Conseil d'État
N° 376266
ECLI:FR:CEORD:2014:376266.20140410
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés
SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO, avocats
Lecture du jeudi 10 avril 2014
Vu 1°, sous le n° 376266, la requête, enregistrée le 11 mars 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la Fédération CGT des personnels du commerce, de la distribution et des services, dont le siège social est situé 263, rue de Paris à Montreuil (93514) et l'Union syndicale CGT du commerce, de la distribution et des services de Paris, dont le siège social est situé 67, rue de Turbigo à Paris (75003) ; les requérantes demandent au juge des référés du Conseil d'Etat :
1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution du décret n° 2014-302 du 7 mars 2014 portant inscription des établissements de commerce de détail du bricolage sur la liste des établissements pouvant déroger à la règle du repos dominical ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elles soutiennent que :
- l'urgence à suspendre découle de l'atteinte grave et immédiate aux intérêts des salariés qui travaillent le dimanche ;
- le décret n'a pas été précédé de la consultation requise par l'article 7 de la convention n° 106 de l'OIT ;
- il aurait dû être soumis pour avis à l'Autorité de la concurrence ;
- il viole l'article L. 3132-12 du code du travail ;
- il est entaché de détournement de pouvoir ;
- il est incompatible avec les stipulations de l'article 7 de la convention n°106 de l'OIT ;
- il porte atteinte au principe d'égalité ;
Vu le décret dont la suspension de l'exécution est demandée ;
Vu la copie de la requête à fin d'annulation de ce décret ;
Vu l'intervention en défense, enregistrée le 26 mars 2014, présentée pour la Fédération des magasins de bricolage et de l'aménagement de la maison (FMB), dont le siège social est situé 5, rue de Maubeuge à Paris (75009), qui conclut au rejet de la requête ;
elle soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et qu'aucun des moyens soulevés n'est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité du décret ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 1er avril 2014, présenté par le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, qui conclut au rejet de la requête ;
il soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et qu'aucun des moyens soulevés n'est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité du décret ;
Vu 2°, sous le n° 376412, la requête, enregistrée le 17 mars 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la Fédération des employés et cadres-CGT-Force Ouvrière, dont le siège social est situé 28, rue des petits hôtels à Paris (75010), le Syndicat CGT-Force Ouvrière des employés et cadres du commerce de Paris, dont le siège social est situé 131, rue Danrémont à Paris (75018), le Syndicat Force Ouvrière des employés et cadres du commerce Val d'Oise, dont le siège social est situé 26, rue Francis Combe à Cergy-Pontoise Cedex (95014), le Syndicat des employés du commerce et des interprofessionnels, dont le siège social est situé 3, rue du Château d'Eau à Paris (75010), et le Syndicat SUD commerces et services Île-de-France, dont le siège social est situé 13, rue d'Armaillé à Paris (75017) ; les requérants demandent au juge des référés du Conseil d'Etat :
1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution du décret n° 2014-302 du 7 mars 2014 portant inscription des établissements de commerce de détail du bricolage sur la liste des établissements pouvant déroger à la règle du repos dominical ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
ils soutiennent que :
- la condition d'urgence est remplie pour les mêmes raisons, inchangées, qui valaient lors de la suspension du décret du 30 décembre 2013 ;
- le décret n'a pas été précédé de la concertation prévue par l'article L. 1 du code du travail, ni par les consultations prévues par l'article L. 2 du même code ;
- il n'a pas été précédé de la consultation prévue par l'article 7 de la convention n°106 de l'OIT ;
- il viole les dispositions de l'article L. 3132-12 du code du travail ;
- il est entaché d'incompétence ;
- il est entaché de détournement de pouvoir ;
- il viole la chose ordonnée par le juge des référés du Conseil d'Etat dans l'ordonnance du 12 février 2014 ;
- il méconnaît l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme car il interfère avec des décisions passées en force de chose jugée ;
- il est incompatible avec les stipulations de l'article 7 de la convention n°106 de l'OIT ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- il viole le principe d'égalité ;
Vu le décret dont la suspension de l'exécution est demandée ;
Vu la copie de la requête à fin d'annulation de ce décret ;
Vu l'intervention en défense, enregistrée le 26 mars 2014, présentée pour la Fédération des magasins de bricolage et de l'aménagement de la maison (FMB), dont le siège social est situé 5, rue de Maubeuge à Paris (75009), qui conclut au rejet de la requête ;
elle soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et qu'aucun des moyens soulevés n'est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité du décret ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 1er avril 2014, présenté par le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, qui conclut au rejet de la requête ;
il soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et qu'aucun des moyens soulevés n'est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité du décret ;
Vu les pièces desquelles il ressort que les requêtes n° 376266 et 367421 ont été communiquées au Premier ministre qui n'a pas produit d'observations ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention n° 106 du 26 juin 1957 de l'Organisation internationale du travail relative au repos hebdomadaire dans le commerce et les bureaux ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de commerce ;
Vu le code du travail ;
Vu l'ordonnance n° 374727, 374906 du juge des référés du Conseil d'Etat du 12 février 2014 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la Fédération CGT des personnels du commerce, de la distribution et des services, l'Union syndicale CGT du commerce, de la distribution et des services de Paris ainsi que la Fédération des employés et cadres-CGT-Force Ouvrière et autres, d'autre part, le Premier ministre et le ministre du travail de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ainsi que la Fédération des magasins de bricolage et de l'aménagement de la maison ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 7 avril 2014 à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Uzan-Sarano, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la Fédération CGT des personnels du commerce, de la distribution et des services, de l'Union syndicale CGT du commerce, de la distribution et des services de Paris et de la Fédération des employés et cadres-CGT-Force Ouvrière et autres ;
- les représentants des requérants ;
- les représentants du ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social ;
- Me Piwnica, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la Fédération des magasins de bricolage et de l'aménagement de la maison ;
- les représentants de la Fédération des magasins de bricolage et de l'aménagement de la maison ;
et à l'issue de laquelle le juge des référés a clôturé l'audience ;
1. Considérant que, sous le numéro 376266, la Fédération CGT des personnels du commerce, de la distribution et des services et l'Union syndicale CGT du commerce, de la distribution et des services de Paris et, sous le numéro 376412, la Fédération des employés et cadres-CGT-Force Ouvrière et quatre autres organisations syndicales demandent la suspension de l'exécution des dispositions du même décret ; qu'il y a lieu de joindre ces deux requêtes pour statuer par une seule ordonnance ;
Sur l'intervention de la Fédération des magasins de bricolage et de l'aménagement de la maison :
2. Considérant que la Fédération des magasins de bricolage et de l'aménagement de la maison a intérêt au maintien de l'exécution du décret contesté ; qu'ainsi son intervention en défense est recevable ;
Sur les conclusions tendant à la suspension de l'exécution du décret du 7 mars 2014 :
3. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;
En ce qui concerne les moyens de légalité externe :
4. Considérant que le décret contesté, qui a pour seul objet d'ajouter la catégorie des établissements de commerce de détail du bricolage à la liste des catégories d'établissements légalement admis à donner à leurs salariés un repos hebdomadaire par roulement ne constitue pas une " réforme (...) qui relève du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle " au sens des dispositions de l'article L. 1 du code du travail ; que, par suite, le moyen tiré de ce que ce décret aurait été pris selon une procédure irrégulière, faute d'avoir fait l'objet de la concertation prévue par l'article L. 1 et d'avoir été précédé des consultations prévues, pour les textes intervenant dans le champ de l'article L. 1, par l'article L. 2 du même code, n'est pas de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux quant à sa légalité ;
5. Considérant que le décret contesté n'institue pas de régime nouveau ayant sur la concurrence l'un des effets restrictifs mentionnés à l'article L. 462-2 du code de commerce ; que le moyen tiré de ce qu'il n'aurait pas été précédé de la consultation de l'Autorité de la concurrence n'est, par suite, pas de nature à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à sa légalité ;
6. Considérant qu'aux termes des stipulations du quatrième paragraphe de l'article 7 de la convention internationale du travail n° 106 concernant le repos hebdomadaire dans le commerce et les bureaux : " Toute mesure portant sur l'application des dispositions des paragraphes 1, 2 et 3 du présent article devra être prise en consultation avec les organisations représentatives des employeurs et des travailleurs intéressés, s'il en existe " ; que les mesures visées par ces stipulations sont notamment celles qui introduisent des régimes spéciaux de repos hebdomadaire ;
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la publication du décret contesté, qui a été précédée d'une consultation écrite de l'ensemble des organisations représentatives du secteur professionnel du bricolage, faisait suite de surcroît à un large processus de consultation engagé à l'automne 2013 sur la question des exceptions au repos dominical dans les commerces de détail, et notamment dans les magasins de bricolage, ayant donné lieu à de nombreuses auditions conduites par un groupe de travail spécialement missionné par le gouvernement ; qu'ainsi, en tout état de cause, le moyen tiré de ce que le décret aurait été pris selon une procédure incompatible avec les stipulations citées ci-dessus de la convention internationale du travail n° 106 ne saurait, en l'état de l'instruction, créer un doute sérieux quant à sa légalité ;
En ce qui concerne les moyens de légalité interne :
Quant au moyen tiré de la méconnaissance de l'autorité de la chose décidée par une précédente ordonnance du juge des référés du Conseil d'Etat :
8. Considérant que si, eu égard à leur caractère provisoire, les décisions du juge des référés n'ont pas, au principal, l'autorité de la chose jugée, elles sont néanmoins exécutoires et, en vertu de l'autorité qui s'attache aux décisions de justice, obligatoires ; qu'il en résulte notamment que lorsque le juge des référés a prononcé la suspension d'une décision administrative et qu'il n'a pas été mis fin à cette suspension, l'administration ne saurait légalement reprendre une même décision sans qu'il ait été remédié au vice que le juge des référés avait pris en considération pour prononcer la suspension ;
9. Considérant que, par l'ordonnance visée ci-dessus du 12 février 2014, le juge des référés du Conseil d'Etat a suspendu l'exécution du décret n° 2013-1306 du 30 décembre 2013 qui avait pour objet d'instaurer, à titre temporaire jusqu'au 1er juillet 2015, une dérogation à la règle du repos dominical portant également sur les établissements de commerce en détail du bricolage ; que le juge des référés a, pour prononcer cette suspension, pris en considération, eu égard au caractère temporaire de ce décret, le doute sérieux entachant la légalité des motifs invoqués par l'administration pour en justifier la publication ; qu'en procédant, par le décret contesté, à l'introduction d'une dérogation d'effet permanent, l'administration n'a pas méconnu l'autorité qui s'attachait à la décision du juge des référés ;
Quant aux autres moyens :
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3132-3 du code du travail : " Dans l'intérêt des salariés, le repos hebdomadaire est donné le dimanche " ; que toutefois, aux termes de l'article L. 3132-12 du même code : " Certains établissements, dont le fonctionnement ou l'ouverture est rendu nécessaire par les contraintes de la production, de l'activité ou les besoins du public, peuvent de droit déroger à la règle du repos dominical en attribuant le repos hebdomadaire par roulement./ Un décret en Conseil d'Etat détermine les catégories d'établissements intéressées. " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'existence d'un besoin du public le dimanche et la nécessité d'y satisfaire par l'ouverture, ce jour-là, d'une certaine catégorie d'établissements peuvent légalement justifier une dérogation à la règle du repos dominical ;
11. Considérant que, en l'état de l'instruction, le bricolage peut être regardé, notamment au vu des enquêtes d'opinion versées au dossier selon lesquelles il constituerait désormais une activité de loisir dominical pour une large majorité de Français, comme un besoin du public le dimanche, au sens des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 3132-12 du code du travail ; qu'eu égard à la nature de cette activité de bricolage, la faculté de procéder, le jour même, aux achats des diverses fournitures en permettant l'exercice peut par ailleurs, en l'état de l'instruction, être regardée comme nécessaire à la satisfaction de ce besoin, au sens des mêmes dispositions ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'aucun besoin du public ne nécessitait qu'il soit dérogé à la règle du repos dominical dans les établissement de commerce en détail du bricolage, et que le décret contesté ne pouvait donc être légalement pris sur le fondement des dispositions de l'article L. 3132-12 du code du travail, n'est pas de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité de ce décret ; qu'il en va par suite de même du moyen tiré de ce que le pouvoir réglementaire aurait, faute de fondement légal, méconnu sa compétence ;
12. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et a d'ailleurs été confirmé par le représentant de l'Etat lors de l'audience publique, qu'il est également attendu du décret contesté qu'il apaise la situation propre aux établissements de commerce en détail du bricolage de la région Ile-de-France, marquée par de nombreux litiges et conflits sociaux ; qu'un tel motif n'étant pas étranger à l'intérêt général, le moyen tiré de ce que ce décret serait, pour cette raison, entaché de détournement de pouvoir, n'est pas de nature à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à sa légalité ;
13. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la convention internationale du travail n° 106 concernant le repos hebdomadaire dans le commerce et les bureaux : " 1. Toutes les personnes auxquelles s'applique la présente convention auront droit, sous réserve des dérogations prévues par les articles suivants, à une période de repos hebdomadaire comprenant au minimum vingt-quatre heures consécutives au cours de chaque période de sept jours. / 2. La période de repos hebdomadaire sera, autant que possible, accordée en même temps à toutes les personnes intéressées d'un même établissement. / 3. La période de repos hebdomadaire coïncidera, autant que possible, avec le jour de la semaine reconnu comme jour de repos par la tradition ou les usages du pays ou de la région. " ; qu'aux termes de l'article 7 de la même convention : " 1. Lorsque la nature du travail, la nature des services fournis par l'établissement, l'importance de la population à desservir ou le nombre des personnes employées ne permettent pas l'application des dispositions de l'article 6, des mesures pourront être prises, par l'autorité compétente ou par l'organisme approprié dans chaque pays, pour soumettre, le cas échéant, des catégories déterminées de personnes ou des catégories déterminées d'établissements comprises dans le champ d'application de la présente convention à des régimes spéciaux de repos hebdomadaire, compte tenu de toute considération sociale et économique pertinente. (...) " ;
14. Considérant que le décret contesté a pour objet, ainsi qu'il a déjà été dit, d'introduire une dérogation au principe du repos hebdomadaire dominical pour les seuls établissements de commerce en détail du bricolage ; que cette mesure entend répondre, ainsi qu'il a également été dit ci-dessus, aux nécessités de loisirs dominicaux qui se tournent désormais, pour un très grand nombre de personnes, vers l'exercice d'activités de bricolage ; que la satisfaction de besoins de cette nature constitue une considération sociale et économique pertinente au sens des stipulations citées ci-dessus ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions du décret contesté seraient incompatibles avec les stipulations du premier paragraphe de l'article 7 de la convention internationale du travail n°106 n'est pas de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux quant à leur légalité ;
15. Considérant que les requérants, qui allèguent que le décret qu'ils contestent méconnaîtrait le principe d'égalité en raison de ce qu'il introduirait des différences non justifiées entre le secteur des établissements de commerce de détail du bricolage et d'autres secteurs proches, n'apportent au soutien de leur moyen aucun élément permettant de le regarder, en l'état de l'instruction, comme étant de nature à créer un doute sérieux ;
16. Considérant que le décret contesté étant dépourvu de tout effet rétroactif, il ne saurait faire échec à aucune décision de justice rendue sur le fondement des textes qui lui sont antérieurs ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'il serait, pour ce motif, incompatible avec les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux quant à sa légalité ;
17. Considérant enfin que le moyen tiré de ce que le décret contesté serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation, en raison de la faculté dont disposerait l'autorité administrative d'aboutir au même résultat par la délivrance de dérogations individuelles, n'est pas de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux quant à sa légalité ;
18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence d'une situation d'urgence, les requérants ne sont pas fondées à demander la suspension du décret du 7 mars 2014 portant inscription des établissements de commerce de détail du bricolage sur la liste des établissements pouvant déroger à la règle du repos dominical ; que leurs conclusions tendant à ce que des sommes soient mises à la charge de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative doivent par suite, l'Etat n'étant pas la partie perdante, être également rejetées ;
O R D O N N E :
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Article 1er : L'intervention de la Fédération des magasins de bricolage est admise.
Article 2 : les requêtes de la Fédération CGT des personnels du commerce, de la distribution et des services et autre et de la Fédération des employés et cadres-CGT-Force Ouvrière et autres sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la Fédération CGT des personnels du commerce, de la distribution et des services et à la Fédération des employés et cadres-CGT Force Ouvrière, premiers requérants dénommés de chaque requête, à la Fédération des magasins de bricolage et de l'aménagement de la maison, au Premier ministre et au ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social.
Les autres requérants seront informés de la présente ordonnance par Me Uzan-Sarano, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui les représente devant le Conseil d'Etat.
N° 376266
ECLI:FR:CEORD:2014:376266.20140410
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés
SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO, avocats
Lecture du jeudi 10 avril 2014
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu 1°, sous le n° 376266, la requête, enregistrée le 11 mars 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la Fédération CGT des personnels du commerce, de la distribution et des services, dont le siège social est situé 263, rue de Paris à Montreuil (93514) et l'Union syndicale CGT du commerce, de la distribution et des services de Paris, dont le siège social est situé 67, rue de Turbigo à Paris (75003) ; les requérantes demandent au juge des référés du Conseil d'Etat :
1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution du décret n° 2014-302 du 7 mars 2014 portant inscription des établissements de commerce de détail du bricolage sur la liste des établissements pouvant déroger à la règle du repos dominical ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elles soutiennent que :
- l'urgence à suspendre découle de l'atteinte grave et immédiate aux intérêts des salariés qui travaillent le dimanche ;
- le décret n'a pas été précédé de la consultation requise par l'article 7 de la convention n° 106 de l'OIT ;
- il aurait dû être soumis pour avis à l'Autorité de la concurrence ;
- il viole l'article L. 3132-12 du code du travail ;
- il est entaché de détournement de pouvoir ;
- il est incompatible avec les stipulations de l'article 7 de la convention n°106 de l'OIT ;
- il porte atteinte au principe d'égalité ;
Vu le décret dont la suspension de l'exécution est demandée ;
Vu la copie de la requête à fin d'annulation de ce décret ;
Vu l'intervention en défense, enregistrée le 26 mars 2014, présentée pour la Fédération des magasins de bricolage et de l'aménagement de la maison (FMB), dont le siège social est situé 5, rue de Maubeuge à Paris (75009), qui conclut au rejet de la requête ;
elle soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et qu'aucun des moyens soulevés n'est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité du décret ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 1er avril 2014, présenté par le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, qui conclut au rejet de la requête ;
il soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et qu'aucun des moyens soulevés n'est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité du décret ;
Vu 2°, sous le n° 376412, la requête, enregistrée le 17 mars 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la Fédération des employés et cadres-CGT-Force Ouvrière, dont le siège social est situé 28, rue des petits hôtels à Paris (75010), le Syndicat CGT-Force Ouvrière des employés et cadres du commerce de Paris, dont le siège social est situé 131, rue Danrémont à Paris (75018), le Syndicat Force Ouvrière des employés et cadres du commerce Val d'Oise, dont le siège social est situé 26, rue Francis Combe à Cergy-Pontoise Cedex (95014), le Syndicat des employés du commerce et des interprofessionnels, dont le siège social est situé 3, rue du Château d'Eau à Paris (75010), et le Syndicat SUD commerces et services Île-de-France, dont le siège social est situé 13, rue d'Armaillé à Paris (75017) ; les requérants demandent au juge des référés du Conseil d'Etat :
1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution du décret n° 2014-302 du 7 mars 2014 portant inscription des établissements de commerce de détail du bricolage sur la liste des établissements pouvant déroger à la règle du repos dominical ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
ils soutiennent que :
- la condition d'urgence est remplie pour les mêmes raisons, inchangées, qui valaient lors de la suspension du décret du 30 décembre 2013 ;
- le décret n'a pas été précédé de la concertation prévue par l'article L. 1 du code du travail, ni par les consultations prévues par l'article L. 2 du même code ;
- il n'a pas été précédé de la consultation prévue par l'article 7 de la convention n°106 de l'OIT ;
- il viole les dispositions de l'article L. 3132-12 du code du travail ;
- il est entaché d'incompétence ;
- il est entaché de détournement de pouvoir ;
- il viole la chose ordonnée par le juge des référés du Conseil d'Etat dans l'ordonnance du 12 février 2014 ;
- il méconnaît l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme car il interfère avec des décisions passées en force de chose jugée ;
- il est incompatible avec les stipulations de l'article 7 de la convention n°106 de l'OIT ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- il viole le principe d'égalité ;
Vu le décret dont la suspension de l'exécution est demandée ;
Vu la copie de la requête à fin d'annulation de ce décret ;
Vu l'intervention en défense, enregistrée le 26 mars 2014, présentée pour la Fédération des magasins de bricolage et de l'aménagement de la maison (FMB), dont le siège social est situé 5, rue de Maubeuge à Paris (75009), qui conclut au rejet de la requête ;
elle soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et qu'aucun des moyens soulevés n'est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité du décret ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 1er avril 2014, présenté par le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, qui conclut au rejet de la requête ;
il soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et qu'aucun des moyens soulevés n'est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité du décret ;
Vu les pièces desquelles il ressort que les requêtes n° 376266 et 367421 ont été communiquées au Premier ministre qui n'a pas produit d'observations ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention n° 106 du 26 juin 1957 de l'Organisation internationale du travail relative au repos hebdomadaire dans le commerce et les bureaux ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de commerce ;
Vu le code du travail ;
Vu l'ordonnance n° 374727, 374906 du juge des référés du Conseil d'Etat du 12 février 2014 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la Fédération CGT des personnels du commerce, de la distribution et des services, l'Union syndicale CGT du commerce, de la distribution et des services de Paris ainsi que la Fédération des employés et cadres-CGT-Force Ouvrière et autres, d'autre part, le Premier ministre et le ministre du travail de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ainsi que la Fédération des magasins de bricolage et de l'aménagement de la maison ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 7 avril 2014 à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Uzan-Sarano, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la Fédération CGT des personnels du commerce, de la distribution et des services, de l'Union syndicale CGT du commerce, de la distribution et des services de Paris et de la Fédération des employés et cadres-CGT-Force Ouvrière et autres ;
- les représentants des requérants ;
- les représentants du ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social ;
- Me Piwnica, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la Fédération des magasins de bricolage et de l'aménagement de la maison ;
- les représentants de la Fédération des magasins de bricolage et de l'aménagement de la maison ;
et à l'issue de laquelle le juge des référés a clôturé l'audience ;
1. Considérant que, sous le numéro 376266, la Fédération CGT des personnels du commerce, de la distribution et des services et l'Union syndicale CGT du commerce, de la distribution et des services de Paris et, sous le numéro 376412, la Fédération des employés et cadres-CGT-Force Ouvrière et quatre autres organisations syndicales demandent la suspension de l'exécution des dispositions du même décret ; qu'il y a lieu de joindre ces deux requêtes pour statuer par une seule ordonnance ;
Sur l'intervention de la Fédération des magasins de bricolage et de l'aménagement de la maison :
2. Considérant que la Fédération des magasins de bricolage et de l'aménagement de la maison a intérêt au maintien de l'exécution du décret contesté ; qu'ainsi son intervention en défense est recevable ;
Sur les conclusions tendant à la suspension de l'exécution du décret du 7 mars 2014 :
3. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;
En ce qui concerne les moyens de légalité externe :
4. Considérant que le décret contesté, qui a pour seul objet d'ajouter la catégorie des établissements de commerce de détail du bricolage à la liste des catégories d'établissements légalement admis à donner à leurs salariés un repos hebdomadaire par roulement ne constitue pas une " réforme (...) qui relève du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle " au sens des dispositions de l'article L. 1 du code du travail ; que, par suite, le moyen tiré de ce que ce décret aurait été pris selon une procédure irrégulière, faute d'avoir fait l'objet de la concertation prévue par l'article L. 1 et d'avoir été précédé des consultations prévues, pour les textes intervenant dans le champ de l'article L. 1, par l'article L. 2 du même code, n'est pas de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux quant à sa légalité ;
5. Considérant que le décret contesté n'institue pas de régime nouveau ayant sur la concurrence l'un des effets restrictifs mentionnés à l'article L. 462-2 du code de commerce ; que le moyen tiré de ce qu'il n'aurait pas été précédé de la consultation de l'Autorité de la concurrence n'est, par suite, pas de nature à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à sa légalité ;
6. Considérant qu'aux termes des stipulations du quatrième paragraphe de l'article 7 de la convention internationale du travail n° 106 concernant le repos hebdomadaire dans le commerce et les bureaux : " Toute mesure portant sur l'application des dispositions des paragraphes 1, 2 et 3 du présent article devra être prise en consultation avec les organisations représentatives des employeurs et des travailleurs intéressés, s'il en existe " ; que les mesures visées par ces stipulations sont notamment celles qui introduisent des régimes spéciaux de repos hebdomadaire ;
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la publication du décret contesté, qui a été précédée d'une consultation écrite de l'ensemble des organisations représentatives du secteur professionnel du bricolage, faisait suite de surcroît à un large processus de consultation engagé à l'automne 2013 sur la question des exceptions au repos dominical dans les commerces de détail, et notamment dans les magasins de bricolage, ayant donné lieu à de nombreuses auditions conduites par un groupe de travail spécialement missionné par le gouvernement ; qu'ainsi, en tout état de cause, le moyen tiré de ce que le décret aurait été pris selon une procédure incompatible avec les stipulations citées ci-dessus de la convention internationale du travail n° 106 ne saurait, en l'état de l'instruction, créer un doute sérieux quant à sa légalité ;
En ce qui concerne les moyens de légalité interne :
Quant au moyen tiré de la méconnaissance de l'autorité de la chose décidée par une précédente ordonnance du juge des référés du Conseil d'Etat :
8. Considérant que si, eu égard à leur caractère provisoire, les décisions du juge des référés n'ont pas, au principal, l'autorité de la chose jugée, elles sont néanmoins exécutoires et, en vertu de l'autorité qui s'attache aux décisions de justice, obligatoires ; qu'il en résulte notamment que lorsque le juge des référés a prononcé la suspension d'une décision administrative et qu'il n'a pas été mis fin à cette suspension, l'administration ne saurait légalement reprendre une même décision sans qu'il ait été remédié au vice que le juge des référés avait pris en considération pour prononcer la suspension ;
9. Considérant que, par l'ordonnance visée ci-dessus du 12 février 2014, le juge des référés du Conseil d'Etat a suspendu l'exécution du décret n° 2013-1306 du 30 décembre 2013 qui avait pour objet d'instaurer, à titre temporaire jusqu'au 1er juillet 2015, une dérogation à la règle du repos dominical portant également sur les établissements de commerce en détail du bricolage ; que le juge des référés a, pour prononcer cette suspension, pris en considération, eu égard au caractère temporaire de ce décret, le doute sérieux entachant la légalité des motifs invoqués par l'administration pour en justifier la publication ; qu'en procédant, par le décret contesté, à l'introduction d'une dérogation d'effet permanent, l'administration n'a pas méconnu l'autorité qui s'attachait à la décision du juge des référés ;
Quant aux autres moyens :
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3132-3 du code du travail : " Dans l'intérêt des salariés, le repos hebdomadaire est donné le dimanche " ; que toutefois, aux termes de l'article L. 3132-12 du même code : " Certains établissements, dont le fonctionnement ou l'ouverture est rendu nécessaire par les contraintes de la production, de l'activité ou les besoins du public, peuvent de droit déroger à la règle du repos dominical en attribuant le repos hebdomadaire par roulement./ Un décret en Conseil d'Etat détermine les catégories d'établissements intéressées. " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'existence d'un besoin du public le dimanche et la nécessité d'y satisfaire par l'ouverture, ce jour-là, d'une certaine catégorie d'établissements peuvent légalement justifier une dérogation à la règle du repos dominical ;
11. Considérant que, en l'état de l'instruction, le bricolage peut être regardé, notamment au vu des enquêtes d'opinion versées au dossier selon lesquelles il constituerait désormais une activité de loisir dominical pour une large majorité de Français, comme un besoin du public le dimanche, au sens des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 3132-12 du code du travail ; qu'eu égard à la nature de cette activité de bricolage, la faculté de procéder, le jour même, aux achats des diverses fournitures en permettant l'exercice peut par ailleurs, en l'état de l'instruction, être regardée comme nécessaire à la satisfaction de ce besoin, au sens des mêmes dispositions ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'aucun besoin du public ne nécessitait qu'il soit dérogé à la règle du repos dominical dans les établissement de commerce en détail du bricolage, et que le décret contesté ne pouvait donc être légalement pris sur le fondement des dispositions de l'article L. 3132-12 du code du travail, n'est pas de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité de ce décret ; qu'il en va par suite de même du moyen tiré de ce que le pouvoir réglementaire aurait, faute de fondement légal, méconnu sa compétence ;
12. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et a d'ailleurs été confirmé par le représentant de l'Etat lors de l'audience publique, qu'il est également attendu du décret contesté qu'il apaise la situation propre aux établissements de commerce en détail du bricolage de la région Ile-de-France, marquée par de nombreux litiges et conflits sociaux ; qu'un tel motif n'étant pas étranger à l'intérêt général, le moyen tiré de ce que ce décret serait, pour cette raison, entaché de détournement de pouvoir, n'est pas de nature à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à sa légalité ;
13. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la convention internationale du travail n° 106 concernant le repos hebdomadaire dans le commerce et les bureaux : " 1. Toutes les personnes auxquelles s'applique la présente convention auront droit, sous réserve des dérogations prévues par les articles suivants, à une période de repos hebdomadaire comprenant au minimum vingt-quatre heures consécutives au cours de chaque période de sept jours. / 2. La période de repos hebdomadaire sera, autant que possible, accordée en même temps à toutes les personnes intéressées d'un même établissement. / 3. La période de repos hebdomadaire coïncidera, autant que possible, avec le jour de la semaine reconnu comme jour de repos par la tradition ou les usages du pays ou de la région. " ; qu'aux termes de l'article 7 de la même convention : " 1. Lorsque la nature du travail, la nature des services fournis par l'établissement, l'importance de la population à desservir ou le nombre des personnes employées ne permettent pas l'application des dispositions de l'article 6, des mesures pourront être prises, par l'autorité compétente ou par l'organisme approprié dans chaque pays, pour soumettre, le cas échéant, des catégories déterminées de personnes ou des catégories déterminées d'établissements comprises dans le champ d'application de la présente convention à des régimes spéciaux de repos hebdomadaire, compte tenu de toute considération sociale et économique pertinente. (...) " ;
14. Considérant que le décret contesté a pour objet, ainsi qu'il a déjà été dit, d'introduire une dérogation au principe du repos hebdomadaire dominical pour les seuls établissements de commerce en détail du bricolage ; que cette mesure entend répondre, ainsi qu'il a également été dit ci-dessus, aux nécessités de loisirs dominicaux qui se tournent désormais, pour un très grand nombre de personnes, vers l'exercice d'activités de bricolage ; que la satisfaction de besoins de cette nature constitue une considération sociale et économique pertinente au sens des stipulations citées ci-dessus ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions du décret contesté seraient incompatibles avec les stipulations du premier paragraphe de l'article 7 de la convention internationale du travail n°106 n'est pas de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux quant à leur légalité ;
15. Considérant que les requérants, qui allèguent que le décret qu'ils contestent méconnaîtrait le principe d'égalité en raison de ce qu'il introduirait des différences non justifiées entre le secteur des établissements de commerce de détail du bricolage et d'autres secteurs proches, n'apportent au soutien de leur moyen aucun élément permettant de le regarder, en l'état de l'instruction, comme étant de nature à créer un doute sérieux ;
16. Considérant que le décret contesté étant dépourvu de tout effet rétroactif, il ne saurait faire échec à aucune décision de justice rendue sur le fondement des textes qui lui sont antérieurs ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'il serait, pour ce motif, incompatible avec les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux quant à sa légalité ;
17. Considérant enfin que le moyen tiré de ce que le décret contesté serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation, en raison de la faculté dont disposerait l'autorité administrative d'aboutir au même résultat par la délivrance de dérogations individuelles, n'est pas de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux quant à sa légalité ;
18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence d'une situation d'urgence, les requérants ne sont pas fondées à demander la suspension du décret du 7 mars 2014 portant inscription des établissements de commerce de détail du bricolage sur la liste des établissements pouvant déroger à la règle du repos dominical ; que leurs conclusions tendant à ce que des sommes soient mises à la charge de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative doivent par suite, l'Etat n'étant pas la partie perdante, être également rejetées ;
O R D O N N E :
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Article 1er : L'intervention de la Fédération des magasins de bricolage est admise.
Article 2 : les requêtes de la Fédération CGT des personnels du commerce, de la distribution et des services et autre et de la Fédération des employés et cadres-CGT-Force Ouvrière et autres sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la Fédération CGT des personnels du commerce, de la distribution et des services et à la Fédération des employés et cadres-CGT Force Ouvrière, premiers requérants dénommés de chaque requête, à la Fédération des magasins de bricolage et de l'aménagement de la maison, au Premier ministre et au ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social.
Les autres requérants seront informés de la présente ordonnance par Me Uzan-Sarano, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui les représente devant le Conseil d'Etat.