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Ariane Web: Conseil d'État 361698, lecture du 12 juin 2013, ECLI:FR:CESSR:2013:361698.20130612

Décision n° 361698
12 juin 2013
Conseil d'État

N° 361698
ECLI:FR:CESSR:2013:361698.20130612
Mentionné aux tables du recueil Lebon
6ème et 1ère sous-sections réunies
Mme Sophie Roussel, rapporteur
Mme Suzanne von Coester, rapporteur public
SCP WAQUET, FARGE, HAZAN, avocats


Lecture du mercredi 12 juin 2013
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 et 7 août 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. B...A..., demeurant ... ; M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 2 août 2012 par lequel il a été nommé, dans l'intérêt du service, avocat général près la cour d'appel de Paris ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;

Vu le décret n° 94-199 du 9 mars 1994 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie Roussel, Auditeur,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. A...;



1. Considérant qu'aux termes du décret attaqué, M.A..., qui exerçait les fonctions de procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nanterre, a été nommé, dans l'intérêt du service, avocat général près la cour d'appel de Paris ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aucune disposition ni aucun principe général du droit n'interdisent au Président de la République, chargé par l'article 28 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature de prendre les décrets portant nomination aux fonctions exercées par les magistrats, de muter d'office dans l'intérêt du service les magistrats qui ne bénéficient pas de l'inamovibilité ; que les dispositions de l'article 58-1 de cette même ordonnance, qui prévoient la faculté pour le garde des sceaux, ministre de la justice, saisi d'une plainte ou informé de faits paraissant de nature à entraîner des poursuites disciplinaires contre un magistrat du parquet, d'interdire, s'il y a urgence, au magistrat faisant l'objet d'une enquête administrative ou pénale l'exercice de ses fonctions jusqu'à décision définitive sur les poursuites disciplinaires, ne font pas obstacle au prononcé d'une mesure de mutation d'office dans l'intérêt du service, alors même que des poursuites disciplinaires sont engagées à l'encontre de ce magistrat ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que le moyen tiré de l'absence de signature du décret attaqué par les autorités compétentes manque en fait ;

4. Considérant, en troisième lieu, que si la décision portant mutation d'office dans l'intérêt du service d'un magistrat ne bénéficiant pas de l'inamovibilité ne peut être prise sans communication préalable de son dossier à l'intéressé, aucun texte ni aucun principe général n'exigent que celui-ci soit, préalablement à la saisine pour avis de la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature, reçu personnellement par le garde des sceaux; que, par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué aurait été pris à l'issue d'une procédure irrégulière au motif que M.A..., qui a été mis à même de demander la communication de son dossier, n'a pas été reçu par la garde des sceaux préalablement à la saisine du Conseil supérieur de la magistrature ne peut qu'être écarté ;

5. Considérant, en quatrième lieu, qu'en vertu de l'article 28 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 déjà mentionné, les décrets portant nomination de magistrats du parquet sont pris par le Président de la République, sur proposition du garde des sceaux, après avis de la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature ; que, si le requérant soutient que celle-ci aurait été convoquée dans des conditions méconnaissant les dispositions de l'article 35 du décret du 9 mars 1994 relatif au Conseil supérieur de la magistrature, il n'assortit pas ce moyen de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien fondé ;

6. Considérant, en cinquième lieu, que si le requérant soutient que la garde des sceaux aurait annoncé vouloir suivre systématiquement les avis du Conseil supérieur de la magistrature sur les projets de nomination de magistrats du parquet, il n'apporte en tout état de cause aucun élément circonstancié de nature à établir que la garde des sceaux se serait dispensée de porter sa propre appréciation sur sa situation et aurait, dès lors, méconnu l'étendue de sa compétence en s'estimant à tort liée par l'avis du Conseil supérieur pour formuler sa proposition ;

7. Considérant, en sixième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la nomination de M. A...comme avocat général près la cour d'appel de Paris a été motivée par le souci de rétablir un fonctionnement serein du tribunal de grande instance de Nanterre, affecté notamment par le retentissement médiatique des procédures disciplinaires et pénales engagées contre le requérant et par des dissensions entre magistrats ; que si M. A...soutient que le choix de l'affecter au parquet près la cour d'appel de Paris comme avocat général avait pour effet de porter atteinte à sa situation professionnelle, le fait de confier à un magistrat hors-hiérarchie un nouvel emploi qui figure, comme l'emploi qu'il occupait précédemment, au nombre des emplois hors-hiérarchie énumérés à l'article 3 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, ne constitue pas une rétrogradation au sens des dispositions de l'ordonnance du 22 décembre 1958 relatives à la discipline des magistrats ; que, par ailleurs, si M. A...avait formulé, peu avant l'intervention de la décision attaquée, une demande de mise en disponibilité pour convenance personnelle afin d'exercer une activité d'avocat au barreau de Paris, et que le choix de l'affecter au parquet près la cour d'appel de Paris privait, compte tenu des règles d'incompatibilité énoncées à l'article 9-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, son projet de toute chance de succès, une telle circonstance ne révèle pas un motif disciplinaire, eu égard, notamment, au caractère très récent de l'information donnée sur ce point à la garde des sceaux et aux incertitudes qui affectaient, en tout état de cause, son aboutissement ; que le calendrier resserré dans lequel est intervenue la mutation de M. A...ne permet pas davantage de caractériser l'existence d'un motif disciplinaire ; que, par suite, contrairement à ce qui est soutenu, la nomination attaquée n'a pas le caractère d'une sanction disciplinaire déguisée ;

8. Considérant, en dernier lieu, que si le requérant fait valoir que le parquet général près la cour d'appel de Paris a la charge de procédures pénales dirigées contre lui, la décision attaquée n'est, eu égard aux circonstances de fait rappelées au point précédent, entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation du décret du 2 août 2012 ; que, par suite, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;


D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B...A..., à la garde des sceaux, ministre de la justice et au Premier ministre.


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