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Ariane Web: Conseil d'État 339529, lecture du 23 décembre 2011, ECLI:FR:CESSR:2011:339529.20111223

Décision n° 339529
23 décembre 2011
Conseil d'État

N° 339529
ECLI:FR:CESSR:2011:339529.20111223
Mentionné au tables du recueil Lebon
4ème et 5ème sous-sections réunies
M. Jacques Arrighi de Casanova, président
M. Christophe Eoche-Duval, rapporteur
M. Rémi Keller, rapporteur public
SCP COUTARD, MUNIER-APAIRE ; SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD, avocats


Lecture du vendredi 23 décembre 2011
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu le pourvoi, enregistré le 17 mai 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour M. Pascal MILIANI, demeurant ... ; M. MILIANI demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision n° 10382 du 17 mars 2010 par laquelle la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins, d'une part, a confirmé, tout en la ramenant de deux ans à trois mois, la peine de l'interdiction d'exercer la médecine prononcée à son encontre par la chambre disciplinaire de première instance de l'ordre des médecins de Provence-Alpes-Côte-d'Azur-Corse et, d'autre part, a décidé que cette peine prendra effet du 1er mai au 31 juillet 2010 ;

2°) de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des médecins une somme de 3 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christophe Eoche-Duval, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Coutard, Munier-Apaire, avocat de M. MILIANI et de la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat du Conseil national de l'ordre des médecins,

- les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Coutard, Munier-Apaire, avocat de M. MILIANI et à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat du Conseil national de l'ordre des médecins,



Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient le requérant, la décision attaquée, qui énonce les éléments qui caractérisent les griefs de manquement à l'indépendance professionnelle et à la confraternité, est suffisamment motivée ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 6113-7 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) Les praticiens exerçant dans les établissements de santé publics et privés transmettent les données médicales nominatives nécessaires à l'analyse de l'activité et à la facturation de celle-ci au médecin responsable de l'information médicale pour l'établissement (...) / Le praticien responsable de l'information médicale est un médecin désigné par le conseil d'administration ou l'organe délibérant de l'établissement, s'il existe, après avis de la commission médicale ou de la conférence médicale (...) " ; qu'en vertu du deuxième alinéa de l'article R. 6113-4 du même code, le médecin responsable de l'information médicale dans l'établissement " conseille les praticiens pour la production des informations. Il veille à la qualité des données qu'il confronte, en tant que de besoin, avec les dossiers médicaux et les fichiers administratifs. " ; que, selon l'article R. 6113-6, en vue de préserver la confidentialité des données, le représentant de l'établissement prend toutes dispositions utiles " en liaison avec (...) le médecin responsable de l'information médicale " ; qu'enfin, les dispositions de l'article R. 6113-10 prévoient que le représentant de l'établissement adresse les statistiques médicales aux différentes autorités " sur la base et dans la limite des données (...) transmises par le médecin responsable de l'information médicale " ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions, combinées avec celles des articles R. 4127-5 et R. 4127-26 du code de la santé publique, selon lesquelles, respectivement, " le médecin ne peut aliéner son indépendance professionnelle sous quelque forme que ce soit " et " un médecin ne peut exercer une autre activité que si un tel cumul est compatible avec l'indépendance et la dignité professionnelles ", que, alors même qu'aucun texte ne prévoit l'exercice à titre exclusif des fonctions de médecin responsable de l'information médicale d'un établissement de santé, l'exercice de ces fonctions est incompatible avec celles de dirigeant et associé de ce même établissement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. MILIANI, président-directeur-général de la SA Polyclinique Les Fleurs à Toulon, dont il détient également quinze pour cent des parts, y a exercé simultanément les fonctions de médecin délégué à l'information médicale, prévues par les dispositions précitées ; qu'après avoir relevé que ces fonctions conduisaient l'intéressé à procéder au codage d'actes liés à l'activité de ses confrères dans des conditions de nature à influer directement sur les résultats financiers de l'établissement, auxquels il était directement intéressé en tant que président-directeur-général de la société qui gère la polyclinique et porteur de parts de la holding à laquelle elle appartient, la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins a pu déduire de ces faits, par une exacte qualification de ceux-ci et sans avoir à rechercher si l'intéressé aurait tiré un bénéfice de sa position, que la situation dans laquelle le requérant s'était placé était incompatible avec la préservation de son indépendance professionnelle ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la chambre nationale n'a, ce faisant, pas commis d'erreur de droit ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 4127-56 du code de la santé publique : " Les médecins doivent entretenir entre eux des rapports de bonne confraternité. " ; que la chambre nationale, qui n'a pas dénaturé les faits de l'espèce en estimant que M. MILIANI avait tenu à l'égard d'un de ses confrères des propos insultants qui ne sauraient trouver d'excuse dans les différends qui l'opposaient à certains d'entre eux, ne les a pas inexactement qualifiés en les jugeant fautifs ;

Considérant, par suite, que le pourvoi de M. MILIANI doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, contre le Conseil national de l'ordre des médecins qui n'a, en tout état de cause, pas la qualité de partie à l'instance ;



D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. MILIANI est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Pascal MILIANI et au Conseil national de l'ordre des médecins.
Copie en sera adressée à M. Paul Barragan, à M. Philippe Commeau, à M. Olivier Roquebert et au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.


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