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Ariane Web: Conseil d'État 371701, lecture du 20 décembre 2013, ECLI:FR:CESSR:2013:371701.20131220

Décision n° 371701
20 décembre 2013
Conseil d'État

N° 371701
ECLI:FR:CESSR:2013:371701.20131220
Inédit au recueil Lebon
8ème et 3ème sous-sections réunies
Mme Esther de Moustier, rapporteur
Mme Nathalie Escaut, rapporteur public
SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP BORE, SALVE DE BRUNETON, avocats


Lecture du vendredi 20 décembre 2013
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu le mémoire, enregistré le 4 octobre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour l'Organisation des transporteurs routiers européens, représentée par son président, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; l'Organisation des transporteurs routiers européens demande au Conseil d'Etat, à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2013-559 du 26 juin 2013 relatif aux droits et obligations des redevables de la taxe sur les véhicules de transport de marchandises, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du 1. de l'article 276 du code des douanes ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu le code des douanes, notamment son article 276 ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Esther de Moustier, Auditeur,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la Organisation Des Transporteurs Routiers Europeens et de la SCP Boré, Salve de Bruneton, avocat du ministre de l'économie et des finances ;



1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

2. Considérant qu'aux termes du 1. de l'article 276 du code des douanes relatif à la taxe nationale sur les véhicules de transport de marchandises : " A compter de l'entrée en vigueur de la taxe, les véhicules de transport de marchandises mentionnés à l'article 269 et immatriculés en France métropolitaine doivent disposer d'un équipement électronique embarqué permettant l'enregistrement automatique, à chaque franchissement d'un point de tarification, des éléments nécessaires à la liquidation de ladite taxe. / A compter de la même date, les véhicules de transport de marchandises mentionnés à l'article 269 et immatriculés hors de France métropolitaine sont tenus de disposer d'un tel équipement lorsqu'ils circulent sur le réseau mentionné à l'article 270 " ;

3. Considérant que l'Organisation des transporteurs routiers européens soutient que ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité devant la loi, garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, en tant qu'elles prévoient des obligations différentes selon que les véhicules des redevables de la taxe sont immatriculés en France métropolitaine ou dans un autre pays ou territoire ; que, toutefois, le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; que les dispositions législatives contestées, en ce qu'elles déterminent les conditions dans lesquelles les véhicules de transport de marchandises doivent disposer d'un équipement électronique embarqué, ont pour objet, d'une part, de permettre le calcul de l'assiette de la taxe due, d'autre part, de prévoir des modalités de contrôle et de recouvrement efficaces ; qu'au regard de ce second objectif, les véhicules des redevables de la taxe se trouvent dans une situation différente selon qu'ils sont immatriculés en France métropolitaine ou dans un autre pays ou territoire, dès lors que les uns et les autres n'ont pas la même propension à circuler sur le réseau taxable ; qu'ainsi le législateur a institué une différence de traitement entre des véhicules se trouvant dans des situations différentes, qui est fondée sur un critère objectif et rationnel en rapport avec l'objet de la loi ; qu'au surplus, une telle différence de traitement répond à un objectif de bon usage des deniers publics, dès lors que le coût du matériel électronique embarqué est supporté par l'Etat ; que, par suite, la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que le 1. de l'article 276 du code des douanes relatif à la taxe nationale sur les véhicules de transport de marchandises porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté ;


D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par l'Organisation des transporteurs routiers européens.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'Organisation des transporteurs routiers européens et au ministre de l'économie et des finances.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.