Conseil d'État
N° 386029
ECLI:FR:CEORD:2014:386029.20141209
Publié au recueil Lebon
Juge des référés
SCP LE BRET-DESACHE, avocats
Lecture du mardi 9 décembre 2014
Vu la requête, enregistrée le 27 novembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme B...A...C..., demeurant ... ; la requérante demande au juge des référés du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1409784 du 25 novembre 2014 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté sa demande, tendant, en premier lieu, à la suspension de l'exécution de la décision du préfet de la Loire-Atlantique du 26 septembre 2014 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, en deuxième lieu, à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler et en dernier lieu, à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de suspendre l'exécution de la décision du préfet de la Loire-Atlantique du 26 septembre 2014 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elle soutient que :
- la condition d'urgence est remplie ;
- qu'en effet, le refus de séjour litigieux a motivé la procédure de licenciement engagée à son encontre ce qui la privera des ressources qu'elle tire actuellement de son activité ;
- l'arrêté litigieux porte une atteinte grave et manifestement illégale à sa liberté d'aller et venir ;
- la décision contestée méconnaît les dispositions combinées de l'article 21 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), dès lors que sa fille Paola, ressortissante espagnole, est citoyenne de l'Union et qu'en sa qualité de mère de celle-ci, elle bénéficie du droit de séjourner sur le territoire de l'Union européenne ;
- l'arrêté litigieux méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du CESEDA ;
Vu l'ordonnance attaquée ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 3 décembre 2014, présenté par le ministre de l'intérieur qui conclut au rejet de la requête ;
il soutient que :
- la condition d'urgence n'est pas remplie ; qu'en effet, la requérante a introduit, parallèlement à son référé-liberté, un recours suspensif à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français dont est assorti l'arrêté litigieux, sur le fondement de l'article L. 512-1 du CESEDA ; que l'intéressée ne saurait invoquer les conséquences de la situation irrégulière dans laquelle elle s'est placée en travaillant en France sans autorisation ; qu'il n'apparaît pas que la décision litigieuse placerait la requérante et sa fille dans une situation de détresse ;
- l'arrêté litigieux ne porte aucune atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales de la requérante ; elle ne remplit pas les conditions pour bénéficier du statut de parent d'un enfant ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne et ne saurait invoquer l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 3 décembre 2014, présenté par Mme A..., qui conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens que ceux invoqués dans son premier mémoire ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme A...et, d'autre part, le ministre de l'intérieur ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du jeudi 4 décembre 2014 à 14 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Le Bret Desaché, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de MmeA... ;
- les représentants du ministre de l'intérieur ;
et à l'issue de laquelle le juge des référés a prolongé l'instruction jusqu'au lundi 8 décembre à 14 heures ;
Vu le mémoire, enregistré le 8 décembre 2014, présenté par MmeA..., qui conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens que ceux invoqués dans son premier mémoire ;
Vu le mémoire, enregistré le 8 décembre 2014, présenté par le ministre de l'intérieur qui conclut aux mêmes fins que dans son premier mémoire et demande une substitution de base légale et de motifs de l'arrêté litigieux ; il soutient que la requérante ne remplit pas les conditions de ressources et de souscription à l'assurance maladie auxquelles la Cour de justice de l'Union européenne subordonne le droit au séjour en qualité de parent d'un enfant citoyen de l'Union ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
Vu la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu les arrêts de la Cour de justice de l'Union Européenne C-413/99 du 17 septembre 2002, C- 200/02 du 19 octobre 2004, C-34/09 du 8 mars 2011, C-86/12 du 10 octobre 2013 ;
Vu le code de justice administrative ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures " ;
2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que MmeA..., ressortissante camerounaise titulaire d'une carte de séjour délivrée par l'Espagne valable jusqu'en 2017, est arrivée en France en 2012, avec sa fille Paola, ressortissante espagnole née le 29 janvier 2011 ; qu'ayant sollicité son admission au séjour le 12 novembre 2013, elle s'est vu opposer, par un arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 26 septembre 2014, un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français ; qu'elle a saisi, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes d'une demande de suspension de l'exécution de cet arrêté en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour ; que Mme A...relève appel de l'ordonnance du 25 novembre 2014 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 20 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Il est institué une citoyenneté de l'Union. Est citoyen de l'Union toute personne ayant la nationalité d'un État membre. La citoyenneté de l'Union s'ajoute à la citoyenneté nationale et ne la remplace pas. 2. Les citoyens de l'Union jouissent des droits et sont soumis aux devoirs prévus par les traités. Ils ont, entre autres: a) le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres; [...] Ces droits s'exercent dans les conditions et limites définies par les traités et par les mesures adoptées en application de ceux-ci. " ; qu'aux termes de l'article 7 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, intitulé "Droit de séjour de plus de trois mois" : " 1. Tout citoyen de l'Union a le droit de séjourner sur le territoire d'un autre État membre pour une durée de plus de trois mois: [...] b) s'il dispose, pour lui et pour les membres de sa famille, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale de l'État membre d'accueil au cours de son séjour, et d'une assurance maladie complète dans l'État membre d'accueil [...] 2. Le droit de séjour prévu au paragraphe 1 s'étend aux membres de la famille n'ayant pas la nationalité d'un État membre lorsqu'ils accompagnent ou rejoignent dans l'État membre d'accueil le citoyen de l'Union, pour autant que ce dernier satisfasse aux conditions énoncées au paragraphe 1, points a), b) ou c) " ; que ces dispositions combinées, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, notamment dans les arrêts visés ci-dessus, confèrent au ressortissant mineur d'un Etat membre, en sa qualité de citoyen de l'Union, ainsi que, par voie de conséquence, au ressortissant d'un Etat tiers, parent de ce mineur et qui en assume la charge, un droit de séjour dans l'Etat membre d'accueil à la double condition que cet enfant soit couvert par une assurance maladie appropriée et que le parent qui en assume la charge dispose de ressources suffisantes ; que l'Etat membre d'accueil, qui doit assurer aux citoyens de l'Union la jouissance effective des droits que leur confère ce statut, ne peut refuser à l'enfant mineur, citoyen de l'Union, et à son parent, le droit de séjourner sur son territoire que si l'une au moins de ces deux conditions, dont le respect permet d'éviter que les intéressés ne deviennent une charge déraisonnable pour ses finances publiques, n'est pas remplie ; que, dans pareille hypothèse, l'éloignement forcé du ressortissant de l'Etat tiers et de son enfant mineur ne pourrait, le cas échéant, être ordonné qu'à destination de l'Etat membre dont ce dernier possède la nationalité ou de tout Etat membre dans lequel ils seraient légalement admissibles ;
4. Considérant que le ministre de l'intérieur a présenté, au cours de l'audience, une demande de substitution de base légale et une substitution de motifs de l'arrêté litigieux ; qu'il soutient, en effet, que Mme A...ne peut prétendre séjourner sur le territoire français en sa qualité de mère d'une mineure, citoyenne de l'Union, dès lors qu'elle ne justifie ni de ressources suffisantes ni d'une couverture par une assurance maladie appropriée ;
5. Considérant que la jouissance effective du droit de séjour dans l'Etat membre d'accueil par un citoyen de l'Union mineur implique nécessairement le droit pour celui-ci d'être accompagné par la personne qui en assure effectivement la garde ; que Mme A...tire ainsi de sa qualité de mère d'un enfant mineur, citoyen de l'Union, le droit de séjourner en France, Etat membre d'accueil, sous la double condition de disposer de ressources suffisantes et d'une couverture d'assurance maladie appropriée ; qu'il résulte de l'instruction, ainsi que des éléments recueillis lors de l'audience publique, que Mme A...exerce exclusivement l'autorité parentale sur sa fille, qui est scolarisée à Nantes depuis 2013, en vertu d'une ordonnance de non conciliation rendue, dans le cadre d'une procédure de divorce, le 12 mai 2014, par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Nantes ; que cette même ordonnance a fixé la résidence habituelle de l'enfant chez sa mère ; qu'après avoir été hébergée, avec sa fille, chez sa soeur, la requérante a signé avec Nantes Habitat, le 10 septembre 2014, un contrat de location d'un logement conventionné à Nantes ; que l'intéressée travaille, sous couvert d'un contrat à durée indéterminée, depuis le 31 janvier 2013 ; que cette activité lui procure des ressources stables et régulières d'un montant mensuel d'environ 600 euros ; que, le 1er octobre 2014, elle a signé un avenant augmentant temporairement son temps de travail et, partant, sa rémunération ; qu'ainsi qu'en attestent les fiches de paie qu'elle a versées au dossier, les cotisations de sécurité de sociale qu'elle et son employeur acquittent lui ouvrent droit à l'assurance maladie ; que si elle est admise à l'aide médicale d'Etat, ce n'est qu'à défaut, en l'absence de titre de séjour, de bénéficier de la couverture d'assurance maladie qu'elle est en droit d'avoir ; que, dans ces conditions, Mme A...et sa fille ne sauraient être regardées comme faisant peser une charge déraisonnable sur les finances publiques françaises ; qu'il suit de là qu'en refusant de délivrer à Mme A...un titre de séjour en sa qualité de mère d'un enfant mineur, citoyen de l'Union, le préfet de la Loire-Atlantique a porté une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales que l'ordre juridique de l'Union européenne attache au statut de citoyen de l'Union ;
6. Considérant, qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite du refus de séjour litigieux qu'elle a porté à la connaissance de son employeur, celui-ci a engagé, pour ce seul motif, une procédure de licenciement à l'encontre de MmeA... ; que ce même refus de séjour est susceptible d'entraîner la résiliation du contrat de location qu'elle a signé avec Nantes Habitat ; qu'il suit de là que le refus de séjour litigieux est de nature à entraîner des conséquences graves sur la situation de Mme A...et de sa fille, du point de vue de leurs ressources, de leur logement ainsi que, par voie de conséquence, des conditions de scolarisation de cette dernière ; que, dans ces conditions, il y a urgence, au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, à ce que soient prises les mesures provisoires nécessaires pour faire cesser immédiatement l'atteinte grave et manifeste que porte l'arrêté litigieux aux droits conférés par l'ordre juridique de l'Union Européenne ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance qu'elle attaque, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ; qu'il ya lieu de suspendre l'exécution de l'arrêté du 26 septembre 2014 en tant qu'il a opposé un refus de séjour à Mme A...et d'enjoindre à l'autorité préfectorale de réexaminer, dans les plus brefs délais, la demande de l'intéressée à la lumière des motifs qui précèdent ;
8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme A...de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
O R D O N N E :
------------------
Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nantes du 25 novembre 2014 est annulée.
Article 2 : L'exécution de l'arrêté du 26 septembre 2014 du préfet de la Loire-Atlantique est suspendue en tant qu'il oppose un refus à la demande de titre de séjour de MmeA....
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de réexaminer, dans les plus brefs délais, la demande de Mme A...à la lumière des motifs de la présente ordonnance.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : L'Etat versera à Mme A...la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme B...A...C...et au ministre de l'intérieur.
N° 386029
ECLI:FR:CEORD:2014:386029.20141209
Publié au recueil Lebon
Juge des référés
SCP LE BRET-DESACHE, avocats
Lecture du mardi 9 décembre 2014
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 27 novembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme B...A...C..., demeurant ... ; la requérante demande au juge des référés du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1409784 du 25 novembre 2014 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté sa demande, tendant, en premier lieu, à la suspension de l'exécution de la décision du préfet de la Loire-Atlantique du 26 septembre 2014 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, en deuxième lieu, à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler et en dernier lieu, à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de suspendre l'exécution de la décision du préfet de la Loire-Atlantique du 26 septembre 2014 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elle soutient que :
- la condition d'urgence est remplie ;
- qu'en effet, le refus de séjour litigieux a motivé la procédure de licenciement engagée à son encontre ce qui la privera des ressources qu'elle tire actuellement de son activité ;
- l'arrêté litigieux porte une atteinte grave et manifestement illégale à sa liberté d'aller et venir ;
- la décision contestée méconnaît les dispositions combinées de l'article 21 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), dès lors que sa fille Paola, ressortissante espagnole, est citoyenne de l'Union et qu'en sa qualité de mère de celle-ci, elle bénéficie du droit de séjourner sur le territoire de l'Union européenne ;
- l'arrêté litigieux méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du CESEDA ;
Vu l'ordonnance attaquée ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 3 décembre 2014, présenté par le ministre de l'intérieur qui conclut au rejet de la requête ;
il soutient que :
- la condition d'urgence n'est pas remplie ; qu'en effet, la requérante a introduit, parallèlement à son référé-liberté, un recours suspensif à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français dont est assorti l'arrêté litigieux, sur le fondement de l'article L. 512-1 du CESEDA ; que l'intéressée ne saurait invoquer les conséquences de la situation irrégulière dans laquelle elle s'est placée en travaillant en France sans autorisation ; qu'il n'apparaît pas que la décision litigieuse placerait la requérante et sa fille dans une situation de détresse ;
- l'arrêté litigieux ne porte aucune atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales de la requérante ; elle ne remplit pas les conditions pour bénéficier du statut de parent d'un enfant ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne et ne saurait invoquer l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 3 décembre 2014, présenté par Mme A..., qui conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens que ceux invoqués dans son premier mémoire ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme A...et, d'autre part, le ministre de l'intérieur ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du jeudi 4 décembre 2014 à 14 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Le Bret Desaché, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de MmeA... ;
- les représentants du ministre de l'intérieur ;
et à l'issue de laquelle le juge des référés a prolongé l'instruction jusqu'au lundi 8 décembre à 14 heures ;
Vu le mémoire, enregistré le 8 décembre 2014, présenté par MmeA..., qui conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens que ceux invoqués dans son premier mémoire ;
Vu le mémoire, enregistré le 8 décembre 2014, présenté par le ministre de l'intérieur qui conclut aux mêmes fins que dans son premier mémoire et demande une substitution de base légale et de motifs de l'arrêté litigieux ; il soutient que la requérante ne remplit pas les conditions de ressources et de souscription à l'assurance maladie auxquelles la Cour de justice de l'Union européenne subordonne le droit au séjour en qualité de parent d'un enfant citoyen de l'Union ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
Vu la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu les arrêts de la Cour de justice de l'Union Européenne C-413/99 du 17 septembre 2002, C- 200/02 du 19 octobre 2004, C-34/09 du 8 mars 2011, C-86/12 du 10 octobre 2013 ;
Vu le code de justice administrative ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures " ;
2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que MmeA..., ressortissante camerounaise titulaire d'une carte de séjour délivrée par l'Espagne valable jusqu'en 2017, est arrivée en France en 2012, avec sa fille Paola, ressortissante espagnole née le 29 janvier 2011 ; qu'ayant sollicité son admission au séjour le 12 novembre 2013, elle s'est vu opposer, par un arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 26 septembre 2014, un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français ; qu'elle a saisi, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes d'une demande de suspension de l'exécution de cet arrêté en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour ; que Mme A...relève appel de l'ordonnance du 25 novembre 2014 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 20 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Il est institué une citoyenneté de l'Union. Est citoyen de l'Union toute personne ayant la nationalité d'un État membre. La citoyenneté de l'Union s'ajoute à la citoyenneté nationale et ne la remplace pas. 2. Les citoyens de l'Union jouissent des droits et sont soumis aux devoirs prévus par les traités. Ils ont, entre autres: a) le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres; [...] Ces droits s'exercent dans les conditions et limites définies par les traités et par les mesures adoptées en application de ceux-ci. " ; qu'aux termes de l'article 7 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, intitulé "Droit de séjour de plus de trois mois" : " 1. Tout citoyen de l'Union a le droit de séjourner sur le territoire d'un autre État membre pour une durée de plus de trois mois: [...] b) s'il dispose, pour lui et pour les membres de sa famille, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale de l'État membre d'accueil au cours de son séjour, et d'une assurance maladie complète dans l'État membre d'accueil [...] 2. Le droit de séjour prévu au paragraphe 1 s'étend aux membres de la famille n'ayant pas la nationalité d'un État membre lorsqu'ils accompagnent ou rejoignent dans l'État membre d'accueil le citoyen de l'Union, pour autant que ce dernier satisfasse aux conditions énoncées au paragraphe 1, points a), b) ou c) " ; que ces dispositions combinées, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, notamment dans les arrêts visés ci-dessus, confèrent au ressortissant mineur d'un Etat membre, en sa qualité de citoyen de l'Union, ainsi que, par voie de conséquence, au ressortissant d'un Etat tiers, parent de ce mineur et qui en assume la charge, un droit de séjour dans l'Etat membre d'accueil à la double condition que cet enfant soit couvert par une assurance maladie appropriée et que le parent qui en assume la charge dispose de ressources suffisantes ; que l'Etat membre d'accueil, qui doit assurer aux citoyens de l'Union la jouissance effective des droits que leur confère ce statut, ne peut refuser à l'enfant mineur, citoyen de l'Union, et à son parent, le droit de séjourner sur son territoire que si l'une au moins de ces deux conditions, dont le respect permet d'éviter que les intéressés ne deviennent une charge déraisonnable pour ses finances publiques, n'est pas remplie ; que, dans pareille hypothèse, l'éloignement forcé du ressortissant de l'Etat tiers et de son enfant mineur ne pourrait, le cas échéant, être ordonné qu'à destination de l'Etat membre dont ce dernier possède la nationalité ou de tout Etat membre dans lequel ils seraient légalement admissibles ;
4. Considérant que le ministre de l'intérieur a présenté, au cours de l'audience, une demande de substitution de base légale et une substitution de motifs de l'arrêté litigieux ; qu'il soutient, en effet, que Mme A...ne peut prétendre séjourner sur le territoire français en sa qualité de mère d'une mineure, citoyenne de l'Union, dès lors qu'elle ne justifie ni de ressources suffisantes ni d'une couverture par une assurance maladie appropriée ;
5. Considérant que la jouissance effective du droit de séjour dans l'Etat membre d'accueil par un citoyen de l'Union mineur implique nécessairement le droit pour celui-ci d'être accompagné par la personne qui en assure effectivement la garde ; que Mme A...tire ainsi de sa qualité de mère d'un enfant mineur, citoyen de l'Union, le droit de séjourner en France, Etat membre d'accueil, sous la double condition de disposer de ressources suffisantes et d'une couverture d'assurance maladie appropriée ; qu'il résulte de l'instruction, ainsi que des éléments recueillis lors de l'audience publique, que Mme A...exerce exclusivement l'autorité parentale sur sa fille, qui est scolarisée à Nantes depuis 2013, en vertu d'une ordonnance de non conciliation rendue, dans le cadre d'une procédure de divorce, le 12 mai 2014, par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Nantes ; que cette même ordonnance a fixé la résidence habituelle de l'enfant chez sa mère ; qu'après avoir été hébergée, avec sa fille, chez sa soeur, la requérante a signé avec Nantes Habitat, le 10 septembre 2014, un contrat de location d'un logement conventionné à Nantes ; que l'intéressée travaille, sous couvert d'un contrat à durée indéterminée, depuis le 31 janvier 2013 ; que cette activité lui procure des ressources stables et régulières d'un montant mensuel d'environ 600 euros ; que, le 1er octobre 2014, elle a signé un avenant augmentant temporairement son temps de travail et, partant, sa rémunération ; qu'ainsi qu'en attestent les fiches de paie qu'elle a versées au dossier, les cotisations de sécurité de sociale qu'elle et son employeur acquittent lui ouvrent droit à l'assurance maladie ; que si elle est admise à l'aide médicale d'Etat, ce n'est qu'à défaut, en l'absence de titre de séjour, de bénéficier de la couverture d'assurance maladie qu'elle est en droit d'avoir ; que, dans ces conditions, Mme A...et sa fille ne sauraient être regardées comme faisant peser une charge déraisonnable sur les finances publiques françaises ; qu'il suit de là qu'en refusant de délivrer à Mme A...un titre de séjour en sa qualité de mère d'un enfant mineur, citoyen de l'Union, le préfet de la Loire-Atlantique a porté une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales que l'ordre juridique de l'Union européenne attache au statut de citoyen de l'Union ;
6. Considérant, qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite du refus de séjour litigieux qu'elle a porté à la connaissance de son employeur, celui-ci a engagé, pour ce seul motif, une procédure de licenciement à l'encontre de MmeA... ; que ce même refus de séjour est susceptible d'entraîner la résiliation du contrat de location qu'elle a signé avec Nantes Habitat ; qu'il suit de là que le refus de séjour litigieux est de nature à entraîner des conséquences graves sur la situation de Mme A...et de sa fille, du point de vue de leurs ressources, de leur logement ainsi que, par voie de conséquence, des conditions de scolarisation de cette dernière ; que, dans ces conditions, il y a urgence, au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, à ce que soient prises les mesures provisoires nécessaires pour faire cesser immédiatement l'atteinte grave et manifeste que porte l'arrêté litigieux aux droits conférés par l'ordre juridique de l'Union Européenne ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance qu'elle attaque, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ; qu'il ya lieu de suspendre l'exécution de l'arrêté du 26 septembre 2014 en tant qu'il a opposé un refus de séjour à Mme A...et d'enjoindre à l'autorité préfectorale de réexaminer, dans les plus brefs délais, la demande de l'intéressée à la lumière des motifs qui précèdent ;
8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme A...de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
O R D O N N E :
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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nantes du 25 novembre 2014 est annulée.
Article 2 : L'exécution de l'arrêté du 26 septembre 2014 du préfet de la Loire-Atlantique est suspendue en tant qu'il oppose un refus à la demande de titre de séjour de MmeA....
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de réexaminer, dans les plus brefs délais, la demande de Mme A...à la lumière des motifs de la présente ordonnance.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : L'Etat versera à Mme A...la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme B...A...C...et au ministre de l'intérieur.