Conseil d'État
N° 392310
ECLI:FR:CEORD:2015:392310.20150828
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés
Lecture du vendredi 28 août 2015
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 3 et 26 août 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le centre d'ostéopathie ATMAN demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 8 juillet 2015 de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes lui refusant l'agrément pour délivrer la formation spécifique à l'ostéopathie, ainsi que de la décision du 20 juillet 2015 rejetant son recours gracieux ;
2°) d'enjoindre à la ministre de procéder, avant la rentrée universitaire 2015, à une nouvelle instruction de sa demande d'agrément ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le Conseil d'Etat est compétent pour connaître de la demande en premier ressort ;
- la condition d'urgence est remplie, dès lors que l'agrément est indispensable à l'activité du centre, que la perte de l'agrément perturbe considérablement la formation des étudiants et l'organisation de la prochaine rentrée et emporte de lourdes conséquences budgétaires et financières mettant en cause la pérennité de l'établissement ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées ;
- elles sont entachées d'incompétence dès lors que le directeur général de l'offre de soins ne bénéficiait pas d'une délégation de signature ;
- la commission consultative d'agrément n'a pas tenu compte de l'ensemble des pièces de la demande d'agrément et la ministre a considéré à tort que le dossier d'agrément ne comportait pas l'ensemble des éléments requis ;
- les motifs du refus d'agrément sont infondés, l'appréciation portée par les décisions contestées quant à la conformité du dossier de demande d'agrément, à l'organisation des travaux dirigés, à la qualification de membres de l'équipe pédagogique, à l'effectif des formateurs et à l'activité clinique du centre étant erronée.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n°2002-303 du 4 mars 2002, notamment son article 75 ;
- le décret n° 2014-1043 du 12 septembre 2014 ;
- l'arrêté du 12 décembre 2014 relatif à la formation en ostéopathie ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le centre d'ostéopathie ATMAN, d'autre part, la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 27 août 2015 à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- les représentants du centre d'ostéopathie ATMAN ;
- les représentants de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes ;
et à l'issue de laquelle l'instruction a été close ;
1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;
2. Considérant qu'en vertu de l'article 75 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, " l'usage professionnel du titre d'ostéopathe ou de chiropracteur est réservé aux personnes titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation spécifique à l'ostéopathie ou à la chiropraxie délivrée par un établissement de formation agréé par le ministre chargé de la santé dans des conditions fixées par décret. Le programme et la durée des études préparatoires et des épreuves après lesquelles peut être délivré ce diplôme sont fixés par voie réglementaire " ; que les conditions de l'agrément des établissements de formation en ostéopathie ont été modifiées par le décret du 12 septembre 2014, dont l'article 29 a prévu que les agréments antérieurement délivrés prendraient fin le 31 août 2015 et que les établissements agréés à la date de publication du décret devraient adresser une nouvelle demande d'agrément, conforme aux exigences du décret, entre le 1er janvier et le 28 février 2015 ;
3. Considérant que, selon l'article 6 du décret du 12 septembre 2014, la décision d'agrément précise notamment le nombre maximum d'étudiants que l'établissement est autorisé à accueillir par année de formation ; que les articles 15 à 21 du décret du 12 septembre 2014 fixent les conditions, tenant à la qualité de l'équipe pédagogique et au projet pédagogique de l'établissement, auxquelles est subordonnée la délivrance de l'agrément ; que l'article 15 du décret dispose que : " Le nombre de formateurs est adapté à la formation dispensée. Ce nombre est d'au moins un équivalent temps plein pour vingt-cinq étudiants " ; que l'article 17 prévoit que : " L'établissement élabore un dossier pédagogique qui comprend : /1° Le projet pédagogique exposant la conception générale et les orientations de la formation, les choix pédagogiques en lien avec les activités et les compétences prévues pour exercer le métier, les objectifs d'apprentissage et de professionnalisation, l'individualisation des parcours, les modalités d'encadrement et de tutorat négociées avec les structures d'accueil, les possibilités d'accès aux prestations et aux aides étudiantes, les indicateurs d'évaluation du projet pédagogique ; / 2° La description de la formation, notamment la répartition et l'articulation entre les enseignements théoriques, les travaux pratiques et la formation pratique clinique ; / 3° La liste des lieux de formation pratique clinique au sein de la clinique interne de l'établissement et auprès de maîtres de stages agréés par le directeur de l'établissement ; / 4° Les conditions d'admission dans la formation et les modalités de validation de la formation théorique et pratique. / Les formations proposées doivent être conformes aux dispositions règlementaires relatives à la formation des ostéopathes " ; que l'article 18 exige que soit organisée une formation pratique clinique qui se déroule pour au moins deux tiers de sa durée au sein de la clinique de l'établissement de formation dédiée à l'accueil des patients et pour le reste par des stages effectués à l'extérieur de l'établissement auprès de maîtres de stage agréés par le directeur de l'établissement ; que l'article 20 dispose que : " Les formateurs, intervenants extérieurs et les coordinateurs pédagogiques permanents sont titulaires d'un titre ou d'un diplôme attestant de l'une des qualifications suivantes : / 1° Diplôme permettant l'usage du titre d'ostéopathe ou autorisation d'user du titre d'ostéopathe avec une expérience professionnelle minimale de cinq ans en ostéopathie ; / 2° Titre universitaire de niveau I dans les domaines de la pédagogie, de la santé, des sciences ou de la matière enseignée ; / 3° Diplômes mentionnés aux titres Ier à VII du livre III de la quatrième partie du code de la santé publique " ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces versées au dossier du juge des référés et des éléments indiqués au cours de l'audience que le centre d'ostéopathie ATMAN, créé il y a 45 ans, dispense depuis longtemps des formations en ostéopathie ayant conduit à la délivrance de l'ordre de 5 000 diplômes ; qu'il a reçu, sur le fondement du décret du 25 mars 2007 pris pour l'application de la loi du 4 mars 2002, un agrément pour cette activité de formation, lequel a été renouvelé en 2012 ; que le centre a accueilli, dans de nouveaux locaux construits à Sophia-Antipolis, 377 étudiants au cours de l'année 2014-2015 ; qu'après l'intervention du décret du 12 septembre 2014, il a présenté, sur le fondement de ce décret, une nouvelle demande d'agrément le 20 février 2015, afin de pouvoir continuer d'être agréé après le 31 août 2015 ; que cette demande a été rejetée par décision du 8 juillet 2015 ; que le recours gracieux formé par le centre d'ostéopathie ATMAN contre cette décision de refus a été également rejeté le 20 juillet 2015 ; que le centre d'ostéopathie demande en référé la suspension de l'exécution de ces décisions, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ; que cette demande n'échappe pas manifestement à la compétence du juge des référés du Conseil d'Etat ;
Sur les conclusions à fin de suspension :
En ce qui concerne la condition relative à l'urgence :
5. Considérant que l'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ; que l'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire, à la date à laquelle le juge des référés se prononce ;
6. Considérant qu'il résulte des éléments versés au dossier du juge des référés, ainsi que des échanges tenus lors de l'audience, que le centre d'ostéopathie ATMAN sera privé, à compter du 31 août 2015, par application des dispositions du décret du 12 septembre 2014 et en conséquence des décisions contestées, du bénéfice de l'agrément qui lui avait été délivré pour son activité de formation en ostéopathie ; que cette circonstance devrait conduire au départ de nombreux étudiants, en particulier ceux de dernière année qui rechercheront une inscription dans un autre établissement en vue d'obtenir leur diplôme dans un établissement agréé ; qu'il ressort des pièces versées au dossier que, sur un effectif envisagé de 400 étudiants, moins de la moitié des inscriptions prévues ont été confirmées de façon ferme ; que les conséquences des décisions contestées, d'une part, sur la situation des étudiants inscrits ayant commencé leur formation dans le centre, d'autre part, sur l'activité de l'établissement, sur sa situation financière et sur sa réputation, traduisent une situation d'urgence justifiant le prononcé de mesures provisoires en référé, en application de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, sans qu'aucun intérêt public ne s'y oppose ;
En ce qui concerne la condition tenant à la légalité des décisions contestées :
7. Considérant que l'agrément a été refusé au motif que, sur différents points d'inégale importance, l'organisation et le fonctionnement de l'établissement ne satisferait pas à certaines des conditions prévues par les articles 15 à 21 du décret du 12 septembre 2014, tenant à la qualité de l'équipe pédagogique et au projet pédagogique de l'établissement ;
8. Considérant, toutefois, s'agissant du nombre de formateurs requis par l'article 15 du décret du 12 septembre 2014, qu'il ressort des éléments du dossier d'agrément déposé par le centre d'ostéopathie ATMAN que si la demande d'agrément a mentionné le nombre de 600 étudiants au titre de la capacité maximale d'accueil de l'établissement, ce document a explicitement précisé que l'équipe pédagogique correspondait en l'état à un effectif de 400 étudiants, que les locaux du centre étaient susceptibles d'accueillir 600 étudiants au maximum et que des enseignants supplémentaires seraient embauchés au fur et à mesure des besoins afin de respecter la norme d'encadrement fixée par l'article 15 du décret du 12 septembre 2014 ; que ce chiffre de 400 étudiants est corroboré, dans le dossier de demande d'agrément, par le document 4-26 sur l'occupation des locaux et par le document 6-48 relatif au budget prévisionnel 2015-2016 ; que ce nombre est cohérent avec les quelques 370 étudiants qui ont été inscrits dans l'établissement au cours de l'année 2014-2015 ; qu'il résulte de l'instruction menée devant le juge des référés et des éléments indiqués lors de l'audience que l'effectif attendu des étudiants pour l'année 2015-2016 était de l'ordre de 400 ; que, dans ces conditions, il n'apparaît pas, en l'état de l'instruction, alors au surplus qu'il appartient à l'autorité administrative de déterminer dans sa décision d'agrément le nombre maximum d'étudiants que l'établissement est autorisé à accueillir, que le motif tiré de la méconnaissance de l'article 15 du décret serait de nature à justifier un refus d'agrément ;
9. Considérant, s'agissant de l'activité clinique interne de l'établissement, qu'il ressort des éléments versés au dossier du juge des référés et des indications données lors de l'audience que l'insuffisance, en l'état, du volume de l'activité clinique interne du centre pour un effectif global de 400 étudiants s'explique par le déménagement récent du centre ; que le centre avait fait état, à l'appui de son recours gracieux, de plusieurs accords conclus pour augmenter son activité clinique ; que l'autorité administrative ne pouvait, par principe, refuser de prendre en considération ces éléments portés à sa connaissance au motif qu'ils n'auraient pas été joints au dossier de demande d'agrément ; qu'eu égard à l'action engagée pour augmenter l'activité clinique de l'établissement, à l'organisation générale des études en ostéopathie et au nombre d'étudiants envisagé, il n'apparaît pas, en l'état de l'instruction, que ce motif serait de nature à justifier un refus d'agrément ;
10. Considérant qu'en l'état de l'instruction, il est permis de douter que le seul motif tiré de ce qu'un enseignant de première année ne serait pas titulaire d'un diplôme universitaire de niveau I, comme prévu par le 2° de l'article 20 du décret du 12 septembre 2014, serait de nature à justifier un refus d'agrément ; qu'il ne ressort pas des éléments soumis au juge des référés que l'exigence tenant à l'effectif de 25 étudiants par groupe de travaux dirigés n'aurait pas été respectée ou que l'encadrement des étudiants n'aurait pas été assuré par un nombre suffisant de formateurs satisfaisant aux prescriptions de l'article 20 du décret du 12 septembre 2014 ;
11. Considérant, enfin, qu'il n'apparaît pas que l'ensemble des pièces composant le dossier de demande d'agrément n'aurait pas donné d'informations suffisantes au regard de ce que prévoit l'article 17 du décret du 12 septembre 2014 ;
12. Considérant qu'il s'ensuit que le moyen tiré de l'erreur d'appréciation quant au respect des conditions mises à l'agrément par le décret du 12 septembre 2014 est de nature, en l'état de l'instruction, à faire naître un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 6 et au point 12 de la présente ordonnance que le centre d'ostéopathie ATMAN est fondé à demander la suspension de l'exécution des décisions des 8 et 20 juillet 2015 de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
14. Considérant que la suspension, décidée par la présente ordonnance, de l'exécution des décisions des 8 et 20 juillet 2015 refusant au centre d'ostéopathie ATMAN l'agrément prévu par le décret du 12 septembre 2014 implique que l'autorité administrative procède à un nouvel examen de la demande d'agrément, en prenant en considération l'ensemble des éléments portés à sa connaissance à la date de sa nouvelle décision, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente ordonnance ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 3 000 euros à verser au centre d'ostéopathie ATMAN au titre des frais exposés dans le cadre de l'instance de référé et non compris dans les dépens ;
O R D O N N E :
------------------
Article 1er : L'exécution des décisions des 8 et 20 juillet 2015 de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes rejetant la demande d'agrément du centre d'ostéopathie ATMAN est suspendue.
Article 2 : Il est enjoint à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes de procéder au réexamen de la demande d'agrément dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente ordonnance.
Article 3 : L'Etat versera au centre d'ostéopathie ATMAN une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée au centre d'ostéopathie ATMAN et à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
N° 392310
ECLI:FR:CEORD:2015:392310.20150828
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés
Lecture du vendredi 28 août 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 3 et 26 août 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le centre d'ostéopathie ATMAN demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 8 juillet 2015 de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes lui refusant l'agrément pour délivrer la formation spécifique à l'ostéopathie, ainsi que de la décision du 20 juillet 2015 rejetant son recours gracieux ;
2°) d'enjoindre à la ministre de procéder, avant la rentrée universitaire 2015, à une nouvelle instruction de sa demande d'agrément ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le Conseil d'Etat est compétent pour connaître de la demande en premier ressort ;
- la condition d'urgence est remplie, dès lors que l'agrément est indispensable à l'activité du centre, que la perte de l'agrément perturbe considérablement la formation des étudiants et l'organisation de la prochaine rentrée et emporte de lourdes conséquences budgétaires et financières mettant en cause la pérennité de l'établissement ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées ;
- elles sont entachées d'incompétence dès lors que le directeur général de l'offre de soins ne bénéficiait pas d'une délégation de signature ;
- la commission consultative d'agrément n'a pas tenu compte de l'ensemble des pièces de la demande d'agrément et la ministre a considéré à tort que le dossier d'agrément ne comportait pas l'ensemble des éléments requis ;
- les motifs du refus d'agrément sont infondés, l'appréciation portée par les décisions contestées quant à la conformité du dossier de demande d'agrément, à l'organisation des travaux dirigés, à la qualification de membres de l'équipe pédagogique, à l'effectif des formateurs et à l'activité clinique du centre étant erronée.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n°2002-303 du 4 mars 2002, notamment son article 75 ;
- le décret n° 2014-1043 du 12 septembre 2014 ;
- l'arrêté du 12 décembre 2014 relatif à la formation en ostéopathie ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le centre d'ostéopathie ATMAN, d'autre part, la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 27 août 2015 à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- les représentants du centre d'ostéopathie ATMAN ;
- les représentants de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes ;
et à l'issue de laquelle l'instruction a été close ;
1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;
2. Considérant qu'en vertu de l'article 75 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, " l'usage professionnel du titre d'ostéopathe ou de chiropracteur est réservé aux personnes titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation spécifique à l'ostéopathie ou à la chiropraxie délivrée par un établissement de formation agréé par le ministre chargé de la santé dans des conditions fixées par décret. Le programme et la durée des études préparatoires et des épreuves après lesquelles peut être délivré ce diplôme sont fixés par voie réglementaire " ; que les conditions de l'agrément des établissements de formation en ostéopathie ont été modifiées par le décret du 12 septembre 2014, dont l'article 29 a prévu que les agréments antérieurement délivrés prendraient fin le 31 août 2015 et que les établissements agréés à la date de publication du décret devraient adresser une nouvelle demande d'agrément, conforme aux exigences du décret, entre le 1er janvier et le 28 février 2015 ;
3. Considérant que, selon l'article 6 du décret du 12 septembre 2014, la décision d'agrément précise notamment le nombre maximum d'étudiants que l'établissement est autorisé à accueillir par année de formation ; que les articles 15 à 21 du décret du 12 septembre 2014 fixent les conditions, tenant à la qualité de l'équipe pédagogique et au projet pédagogique de l'établissement, auxquelles est subordonnée la délivrance de l'agrément ; que l'article 15 du décret dispose que : " Le nombre de formateurs est adapté à la formation dispensée. Ce nombre est d'au moins un équivalent temps plein pour vingt-cinq étudiants " ; que l'article 17 prévoit que : " L'établissement élabore un dossier pédagogique qui comprend : /1° Le projet pédagogique exposant la conception générale et les orientations de la formation, les choix pédagogiques en lien avec les activités et les compétences prévues pour exercer le métier, les objectifs d'apprentissage et de professionnalisation, l'individualisation des parcours, les modalités d'encadrement et de tutorat négociées avec les structures d'accueil, les possibilités d'accès aux prestations et aux aides étudiantes, les indicateurs d'évaluation du projet pédagogique ; / 2° La description de la formation, notamment la répartition et l'articulation entre les enseignements théoriques, les travaux pratiques et la formation pratique clinique ; / 3° La liste des lieux de formation pratique clinique au sein de la clinique interne de l'établissement et auprès de maîtres de stages agréés par le directeur de l'établissement ; / 4° Les conditions d'admission dans la formation et les modalités de validation de la formation théorique et pratique. / Les formations proposées doivent être conformes aux dispositions règlementaires relatives à la formation des ostéopathes " ; que l'article 18 exige que soit organisée une formation pratique clinique qui se déroule pour au moins deux tiers de sa durée au sein de la clinique de l'établissement de formation dédiée à l'accueil des patients et pour le reste par des stages effectués à l'extérieur de l'établissement auprès de maîtres de stage agréés par le directeur de l'établissement ; que l'article 20 dispose que : " Les formateurs, intervenants extérieurs et les coordinateurs pédagogiques permanents sont titulaires d'un titre ou d'un diplôme attestant de l'une des qualifications suivantes : / 1° Diplôme permettant l'usage du titre d'ostéopathe ou autorisation d'user du titre d'ostéopathe avec une expérience professionnelle minimale de cinq ans en ostéopathie ; / 2° Titre universitaire de niveau I dans les domaines de la pédagogie, de la santé, des sciences ou de la matière enseignée ; / 3° Diplômes mentionnés aux titres Ier à VII du livre III de la quatrième partie du code de la santé publique " ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces versées au dossier du juge des référés et des éléments indiqués au cours de l'audience que le centre d'ostéopathie ATMAN, créé il y a 45 ans, dispense depuis longtemps des formations en ostéopathie ayant conduit à la délivrance de l'ordre de 5 000 diplômes ; qu'il a reçu, sur le fondement du décret du 25 mars 2007 pris pour l'application de la loi du 4 mars 2002, un agrément pour cette activité de formation, lequel a été renouvelé en 2012 ; que le centre a accueilli, dans de nouveaux locaux construits à Sophia-Antipolis, 377 étudiants au cours de l'année 2014-2015 ; qu'après l'intervention du décret du 12 septembre 2014, il a présenté, sur le fondement de ce décret, une nouvelle demande d'agrément le 20 février 2015, afin de pouvoir continuer d'être agréé après le 31 août 2015 ; que cette demande a été rejetée par décision du 8 juillet 2015 ; que le recours gracieux formé par le centre d'ostéopathie ATMAN contre cette décision de refus a été également rejeté le 20 juillet 2015 ; que le centre d'ostéopathie demande en référé la suspension de l'exécution de ces décisions, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ; que cette demande n'échappe pas manifestement à la compétence du juge des référés du Conseil d'Etat ;
Sur les conclusions à fin de suspension :
En ce qui concerne la condition relative à l'urgence :
5. Considérant que l'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ; que l'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire, à la date à laquelle le juge des référés se prononce ;
6. Considérant qu'il résulte des éléments versés au dossier du juge des référés, ainsi que des échanges tenus lors de l'audience, que le centre d'ostéopathie ATMAN sera privé, à compter du 31 août 2015, par application des dispositions du décret du 12 septembre 2014 et en conséquence des décisions contestées, du bénéfice de l'agrément qui lui avait été délivré pour son activité de formation en ostéopathie ; que cette circonstance devrait conduire au départ de nombreux étudiants, en particulier ceux de dernière année qui rechercheront une inscription dans un autre établissement en vue d'obtenir leur diplôme dans un établissement agréé ; qu'il ressort des pièces versées au dossier que, sur un effectif envisagé de 400 étudiants, moins de la moitié des inscriptions prévues ont été confirmées de façon ferme ; que les conséquences des décisions contestées, d'une part, sur la situation des étudiants inscrits ayant commencé leur formation dans le centre, d'autre part, sur l'activité de l'établissement, sur sa situation financière et sur sa réputation, traduisent une situation d'urgence justifiant le prononcé de mesures provisoires en référé, en application de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, sans qu'aucun intérêt public ne s'y oppose ;
En ce qui concerne la condition tenant à la légalité des décisions contestées :
7. Considérant que l'agrément a été refusé au motif que, sur différents points d'inégale importance, l'organisation et le fonctionnement de l'établissement ne satisferait pas à certaines des conditions prévues par les articles 15 à 21 du décret du 12 septembre 2014, tenant à la qualité de l'équipe pédagogique et au projet pédagogique de l'établissement ;
8. Considérant, toutefois, s'agissant du nombre de formateurs requis par l'article 15 du décret du 12 septembre 2014, qu'il ressort des éléments du dossier d'agrément déposé par le centre d'ostéopathie ATMAN que si la demande d'agrément a mentionné le nombre de 600 étudiants au titre de la capacité maximale d'accueil de l'établissement, ce document a explicitement précisé que l'équipe pédagogique correspondait en l'état à un effectif de 400 étudiants, que les locaux du centre étaient susceptibles d'accueillir 600 étudiants au maximum et que des enseignants supplémentaires seraient embauchés au fur et à mesure des besoins afin de respecter la norme d'encadrement fixée par l'article 15 du décret du 12 septembre 2014 ; que ce chiffre de 400 étudiants est corroboré, dans le dossier de demande d'agrément, par le document 4-26 sur l'occupation des locaux et par le document 6-48 relatif au budget prévisionnel 2015-2016 ; que ce nombre est cohérent avec les quelques 370 étudiants qui ont été inscrits dans l'établissement au cours de l'année 2014-2015 ; qu'il résulte de l'instruction menée devant le juge des référés et des éléments indiqués lors de l'audience que l'effectif attendu des étudiants pour l'année 2015-2016 était de l'ordre de 400 ; que, dans ces conditions, il n'apparaît pas, en l'état de l'instruction, alors au surplus qu'il appartient à l'autorité administrative de déterminer dans sa décision d'agrément le nombre maximum d'étudiants que l'établissement est autorisé à accueillir, que le motif tiré de la méconnaissance de l'article 15 du décret serait de nature à justifier un refus d'agrément ;
9. Considérant, s'agissant de l'activité clinique interne de l'établissement, qu'il ressort des éléments versés au dossier du juge des référés et des indications données lors de l'audience que l'insuffisance, en l'état, du volume de l'activité clinique interne du centre pour un effectif global de 400 étudiants s'explique par le déménagement récent du centre ; que le centre avait fait état, à l'appui de son recours gracieux, de plusieurs accords conclus pour augmenter son activité clinique ; que l'autorité administrative ne pouvait, par principe, refuser de prendre en considération ces éléments portés à sa connaissance au motif qu'ils n'auraient pas été joints au dossier de demande d'agrément ; qu'eu égard à l'action engagée pour augmenter l'activité clinique de l'établissement, à l'organisation générale des études en ostéopathie et au nombre d'étudiants envisagé, il n'apparaît pas, en l'état de l'instruction, que ce motif serait de nature à justifier un refus d'agrément ;
10. Considérant qu'en l'état de l'instruction, il est permis de douter que le seul motif tiré de ce qu'un enseignant de première année ne serait pas titulaire d'un diplôme universitaire de niveau I, comme prévu par le 2° de l'article 20 du décret du 12 septembre 2014, serait de nature à justifier un refus d'agrément ; qu'il ne ressort pas des éléments soumis au juge des référés que l'exigence tenant à l'effectif de 25 étudiants par groupe de travaux dirigés n'aurait pas été respectée ou que l'encadrement des étudiants n'aurait pas été assuré par un nombre suffisant de formateurs satisfaisant aux prescriptions de l'article 20 du décret du 12 septembre 2014 ;
11. Considérant, enfin, qu'il n'apparaît pas que l'ensemble des pièces composant le dossier de demande d'agrément n'aurait pas donné d'informations suffisantes au regard de ce que prévoit l'article 17 du décret du 12 septembre 2014 ;
12. Considérant qu'il s'ensuit que le moyen tiré de l'erreur d'appréciation quant au respect des conditions mises à l'agrément par le décret du 12 septembre 2014 est de nature, en l'état de l'instruction, à faire naître un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 6 et au point 12 de la présente ordonnance que le centre d'ostéopathie ATMAN est fondé à demander la suspension de l'exécution des décisions des 8 et 20 juillet 2015 de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
14. Considérant que la suspension, décidée par la présente ordonnance, de l'exécution des décisions des 8 et 20 juillet 2015 refusant au centre d'ostéopathie ATMAN l'agrément prévu par le décret du 12 septembre 2014 implique que l'autorité administrative procède à un nouvel examen de la demande d'agrément, en prenant en considération l'ensemble des éléments portés à sa connaissance à la date de sa nouvelle décision, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente ordonnance ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 3 000 euros à verser au centre d'ostéopathie ATMAN au titre des frais exposés dans le cadre de l'instance de référé et non compris dans les dépens ;
O R D O N N E :
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Article 1er : L'exécution des décisions des 8 et 20 juillet 2015 de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes rejetant la demande d'agrément du centre d'ostéopathie ATMAN est suspendue.
Article 2 : Il est enjoint à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes de procéder au réexamen de la demande d'agrément dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente ordonnance.
Article 3 : L'Etat versera au centre d'ostéopathie ATMAN une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée au centre d'ostéopathie ATMAN et à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.