Conseil d'État
N° 347073
ECLI:FR:CESSR:2012:347073.20120713
Publié au recueil Lebon
7ème et 2ème sous-sections réunies
M. Laurent Cytermann, rapporteur
M. Bertrand Dacosta, rapporteur public
SCP LYON-CAEN, THIRIEZ, avocats
Lecture du vendredi 13 juillet 2012
Vu, 1°) sous le n° 347073, la requête, enregistrée le 25 février 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la communauté de communes d'Erdre et Gesvres, dont le siège est 1 rue Marie Curie à Grandchamp-des-Fontaines (44119) ; la communauté de communes d'Erdre et Gesvres demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le décret n° 2010-1699 du 29 décembre 2010 approuvant la convention passée entre l'Etat et la société concessionnaire Aéroports du Grand Ouest pour la concession des aérodromes de Notre-Dame-des-Landes, Nantes-Atlantique et Saint-Nazaire-Montoir et le cahier des charges annexé à cette convention ;
2°) d'annuler la décision de signer la convention de concession avec la société Aéroports du Grand Ouest ;
3°) d'enjoindre à l'Etat de résilier la convention de concession ou, à défaut, de saisir le juge du contrat afin qu'il constate la nullité de cette convention sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu, 2°) sous le n° 347170, la requête, enregistrée le 1er mars 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour l'association Les Verts des Pays-de-la-Loire, dont le siège est 58 rue Fourré à Nantes (44000), l'association Grand Ouest Verts Ecologie, dont le siège est 342 chemin de Saint-Pierre le Potier à Laval (53000), M. Dorian Piette, demeurant 12 rue Franklin à Nantes (44000), M. Jean-Philippe Magnen, demeurant 4 rue Cassard à Rezé (44400), M. Guy Hascoët, demeurant 12 bis corniche Gloas Treiz à Trébeurden (22560), M. Alexis Braud, demeurant 25 rue Lucien Corbin à Challes (72250), M. Nicolas Gouon, demeurant 1 rue Corneille à Angers (49000), M. Eric Martin, demeurant La Morissais à Fay-de-Bretagne (44130), M. Ludovic Dronet, demeurant 3 rue de la Paix à Nantes (44000), M. Martin Siloret, demeurant 25 rue de Vouziers à Rennes (35000), Mlle Gaëlle Audrain, demeurant 2 cours Sully à Nantes (44000) et Mlle Manon Hamon, demeurant 17 route de Saint-Savin à Saint-Etienne-de-Montluc (44360) ; l'association Les Verts des
Pays-de-la-Loire et autres demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le décret n° 2010-1699 du 29 décembre 2010 approuvant la convention passée entre l'Etat et la société concessionnaire Aéroports du Grand Ouest pour la concession des aérodromes de Notre-Dame-des-Landes, Nantes-Atlantique et Saint-Nazaire-Montoir et le cahier des charges annexé à cette convention ;
2°) d'enjoindre au ministre chargé des transports de saisir le juge du contrat afin qu'il constate la nullité de la convention sous astreinte de 500 euros par jour ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
....................................................................................
Vu, 3°) sous le n° 350925, l'ordonnance n° 1102124 du 27 juin 2011, enregistrée le 15 juillet 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de Nantes a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par l'association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes et autres ;
Vu la requête, enregistrée le 8 mars 2011 au greffe du tribunal administratif de Nantes, présentée par l'association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes (ACIPA), dont le siège est 45 rue de Nantes Boîte postale 5 à Notre-Dame-des-Landes (44130), l'association Bien Vivre à Vigneux, dont le siège est La Bernardière à Vigneux-de-Bretagne (44360), l'association Adeca, demeurant Mairie rue Pierre Civel à Notre-Dame-des-Landes (44130), l'association Solidarité Ecologies - La Chapelle-sur-Erdre, dont le siège est La Gilière à La Chapelle-sur-Erdre (44240), la Confédération paysanne de Loire-Atlantique, dont le siège est 31 boulevard Albert Einstein CS 12361 à Nantes (44323 Cedex 3) et M. Régis Bergounhou, demeurant La Verdinière à Heric (44810) ; l'Association ACIPA et autres demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le décret n° 2010-1699 du 29 décembre 2010 par lequel le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement a approuvé la convention passée entre l'Etat et la société Aéroports du Grand Ouest pour la concession des aérodromes de Notre-Dame-des-Landes, Nantes Atlantique et Saint-Nazaire-Montoir ainsi que le cahier des charges joint au décret et à tout le moins, d'annuler les articles 1.4, 4.D, 59, 67 et 79 de ce cahier ;
2°) d'enjoindre à l'Etat de saisir le juge administratif dans un délai d'un mois suivant la notification du jugement afin qu'il constate la nullité de tout ou partie des clauses fixées dans le cahier des charges de la concession ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
Vu le code de l'aviation civile ;
Vu la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 ;
Vu la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 ;
Vu le décret n° 93-471 du 24 mars 1993 ;
Vu le décret n° 2009-266 du 9 mars 2009 ;
Vu le décret n° 2010-1503 du 8 décembre 2010 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Laurent Cytermann, Maître des Requêtes en service extraordinaire,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie,
- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ;
1. Considérant que les trois requêtes sont dirigées contre le même décret du 29 décembre 2010 approuvant la convention passée entre l'Etat et la société concessionnaire Aéroports du Grand Ouest pour la concession des aérodromes de Notre-Dame-des-Landes, Nantes-Atlantique et Saint-Nazaire-Montoir, le cahier des charges annexé à la convention et la même décision de signer cette convention ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la régularité des signatures :
2. Considérant que le secrétaire d'Etat chargé des transports était compétent pour signer la concession en application des dispositions des articles 1er et 3 du décret du 8 décembre 2010 relatif à ses attributions ; que s'agissant du décret portant approbation de la convention, le Premier ministre a produit une ampliation comportant sa signature et celles des ministres concernés ;
Sur la procédure de publicité et de mise en concurrence :
3. Considérant, en premier lieu, que conformément à l'article 1er du décret du 24 mars 1993 portant application de l'article 38 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relatif à la publicité des délégations de service public, l'avis d'appel public à la concurrence a été publié au Bulletin officiel des annonces de marchés publics et dans la revue spécialisée " Air et Cosmos ", avec les informations requises par le décret du 24 mars 1993 en ce qui concerne les caractéristiques essentielles de la délégation de service public ; que les critères de sélection des candidats ont été clairement énoncés ; que manque en fait le moyen tiré de ce que l'avis d'appel public à concurrence ne ferait pas état du versement d'une subvention au concessionnaire ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que la circonstance que la procédure de publication des avis d'appel public à concurrence a été annulée pour être entièrement reprise, donnant lieu à la publication d'un rectificatif dans les revues nationales et au Journal officiel de l'Union européenne, n'a été susceptible ni de dissuader des candidats de présenter leur candidature, ni de les induire en erreur dans la présentation de leurs offres ; que cette succession de publications n'est pas, en tant que telle, constitutive d'un manquement aux règles de publicité et de mise en concurrence ; qu'elle a d'ailleurs été mise en oeuvre précisément pour assurer le plein respect de ces règles ;
5. Considérant, en troisième lieu, que le cahier des charges mis à la disposition des candidats, indiquant, en son annexe 16, les tarifs des redevances à l'entrée en vigueur de la concession et, en son annexe 17, leur évolution prévisible, compte tenu du cadre réglementaire, lequel détermine les évolutions des redevances, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les candidats n'ont pas obtenu communication des conditions de tarification du service rendu à l'usager en application de l'article 38 de la loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques ; que pour le même motif, le moyen tiré de ce que les critères de calcul des redevances aéroportuaires ne seraient pas définis ne peut qu'être écarté ;
6. Considérant, en quatrième lieu, qu'une commission consultative a été créée dans le cadre de la procédure d'appel d'offres par le décret du 9 mars 2009 portant création d'une commission consultative dans le cadre de la procédure d'appel d'offres de la concession des aéroports de Nantes-Atlantique, Saint-Nazaire-Montoir et Notre-Dame-des-Landes ; que la communauté de communes n'apporte aucun élément permettant d'apprécier le bien-fondé de son moyen tiré de ce que la consultation de cette commission aurait été irrégulière ; qu'au surplus, le ministre produit l'avis de convocation et justifie de la régularité de la convocation, de la composition de la commission et du respect du quorum ;
7. Considérant, en cinquième lieu, que la circonstance que les documents de la consultation ne feraient pas état de l'amortissement des aéroports actuels inclus dans le périmètre de la concession ni de l'éventuel passif de leur bilan n'a pas empêché les candidats de présenter utilement leurs offres et ne constitue pas un manquement aux règles de publicité et de mise en concurrence ;
Sur les autres moyens de procédure :
8. Considérant, en premier lieu, qu'il ne peut être soutenu que la conclusion de la concession n'aurait pas été précédée de la décision de créer l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, la signature de la concession révélant nécessairement l'existence de cette décision ; que le conseil supérieur de l'infrastructure et de la navigation aériennes, dont la consultation était alors prévue par l'article D. 211-2 du code de l'aviation civile, étant composé exclusivement de représentants des services de l'Etat, l'absence de sa consultation n'a pas exercé d'influence sur la décision prise par l'Etat ou privé les intéressés d'une garantie ; que le moyen tiré de ce que le défaut de consultation de ce conseil aurait entaché d'illégalité le décret doit donc être écarté ;
9. Considérant, en deuxième lieu, que les requérants ne peuvent utilement invoquer une méconnaissance du I de l'article 28 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, ces dispositions ayant été abrogées sans être reprises, avant l'intervention du décret attaqué, par l'ordonnance du 28 octobre 2010 relative à la partie législative du code des transports ;
Sur les moyens relatifs à l'illégalité des clauses de la convention :
10. Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de ce que l'augmentation des redevances des aéroports de Nantes-Atlantique et de Saint-Nazaire-Montoir prévue par la concession méconnaîtrait les dispositions de l'article R. 224-3 du code de l'aviation civile est inopérant, dès lors que la concession ne fixe que le cadre général de détermination des tarifs, sur la base duquel ceux-ci seront ensuite établis dans le respect des modalités prévues par cet article R. 224-3 ; que de même, est inopérant le moyen tiré de la méconnaissance du II de l'article R. 224-2-1 du même code relatif à l'élaboration d'une étude d'impact de l'évolution des tarifs compte tenu de dépenses futures de construction, dès lors que s'agissant des aéroports existants, ne sont pas en cause d'éventuelles dépenses futures de construction ;
11. Considérant, en deuxième lieu, qu'en tout état de cause, si l'article 4D du cahier des charges autorise une certaine variation de la date de mise en service de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, dans des limites qu'il définit, la mise en service de cet aéroport n'est pas conditionnelle, contrairement aux allégations des requérants ;
12. Considérant, en troisième lieu, que l'allégation très générale, non assortie de précisions, selon laquelle n'ont pas été prises en compte la subvention d'investissement accordée au délégataire ni les recettes provenant de l'exploitation des aéroports, ne permet pas d'apprécier le bien-fondé du moyen tiré de ce que la durée de la concession serait excessive compte tenu de l'ensemble des données économiques figurant au dossier et sur lesquelles l'Etat s'est fondé pour fixer cette durée ;
13. Considérant, en quatrième lieu, que si l'article 59 du cahier des charges permet à l'Etat d'imposer en cours d'exécution la réalisation de nouveaux investissements, il ne pourra avoir pour effet de permettre une modification substantielle des éléments essentiels de la concession et en particulier de l'objet du contrat ;
14. Considérant, en cinquième lieu, que le moyen tiré de ce que les redevances perçues sur les usagers de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes seraient irrégulières est inopérant, la concession ne comportant en la matière que des prévisions qui ne lient pas le concessionnaire ;
15. Considérant, enfin, que les requérants ne peuvent utilement invoquer un " principe d'équilibre financier du contrat de concession " ; que l'exécution de la concession se fait d'ailleurs aux frais et risques du concessionnaire ;
Sur le moyen tiré du défaut de notification de la subvention prévue par la concession :
16. Considérant qu'aux termes de l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. (...) " ; que selon le paragraphe 3 de l'article 108 du même traité : " La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché intérieur, aux termes de l'article 107, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'Etat membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale. " ; que l'article R. 223-2 du code de l'aviation civile dispose : " (...) Les concessions qui portent dérogation au cahier des charges type sont accordées par décret en Conseil d'Etat pris sur le rapport du ministre chargé de l'aviation civile, du ministre chargé de l'économie et des finances et du ministre chargé de la défense lorsqu'il est affectataire principal (...) " ;
17. Considérant que le III de l'article 67 du cahier des charges de la concession stipule : " Le concessionnaire perçoit les subventions allouées en vue de la construction de l'aérodrome de Notre-Dame-des-Landes ou pour l'exercice des missions prévues par le présent cahier des charges (...) " ; que l'annexe 13 de la concession prévoit le versement d'une subvention de l'Etat dans l'attente de l'application d'une convention de financement conclue entre le concessionnaire et les collectivités territoriales contributrices ; que la convention de financement signée le 3 décembre 2010 entre l'Etat et les collectivités territoriales, à laquelle renvoie l'annexe 13, prévoit le versement d'une subvention d'aide à la construction de Notre-Dame-des-Landes de 165 millions d'euros, dont 90 millions d'euros à la charge de l'Etat et 75 millions à la charge des collectivités territoriales ;
18. Considérant que la décision de signer la concession ne pouvant la faire entrer en vigueur tant que le décret en Conseil d'Etat prévu par l'article R. 223-2 du code de l'aviation civile n'était pas adopté, l'Etat n'était pas tenu, en tout état de cause, de notifier un projet d'aide d'Etat qu'aurait comporté la concession préalablement à sa signature ; que le moyen tiré de ce que l'aide d'Etat n'a pas été notifiée à la Commission en violation de l'article 108 du traité, s'il est opérant à l'encontre du décret portant approbation de la convention, ne peut donc être utilement invoqué à l'encontre de la décision de signer la concession ;
19. Considérant qu'il résulte des stipulations des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne que, s'il ressortit à la compétence exclusive de la Commission de décider, sous le contrôle de la Cour de justice de l'Union européenne, si une aide de la nature de celles visées par l'article 107 du traité est ou non, compte tenu des dérogations prévues par le traité, compatible avec le marché commun, il incombe, en revanche, aux juridictions nationales de sanctionner, le cas échéant, l'invalidité des dispositions de droit national qui auraient institué ou modifié une telle aide en méconnaissance de l'obligation, qu'impose aux Etats membres la dernière phrase du paragraphe 3 de l'article 108 du traité, d'en notifier à la Commission, préalablement à toute mise à exécution, le projet ; que l'exercice de ce contrôle implique, notamment, de rechercher si les dispositions contestées ont institué des aides d'Etat au sens de l'article 107 du traité ;
20. Considérant que par un arrêt du 24 juillet 2003 Altmark Trans GmbH (C-280/00), la Cour de justice des Communautés européennes a jugé que des subventions représentant la contrepartie des prestations effectuées par des entreprises pour exécuter des obligations de service public ne constituaient pas des aides d'Etat, à condition de remplir les quatre conditions cumulatives suivantes : premièrement, l'entreprise bénéficiaire a effectivement été chargée de l'exécution d'obligations de service public et ces obligations ont été clairement définies ; deuxièmement, les paramètres sur la base desquels est calculée la compensation ont été préalablement établis de façon objective et transparente, afin d'éviter qu'elle comporte un avantage économique susceptible de favoriser l'entreprise bénéficiaire par rapport à des entreprises concurrentes ; troisièmement, la compensation ne dépasse pas ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l'exécution des obligations de service public, en tenant compte des recettes qui y sont relatives ainsi que d'un bénéfice raisonnable ; quatrièmement, lorsque le choix de l'entreprise chargée de l'exécution d'obligations de service public n'est pas effectué dans le cadre d'une procédure de marché public au sens des conventions soumises aux règles communautaires de publicité et de mise en concurrence, permettant de sélectionner le candidat capable de fournir ces services au moindre coût pour la collectivité, le niveau de la compensation nécessaire a été déterminé sur la base d'une analyse des coûts qu'une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée afin de pouvoir satisfaire aux exigences de service public requises, aurait encourus pour exécuter ces obligations, en tenant compte des recettes qui y sont relatives ainsi que d'un bénéfice raisonnable pour l'exécution de ces obligations ;
21. Considérant, en premier lieu, que la subvention est accordée au moyen de ressources publiques pour la réalisation d'un ouvrage reconnu d'utilité publique par décret du 9 février 2008, à raison de ses externalités positives sur l'économie et son environnement ; que les recours dirigés contre cette reconnaissance d'utilité publique ont été rejetés par décisions du Conseil d'Etat statuant au contentieux du 31 juillet 2009 (nos 314955, 314956, 315022 et 315170) et du 27 janvier 2010 (nos 319241 et 319244) ; qu'aucun investisseur avisé en économie de marché ne pourrait assumer la construction de cet ouvrage en se finançant uniquement par son exploitation sur longue durée, sans obtenir un complément de fonds publics seul à même de lui permettre de bénéficier d'une rentabilité normale pour le secteur d'activité, sous condition d'atteindre les prévisions d'exploitation ; qu'ainsi, la subvention ayant pour objet de compenser le coût de la construction imposée par les pouvoirs publics à raison d'externalités positives que l'exploitant ne pourra valoriser, la première des conditions posées par la jurisprudence de la Cour de justice tenant en la compensation d'obligations de service public clairement définies doit être regardée comme satisfaite ;
22. Considérant, en deuxième lieu, que le montant de la subvention accordée à la société Aéroports du Grand Ouest a été déterminé dans le cadre d'une procédure transparente de publicité et de mise en concurrence en vue de la passation d'une délégation de service public, dont les documents de consultation indiquaient qu'il constituerait un des critères de sélection ; que les candidats à la délégation ont pu disposer de toutes les informations requises, notamment des projections sur le nombre de passagers, pour déterminer, sur la base de données objectives, le niveau de subvention sur lequel ils pouvaient prendre le risque de s'engager afin d'atteindre un niveau de rentabilité satisfaisant sur la durée de la concession, dans l'hypothèse ou les prévisions d'exploitation seraient atteintes ;
23. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le taux de rentabilité interne que la subvention accordée à la société Aéroports du Grand Ouest permet d'atteindre, au cas où les perspectives de trafic et de résultats d'exploitation se réalisent, est de 13,42 % ; que ce taux correspond à la moyenne basse des taux de rentabilité observés pour des concessions de ce type ; que le cahier des charges prévoit en outre une clause de reversement à l'Etat au cas où l'excédent brut d'exploitation dépasserait les prévisions ; que la subvention ne dépasse donc pas ce qui est nécessaire pour permettre à l'entreprise d'atteindre un niveau de rentabilité considéré comme raisonnable pour les entreprises du secteur concerné ;
24. Considérant, enfin et en tout état de cause, que la procédure de passation d'une délégation de service public définie par les articles 38 et suivants de la loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques permet la mise en concurrence, dans des conditions transparentes, des offres de plusieurs entreprises en fonction de critères de sélection préalablement définis ; qu'en l'espèce, le montant de la subvention demandée était l'un des critères de sélection et il n'est pas contesté que trois offres recevables ont été présentées et que la société retenue est celle qui avait demandé la subvention la moins importante ; que la procédure mise en oeuvre a donc permis de sélectionner le candidat capable de réaliser l'infrastructure au moindre coût pour la collectivité ;
25. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la subvention accordée n'est pas une aide d'Etat au sens de l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
Sur le choix du délégataire :
26. Considérant que le moyen tiré de ce que le choix du délégataire serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
27. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir, que les requêtes présentées par la communauté de communes d'Erdre et Gesvres, l'association Les Verts des Pays-de-la-Loire et autres et l'association ACIPA et autres doivent être rejetées ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
28. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des requérants les sommes demandées par l'Etat et la société Aéroports du Grand Ouest au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat et de la société Aéroports du Grand Ouest, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement des sommes demandées par les requérants ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Les requêtes de la communauté de communes d'Erdre et Gesvres, de l'association Les Verts des Pays-de-la-Loire et autres et de l'association ACIPA et autres sont rejetées.
Article 2 : Les conclusions présentées par l'Etat et la société Aéroports du Grand Ouest au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la communauté de communes d'Erdre et Gesvres, à l'association Les Verts des Pays-de-la-Loire, à l'association Grand Ouest Verts Ecologie, à M. Dorian Piette, à M. Jean-Philippe Magnen, à M. Guy Hascoët, à M. Alexis Braud, à M. Nicolas Gouon, à M. Eric Martin, à M. Ludovic Dronet, à M. Martin Siloret, à Mlle Gaëlle Audrain, à Mlle Manon Hamon, à l'association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, à l'association Bien Vivre à Vigneux, à l'association Adeca, à l'association Solidarité Ecologies - La Chapelle-sur-Erdre, à la Confédération paysanne de Loire-Atlantique, à M. Régis Bergounhou, au Premier ministre, à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et à la société Aéroports du Grand Ouest.
N° 347073
ECLI:FR:CESSR:2012:347073.20120713
Publié au recueil Lebon
7ème et 2ème sous-sections réunies
M. Laurent Cytermann, rapporteur
M. Bertrand Dacosta, rapporteur public
SCP LYON-CAEN, THIRIEZ, avocats
Lecture du vendredi 13 juillet 2012
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu, 1°) sous le n° 347073, la requête, enregistrée le 25 février 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la communauté de communes d'Erdre et Gesvres, dont le siège est 1 rue Marie Curie à Grandchamp-des-Fontaines (44119) ; la communauté de communes d'Erdre et Gesvres demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le décret n° 2010-1699 du 29 décembre 2010 approuvant la convention passée entre l'Etat et la société concessionnaire Aéroports du Grand Ouest pour la concession des aérodromes de Notre-Dame-des-Landes, Nantes-Atlantique et Saint-Nazaire-Montoir et le cahier des charges annexé à cette convention ;
2°) d'annuler la décision de signer la convention de concession avec la société Aéroports du Grand Ouest ;
3°) d'enjoindre à l'Etat de résilier la convention de concession ou, à défaut, de saisir le juge du contrat afin qu'il constate la nullité de cette convention sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu, 2°) sous le n° 347170, la requête, enregistrée le 1er mars 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour l'association Les Verts des Pays-de-la-Loire, dont le siège est 58 rue Fourré à Nantes (44000), l'association Grand Ouest Verts Ecologie, dont le siège est 342 chemin de Saint-Pierre le Potier à Laval (53000), M. Dorian Piette, demeurant 12 rue Franklin à Nantes (44000), M. Jean-Philippe Magnen, demeurant 4 rue Cassard à Rezé (44400), M. Guy Hascoët, demeurant 12 bis corniche Gloas Treiz à Trébeurden (22560), M. Alexis Braud, demeurant 25 rue Lucien Corbin à Challes (72250), M. Nicolas Gouon, demeurant 1 rue Corneille à Angers (49000), M. Eric Martin, demeurant La Morissais à Fay-de-Bretagne (44130), M. Ludovic Dronet, demeurant 3 rue de la Paix à Nantes (44000), M. Martin Siloret, demeurant 25 rue de Vouziers à Rennes (35000), Mlle Gaëlle Audrain, demeurant 2 cours Sully à Nantes (44000) et Mlle Manon Hamon, demeurant 17 route de Saint-Savin à Saint-Etienne-de-Montluc (44360) ; l'association Les Verts des
Pays-de-la-Loire et autres demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le décret n° 2010-1699 du 29 décembre 2010 approuvant la convention passée entre l'Etat et la société concessionnaire Aéroports du Grand Ouest pour la concession des aérodromes de Notre-Dame-des-Landes, Nantes-Atlantique et Saint-Nazaire-Montoir et le cahier des charges annexé à cette convention ;
2°) d'enjoindre au ministre chargé des transports de saisir le juge du contrat afin qu'il constate la nullité de la convention sous astreinte de 500 euros par jour ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
....................................................................................
Vu, 3°) sous le n° 350925, l'ordonnance n° 1102124 du 27 juin 2011, enregistrée le 15 juillet 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de Nantes a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par l'association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes et autres ;
Vu la requête, enregistrée le 8 mars 2011 au greffe du tribunal administratif de Nantes, présentée par l'association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes (ACIPA), dont le siège est 45 rue de Nantes Boîte postale 5 à Notre-Dame-des-Landes (44130), l'association Bien Vivre à Vigneux, dont le siège est La Bernardière à Vigneux-de-Bretagne (44360), l'association Adeca, demeurant Mairie rue Pierre Civel à Notre-Dame-des-Landes (44130), l'association Solidarité Ecologies - La Chapelle-sur-Erdre, dont le siège est La Gilière à La Chapelle-sur-Erdre (44240), la Confédération paysanne de Loire-Atlantique, dont le siège est 31 boulevard Albert Einstein CS 12361 à Nantes (44323 Cedex 3) et M. Régis Bergounhou, demeurant La Verdinière à Heric (44810) ; l'Association ACIPA et autres demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le décret n° 2010-1699 du 29 décembre 2010 par lequel le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement a approuvé la convention passée entre l'Etat et la société Aéroports du Grand Ouest pour la concession des aérodromes de Notre-Dame-des-Landes, Nantes Atlantique et Saint-Nazaire-Montoir ainsi que le cahier des charges joint au décret et à tout le moins, d'annuler les articles 1.4, 4.D, 59, 67 et 79 de ce cahier ;
2°) d'enjoindre à l'Etat de saisir le juge administratif dans un délai d'un mois suivant la notification du jugement afin qu'il constate la nullité de tout ou partie des clauses fixées dans le cahier des charges de la concession ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
Vu le code de l'aviation civile ;
Vu la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 ;
Vu la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 ;
Vu le décret n° 93-471 du 24 mars 1993 ;
Vu le décret n° 2009-266 du 9 mars 2009 ;
Vu le décret n° 2010-1503 du 8 décembre 2010 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Laurent Cytermann, Maître des Requêtes en service extraordinaire,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie,
- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ;
1. Considérant que les trois requêtes sont dirigées contre le même décret du 29 décembre 2010 approuvant la convention passée entre l'Etat et la société concessionnaire Aéroports du Grand Ouest pour la concession des aérodromes de Notre-Dame-des-Landes, Nantes-Atlantique et Saint-Nazaire-Montoir, le cahier des charges annexé à la convention et la même décision de signer cette convention ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la régularité des signatures :
2. Considérant que le secrétaire d'Etat chargé des transports était compétent pour signer la concession en application des dispositions des articles 1er et 3 du décret du 8 décembre 2010 relatif à ses attributions ; que s'agissant du décret portant approbation de la convention, le Premier ministre a produit une ampliation comportant sa signature et celles des ministres concernés ;
Sur la procédure de publicité et de mise en concurrence :
3. Considérant, en premier lieu, que conformément à l'article 1er du décret du 24 mars 1993 portant application de l'article 38 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relatif à la publicité des délégations de service public, l'avis d'appel public à la concurrence a été publié au Bulletin officiel des annonces de marchés publics et dans la revue spécialisée " Air et Cosmos ", avec les informations requises par le décret du 24 mars 1993 en ce qui concerne les caractéristiques essentielles de la délégation de service public ; que les critères de sélection des candidats ont été clairement énoncés ; que manque en fait le moyen tiré de ce que l'avis d'appel public à concurrence ne ferait pas état du versement d'une subvention au concessionnaire ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que la circonstance que la procédure de publication des avis d'appel public à concurrence a été annulée pour être entièrement reprise, donnant lieu à la publication d'un rectificatif dans les revues nationales et au Journal officiel de l'Union européenne, n'a été susceptible ni de dissuader des candidats de présenter leur candidature, ni de les induire en erreur dans la présentation de leurs offres ; que cette succession de publications n'est pas, en tant que telle, constitutive d'un manquement aux règles de publicité et de mise en concurrence ; qu'elle a d'ailleurs été mise en oeuvre précisément pour assurer le plein respect de ces règles ;
5. Considérant, en troisième lieu, que le cahier des charges mis à la disposition des candidats, indiquant, en son annexe 16, les tarifs des redevances à l'entrée en vigueur de la concession et, en son annexe 17, leur évolution prévisible, compte tenu du cadre réglementaire, lequel détermine les évolutions des redevances, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les candidats n'ont pas obtenu communication des conditions de tarification du service rendu à l'usager en application de l'article 38 de la loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques ; que pour le même motif, le moyen tiré de ce que les critères de calcul des redevances aéroportuaires ne seraient pas définis ne peut qu'être écarté ;
6. Considérant, en quatrième lieu, qu'une commission consultative a été créée dans le cadre de la procédure d'appel d'offres par le décret du 9 mars 2009 portant création d'une commission consultative dans le cadre de la procédure d'appel d'offres de la concession des aéroports de Nantes-Atlantique, Saint-Nazaire-Montoir et Notre-Dame-des-Landes ; que la communauté de communes n'apporte aucun élément permettant d'apprécier le bien-fondé de son moyen tiré de ce que la consultation de cette commission aurait été irrégulière ; qu'au surplus, le ministre produit l'avis de convocation et justifie de la régularité de la convocation, de la composition de la commission et du respect du quorum ;
7. Considérant, en cinquième lieu, que la circonstance que les documents de la consultation ne feraient pas état de l'amortissement des aéroports actuels inclus dans le périmètre de la concession ni de l'éventuel passif de leur bilan n'a pas empêché les candidats de présenter utilement leurs offres et ne constitue pas un manquement aux règles de publicité et de mise en concurrence ;
Sur les autres moyens de procédure :
8. Considérant, en premier lieu, qu'il ne peut être soutenu que la conclusion de la concession n'aurait pas été précédée de la décision de créer l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, la signature de la concession révélant nécessairement l'existence de cette décision ; que le conseil supérieur de l'infrastructure et de la navigation aériennes, dont la consultation était alors prévue par l'article D. 211-2 du code de l'aviation civile, étant composé exclusivement de représentants des services de l'Etat, l'absence de sa consultation n'a pas exercé d'influence sur la décision prise par l'Etat ou privé les intéressés d'une garantie ; que le moyen tiré de ce que le défaut de consultation de ce conseil aurait entaché d'illégalité le décret doit donc être écarté ;
9. Considérant, en deuxième lieu, que les requérants ne peuvent utilement invoquer une méconnaissance du I de l'article 28 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, ces dispositions ayant été abrogées sans être reprises, avant l'intervention du décret attaqué, par l'ordonnance du 28 octobre 2010 relative à la partie législative du code des transports ;
Sur les moyens relatifs à l'illégalité des clauses de la convention :
10. Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de ce que l'augmentation des redevances des aéroports de Nantes-Atlantique et de Saint-Nazaire-Montoir prévue par la concession méconnaîtrait les dispositions de l'article R. 224-3 du code de l'aviation civile est inopérant, dès lors que la concession ne fixe que le cadre général de détermination des tarifs, sur la base duquel ceux-ci seront ensuite établis dans le respect des modalités prévues par cet article R. 224-3 ; que de même, est inopérant le moyen tiré de la méconnaissance du II de l'article R. 224-2-1 du même code relatif à l'élaboration d'une étude d'impact de l'évolution des tarifs compte tenu de dépenses futures de construction, dès lors que s'agissant des aéroports existants, ne sont pas en cause d'éventuelles dépenses futures de construction ;
11. Considérant, en deuxième lieu, qu'en tout état de cause, si l'article 4D du cahier des charges autorise une certaine variation de la date de mise en service de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, dans des limites qu'il définit, la mise en service de cet aéroport n'est pas conditionnelle, contrairement aux allégations des requérants ;
12. Considérant, en troisième lieu, que l'allégation très générale, non assortie de précisions, selon laquelle n'ont pas été prises en compte la subvention d'investissement accordée au délégataire ni les recettes provenant de l'exploitation des aéroports, ne permet pas d'apprécier le bien-fondé du moyen tiré de ce que la durée de la concession serait excessive compte tenu de l'ensemble des données économiques figurant au dossier et sur lesquelles l'Etat s'est fondé pour fixer cette durée ;
13. Considérant, en quatrième lieu, que si l'article 59 du cahier des charges permet à l'Etat d'imposer en cours d'exécution la réalisation de nouveaux investissements, il ne pourra avoir pour effet de permettre une modification substantielle des éléments essentiels de la concession et en particulier de l'objet du contrat ;
14. Considérant, en cinquième lieu, que le moyen tiré de ce que les redevances perçues sur les usagers de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes seraient irrégulières est inopérant, la concession ne comportant en la matière que des prévisions qui ne lient pas le concessionnaire ;
15. Considérant, enfin, que les requérants ne peuvent utilement invoquer un " principe d'équilibre financier du contrat de concession " ; que l'exécution de la concession se fait d'ailleurs aux frais et risques du concessionnaire ;
Sur le moyen tiré du défaut de notification de la subvention prévue par la concession :
16. Considérant qu'aux termes de l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. (...) " ; que selon le paragraphe 3 de l'article 108 du même traité : " La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché intérieur, aux termes de l'article 107, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'Etat membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale. " ; que l'article R. 223-2 du code de l'aviation civile dispose : " (...) Les concessions qui portent dérogation au cahier des charges type sont accordées par décret en Conseil d'Etat pris sur le rapport du ministre chargé de l'aviation civile, du ministre chargé de l'économie et des finances et du ministre chargé de la défense lorsqu'il est affectataire principal (...) " ;
17. Considérant que le III de l'article 67 du cahier des charges de la concession stipule : " Le concessionnaire perçoit les subventions allouées en vue de la construction de l'aérodrome de Notre-Dame-des-Landes ou pour l'exercice des missions prévues par le présent cahier des charges (...) " ; que l'annexe 13 de la concession prévoit le versement d'une subvention de l'Etat dans l'attente de l'application d'une convention de financement conclue entre le concessionnaire et les collectivités territoriales contributrices ; que la convention de financement signée le 3 décembre 2010 entre l'Etat et les collectivités territoriales, à laquelle renvoie l'annexe 13, prévoit le versement d'une subvention d'aide à la construction de Notre-Dame-des-Landes de 165 millions d'euros, dont 90 millions d'euros à la charge de l'Etat et 75 millions à la charge des collectivités territoriales ;
18. Considérant que la décision de signer la concession ne pouvant la faire entrer en vigueur tant que le décret en Conseil d'Etat prévu par l'article R. 223-2 du code de l'aviation civile n'était pas adopté, l'Etat n'était pas tenu, en tout état de cause, de notifier un projet d'aide d'Etat qu'aurait comporté la concession préalablement à sa signature ; que le moyen tiré de ce que l'aide d'Etat n'a pas été notifiée à la Commission en violation de l'article 108 du traité, s'il est opérant à l'encontre du décret portant approbation de la convention, ne peut donc être utilement invoqué à l'encontre de la décision de signer la concession ;
19. Considérant qu'il résulte des stipulations des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne que, s'il ressortit à la compétence exclusive de la Commission de décider, sous le contrôle de la Cour de justice de l'Union européenne, si une aide de la nature de celles visées par l'article 107 du traité est ou non, compte tenu des dérogations prévues par le traité, compatible avec le marché commun, il incombe, en revanche, aux juridictions nationales de sanctionner, le cas échéant, l'invalidité des dispositions de droit national qui auraient institué ou modifié une telle aide en méconnaissance de l'obligation, qu'impose aux Etats membres la dernière phrase du paragraphe 3 de l'article 108 du traité, d'en notifier à la Commission, préalablement à toute mise à exécution, le projet ; que l'exercice de ce contrôle implique, notamment, de rechercher si les dispositions contestées ont institué des aides d'Etat au sens de l'article 107 du traité ;
20. Considérant que par un arrêt du 24 juillet 2003 Altmark Trans GmbH (C-280/00), la Cour de justice des Communautés européennes a jugé que des subventions représentant la contrepartie des prestations effectuées par des entreprises pour exécuter des obligations de service public ne constituaient pas des aides d'Etat, à condition de remplir les quatre conditions cumulatives suivantes : premièrement, l'entreprise bénéficiaire a effectivement été chargée de l'exécution d'obligations de service public et ces obligations ont été clairement définies ; deuxièmement, les paramètres sur la base desquels est calculée la compensation ont été préalablement établis de façon objective et transparente, afin d'éviter qu'elle comporte un avantage économique susceptible de favoriser l'entreprise bénéficiaire par rapport à des entreprises concurrentes ; troisièmement, la compensation ne dépasse pas ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l'exécution des obligations de service public, en tenant compte des recettes qui y sont relatives ainsi que d'un bénéfice raisonnable ; quatrièmement, lorsque le choix de l'entreprise chargée de l'exécution d'obligations de service public n'est pas effectué dans le cadre d'une procédure de marché public au sens des conventions soumises aux règles communautaires de publicité et de mise en concurrence, permettant de sélectionner le candidat capable de fournir ces services au moindre coût pour la collectivité, le niveau de la compensation nécessaire a été déterminé sur la base d'une analyse des coûts qu'une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée afin de pouvoir satisfaire aux exigences de service public requises, aurait encourus pour exécuter ces obligations, en tenant compte des recettes qui y sont relatives ainsi que d'un bénéfice raisonnable pour l'exécution de ces obligations ;
21. Considérant, en premier lieu, que la subvention est accordée au moyen de ressources publiques pour la réalisation d'un ouvrage reconnu d'utilité publique par décret du 9 février 2008, à raison de ses externalités positives sur l'économie et son environnement ; que les recours dirigés contre cette reconnaissance d'utilité publique ont été rejetés par décisions du Conseil d'Etat statuant au contentieux du 31 juillet 2009 (nos 314955, 314956, 315022 et 315170) et du 27 janvier 2010 (nos 319241 et 319244) ; qu'aucun investisseur avisé en économie de marché ne pourrait assumer la construction de cet ouvrage en se finançant uniquement par son exploitation sur longue durée, sans obtenir un complément de fonds publics seul à même de lui permettre de bénéficier d'une rentabilité normale pour le secteur d'activité, sous condition d'atteindre les prévisions d'exploitation ; qu'ainsi, la subvention ayant pour objet de compenser le coût de la construction imposée par les pouvoirs publics à raison d'externalités positives que l'exploitant ne pourra valoriser, la première des conditions posées par la jurisprudence de la Cour de justice tenant en la compensation d'obligations de service public clairement définies doit être regardée comme satisfaite ;
22. Considérant, en deuxième lieu, que le montant de la subvention accordée à la société Aéroports du Grand Ouest a été déterminé dans le cadre d'une procédure transparente de publicité et de mise en concurrence en vue de la passation d'une délégation de service public, dont les documents de consultation indiquaient qu'il constituerait un des critères de sélection ; que les candidats à la délégation ont pu disposer de toutes les informations requises, notamment des projections sur le nombre de passagers, pour déterminer, sur la base de données objectives, le niveau de subvention sur lequel ils pouvaient prendre le risque de s'engager afin d'atteindre un niveau de rentabilité satisfaisant sur la durée de la concession, dans l'hypothèse ou les prévisions d'exploitation seraient atteintes ;
23. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le taux de rentabilité interne que la subvention accordée à la société Aéroports du Grand Ouest permet d'atteindre, au cas où les perspectives de trafic et de résultats d'exploitation se réalisent, est de 13,42 % ; que ce taux correspond à la moyenne basse des taux de rentabilité observés pour des concessions de ce type ; que le cahier des charges prévoit en outre une clause de reversement à l'Etat au cas où l'excédent brut d'exploitation dépasserait les prévisions ; que la subvention ne dépasse donc pas ce qui est nécessaire pour permettre à l'entreprise d'atteindre un niveau de rentabilité considéré comme raisonnable pour les entreprises du secteur concerné ;
24. Considérant, enfin et en tout état de cause, que la procédure de passation d'une délégation de service public définie par les articles 38 et suivants de la loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques permet la mise en concurrence, dans des conditions transparentes, des offres de plusieurs entreprises en fonction de critères de sélection préalablement définis ; qu'en l'espèce, le montant de la subvention demandée était l'un des critères de sélection et il n'est pas contesté que trois offres recevables ont été présentées et que la société retenue est celle qui avait demandé la subvention la moins importante ; que la procédure mise en oeuvre a donc permis de sélectionner le candidat capable de réaliser l'infrastructure au moindre coût pour la collectivité ;
25. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la subvention accordée n'est pas une aide d'Etat au sens de l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
Sur le choix du délégataire :
26. Considérant que le moyen tiré de ce que le choix du délégataire serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
27. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir, que les requêtes présentées par la communauté de communes d'Erdre et Gesvres, l'association Les Verts des Pays-de-la-Loire et autres et l'association ACIPA et autres doivent être rejetées ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
28. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des requérants les sommes demandées par l'Etat et la société Aéroports du Grand Ouest au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat et de la société Aéroports du Grand Ouest, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement des sommes demandées par les requérants ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les requêtes de la communauté de communes d'Erdre et Gesvres, de l'association Les Verts des Pays-de-la-Loire et autres et de l'association ACIPA et autres sont rejetées.
Article 2 : Les conclusions présentées par l'Etat et la société Aéroports du Grand Ouest au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la communauté de communes d'Erdre et Gesvres, à l'association Les Verts des Pays-de-la-Loire, à l'association Grand Ouest Verts Ecologie, à M. Dorian Piette, à M. Jean-Philippe Magnen, à M. Guy Hascoët, à M. Alexis Braud, à M. Nicolas Gouon, à M. Eric Martin, à M. Ludovic Dronet, à M. Martin Siloret, à Mlle Gaëlle Audrain, à Mlle Manon Hamon, à l'association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, à l'association Bien Vivre à Vigneux, à l'association Adeca, à l'association Solidarité Ecologies - La Chapelle-sur-Erdre, à la Confédération paysanne de Loire-Atlantique, à M. Régis Bergounhou, au Premier ministre, à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et à la société Aéroports du Grand Ouest.