Conseil d'État
N° 382085
ECLI:FR:CESJS:2014:382085.20140723
Inédit au recueil Lebon
10ème sous-section jugeant seule
Mme Anne Iljic, rapporteur
M. Xavier Domino, rapporteur public
SCP MONOD, COLIN, STOCLET, avocats
Lecture du mercredi 23 juillet 2014
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme F...C...et la société d'édition de Médiapart ont demandé au tribunal administratif de Paris :
- d'enjoindre à la Commission nationale des comptes de campagne (CNCCFP), par une décision avant dire droit, de lui communiquer certains documents relatifs à la procédure de contrôle des comptes de la campagne présidentielle menée par M. D...E...en 2007, c'est-à-dire, d'une part, le questionnaire adressé par les rapporteurs de la CNCCFP à MM E... et B...daté du 10 septembre 2007, ainsi que les réponses formulées par ces derniers à ce questionnaire, datées des 2, 23 et 25 octobre 2007 ; d'autre part la lettre d'observations adressée par les rapporteurs de la CNCCFP à MM. E...etB..., datée du 31 octobre 2007, ainsi que la réponse formulée par ces derniers à cette lettre, datée du 12 novembre 2007 ;
- d'annuler la décision du 12 juillet 2012 par laquelle le président de la CNCCFP a rejeté leur demande tendant à la communication de ces documents ;
- d'enjoindre à la CNCCFP de communiquer à Mme C...les documents demandés dans un délai d'un mois à compter de la notification de son jugement, sous astreinte de 150 euros par jour.
Par un jugement n° 1216457/6-1 du 31 janvier 2014, le tribunal administratif de Paris a ordonné, avant dire droit, que la CNCCFP lui communique les documents en litige.
Par un jugement n° 126457/6-2 du 3 juin 2014, le tribunal administratif de Paris, après avoir pris connaissance des documents en litige, a fait droit à la demande de Mme C...et de la société d'édition de Médiapart, à condition, s'agissant des listes de donateurs et des contrats de travail des cadres et employés de la campagne présidentielle de M.E..., que soient occultés certains éléments permettant l'identification des intéressés.
Procédure devant le Conseil d'Etat
Par un recours et un mémoire en réplique, enregistrés les 8 et 22 juillet 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la CNCCFP demande au Conseil d'Etat de prononcer le sursis à exécution de ce jugement n° 126457/6-2 du 3 juin 2014 du tribunal administratif de Paris.
Elle soutient que les conditions posées par l'article R. 821-5 du code de justice administrative permettant de prononcer le sursis à exécution d'une décision juridictionnelle rendue en dernier ressort sont remplies au motif que :
- la communication des documents en litige aurait un caractère irréversible ;
- le tribunal administratif aurait omis de statuer sur le moyen tiré de ce que cette communication porterait atteinte au secret de ses délibérations ;
- le tribunal administratif aurait entaché son jugement de dénaturation et commis une erreur de droit en jugeant que cette communication ne risquait pas de divulguer le comportement d'une personne de nature à lui porter préjudice ;
- le tribunal administratif aurait commis une erreur de droit en jugeant que les pièces justificatives de recettes dont la communication a été demandée, et en particulier la liste des donateurs dans le cadre de la campagne présidentielle menée par M. D...E...en 2007, étaient communicables après occultation de certaines de leurs mentions.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 21 et 22 juillet 2014, Mme F...C...et la société d'édition de Médiapart concluent au rejet du recours. Ils soutiennent que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Des observations, enregistrées le 21 juillet 2014, ont été présentées par M. A...B....
Des observations, enregistrées le 22 juillet 2014, ont été présentées par M. D...E....
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code électoral ;
- la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Anne Iljic, Auditeur,
- les conclusions de M. Xavier Domino, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de la société d'édition de Médiapart et de Mme F...C....
1. Considérant qu'en vertu de l'article R. 821-5 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat saisi d'un pourvoi en cassation " peut, à la demande de l'auteur du pourvoi, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution d'une décision juridictionnelle rendue en dernier ressort si cette décision risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens invoqués paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation de la décision juridictionnelle rendue en dernier ressort, l'infirmation de la solution retenue par les juges du fond. " ;
2. Considérant, d'une part, que l'exécution du jugement du 3 juin 2014 implique la communication à Mme C...et à la société d'édition de Médiapart des documents dont le refus de communication constitue l'objet même du litige ; que cette communication revêtirait un caractère irréversible ;
3. Considérant, d'autre part, qu'il est soutenu que le tribunal administratif aurait commis des erreurs de droit dans l'application des dispositions des II et III de l'article 6 de la loi du 17 juillet 1978 ; que ces moyens, dont l'examen implique nécessairement d'admettre l'applicabilité au litige de la loi du 17 juillet 1978, paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation du jugement attaqué, le rejet de la demande présentée par Mme C...et par la société d'édition de Médiapart devant ce tribunal ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Paris du 3 juin 2014, jusqu'à ce qu'il soit statué définitivement sur les conclusions du pourvoi de la CNCCFP ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Jusqu'à ce qu'il ait été statué sur le pourvoi de la CNCCFP tendant à l'annulation du jugement du 3 juin 2014 du tribunal administratif de Paris, il sera sursis à l'exécution de ce jugement.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Commission nationale des comptes de campagne, à Mme F...C..., à la société d'édition de Médiapart, à M. D...E...et à M. A...B....
N° 382085
ECLI:FR:CESJS:2014:382085.20140723
Inédit au recueil Lebon
10ème sous-section jugeant seule
Mme Anne Iljic, rapporteur
M. Xavier Domino, rapporteur public
SCP MONOD, COLIN, STOCLET, avocats
Lecture du mercredi 23 juillet 2014
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme F...C...et la société d'édition de Médiapart ont demandé au tribunal administratif de Paris :
- d'enjoindre à la Commission nationale des comptes de campagne (CNCCFP), par une décision avant dire droit, de lui communiquer certains documents relatifs à la procédure de contrôle des comptes de la campagne présidentielle menée par M. D...E...en 2007, c'est-à-dire, d'une part, le questionnaire adressé par les rapporteurs de la CNCCFP à MM E... et B...daté du 10 septembre 2007, ainsi que les réponses formulées par ces derniers à ce questionnaire, datées des 2, 23 et 25 octobre 2007 ; d'autre part la lettre d'observations adressée par les rapporteurs de la CNCCFP à MM. E...etB..., datée du 31 octobre 2007, ainsi que la réponse formulée par ces derniers à cette lettre, datée du 12 novembre 2007 ;
- d'annuler la décision du 12 juillet 2012 par laquelle le président de la CNCCFP a rejeté leur demande tendant à la communication de ces documents ;
- d'enjoindre à la CNCCFP de communiquer à Mme C...les documents demandés dans un délai d'un mois à compter de la notification de son jugement, sous astreinte de 150 euros par jour.
Par un jugement n° 1216457/6-1 du 31 janvier 2014, le tribunal administratif de Paris a ordonné, avant dire droit, que la CNCCFP lui communique les documents en litige.
Par un jugement n° 126457/6-2 du 3 juin 2014, le tribunal administratif de Paris, après avoir pris connaissance des documents en litige, a fait droit à la demande de Mme C...et de la société d'édition de Médiapart, à condition, s'agissant des listes de donateurs et des contrats de travail des cadres et employés de la campagne présidentielle de M.E..., que soient occultés certains éléments permettant l'identification des intéressés.
Procédure devant le Conseil d'Etat
Par un recours et un mémoire en réplique, enregistrés les 8 et 22 juillet 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la CNCCFP demande au Conseil d'Etat de prononcer le sursis à exécution de ce jugement n° 126457/6-2 du 3 juin 2014 du tribunal administratif de Paris.
Elle soutient que les conditions posées par l'article R. 821-5 du code de justice administrative permettant de prononcer le sursis à exécution d'une décision juridictionnelle rendue en dernier ressort sont remplies au motif que :
- la communication des documents en litige aurait un caractère irréversible ;
- le tribunal administratif aurait omis de statuer sur le moyen tiré de ce que cette communication porterait atteinte au secret de ses délibérations ;
- le tribunal administratif aurait entaché son jugement de dénaturation et commis une erreur de droit en jugeant que cette communication ne risquait pas de divulguer le comportement d'une personne de nature à lui porter préjudice ;
- le tribunal administratif aurait commis une erreur de droit en jugeant que les pièces justificatives de recettes dont la communication a été demandée, et en particulier la liste des donateurs dans le cadre de la campagne présidentielle menée par M. D...E...en 2007, étaient communicables après occultation de certaines de leurs mentions.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 21 et 22 juillet 2014, Mme F...C...et la société d'édition de Médiapart concluent au rejet du recours. Ils soutiennent que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Des observations, enregistrées le 21 juillet 2014, ont été présentées par M. A...B....
Des observations, enregistrées le 22 juillet 2014, ont été présentées par M. D...E....
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code électoral ;
- la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Anne Iljic, Auditeur,
- les conclusions de M. Xavier Domino, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de la société d'édition de Médiapart et de Mme F...C....
1. Considérant qu'en vertu de l'article R. 821-5 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat saisi d'un pourvoi en cassation " peut, à la demande de l'auteur du pourvoi, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution d'une décision juridictionnelle rendue en dernier ressort si cette décision risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens invoqués paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation de la décision juridictionnelle rendue en dernier ressort, l'infirmation de la solution retenue par les juges du fond. " ;
2. Considérant, d'une part, que l'exécution du jugement du 3 juin 2014 implique la communication à Mme C...et à la société d'édition de Médiapart des documents dont le refus de communication constitue l'objet même du litige ; que cette communication revêtirait un caractère irréversible ;
3. Considérant, d'autre part, qu'il est soutenu que le tribunal administratif aurait commis des erreurs de droit dans l'application des dispositions des II et III de l'article 6 de la loi du 17 juillet 1978 ; que ces moyens, dont l'examen implique nécessairement d'admettre l'applicabilité au litige de la loi du 17 juillet 1978, paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation du jugement attaqué, le rejet de la demande présentée par Mme C...et par la société d'édition de Médiapart devant ce tribunal ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Paris du 3 juin 2014, jusqu'à ce qu'il soit statué définitivement sur les conclusions du pourvoi de la CNCCFP ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Jusqu'à ce qu'il ait été statué sur le pourvoi de la CNCCFP tendant à l'annulation du jugement du 3 juin 2014 du tribunal administratif de Paris, il sera sursis à l'exécution de ce jugement.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Commission nationale des comptes de campagne, à Mme F...C..., à la société d'édition de Médiapart, à M. D...E...et à M. A...B....