Conseil d'État
N° 372190
ECLI:FR:CEORD:2013:372190.20131001
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés
Lecture du mardi 1 octobre 2013
Vu 1°), sous le n° 372190, la requête, enregistrée le 16 septembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'association défense permis banlieue, dont le siège social est 17, rue Paul Langevin à Montreuil (93100), représentée par son président en exercice, et par la SARL LK Gestion, dont le siège est 63, boulevard Poniatowski à Paris (75012), représentée par son gérant ; les requérantes demandent au juge des référés du Conseil d'Etat :
1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté du 16 juillet 2013 relatif à l'apprentissage de la conduite des véhicules à moteur de la catégorie B du permis de conduire à titre non onéreux, publié au Journal officiel le 26 juillet 2013 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elles soutiennent que :
- la condition d'urgence est remplie dès lors que l'arrêté contesté porte une atteinte grave et immédiate aux intérêts des sociétés et des professionnels qu'elles représentent en ce qu'il impose aux accompagnateurs de candidats " libres " au permis de conduire de suivre une formation spécifique et que les différents acteurs susceptibles de délivrer une telle formation ne seront matériellement pas prêts à faire face à la demande du public au 1er octobre, date d'entrée en vigueur de l'arrêté, ce qui aura pour effet d'interrompre l'activité des sociétés requérantes et entraînera un désengagement des compagnies d'assurances en cas de sinistre ; et, qu'en outre, les dispositions de l'arrêté sont susceptibles de créer une situation de distorsion de concurrence injustifiée portant ainsi une atteinte grave et immédiate aux intérêts des professionnels qu'elle représentent ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté ;
- l'arrêté est entaché d'un vice de forme en ce que l'Autorité de la concurrence n'a pas été consultée par le Gouvernement ;
- l'arrêté a été pris en violation du décret du 18 décembre 2009 en ce qu'il ajoute des conditions restrictives à l'accompagnement à l'apprentissage de la conduite ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur de droit en ce qu'il porte atteinte de manière disproportionnée au principe de liberté du commerce et de l'industrie dès lors qu'il constitue une aide déguisée de l'Etat aux établissements d'enseignement, à titre onéreux, de la conduite et de la sécurité routière et crée une situation de concurrence déloyale ;
Vu l'arrêté dont la suspension de l'exécution est demandée ;
Vu la copie de la requête à fin d'annulation de cet arrêté ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2013, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête ;
il soutient que :
-la condition d'urgence n'est pas remplie dès lors que les dispositions de l'arrêté contesté mettent en oeuvre une disposition réglementaire issue du décret n° 2009-1590 du 18 décembre 2009, que l'entrée en vigueur de ces dispositions a été différée au 1er octobre 2013 et que celles-ci ne créent aucune obligation nouvelle pour les loueurs de véhicules à double commande ;
- il n'existe pas de doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté ;
- la consultation de l'Autorité de la concurrence n'était pas nécessaire ;
- il n'y a pas d'atteinte au principe de la liberté du commerce et de l'industrie dès lors que l'arrêté n'a pas pour objet de restreindre l'accès à la profession de loueurs de voiture à double commande ;
- l'arrêté n'ajoute pas de conditions restrictives au décret n° 2009-1590 du 18 décembre 2009 ;
- l'arrêté n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en tant qu'il répond à un objectif de sécurité routière et qu'il n'est pas disproportionné par rapport à l'objectif poursuivi ;
Vu le mémoire de productions, enregistré le 25 septembre 2013, présenté par l'association défense permis banlieue et par la SARL LK Gestion ;
Vu 2°), sous le n° 372335, la requête, enregistrée le 23 septembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'association de défense des usagers et des professionnels de la location de voitures à double commande (ADLDC), dont le siège est 6, Place Claude Tournier à Combes-la-Ville (77380), représentée par sa présidente en exercice, la société Free conduite, dont le siège social est 2, rue de l'égalité à Gonesse (95500), représentée par son représentant légal en exercice, la société Extraloc, dont le siège social est 1, rue Jean Carasso à Bezons (95870), représentée par son représentant légal en exercice, la société BBO SAS, dont le siège social est 61, rue du Manoir à Puiseux-en-France (95380), représentée par son représentant légal en exercice, la société Génération conduite, dont le siège social est 6, place Claude Tournier à Combs-la-Ville (77380), représentée par son représentant légal en exercice, la société Nycorp, dont le siège social est 57, rue de la Commune à Aubervilliers (93300), représentée par son représentant légal en exercice, la société Happy permis, dont le siège social est 52 bis, boulevard Saint-Jacques à Paris (75014), représentée par son représentant légal en exercice, la société France cars, dont le siège social est 46, rue Paul Claudel à Evry (91000), représentée par son représentant légal en exercice, la société Easy driving, dont le siège social est 1, place Christiane Frahier à Saint-Germain-en-Laye (78100), représentée par son représentant légal en exercice, la société Alter permis, dont le siège social est 3, rue de la Méditerranée à Montpellier (34000), représentée par son représentant légal en exercice, la société Ravy, dont le siège social est 4, rue Noémie à Bondy (93140), représentée par son représentant légal en exercice, la société Solutions permis, dont le siège social est 115, route Nationale à Saulchery (02310), représentée par son représentant légal en exercice, la société BMC conduite, dont le siège social est 4, rue des frères Lumière à Plaisir (78370), représentée par son représentant légal en exercice, la société Free permis, dont le siège social est 17, Grande Rue à Torcy (77200), représentée par son représentant légal en exercice, la société Perfect permis, dont le siège social est 189, rue Fontenay à Vincennes (94300), représentée par son représentant légal en exercice, la société Permis radin, dont le siège social est 155, rue des Chartreux à Marseille (13004), représentée par son représentant légal en exercice, la société Permis plus facile, dont le siège social est 19, avenue du maréchal Foch à Chelles (77500), représentée par son représentant légal en exercice, la société Auto et loc, dont le siège social est 50, chemin des Ayencins à Rousillon (38150), représentée par son représentant légal en exercice, la société Permis rusé, dont le siège social est 15, rue de Provence à Argentan (61200), représentée par son représentant légal en exercice, la société Ton permis à bas prix, dont le siège social est 64, boulevard d'Haussonville à Nancy (54000), représentée par son représentant légal en exercice et la société Fast and easy, dont le siège social est 6, avenue de la cour de France à Juvisy-sur-Orge (91260), représentée par son représentant légal en exercice ; les requérantes demandent au juge des référés du Conseil d'Etat :
1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté du 16 juillet 2013 relatif à l'apprentissage de la conduite des véhicules à moteur de la catégorie B du permis de conduire à titre non onéreux, publié au journal officiel le 26 juillet 2013 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elles soutiennent que :
- la condition d'urgence est remplie dès lors que l'arrêté contesté porte une atteinte grave et immédiate aux intérêts des sociétés et des professionnels qu'elles représentent en ce qu'il impose aux accompagnateurs de candidats " libres " au permis de conduire de suivre une formation spécifique et que les différents acteurs susceptibles de délivrer une telle formation ne seront matériellement pas prêts à faire face à la demande du public au 1er octobre, date d'entrée en vigueur de l'arrêté ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté ;
- l'arrêté a été pris par une autorité incompétente ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur de droit dès lors qu'il restreint l'accès au dispositif d'apprentissage en ce que, d'une part, la formation de l'accompagnateur mise en place par l'arrêté contesté ne sera pas assurée dans certaines parties du territoire, dans la mesure où un nombre important d'auto-écoles ne souhaitent pas délivrer ces formations, et que, d'autre part, le coût de la formation va faire augmenter le prix de la location des véhicules à double commande, ce qui pénalisera la personne souhaitant passer son permis de conduire en tant que candidat libre ;
- l'arrêté a été pris au terme d'une procédure irrégulière en ce que l'Autorité de la concurrence n'a pas été consultée par le Gouvernement ;
- l'arrêté porte atteinte à la libre concurrence en ce qu'il permet aux auto-écoles de délivrer la formation mise en place par l'arrêté contesté alors que ces dernières sont des concurrentes des sociétés requérantes ;
- l'arrêté porte atteinte au principe d'égalité des usagers du service public ;
- l'arrêté porte une atteinte disproportionnée à la situation des requérantes compte tenu de l'objectif de sécurité routière poursuivi ;
Vu l'arrêté dont la suspension de l'exécution est demandée ;
Vu la copie de la requête à fin d'annulation de cet arrêté ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 septembre 2013, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête ;
il soutient que :
- la condition d'urgence n'est pas remplie dès lors que les dispositions de l'arrêté contestée mettent en oeuvre une disposition réglementaire issue du décret n° 2009-1590 du 18 décembre 2009, que l'entrée en vigueur de ces dispositions a été différée au 1er octobre 2013 et que celles-ci ne crée aucune obligation nouvelle pour les loueurs de véhicules à double commande ;
- il n'existe pas de doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté ;
- le préfet délégué à la sécurité routière, était compétent pour signer l'arrêt contesté ;
- la consultation de l'Autorité de la concurrence n'était pas nécessaire et que le projet d'arrêté a été approuvé à l'unanimité par le comité consultatif de la législation et de la réglementation financière ;
- il n'y a pas d'atteinte au principe de la liberté du commerce et de l'industrie, qui n'est ni générale ni absolue, dès lors que l'arrêté litigieux n'a pas pour objet de restreindre l'accès à la profession de loueurs de voiture à double commande ;
- l'arrêté ne porte pas atteinte au principe d'égalité des usagers dès lors qu'ils ne sont pas dans une situation identique ;
- l'arrêté n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en tant qu'il répond à un objectif de sécurité routière et qu'il n'est pas disproportionné par rapport à l'objectif poursuivi ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 26 septembre 2013, présenté par l'association de défense des usagers et des professionnels de la location de voitures à double commande (ADLDC) et autres, qui persistent dans leurs conclusions par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de commerce ;
Vu le code de la route ;
Vu le décret n°2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement.
Vu le décret n° 2009-1590 en date du 18 décembre 2009 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, l'association défense permis banlieue et la société LK Gestion, ainsi que l'association de défense des usagers et des professionnels de la location de voitures à double commande (ADLDC), d'autre part, le ministre de l'intérieur et le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 26 septembre 2013 à 14 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :
- les représentants de l'association défense permis banlieue, et de la société LK Gestion;
- les représentants de l'association de défense des usagers et des professionnels de la location de voitures à double commande et autres;
- les représentants du ministre de l'intérieur ;
et à l'issue de laquelle le juge des référés a clôturé l'instruction ;
1. Considérant que les deux requêtes visées ci-dessus sont dirigées contre le même arrêté du 16 juillet 2013 et présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule ordonnance ;
2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;
Sur l'urgence :
3. Considérant que l'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celle-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ; que l'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire ;
4. Considérant que l'article 5 de l'arrêté ministériel dont la suspension est demandée impose à l'accompagnateur d'un candidat " libre " au permis de conduire se formant sur un véhicule à double commande en dehors des cas de conduite anticipée, supervisée ou encadrée au sens des articles R. 211-5 et suivants du code de la route, une formation spécifique d'une durée de 4 heures pouvant être dispensée soit dans un établissement d'enseignement, à titre onéreux, de la conduite et de la sécurité routière, soit dans une association d'insertion ou de réinsertion sociale ou professionnelle agréés au titre des articles L. 213-1 ou L. 213-7 du code de la route, soit dans un centre agréé de formation au brevet pour l'exercice de la profession d'enseignant de la conduite automobile et de la sécurité routière ; que selon l'article 7 et l'annexe 2 de l'arrêté dont la suspension est demandée cette formation, valable pour une durée de cinq ans, ne permet à son bénéficiaire d'encadrer que trois candidats au plus pendant de cette période ;
5. Considérant que du fait de cette limitation du nombre de candidats " libres " au permis de conduire pouvant être encadrés par un accompagnateur pendant une période de cinq ans, des difficultés pratiques rencontrées par les accompagnateurs, ainsi que cela ressort des pièces versées au dossier et des éléments apportés lors de l'audience publique, pour obtenir la formation exigée à compter du 1er octobre, et du refus des assureurs de couvrir l'activité de location de véhicules équipés en double commande en l'absence de la formation exigée à l'article 5 de l'arrêté, les sociétés requérantes qui pratiquent à titre principal, sinon exclusif la location de véhicules à double commande, risquent de voir leur activité fortement réduite; qu'il n'a pas été justifié devant le juge des référés de l'existence d'impératifs de sécurité et d'ordre public qui conduiraient à regarder la condition d'urgence comme non remplie ; que, dans ces conditions, l'exécution de l'arrêté litigieux est susceptible de porter à la situation des requérantes une atteinte suffisamment grave et immédiate pour caractériser une situation d'urgence ;
Sur la condition tenant à l'existence d'un moyen propre à faire naître un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté du 16 juillet 2013 :
6. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté dont la suspension est demandé a été signé par le préfet délégué à la sécurité et à la circulation routières, habilité, en application de l'article 1er du décret n°2005-850 du 27 juillet 2005, à signer au nom du ministre l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous son autorité ; que le moyen tiré de son incompétence n'est pas de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté contesté ;
7. Considérant, en deuxième lieu, que le moyen tiré de ce que la consultation du conseil supérieur de l'éducation routière serait irrégulière du fait de la partialité de ses membres n'étant pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien fondé, il n'est pas de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté dont la suspension est demandée;
8. Considérant, en troisième lieu, que l'arrêté dont la suspension est demandée n'a ni pour objet, ni pour effet de soumettre l'exercice de la profession de location de véhicules à double commande à des restrictions quantitatives ; que, dès lors, le moyen tiré du défaut de consultation préalable de l'Autorité de la concurrence prévue par l'article L. 462-2 du code de commerce n'est pas de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté litigieux ;
9. Considérant, en quatrième lieu, que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des motifs d'intérêt général, pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit, dans l'un comme dans l'autre cas, en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des différences de situation susceptibles de la justifier ; que les candidats pratiquant l'apprentissage libre et ceux pratiquant l'apprentissage anticipé de la conduite, l'apprentissage de la conduite encadrée ou l'apprentissage de la conduite supervisée ne sont pas dans une situation identique ; qu'en effet, dans le cadre de l'apprentissage anticipé de la conduite, de l'apprentissage de la conduite encadrée ou de la conduite supervisée, le candidat doit avoir suivi, au préalable, une phase de formation initiale, dans les conditions fixées par le code de la route aux articles R. 211-5-1 pour l'apprentissage dit anticipé de la conduite, R. 211-5 pour l'apprentissage en conduite dite supervisée et R. 211-5-2 pour la pratique de la conduite dite encadrée, dispensée par un enseignant de la conduite et de la sécurité routière, alors que cette formation préalable n'est pas prévue pour le candidat libre à l'examen du permis de conduire ; qu'en outre, l'utilisation pour cet apprentissage libre d'un véhicule à double commande suppose une formation spécifique pour le maniement de ce type de véhicule ; que, dès lors, le moyen tiré de ce qu'en imposant, dans un but de sécurité routière, une formation spécifique aux seuls accompagnateurs de candidats pratiquant l'apprentissage libre le décret du 18 décembre 2009 et l'arrêté litigieux pris pour son application auraient édicté une règle méconnaissant le principe d'égalité n'est pas de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté dont la suspension est demandée ;
10. Considérant, en cinquième lieu, que ni l'arrêté dont la suspension est demandée, en ce qu'il impose une obligation de formation spécifique de l'accompagnateur non professionnel d'un candidat libre au permis de conduire pour l'utilisation d' un véhicule à double commande, ni l'article R 211-3 du code de la route dans sa rédaction issue du décret du 18 décembre 2009, qui pose le principe de cette formation, n'ont pour objet ou pour effet de restreindre l'accès à la profession de loueurs de tels véhicules ; que, par suite, le moyen tiré de ce que ces dispositions méconnaîtraient le principe de la liberté du commerce et de l'industrie n'est pas de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté litigieux ;
11. Considérant, en sixième lieu, que les allégations selon lesquelles l'arrêté constituerait une aide déguisée de l'Etat aux établissements d'enseignement à titre onéreux de la conduite et de la sécurité routière et créerait une situation de concurrence déloyale au profit de ces auto-écoles sont dépourvues des précisions permettant d'en apprécier le bien fondé ;
12. Considérant, en septième lieu, que la formation désormais imposée aux accompagnateurs de candidats " libres " à l'examen du permis de conduire est valable pour une durée de cinq ans et permet à son titulaire de former trois candidats au plus au cours de cette même période ; que, si l'exigence de cette formation spécifique des accompagnateurs des candidats " libres " au permis de conduire apprenant la conduite au moyen d'un véhicule équipé de double commande en dehors des cas de conduite anticipée, supervisée ou encadrée au sens des articles R. 211-5 et suivants du code de la route, ainsi que la limitation à cinq ans de la durée de validité de cette formation répondent à un objectif de sécurité routière, le moyen tiré de ce que la limitation à trois candidats pouvant être formés par le titulaire de cette formation apporte une restriction excessive à la faculté, donnée par le décret du 18 décembre 2009 aux personnes titulaires depuis au moins cinq ans sans interruption du permis de conduire correspondant à la catégorie du véhicule utilisé, d'encadrer la pratique de l'apprentissage libre de la conduite, est de nature, en l'état de l'instruction à créer un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté ;
13. Considérant que les dispositions citées plus haut de l'article L 521-1 du code de justice administrative permettent au juge des référés , le cas échéant, de n'ordonner la suspension que de certains des effets d'une décision administrative ; qu'eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce, il y a lieu d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 16 juillet 2013, en tant seulement que son article 7 et son annexe 2 limitent à 3 le nombre de candidats au permis de conduire pouvant être encadrés par un accompagnateur ayant suivi la formation prévue à l'article 5 du même arrêté ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat le versement à l'Association défense permis banlieue et à la SARL LK Gestion de la somme globale de 2000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a également lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à l'association de défense des usagers et des professionnels de la location de voitures à double commande et autres la somme globale de 1500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 ;
O R D O N N E :
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Article 1er : L'exécution de l'arrêté du 16 juillet 2013 du ministre de l'intérieur et du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie relatif à l'apprentissage de la conduite des véhicules à moteur de la catégorie B du permis de conduire à titre non onéreux, publié au Journal officiel le 26 juillet 2013 est suspendue en tant que son article 7 et son annexe 2 limitent à 3 le nombre de candidats au permis de conduire pouvant être encadrés par un accompagnateur ayant suivi la formation prévue à l'article 5 du même arrêté.
Article 2 : L'Etat versera à l'association défense permis banlieue et à la SARL LK Gestion la somme globale de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : L'Etat versera à l'association de défense des usagers et des professionnels de la location de voitures à double commande et autres la somme globale de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.
Article 5: La présente ordonnance sera notifiée à l'association défense permis Banlieue, à la SARL LK gestion, à l'association de défense des usagers et des professionnels de la location de voitures à double commande (ADLDC), la société Free conduite, à la société Extraloc, à la société BBO SAS, à la société Génération conduite, la société Nycorp, à la société Happy permis, à la société France cars, à la société Easy driving, à la société Alter permis, à la société Ravy, à la société Solutions permis, à la société BMC conduite, à la société Free permis, à la société Perfect permis, à la société Permis radin, à la société Permis plus facile, à la société Auto et loc, à la société Permis rusé, à la société Ton permis à bas prix, à la société Fast and easy, au ministre de l'intérieur et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
N° 372190
ECLI:FR:CEORD:2013:372190.20131001
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés
Lecture du mardi 1 octobre 2013
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu 1°), sous le n° 372190, la requête, enregistrée le 16 septembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'association défense permis banlieue, dont le siège social est 17, rue Paul Langevin à Montreuil (93100), représentée par son président en exercice, et par la SARL LK Gestion, dont le siège est 63, boulevard Poniatowski à Paris (75012), représentée par son gérant ; les requérantes demandent au juge des référés du Conseil d'Etat :
1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté du 16 juillet 2013 relatif à l'apprentissage de la conduite des véhicules à moteur de la catégorie B du permis de conduire à titre non onéreux, publié au Journal officiel le 26 juillet 2013 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elles soutiennent que :
- la condition d'urgence est remplie dès lors que l'arrêté contesté porte une atteinte grave et immédiate aux intérêts des sociétés et des professionnels qu'elles représentent en ce qu'il impose aux accompagnateurs de candidats " libres " au permis de conduire de suivre une formation spécifique et que les différents acteurs susceptibles de délivrer une telle formation ne seront matériellement pas prêts à faire face à la demande du public au 1er octobre, date d'entrée en vigueur de l'arrêté, ce qui aura pour effet d'interrompre l'activité des sociétés requérantes et entraînera un désengagement des compagnies d'assurances en cas de sinistre ; et, qu'en outre, les dispositions de l'arrêté sont susceptibles de créer une situation de distorsion de concurrence injustifiée portant ainsi une atteinte grave et immédiate aux intérêts des professionnels qu'elle représentent ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté ;
- l'arrêté est entaché d'un vice de forme en ce que l'Autorité de la concurrence n'a pas été consultée par le Gouvernement ;
- l'arrêté a été pris en violation du décret du 18 décembre 2009 en ce qu'il ajoute des conditions restrictives à l'accompagnement à l'apprentissage de la conduite ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur de droit en ce qu'il porte atteinte de manière disproportionnée au principe de liberté du commerce et de l'industrie dès lors qu'il constitue une aide déguisée de l'Etat aux établissements d'enseignement, à titre onéreux, de la conduite et de la sécurité routière et crée une situation de concurrence déloyale ;
Vu l'arrêté dont la suspension de l'exécution est demandée ;
Vu la copie de la requête à fin d'annulation de cet arrêté ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2013, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête ;
il soutient que :
-la condition d'urgence n'est pas remplie dès lors que les dispositions de l'arrêté contesté mettent en oeuvre une disposition réglementaire issue du décret n° 2009-1590 du 18 décembre 2009, que l'entrée en vigueur de ces dispositions a été différée au 1er octobre 2013 et que celles-ci ne créent aucune obligation nouvelle pour les loueurs de véhicules à double commande ;
- il n'existe pas de doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté ;
- la consultation de l'Autorité de la concurrence n'était pas nécessaire ;
- il n'y a pas d'atteinte au principe de la liberté du commerce et de l'industrie dès lors que l'arrêté n'a pas pour objet de restreindre l'accès à la profession de loueurs de voiture à double commande ;
- l'arrêté n'ajoute pas de conditions restrictives au décret n° 2009-1590 du 18 décembre 2009 ;
- l'arrêté n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en tant qu'il répond à un objectif de sécurité routière et qu'il n'est pas disproportionné par rapport à l'objectif poursuivi ;
Vu le mémoire de productions, enregistré le 25 septembre 2013, présenté par l'association défense permis banlieue et par la SARL LK Gestion ;
Vu 2°), sous le n° 372335, la requête, enregistrée le 23 septembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'association de défense des usagers et des professionnels de la location de voitures à double commande (ADLDC), dont le siège est 6, Place Claude Tournier à Combes-la-Ville (77380), représentée par sa présidente en exercice, la société Free conduite, dont le siège social est 2, rue de l'égalité à Gonesse (95500), représentée par son représentant légal en exercice, la société Extraloc, dont le siège social est 1, rue Jean Carasso à Bezons (95870), représentée par son représentant légal en exercice, la société BBO SAS, dont le siège social est 61, rue du Manoir à Puiseux-en-France (95380), représentée par son représentant légal en exercice, la société Génération conduite, dont le siège social est 6, place Claude Tournier à Combs-la-Ville (77380), représentée par son représentant légal en exercice, la société Nycorp, dont le siège social est 57, rue de la Commune à Aubervilliers (93300), représentée par son représentant légal en exercice, la société Happy permis, dont le siège social est 52 bis, boulevard Saint-Jacques à Paris (75014), représentée par son représentant légal en exercice, la société France cars, dont le siège social est 46, rue Paul Claudel à Evry (91000), représentée par son représentant légal en exercice, la société Easy driving, dont le siège social est 1, place Christiane Frahier à Saint-Germain-en-Laye (78100), représentée par son représentant légal en exercice, la société Alter permis, dont le siège social est 3, rue de la Méditerranée à Montpellier (34000), représentée par son représentant légal en exercice, la société Ravy, dont le siège social est 4, rue Noémie à Bondy (93140), représentée par son représentant légal en exercice, la société Solutions permis, dont le siège social est 115, route Nationale à Saulchery (02310), représentée par son représentant légal en exercice, la société BMC conduite, dont le siège social est 4, rue des frères Lumière à Plaisir (78370), représentée par son représentant légal en exercice, la société Free permis, dont le siège social est 17, Grande Rue à Torcy (77200), représentée par son représentant légal en exercice, la société Perfect permis, dont le siège social est 189, rue Fontenay à Vincennes (94300), représentée par son représentant légal en exercice, la société Permis radin, dont le siège social est 155, rue des Chartreux à Marseille (13004), représentée par son représentant légal en exercice, la société Permis plus facile, dont le siège social est 19, avenue du maréchal Foch à Chelles (77500), représentée par son représentant légal en exercice, la société Auto et loc, dont le siège social est 50, chemin des Ayencins à Rousillon (38150), représentée par son représentant légal en exercice, la société Permis rusé, dont le siège social est 15, rue de Provence à Argentan (61200), représentée par son représentant légal en exercice, la société Ton permis à bas prix, dont le siège social est 64, boulevard d'Haussonville à Nancy (54000), représentée par son représentant légal en exercice et la société Fast and easy, dont le siège social est 6, avenue de la cour de France à Juvisy-sur-Orge (91260), représentée par son représentant légal en exercice ; les requérantes demandent au juge des référés du Conseil d'Etat :
1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté du 16 juillet 2013 relatif à l'apprentissage de la conduite des véhicules à moteur de la catégorie B du permis de conduire à titre non onéreux, publié au journal officiel le 26 juillet 2013 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elles soutiennent que :
- la condition d'urgence est remplie dès lors que l'arrêté contesté porte une atteinte grave et immédiate aux intérêts des sociétés et des professionnels qu'elles représentent en ce qu'il impose aux accompagnateurs de candidats " libres " au permis de conduire de suivre une formation spécifique et que les différents acteurs susceptibles de délivrer une telle formation ne seront matériellement pas prêts à faire face à la demande du public au 1er octobre, date d'entrée en vigueur de l'arrêté ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté ;
- l'arrêté a été pris par une autorité incompétente ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur de droit dès lors qu'il restreint l'accès au dispositif d'apprentissage en ce que, d'une part, la formation de l'accompagnateur mise en place par l'arrêté contesté ne sera pas assurée dans certaines parties du territoire, dans la mesure où un nombre important d'auto-écoles ne souhaitent pas délivrer ces formations, et que, d'autre part, le coût de la formation va faire augmenter le prix de la location des véhicules à double commande, ce qui pénalisera la personne souhaitant passer son permis de conduire en tant que candidat libre ;
- l'arrêté a été pris au terme d'une procédure irrégulière en ce que l'Autorité de la concurrence n'a pas été consultée par le Gouvernement ;
- l'arrêté porte atteinte à la libre concurrence en ce qu'il permet aux auto-écoles de délivrer la formation mise en place par l'arrêté contesté alors que ces dernières sont des concurrentes des sociétés requérantes ;
- l'arrêté porte atteinte au principe d'égalité des usagers du service public ;
- l'arrêté porte une atteinte disproportionnée à la situation des requérantes compte tenu de l'objectif de sécurité routière poursuivi ;
Vu l'arrêté dont la suspension de l'exécution est demandée ;
Vu la copie de la requête à fin d'annulation de cet arrêté ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 septembre 2013, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête ;
il soutient que :
- la condition d'urgence n'est pas remplie dès lors que les dispositions de l'arrêté contestée mettent en oeuvre une disposition réglementaire issue du décret n° 2009-1590 du 18 décembre 2009, que l'entrée en vigueur de ces dispositions a été différée au 1er octobre 2013 et que celles-ci ne crée aucune obligation nouvelle pour les loueurs de véhicules à double commande ;
- il n'existe pas de doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté ;
- le préfet délégué à la sécurité routière, était compétent pour signer l'arrêt contesté ;
- la consultation de l'Autorité de la concurrence n'était pas nécessaire et que le projet d'arrêté a été approuvé à l'unanimité par le comité consultatif de la législation et de la réglementation financière ;
- il n'y a pas d'atteinte au principe de la liberté du commerce et de l'industrie, qui n'est ni générale ni absolue, dès lors que l'arrêté litigieux n'a pas pour objet de restreindre l'accès à la profession de loueurs de voiture à double commande ;
- l'arrêté ne porte pas atteinte au principe d'égalité des usagers dès lors qu'ils ne sont pas dans une situation identique ;
- l'arrêté n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en tant qu'il répond à un objectif de sécurité routière et qu'il n'est pas disproportionné par rapport à l'objectif poursuivi ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 26 septembre 2013, présenté par l'association de défense des usagers et des professionnels de la location de voitures à double commande (ADLDC) et autres, qui persistent dans leurs conclusions par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de commerce ;
Vu le code de la route ;
Vu le décret n°2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement.
Vu le décret n° 2009-1590 en date du 18 décembre 2009 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, l'association défense permis banlieue et la société LK Gestion, ainsi que l'association de défense des usagers et des professionnels de la location de voitures à double commande (ADLDC), d'autre part, le ministre de l'intérieur et le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 26 septembre 2013 à 14 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :
- les représentants de l'association défense permis banlieue, et de la société LK Gestion;
- les représentants de l'association de défense des usagers et des professionnels de la location de voitures à double commande et autres;
- les représentants du ministre de l'intérieur ;
et à l'issue de laquelle le juge des référés a clôturé l'instruction ;
1. Considérant que les deux requêtes visées ci-dessus sont dirigées contre le même arrêté du 16 juillet 2013 et présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule ordonnance ;
2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;
Sur l'urgence :
3. Considérant que l'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celle-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ; que l'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire ;
4. Considérant que l'article 5 de l'arrêté ministériel dont la suspension est demandée impose à l'accompagnateur d'un candidat " libre " au permis de conduire se formant sur un véhicule à double commande en dehors des cas de conduite anticipée, supervisée ou encadrée au sens des articles R. 211-5 et suivants du code de la route, une formation spécifique d'une durée de 4 heures pouvant être dispensée soit dans un établissement d'enseignement, à titre onéreux, de la conduite et de la sécurité routière, soit dans une association d'insertion ou de réinsertion sociale ou professionnelle agréés au titre des articles L. 213-1 ou L. 213-7 du code de la route, soit dans un centre agréé de formation au brevet pour l'exercice de la profession d'enseignant de la conduite automobile et de la sécurité routière ; que selon l'article 7 et l'annexe 2 de l'arrêté dont la suspension est demandée cette formation, valable pour une durée de cinq ans, ne permet à son bénéficiaire d'encadrer que trois candidats au plus pendant de cette période ;
5. Considérant que du fait de cette limitation du nombre de candidats " libres " au permis de conduire pouvant être encadrés par un accompagnateur pendant une période de cinq ans, des difficultés pratiques rencontrées par les accompagnateurs, ainsi que cela ressort des pièces versées au dossier et des éléments apportés lors de l'audience publique, pour obtenir la formation exigée à compter du 1er octobre, et du refus des assureurs de couvrir l'activité de location de véhicules équipés en double commande en l'absence de la formation exigée à l'article 5 de l'arrêté, les sociétés requérantes qui pratiquent à titre principal, sinon exclusif la location de véhicules à double commande, risquent de voir leur activité fortement réduite; qu'il n'a pas été justifié devant le juge des référés de l'existence d'impératifs de sécurité et d'ordre public qui conduiraient à regarder la condition d'urgence comme non remplie ; que, dans ces conditions, l'exécution de l'arrêté litigieux est susceptible de porter à la situation des requérantes une atteinte suffisamment grave et immédiate pour caractériser une situation d'urgence ;
Sur la condition tenant à l'existence d'un moyen propre à faire naître un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté du 16 juillet 2013 :
6. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté dont la suspension est demandé a été signé par le préfet délégué à la sécurité et à la circulation routières, habilité, en application de l'article 1er du décret n°2005-850 du 27 juillet 2005, à signer au nom du ministre l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous son autorité ; que le moyen tiré de son incompétence n'est pas de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté contesté ;
7. Considérant, en deuxième lieu, que le moyen tiré de ce que la consultation du conseil supérieur de l'éducation routière serait irrégulière du fait de la partialité de ses membres n'étant pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien fondé, il n'est pas de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté dont la suspension est demandée;
8. Considérant, en troisième lieu, que l'arrêté dont la suspension est demandée n'a ni pour objet, ni pour effet de soumettre l'exercice de la profession de location de véhicules à double commande à des restrictions quantitatives ; que, dès lors, le moyen tiré du défaut de consultation préalable de l'Autorité de la concurrence prévue par l'article L. 462-2 du code de commerce n'est pas de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté litigieux ;
9. Considérant, en quatrième lieu, que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des motifs d'intérêt général, pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit, dans l'un comme dans l'autre cas, en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des différences de situation susceptibles de la justifier ; que les candidats pratiquant l'apprentissage libre et ceux pratiquant l'apprentissage anticipé de la conduite, l'apprentissage de la conduite encadrée ou l'apprentissage de la conduite supervisée ne sont pas dans une situation identique ; qu'en effet, dans le cadre de l'apprentissage anticipé de la conduite, de l'apprentissage de la conduite encadrée ou de la conduite supervisée, le candidat doit avoir suivi, au préalable, une phase de formation initiale, dans les conditions fixées par le code de la route aux articles R. 211-5-1 pour l'apprentissage dit anticipé de la conduite, R. 211-5 pour l'apprentissage en conduite dite supervisée et R. 211-5-2 pour la pratique de la conduite dite encadrée, dispensée par un enseignant de la conduite et de la sécurité routière, alors que cette formation préalable n'est pas prévue pour le candidat libre à l'examen du permis de conduire ; qu'en outre, l'utilisation pour cet apprentissage libre d'un véhicule à double commande suppose une formation spécifique pour le maniement de ce type de véhicule ; que, dès lors, le moyen tiré de ce qu'en imposant, dans un but de sécurité routière, une formation spécifique aux seuls accompagnateurs de candidats pratiquant l'apprentissage libre le décret du 18 décembre 2009 et l'arrêté litigieux pris pour son application auraient édicté une règle méconnaissant le principe d'égalité n'est pas de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté dont la suspension est demandée ;
10. Considérant, en cinquième lieu, que ni l'arrêté dont la suspension est demandée, en ce qu'il impose une obligation de formation spécifique de l'accompagnateur non professionnel d'un candidat libre au permis de conduire pour l'utilisation d' un véhicule à double commande, ni l'article R 211-3 du code de la route dans sa rédaction issue du décret du 18 décembre 2009, qui pose le principe de cette formation, n'ont pour objet ou pour effet de restreindre l'accès à la profession de loueurs de tels véhicules ; que, par suite, le moyen tiré de ce que ces dispositions méconnaîtraient le principe de la liberté du commerce et de l'industrie n'est pas de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté litigieux ;
11. Considérant, en sixième lieu, que les allégations selon lesquelles l'arrêté constituerait une aide déguisée de l'Etat aux établissements d'enseignement à titre onéreux de la conduite et de la sécurité routière et créerait une situation de concurrence déloyale au profit de ces auto-écoles sont dépourvues des précisions permettant d'en apprécier le bien fondé ;
12. Considérant, en septième lieu, que la formation désormais imposée aux accompagnateurs de candidats " libres " à l'examen du permis de conduire est valable pour une durée de cinq ans et permet à son titulaire de former trois candidats au plus au cours de cette même période ; que, si l'exigence de cette formation spécifique des accompagnateurs des candidats " libres " au permis de conduire apprenant la conduite au moyen d'un véhicule équipé de double commande en dehors des cas de conduite anticipée, supervisée ou encadrée au sens des articles R. 211-5 et suivants du code de la route, ainsi que la limitation à cinq ans de la durée de validité de cette formation répondent à un objectif de sécurité routière, le moyen tiré de ce que la limitation à trois candidats pouvant être formés par le titulaire de cette formation apporte une restriction excessive à la faculté, donnée par le décret du 18 décembre 2009 aux personnes titulaires depuis au moins cinq ans sans interruption du permis de conduire correspondant à la catégorie du véhicule utilisé, d'encadrer la pratique de l'apprentissage libre de la conduite, est de nature, en l'état de l'instruction à créer un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté ;
13. Considérant que les dispositions citées plus haut de l'article L 521-1 du code de justice administrative permettent au juge des référés , le cas échéant, de n'ordonner la suspension que de certains des effets d'une décision administrative ; qu'eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce, il y a lieu d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 16 juillet 2013, en tant seulement que son article 7 et son annexe 2 limitent à 3 le nombre de candidats au permis de conduire pouvant être encadrés par un accompagnateur ayant suivi la formation prévue à l'article 5 du même arrêté ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat le versement à l'Association défense permis banlieue et à la SARL LK Gestion de la somme globale de 2000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a également lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à l'association de défense des usagers et des professionnels de la location de voitures à double commande et autres la somme globale de 1500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 ;
O R D O N N E :
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Article 1er : L'exécution de l'arrêté du 16 juillet 2013 du ministre de l'intérieur et du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie relatif à l'apprentissage de la conduite des véhicules à moteur de la catégorie B du permis de conduire à titre non onéreux, publié au Journal officiel le 26 juillet 2013 est suspendue en tant que son article 7 et son annexe 2 limitent à 3 le nombre de candidats au permis de conduire pouvant être encadrés par un accompagnateur ayant suivi la formation prévue à l'article 5 du même arrêté.
Article 2 : L'Etat versera à l'association défense permis banlieue et à la SARL LK Gestion la somme globale de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : L'Etat versera à l'association de défense des usagers et des professionnels de la location de voitures à double commande et autres la somme globale de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.
Article 5: La présente ordonnance sera notifiée à l'association défense permis Banlieue, à la SARL LK gestion, à l'association de défense des usagers et des professionnels de la location de voitures à double commande (ADLDC), la société Free conduite, à la société Extraloc, à la société BBO SAS, à la société Génération conduite, la société Nycorp, à la société Happy permis, à la société France cars, à la société Easy driving, à la société Alter permis, à la société Ravy, à la société Solutions permis, à la société BMC conduite, à la société Free permis, à la société Perfect permis, à la société Permis radin, à la société Permis plus facile, à la société Auto et loc, à la société Permis rusé, à la société Ton permis à bas prix, à la société Fast and easy, au ministre de l'intérieur et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.