Conseil d'État
N° 367491
ECLI:FR:CESSR:2015:367491.20150318
Inédit au recueil Lebon
9ème / 10ème SSR
Mme Séverine Larere, rapporteur
M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public
SCP CAPRON ; SCP MONOD, COLIN, STOCLET ; SCP DIDIER, PINET, avocats
Lecture du mercredi 18 mars 2015
Vu la procédure suivante :
L'association Ligue de défense des Alpilles a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, de déclarer nul et non avenu l'arrêté du maire d'Eygalières du 18 janvier 2008 délivrant un permis de construire à M. A...B...et, d'autre part, d'annuler la décision du 31 juillet 2009 par laquelle le maire a refusé d'interrompre les travaux et de retirer son arrêté, ainsi que la décision implicite du 8 février rejetant le recours de l'association contre ces décisions. Par un jugement n° 0906273, 1002356 du 22 décembre 2010, le tribunal administratif de Marseille a fait droit à ses demandes.
Par un arrêt n° 11MA00767, 11MA00811, 11MA01319 du 15 novembre 2012, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de M. A...B...et de la commune d'Eygalières, annulé ce jugement et rejeté les demandes présentées devant ce tribunal par la Ligue de défense des Alpilles.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 8 avril et 5 juillet 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Ligue de défense des Alpilles demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter les appels formés par M. B...et la commune d'Eygalières ;
3°) de mettre à la charge de la commune d'Eygalières, de M. B... et de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Séverine Larere, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Capron, avocat de l'association Ligue de défense des Alpilles, à la SCP Didier, Pinet, avocat de la commune d'Eygalières et à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de M.B... ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 18 janvier 2008, le maire de la commune d'Eygalières (Bouches-du-Rhône) a délivré à M. et Mme B...un permis de construire une maison d'habitation et une piscine ; que, par un courrier du 8 juin 2009, l'association Ligue de défense des Alpilles a demandé au maire, d'une part, de retirer ce permis, obtenu, selon elle, par fraude et, d'autre part, d'ordonner l'interruption des travaux en application de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme ; que cette demande a été rejetée par une décision du 31 juillet 2009, que l'association a contestée devant le tribunal administratif de Marseille ; que, par un jugement du 22 décembre 2010, ce tribunal a déclaré l'arrêté du maire d'Eygalières du 18 janvier 2008 nul et non avenu et a, en conséquence, annulé la décision du maire en date du 31 juillet 2009 refusant de procéder à son retrait et d'ordonner l'interruption des travaux, ainsi que les décisions implicites rejetant les recours formés par l'association Ligue de défense des Alpilles contre ces décisions ; que, par l'arrêt attaqué du 15 novembre 2012, la cour administrative d'appel de Marseille a, toutefois, annulé ce jugement et rejeté les demandes présentées par l'association Ligue de défense des Alpilles devant le tribunal administratif de Marseille ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-38-4 du code de l'urbanisme, applicable aux demandes de permis de construire déposées avant le 1er octobre 2007 : " Lorsque la construction est située dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit, le permis de construire ne peut être délivré qu'avec l'accord de l'architecte des bâtiments de France. Cet accord est réputé donné faute de réponse dans le délai d'un mois suivant la transmission de la demande de permis de construire par l'autorité chargée de son instruction (...) " ; qu'il n'est pas contesté que les constructions pour lesquelles le permis de construire en litige a été obtenu sont situées dans le champ de visibilité de la chapelle Saint-Sixte, inscrite à l'inventaire des monuments historiques ;
3. Considérant qu'ainsi que la cour l'a rappelé dans son arrêt, le tribunal administratif de Marseille a estimé que le permis de construire délivré à M. et Mme B...présentait le caractère d'un acte juridique inexistant, au motif que l'administration avait simulé l'avis réputé favorable de l'architecte des bâtiments de France visé dans l'arrêté du maire délivrant l'autorisation de construire ; que le tribunal s'est fondé sur la circonstance que la commune d'Eygalières avait produit une lettre, datée du 10 juillet 2007, signée du service instructeur de l'équipement, se présentant comme une demande d'avis ou d'accord adressée à l'architecte des bâtiments de France sur la demande de permis de construire de M. B...mais précisant que cette demande avait été complétée le 12 octobre 2007, soit à une date postérieure ; que les premiers juges ont également relevé que, dans une lettre du 5 mars 2009 adressée à la présidente de la Ligue de défense des Alpilles, l'architecte des bâtiments de France avait indiqué, d'une part, ne pas avoir été saisi pour avis de cette demande et, d'autre part, être attaché à la préservation du site d'implantation du projet ;
4. Considérant que la cour a, pour sa part, estimé que la discordance existant entre la date de la lettre de saisine de l'architecte des bâtiments de France et la mention de la date de dépôt des pièces complémentaires de la demande de permis de construire ne pouvait être regardée comme révélatrice d'une manoeuvre frauduleuse du service instructeur qui aurait réalisé une fausse lettre de saisine de l'architecte des bâtiments de France pour justifier un prétendu avis réputé favorable de ce dernier ; que, pour parvenir à cette conclusion, elle a relevé, d'une part, qu'il ressortait des procès-verbaux d'audition établis par la gendarmerie dans le cadre de la procédure diligentée par le procureur de la République qui a, le 10 juin 2010, classé sans suite la plainte pour faux et usage de faux déposée par la Ligue de défense des Alpilles, que, bien que la lettre du service instructeur affichât une anomalie de dates, aucun élément de l'enquête ne permettait de conclure à un faux document et qu'il apparaissait manifeste que la rédactrice de cette lettre avait instruit le dossier en toute intégrité, sans avoir reçu de consignes ou d'influences particulières de sa hiérarchie, du pétitionnaire ou de son représentant, d'autre part, qu'aucune des autres pièces du dossier n'était susceptible d'établir que l'administration aurait intentionnellement antidaté la lettre visant à saisir pour avis l'architecte des bâtiments de France, enfin, qu'il ressortait des procès-verbaux d'audition et de la sommation interpellative du 14 février 2011 que l'architecte des bâtiments de France aurait rendu un avis favorable sans réserve s'il s'était prononcé sur le projet de M.B... ;
5. Considérant que la cour a, par ailleurs, jugé qu'à supposer qu'à la suite de dysfonctionnements matériels internes au service instructeur, l'architecte des bâtiments de France n'ait pas été saisi pour avis du projet de M. B... et qu'ainsi, le permis de construire ait été délivré en méconnaissance des dispositions de l'article R. 421-38-4 du code de l'urbanisme, cette grave illégalité n'était pas de nature à faire regarder ce permis de construire comme juridiquement inexistant ; qu'elle en a déduit que c'était à tort que les premiers juges avaient déclaré l'arrêté du 18 janvier 2008 nul et non avenu ;
6. Considérant, en premier lieu, que les motifs de l'arrêt attaqué par lesquels la cour a relevé, d'une part, que l'architecte des bâtiments de France s'était déclaré, dans un courrier du 5 mars 2009 adressé à la présidente de la Ligue de défense des Alpilles, attaché à la préservation du site d'implantation du projet de construction de M. B...et, d'autre part, qu'il aurait émis, s'il avait été saisi de ce projet, un avis favorable sans réserve ne sont pas, contrairement à ce que soutient le pourvoi, entachés de contradiction ;
7. Considérant, en deuxième lieu, que, pour juger que la discordance de dates figurant sur la lettre de saisine de l'architecte des bâtiments de France ne pouvait être regardée comme révélatrice d'une manoeuvre frauduleuse du service instructeur, la cour ne s'est pas fondée sur la seule circonstance qu'il aurait émis un avis favorable sur le projet s'il avait été saisi mais sur un faisceau d'indices, rappelés au point 3 ci-dessus, et notamment sur l'absence, à son dossier, d'élément de nature à établir l'existence d'un faux ou d'une intention frauduleuse de la part de l'administration ou du pétitionnaire, ainsi que sur l'absence de tout autre élément permettant d'affirmer que l'administration aurait intentionnellement antidaté la lettre de saisine de l'architecte des bâtiments de France ; qu'en fondant son appréciation sur de tels éléments, la cour n'a commis aucune erreur de droit ;
8. Considérant, en troisième lieu, que si le fait de ne pas saisir l'architecte des bâtiments de France dans le cas où son accord est, comme en l'espèce, requis constitue une irrégularité de nature à entacher la légalité du permis de construire, cette seule circonstance ne saurait, toutefois, suffire à caractériser l'existence d'une fraude, laquelle suppose la réunion d'un élément matériel et d'un élément intentionnel ; que la cour n'a, dès lors, pas commis d'erreur de droit en écartant l'existence, en l'espèce, d'une fraude, après avoir constaté qu'aucun élément du dossier ne permettait de démontrer que l'administration se serait volontairement soustraite à l'obligation de saisir l'architecte des bâtiments de France ;
9. Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte des termes de l'article R. 421-38-4 du code de l'urbanisme cité au point 2 que l'architecte des bâtiments de France est saisi, non par l'autorité compétente pour délivrer le permis de construire mais par l'autorité chargée de l'instruction de la demande ; qu'il suit de là que la cour n'a pas commis d'erreur de droit en se bornant à rechercher si la fraude alléguée, prétendument révélée par la discordance de dates figurant sur le courrier du 11 juillet 2007 adressé par le service chargé de l'instruction, avait été commise par ce service et non par le maire de la commune d'Eygalières ;
10. Considérant, en cinquième lieu, qu'en déduisant des éléments de fait, rappelés au point 3, qu'elle a relevés que la preuve de l'existence d'une manoeuvre frauduleuse de l'administration n'était pas rapportée, la cour s'est livrée à une appréciation souveraine qui, dès lors qu'elle est exempte de dénaturation, ne saurait être discutée devant le juge de cassation ;
11. Considérant, en sixième lieu, qu'un acte administratif ne peut être regardé comme juridiquement inexistant que s'il est entaché d'un vice d'une gravité telle qu'il affecte non seulement sa légalité mais son existence même ; que c'est, par suite, sans erreur de droit que la cour a jugé que l'illégalité résultant de l'absence de saisine de l'architecte des bâtiments de France, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 421-38-4 du code de l'urbanisme, pour grave qu'elle soit, n'était pas de nature à faire regarder le permis de construire délivré à M. B... comme juridiquement inexistant ;
12. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme : " Dans le cas de constructions sans permis de construire (...) le maire prescrira par arrêté l'interruption des travaux ainsi que, le cas échéant, l'exécution, aux frais du constructeur, des mesures nécessaires à la sécurité des personnes ou des biens (...) " ; que le permis de construire délivré à M. B... ne pouvant pas, ainsi qu'il a été dit précédemment, être regardé comme inexistant, c'est sans erreur de droit que la cour a jugé que c'était à tort que les premiers juges avaient annulé la décision du maire refusant de faire application de ces dispositions ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'association Ligue de défense des Alpilles n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ; que ses conclusions tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune d'Eygalières, de M. B... et de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;
14. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M.B..., d'une part, et par la commune d'Eygalières, d'autre part, tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'association Ligue de défense des Alpilles en application des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de l'association Ligue de défense des Alpilles est rejeté.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. B...et par la commune d'Eygalières au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association Ligue de défense des Alpilles, à la commune d'Eygalières et à M. A...B....
N° 367491
ECLI:FR:CESSR:2015:367491.20150318
Inédit au recueil Lebon
9ème / 10ème SSR
Mme Séverine Larere, rapporteur
M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public
SCP CAPRON ; SCP MONOD, COLIN, STOCLET ; SCP DIDIER, PINET, avocats
Lecture du mercredi 18 mars 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
L'association Ligue de défense des Alpilles a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, de déclarer nul et non avenu l'arrêté du maire d'Eygalières du 18 janvier 2008 délivrant un permis de construire à M. A...B...et, d'autre part, d'annuler la décision du 31 juillet 2009 par laquelle le maire a refusé d'interrompre les travaux et de retirer son arrêté, ainsi que la décision implicite du 8 février rejetant le recours de l'association contre ces décisions. Par un jugement n° 0906273, 1002356 du 22 décembre 2010, le tribunal administratif de Marseille a fait droit à ses demandes.
Par un arrêt n° 11MA00767, 11MA00811, 11MA01319 du 15 novembre 2012, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de M. A...B...et de la commune d'Eygalières, annulé ce jugement et rejeté les demandes présentées devant ce tribunal par la Ligue de défense des Alpilles.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 8 avril et 5 juillet 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Ligue de défense des Alpilles demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter les appels formés par M. B...et la commune d'Eygalières ;
3°) de mettre à la charge de la commune d'Eygalières, de M. B... et de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Séverine Larere, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Capron, avocat de l'association Ligue de défense des Alpilles, à la SCP Didier, Pinet, avocat de la commune d'Eygalières et à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de M.B... ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 18 janvier 2008, le maire de la commune d'Eygalières (Bouches-du-Rhône) a délivré à M. et Mme B...un permis de construire une maison d'habitation et une piscine ; que, par un courrier du 8 juin 2009, l'association Ligue de défense des Alpilles a demandé au maire, d'une part, de retirer ce permis, obtenu, selon elle, par fraude et, d'autre part, d'ordonner l'interruption des travaux en application de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme ; que cette demande a été rejetée par une décision du 31 juillet 2009, que l'association a contestée devant le tribunal administratif de Marseille ; que, par un jugement du 22 décembre 2010, ce tribunal a déclaré l'arrêté du maire d'Eygalières du 18 janvier 2008 nul et non avenu et a, en conséquence, annulé la décision du maire en date du 31 juillet 2009 refusant de procéder à son retrait et d'ordonner l'interruption des travaux, ainsi que les décisions implicites rejetant les recours formés par l'association Ligue de défense des Alpilles contre ces décisions ; que, par l'arrêt attaqué du 15 novembre 2012, la cour administrative d'appel de Marseille a, toutefois, annulé ce jugement et rejeté les demandes présentées par l'association Ligue de défense des Alpilles devant le tribunal administratif de Marseille ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-38-4 du code de l'urbanisme, applicable aux demandes de permis de construire déposées avant le 1er octobre 2007 : " Lorsque la construction est située dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit, le permis de construire ne peut être délivré qu'avec l'accord de l'architecte des bâtiments de France. Cet accord est réputé donné faute de réponse dans le délai d'un mois suivant la transmission de la demande de permis de construire par l'autorité chargée de son instruction (...) " ; qu'il n'est pas contesté que les constructions pour lesquelles le permis de construire en litige a été obtenu sont situées dans le champ de visibilité de la chapelle Saint-Sixte, inscrite à l'inventaire des monuments historiques ;
3. Considérant qu'ainsi que la cour l'a rappelé dans son arrêt, le tribunal administratif de Marseille a estimé que le permis de construire délivré à M. et Mme B...présentait le caractère d'un acte juridique inexistant, au motif que l'administration avait simulé l'avis réputé favorable de l'architecte des bâtiments de France visé dans l'arrêté du maire délivrant l'autorisation de construire ; que le tribunal s'est fondé sur la circonstance que la commune d'Eygalières avait produit une lettre, datée du 10 juillet 2007, signée du service instructeur de l'équipement, se présentant comme une demande d'avis ou d'accord adressée à l'architecte des bâtiments de France sur la demande de permis de construire de M. B...mais précisant que cette demande avait été complétée le 12 octobre 2007, soit à une date postérieure ; que les premiers juges ont également relevé que, dans une lettre du 5 mars 2009 adressée à la présidente de la Ligue de défense des Alpilles, l'architecte des bâtiments de France avait indiqué, d'une part, ne pas avoir été saisi pour avis de cette demande et, d'autre part, être attaché à la préservation du site d'implantation du projet ;
4. Considérant que la cour a, pour sa part, estimé que la discordance existant entre la date de la lettre de saisine de l'architecte des bâtiments de France et la mention de la date de dépôt des pièces complémentaires de la demande de permis de construire ne pouvait être regardée comme révélatrice d'une manoeuvre frauduleuse du service instructeur qui aurait réalisé une fausse lettre de saisine de l'architecte des bâtiments de France pour justifier un prétendu avis réputé favorable de ce dernier ; que, pour parvenir à cette conclusion, elle a relevé, d'une part, qu'il ressortait des procès-verbaux d'audition établis par la gendarmerie dans le cadre de la procédure diligentée par le procureur de la République qui a, le 10 juin 2010, classé sans suite la plainte pour faux et usage de faux déposée par la Ligue de défense des Alpilles, que, bien que la lettre du service instructeur affichât une anomalie de dates, aucun élément de l'enquête ne permettait de conclure à un faux document et qu'il apparaissait manifeste que la rédactrice de cette lettre avait instruit le dossier en toute intégrité, sans avoir reçu de consignes ou d'influences particulières de sa hiérarchie, du pétitionnaire ou de son représentant, d'autre part, qu'aucune des autres pièces du dossier n'était susceptible d'établir que l'administration aurait intentionnellement antidaté la lettre visant à saisir pour avis l'architecte des bâtiments de France, enfin, qu'il ressortait des procès-verbaux d'audition et de la sommation interpellative du 14 février 2011 que l'architecte des bâtiments de France aurait rendu un avis favorable sans réserve s'il s'était prononcé sur le projet de M.B... ;
5. Considérant que la cour a, par ailleurs, jugé qu'à supposer qu'à la suite de dysfonctionnements matériels internes au service instructeur, l'architecte des bâtiments de France n'ait pas été saisi pour avis du projet de M. B... et qu'ainsi, le permis de construire ait été délivré en méconnaissance des dispositions de l'article R. 421-38-4 du code de l'urbanisme, cette grave illégalité n'était pas de nature à faire regarder ce permis de construire comme juridiquement inexistant ; qu'elle en a déduit que c'était à tort que les premiers juges avaient déclaré l'arrêté du 18 janvier 2008 nul et non avenu ;
6. Considérant, en premier lieu, que les motifs de l'arrêt attaqué par lesquels la cour a relevé, d'une part, que l'architecte des bâtiments de France s'était déclaré, dans un courrier du 5 mars 2009 adressé à la présidente de la Ligue de défense des Alpilles, attaché à la préservation du site d'implantation du projet de construction de M. B...et, d'autre part, qu'il aurait émis, s'il avait été saisi de ce projet, un avis favorable sans réserve ne sont pas, contrairement à ce que soutient le pourvoi, entachés de contradiction ;
7. Considérant, en deuxième lieu, que, pour juger que la discordance de dates figurant sur la lettre de saisine de l'architecte des bâtiments de France ne pouvait être regardée comme révélatrice d'une manoeuvre frauduleuse du service instructeur, la cour ne s'est pas fondée sur la seule circonstance qu'il aurait émis un avis favorable sur le projet s'il avait été saisi mais sur un faisceau d'indices, rappelés au point 3 ci-dessus, et notamment sur l'absence, à son dossier, d'élément de nature à établir l'existence d'un faux ou d'une intention frauduleuse de la part de l'administration ou du pétitionnaire, ainsi que sur l'absence de tout autre élément permettant d'affirmer que l'administration aurait intentionnellement antidaté la lettre de saisine de l'architecte des bâtiments de France ; qu'en fondant son appréciation sur de tels éléments, la cour n'a commis aucune erreur de droit ;
8. Considérant, en troisième lieu, que si le fait de ne pas saisir l'architecte des bâtiments de France dans le cas où son accord est, comme en l'espèce, requis constitue une irrégularité de nature à entacher la légalité du permis de construire, cette seule circonstance ne saurait, toutefois, suffire à caractériser l'existence d'une fraude, laquelle suppose la réunion d'un élément matériel et d'un élément intentionnel ; que la cour n'a, dès lors, pas commis d'erreur de droit en écartant l'existence, en l'espèce, d'une fraude, après avoir constaté qu'aucun élément du dossier ne permettait de démontrer que l'administration se serait volontairement soustraite à l'obligation de saisir l'architecte des bâtiments de France ;
9. Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte des termes de l'article R. 421-38-4 du code de l'urbanisme cité au point 2 que l'architecte des bâtiments de France est saisi, non par l'autorité compétente pour délivrer le permis de construire mais par l'autorité chargée de l'instruction de la demande ; qu'il suit de là que la cour n'a pas commis d'erreur de droit en se bornant à rechercher si la fraude alléguée, prétendument révélée par la discordance de dates figurant sur le courrier du 11 juillet 2007 adressé par le service chargé de l'instruction, avait été commise par ce service et non par le maire de la commune d'Eygalières ;
10. Considérant, en cinquième lieu, qu'en déduisant des éléments de fait, rappelés au point 3, qu'elle a relevés que la preuve de l'existence d'une manoeuvre frauduleuse de l'administration n'était pas rapportée, la cour s'est livrée à une appréciation souveraine qui, dès lors qu'elle est exempte de dénaturation, ne saurait être discutée devant le juge de cassation ;
11. Considérant, en sixième lieu, qu'un acte administratif ne peut être regardé comme juridiquement inexistant que s'il est entaché d'un vice d'une gravité telle qu'il affecte non seulement sa légalité mais son existence même ; que c'est, par suite, sans erreur de droit que la cour a jugé que l'illégalité résultant de l'absence de saisine de l'architecte des bâtiments de France, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 421-38-4 du code de l'urbanisme, pour grave qu'elle soit, n'était pas de nature à faire regarder le permis de construire délivré à M. B... comme juridiquement inexistant ;
12. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme : " Dans le cas de constructions sans permis de construire (...) le maire prescrira par arrêté l'interruption des travaux ainsi que, le cas échéant, l'exécution, aux frais du constructeur, des mesures nécessaires à la sécurité des personnes ou des biens (...) " ; que le permis de construire délivré à M. B... ne pouvant pas, ainsi qu'il a été dit précédemment, être regardé comme inexistant, c'est sans erreur de droit que la cour a jugé que c'était à tort que les premiers juges avaient annulé la décision du maire refusant de faire application de ces dispositions ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'association Ligue de défense des Alpilles n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ; que ses conclusions tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune d'Eygalières, de M. B... et de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;
14. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M.B..., d'une part, et par la commune d'Eygalières, d'autre part, tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'association Ligue de défense des Alpilles en application des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de l'association Ligue de défense des Alpilles est rejeté.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. B...et par la commune d'Eygalières au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association Ligue de défense des Alpilles, à la commune d'Eygalières et à M. A...B....