envisagées, notamment dans le mémoire complémentaire joint au dossier d'enquête publique produit par RFF en réponse aux observations formulées par l'autorité environnementale dans son avis ; qu'en outre, des études ultérieures seront réalisées pour mesurer les effets du projet sur ces ressources ;
21. Considérant que la déclaration d'utilité publique contestée porte sur les travaux nécessaires à la réalisation de l'itinéraire français d'accès au tunnel franco-italien de la liaison ferroviaire Lyon-Turin ; que ces travaux n'ont, en tout état de cause, aucune incidence notable sur le territoire italien ; que le dossier d'enquête publique, dès lors, n'avait pas à étudier les impacts du projet sur la partie italienne du programme Lyon-Turin ;
S'agissant de l'évaluation socio-économique :
22. Considérant qu'en vertu des dispositions combinées de l'article 14 de la loi du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs et du 3° de l'article 2 du décret du 17 juillet 1984 pris pour son application, dans leur rédaction alors en vigueur, il incombe à l'administration, lorsqu'elle engage un projet d'infrastructure de transports dont le coût est égal ou supérieur à 83 084 714,39 euros, de procéder à une évaluation socio-économique ; qu'aux termes de l'article 3 du décret du 17 juillet 1984 : " Lorsqu'un projet est susceptible d'être réalisé par tranches successives, les conditions prévues à l'article 2 s'apprécient au regard de la totalité dudit projet et non de chacune de ses tranches ; l'évaluation prévue à l'article 4 doit être préalable à la réalisation de la première tranche. / Dans le cas où une tranche fait l'objet d'une modification qui remet en cause l'économie générale du projet, il est procédé à une nouvelle évaluation " ; qu'aux termes de l'article 4 du même décret, l'évaluation doit comporter : " 1º) Une analyse des conditions et des coûts de construction, d'entretien, d'exploitation et de renouvellement de l'infrastructure projetée ; / 2º) Une analyse des conditions de financement et, chaque fois que cela est possible, une estimation du taux de rentabilité financière ; / 3º) Les motifs pour lesquels, parmi les partis envisagés par le maître d'ouvrage, le projet présenté a été retenu ; / 4º) Une analyse de l'incidence de ce choix sur les équipements de transport existants ou en cours de réalisation, ainsi que sur leurs conditions d'exploitation, et un exposé sur sa compatibilité avec les schémas directeurs d'infrastructures applicables ; (...) L'évaluation (...) comporte également une analyse des différentes données de nature à permettre de dégager un bilan prévisionnel, tant des avantages et inconvénients entraînés, directement ou non, par la mise en service de ces infrastructures dans les zones intéressées que des avantages et des inconvénients résultant de leur utilisation par les usagers " ; qu'il résulte de ces dispositions, et notamment de l'article 3 du décret du 17 juillet 1984, que lorsqu'un projet d'infrastructure de transports est réalisé en plusieurs tranches, l'évaluation socio-économique doit porter sur l'ensemble du projet et doit être effectuée avant la réalisation de la première tranche du projet ; qu'à l'exception des cas où, en raison du délai écoulé, des circonstances ultérieures auraient modifié les données essentielles sur lesquelles l'évaluation est fondée, ces dispositions n'imposent pas de réaliser une étude socio-économique pour chacune de ses tranches, alors même que le coût de réalisation de cette tranche est égal ou supérieur à 83 084 714,39 euros ; qu'ainsi, les associations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que RFF aurait dû procéder à une étude socio-économique phase par phase du projet soumis à enquête publique ; qu'en tout état de cause, elles ne peuvent utilement invoquer l'instruction-cadre du 25 mars 2004 relative aux méthodes d'évaluation économique des grands projets d'infrastructures de transport, qui est dépourvue de tout caractère normatif ;
23. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la présentation contenue dans le dossier d'enquête publique de l'intérêt socio-économique du projet est le résultat d'un travail approfondi auquel ont été associés de nombreuses institutions et de nombreux experts ; que les hypothèses de croissance sur lesquelles repose cette évaluation résultent des scenarii prospectifs définis par la direction générale des affaires économiques et financières de la commission européenne ; que, de même, les valeurs retenues pour l'évolution du prix des carburants sont conformes aux études de référence sur la question ; que le dossier n'avait pas à présenter le nombre d'emplois qui seraient détruits en raison du report sur les autres modes de transport ; que la circonstance que l'autorité environnementale aurait demandé une mise à jour des données socio-économiques présentées dans l'étude est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité du décret contesté ; que les dispositions de l'article 4 du décret du 5 mai 1997 relatif aux missions et aux statuts de Réseau ferré de France, qui n'ont pas pour objet de déterminer les éléments devant figurer dans un dossier d'enquête publique, ne peuvent être utilement invoquées pour contester la légalité d'un dossier d'enquête publique ; qu'il résulte de ce qui précède que les associations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que le dossier d'enquête publique contiendrait une présentation erronée de l'équilibre socio-économique du projet ;
S'agissant de l'appréciation sommaire des dépenses :
24. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le coût de l'opération soumise à enquête publique, estimé à 7,7 milliards d'euros aux conditions économiques de l'année 2011, serait sous-évalué ; que le mode de calcul adopté par les requérants pour contester l'évaluation faite dans l'appréciation sommaire des dépenses, reposant sur l'équivalence entre le coût de la réalisation d'un kilomètre de tunnel " bitube " et celui de la réalisation de deux kilomètres de tunnel " monotube " ne tient pas compte, toutes choses égales par ailleurs, des économies d'échelle que permet de réaliser le percement de deux tunnels parallèles, en comparaison du percement de deux tunnels qui ne seraient pas conjoints ;
S'agissant des données relatives au trafic transalpin :
25. Considérant que, contrairement à ce qui est soutenu, le dossier d'enquête publique s'appuie sur les données de trafic constatées les plus récentes et ne se borne nullement à reprendre les projections réalisées en 1993 ;
Sur la légalité interne du décret :
En ce qui concerne l'utilité publique du projet :
26. Considérant qu'une opération ne peut être déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d'ordre social ou l'atteinte à d'autres intérêts publics qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ;
27. Considérant, en premier lieu, que l'opération projetée constitue un élément essentiel du projet prioritaire n° 6 du réseau transeuropéen de transport ; qu'elle vise à mettre en place un service " d'autoroutes ferroviaires " performantes et cadencées qui permettra le développement du fret ferroviaire transalpin entre la France et l'Italie, tout en assurant un transport plus rapide des passagers, ainsi que des gains en termes de sécurité et de réduction de la pollution ; que cette opération améliorera également les dessertes ferroviaires régionales, grâce aux gains de temps qu'elle permet et à l'amélioration des circulations sur les lignes existantes ; qu'en particulier, elle permettra de raccourcir le temps de trajet entre Lyon et les villes de Chambéry, Aix-les-Bains et Annecy, tout en augmentant le nombre d'allers-retours quotidiens vers ces destinations ; qu'une telle opération poursuit ainsi un objectif d'utilité publique ;
28. Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce qui est soutenu, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'aménagement, en lieu et place de la ligne projetée, de la ligne existante permettrait des résultats comparables, notamment en termes de gains de temps et d'augmentation du trafic, sans procéder à des expropriations aussi importantes que celles qu'autorise le décret attaqué ; que si les requérants font état de solutions différentes qui auraient présenté moins d'inconvénients que celle privilégiée par le projet litigieux, il n'appartient pas au Conseil d'Etat statuant au contentieux de procéder à une telle comparaison ;
29. Considérant, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût économique du projet, dont il ne ressort pas des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit plus haut, qu'il aurait été sous-estimé, et qui prend en compte, contrairement à ce qui est soutenu, les coûts des impacts sur l'environnement, compte tenu par ailleurs de la réduction de la pollution permise par la diminution du transport routier et des mesures prises afin de réduire les effets dommageables pour la faune et la flore, ne sont pas, eu égard à l'importance de l'opération, de nature à retirer au projet son caractère d'utilité publique ;
En ce qui concerne les autres moyens de légalité interne :
30. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 11-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " L'acte déclarant l'utilité publique précise le délai pendant lequel l'expropriation devra être réalisée. Ce délai ne peut, si la déclaration d'utilité publique est prononcée par arrêté, être supérieur à cinq ans. Toutefois, ce délai est porté à dix ans pour les opérations prévues aux projets d'aménagement approuvés, aux plans d'urbanisme approuvés et aux plans d'occupation des sols approuvés. / (...) / Toute autre prorogation ne peut être prononcée que par décret en Conseil d'Etat " ; qu'il résulte de ces dispositions que le pouvoir réglementaire pouvait légalement, par l'article 2 du décret litigieux, porter à quinze ans le délai pendant lequel les expropriations devront être réalisées ; que cette durée est justifiée par les nécessités liées à l'opération d'utilité publique projetée, sans que les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales y fassent, par elles-mêmes, obstacle ; que le moyen tiré de la constitution de fait de " réserves foncières " ne peut ainsi qu'être écarté ;
31. Considérant que les trois réserves dont la commission d'enquête, dans son rapport, a assorti son avis favorable au projet sont relatives à la phase postérieure à la déclaration d'utilité publique litigieuse ; que, par suite, elles ne peuvent être utilement invoquées à l'appui de conclusions dirigées contre décret du décret du 23 août 2013 ;
Sur la légalité de la décision du Premier ministre rejetant la demande de retrait du décret attaqué :
32. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il y ait lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, que la Fédération nationale de l'environnement et autres, M. B...et autres et la commune de Chimilin et autres ne sont pas fondés à demander l'annulation de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le Premier ministre sur leurs demandes tendant à l'abrogation du décret du 23 août 2013 déclarant d'utilité publique et urgents les travaux nécessaires à la réalisation de l'itinéraire d'accès au tunnel franco-italien de la liaison ferroviaire Lyon-Turin ; que, par suite, les conclusions de M. B...et autres et de la commune de Chimilin et autres tendant à ce qu'il soit enjoint, sous peine d'astreinte, au Premier ministre de retirer sa décision ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être également rejetées ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'intervention de M. C...et autres est admise.
Article 2 : Les requêtes de l'association France Nature Environnement et autre, de M. B...et autres et de la commune de Chimilin et autres sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association France Nature Environnement, à l'Union des fédérations Rhône-Alpes de protection de la nature, à M. A...B...et à la commune de Chimilin, premiers requérants dénommés de chacune des requêtes, et à Réseau Ferré de France. Les autres requérants seront informés de la présente décision respectivement par la SCP Devers-Duval-Paris et par MeD....
Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur, au Premier ministre, au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.