Conseil d'État
N° 301014
ECLI:FR:CESSR:2011:301014.20111010
Inédit au recueil Lebon
1ère et 6ème sous-sections réunies
M. Jacques Arrighi de Casanova, président
M. Pascal Trouilly, rapporteur
Mme Maud Vialettes, rapporteur public
Lecture du lundi 10 octobre 2011
Vu, avec les pièces qui y sont visées, la décision du 2 octobre 2009 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur la requête présentée par l'UNION SYNDICALE SOLIDAIRES ISERE et tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2006-950 du 28 juillet 2006 relatif à l'engagement éducatif pris pour l'application de la loi n° 2006-586 du 23 mai 2006 relative au volontariat associatif et à l'engagement éducatif, en tant qu'il insère dans le code du travail les articles D. 773-2-1, D. 773-2-2 et D. 773-2-3, ainsi que de la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté son recours gracieux formé contre ce décret, a, d'une part, rejeté les conclusions de cette requête en tant qu'elles concernent les articles D. 773-2-1 et D. 773-2-2, d'autre part, sursis à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice des Communautés européennes se soit prononcée sur les questions suivantes :
1) La directive du 4 novembre 2003 s'applique-t-elle à un personnel occasionnel et saisonnier accomplissant au maximum quatre-vingts journées de travail par an dans des centres de vacances et de loisirs '
2) En cas de réponse affirmative à cette question :
a) compte tenu de l'objet de la directive qui est, aux termes du 1 de son article 1er, de fixer des prescriptions minimales de sécurité et de santé en matière d'aménagement du temps de travail, l'article 17 doit-il être interprété en ce sens qu'il permet :
- soit, au titre de son paragraphe 1, de regarder l'activité occasionnelle et saisonnière des titulaires d'un contrat d'engagement éducatif comme étant au nombre de celles " dont la durée du temps de travail, en raison des caractéristiques particulières de cette activité, n'est pas mesurée et/ou prédéterminée ou peut être déterminée par les travailleurs eux-mêmes ",
- soit, au titre du b) de son paragraphe 3, de les regarder comme des " activités de garde, de surveillance et de permanence caractérisées par la nécessité d'assurer la protection des biens et des personnes " '
b) dans ce dernier cas, les conditions fixées au paragraphe 2, en termes de " périodes équivalentes de repos compensateur " ou de " protection appropriée accordées aux travailleurs concernés " doivent-elles s'entendre comme pouvant être satisfaites par un dispositif limitant à quatre-vingts journées de travail par an dans des centres de vacances et de loisirs l'activité des titulaires des contrats en cause '
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la directive n° 2003/88/CE du 4 novembre 2003 ;
Vu le code de l'action sociale et des familles ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 2006-586 du 23 mai 2006 ;
Vu l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne C-428/09 du 14 octobre 2010 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Pascal Trouilly, Maître des Requêtes,
- les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de ce que l'inscription au sein du code de l'action sociale et des familles des dispositions encore en litige du décret attaqué aurait pour effet de soustraire les règles régissant le contrat d'engagement éducatif au contrôle de l'inspection du travail ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté ;
Considérant, en second lieu, que l'article 3 de la directive du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, qui s'applique, selon le paragraphe 3 de son article 1er, " à tous les secteurs d'activités, privés ou publics, au sens de l'article 2 de la directive 89/391/CEE, sans préjudice des articles 14, 17, 18 et 19 ", prescrit aux Etats membres de prendre " les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie, au cours de chaque période de vingt-quatre heures, d'une période minimale de repos de onze heures consécutives " ; que le b) du paragraphe 3 de l'article 17 permet de déroger aux dispositions de l'article 3 " pour les activités de garde, de surveillance et de permanence caractérisées par la nécessité d'assurer la protection des biens et des personnes ", cette faculté étant subordonnée par le paragraphe 2 à la condition " que des périodes équivalentes de repos compensateur soient accordées aux travailleurs concernés ou que, dans des cas exceptionnels dans lesquels l'octroi de telles périodes équivalentes de repos compensateur n'est pas possible pour des raisons objectives, une protection appropriée soit accordée aux travailleurs concernés " ; que le c) du même paragraphe du même article prévoit également, sous les mêmes conditions, une dérogation aux dispositions de l'article 3 " pour les activités caractérisées par la nécessité d'assurer la continuité du service ou de la production (...) " ;
Considérant que, dans l'arrêt du 14 octobre 2010 par lequel elle s'est prononcée sur les questions dont le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, l'avait saisie à titre préjudiciel, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que les titulaires de contrats tels que les contrats d'engagement éducatif, exerçant des activités occasionnelles et saisonnières dans des centres de vacances et de loisirs et accomplissant au maximum quatre-vingts journées de travail par an, relèvent du champ d'application de la directive du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, que les titulaires de tels contrats relèvent de la dérogation figurant à l'article 17, paragraphe 3, sous b) et/ou sous c) de cette directive, et qu'une réglementation nationale limitant à quatre-vingts journées de travail par an l'activité des titulaires de tels contrats ne satisfait pas aux conditions fixées à l'article 17, paragraphe 2, de cette directive pour l'application de cette dérogation, selon lesquelles des périodes équivalentes de repos compensateur ou, dans des cas exceptionnels où l'octroi de telles périodes n'est pas possible pour des raisons objectives, une protection appropriée sont accordées aux travailleurs concernés ;
Considérant que l'article D. 773-2-3 du code du travail, issu du décret attaqué et relatif au régime du repos accordé aux titulaires d'un contrat d'engagement éducatif, désormais repris à l'article D. 432-4 du code de l'action sociale et des familles, rappelle la règle, énoncée par la loi du 23 mai 2006 relative au volontariat associatif et à l'engagement éducatif, suivant laquelle le titulaire du contrat bénéficie d'un repos hebdomadaire minimum de vingt-quatre heures consécutives ; que cette loi exclut l'application au contrat d'engagement éducatif des dispositions du code du travail prévoyant que " tout salarié bénéficie d'un repos quotidien d'une durée minimale de onze heures consécutives ", sans fixer, s'agissant de ce repos quotidien, aucune autre règle ; qu'il résulte de l'interprétation donnée par la Cour de justice de l'Union européenne de la directive du 4 novembre 2003 que, si ce régime de repos est susceptible de relever des possibilités de dérogation ouvertes par le paragraphe 3 de l'article 17 de cette directive, les dispositions litigieuses sont incompatibles avec cette directive, dès lors qu'elles ne prévoient ni périodes équivalentes de repos compensateur ni protection appropriée, le plafond annuel de quatre-vingts journées travaillées fixé par l'article L. 774-2 du code du travail ne pouvant être regardé comme une telle protection ; que, dès lors, l'union requérante est fondée à soutenir que la loi du 23 mai 2006 et le décret qui la met en oeuvre méconnaissent les objectifs fixés par la directive du 4 novembre 2003, en tant que les titulaires d'un contrat d'engagement éducatif ne bénéficient ni d'un repos quotidien ni d'une protection équivalente ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'UNION SYNDICALE SOLIDAIRES ISERE est fondée à demander, dans cette mesure, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés au soutien des mêmes conclusions, l'annulation du décret attaqué et de la décision du Premier ministre rejetant implicitement son recours gracieux formé contre ce décret ;
Sur les conclusions tendant à ce que le Conseil d'Etat limite dans le temps les effets de l'annulation :
Considérant que, si les ministres défendeurs font valoir que l'annulation prononcée par la présente décision aurait pour effet de désorganiser profondément les séjours de vacances, ces conséquences sont, ainsi que l'indiquent les ministres eux-mêmes, concentrées en grande majorité sur la période estivale ; qu'eu égard à la date à laquelle la présente décision est rendue et compte tenu en outre de la nature du moyen justifiant cette annulation, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions analysées ci-dessus ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 3131-1 du code du travail : " Tout salarié bénéficie d'un repos quotidien d'une durée minimale de onze heures consécutives " ; que l'article L. 3131-2 du même code dispose : " Une convention ou un accord collectif de travail étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut déroger à la durée minimale de repos quotidien, dans des conditions déterminées par décret, notamment pour des activités caractérisées par la nécessité d'assurer une continuité du service ou par des périodes d'intervention fractionnées. / Ce décret prévoit également les conditions dans lesquelles il peut être dérogé à cette durée minimale à défaut de convention ou d'accord et, en cas de travaux urgents en raison d'un accident ou d'une menace d'accident, ou de surcroît exceptionnel d'activité " ; que l'incompatibilité de la loi du 23 mai 2006 avec la directive du 4 novembre 2003, en ce qu'elle exclut l'application des dispositions précitées du code du travail, sans prévoir de périodes équivalentes de repos compensateur ou une protection appropriée, a pour effet de rendre applicables ces dispositions au contrat d'engagement éducatif, notamment la garantie d'un repos quotidien minimal de onze heures consécutives, sauf dérogation introduite sur le fondement de l'article L. 3131-2 ; qu'ainsi, et en tout état de cause, l'annulation prononcée n'implique pas que le pouvoir réglementaire prenne nécessairement des mesures dans un sens déterminé ; que les conclusions à fin d'injonction doivent, par suite, être rejetées ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à l'UNION SYNDICALE SOLIDAIRES ISERE de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le décret n° 2006-950 du 28 juillet 2006 et la décision par laquelle le Premier ministre a implicitement rejeté le recours gracieux formé contre ce décret sont annulés en tant que l'article D. 773-2-3 inséré dans le code du travail, désormais repris à l'article D. 432-4 du code de l'action sociale et des familles, met en oeuvre les dispositions de la loi du 23 mai 2006 qui ne prévoient, en ce qui concerne le régime du repos accordé aux titulaires d'un contrat d'engagement éducatif, ni repos quotidien ni protection équivalente au sens de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003.
Article 2 : L'Etat versera à l'UNION SYNDICALE SOLIDAIRES ISERE une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de l'UNION SYNDICALE SOLIDAIRES ISERE est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'UNION SYNDICALE SOLIDAIRES ISERE, au Premier ministre, au ministre du travail, de l'emploi et de la santé, au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative et au ministre des sports.
N° 301014
ECLI:FR:CESSR:2011:301014.20111010
Inédit au recueil Lebon
1ère et 6ème sous-sections réunies
M. Jacques Arrighi de Casanova, président
M. Pascal Trouilly, rapporteur
Mme Maud Vialettes, rapporteur public
Lecture du lundi 10 octobre 2011
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu, avec les pièces qui y sont visées, la décision du 2 octobre 2009 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur la requête présentée par l'UNION SYNDICALE SOLIDAIRES ISERE et tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2006-950 du 28 juillet 2006 relatif à l'engagement éducatif pris pour l'application de la loi n° 2006-586 du 23 mai 2006 relative au volontariat associatif et à l'engagement éducatif, en tant qu'il insère dans le code du travail les articles D. 773-2-1, D. 773-2-2 et D. 773-2-3, ainsi que de la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté son recours gracieux formé contre ce décret, a, d'une part, rejeté les conclusions de cette requête en tant qu'elles concernent les articles D. 773-2-1 et D. 773-2-2, d'autre part, sursis à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice des Communautés européennes se soit prononcée sur les questions suivantes :
1) La directive du 4 novembre 2003 s'applique-t-elle à un personnel occasionnel et saisonnier accomplissant au maximum quatre-vingts journées de travail par an dans des centres de vacances et de loisirs '
2) En cas de réponse affirmative à cette question :
a) compte tenu de l'objet de la directive qui est, aux termes du 1 de son article 1er, de fixer des prescriptions minimales de sécurité et de santé en matière d'aménagement du temps de travail, l'article 17 doit-il être interprété en ce sens qu'il permet :
- soit, au titre de son paragraphe 1, de regarder l'activité occasionnelle et saisonnière des titulaires d'un contrat d'engagement éducatif comme étant au nombre de celles " dont la durée du temps de travail, en raison des caractéristiques particulières de cette activité, n'est pas mesurée et/ou prédéterminée ou peut être déterminée par les travailleurs eux-mêmes ",
- soit, au titre du b) de son paragraphe 3, de les regarder comme des " activités de garde, de surveillance et de permanence caractérisées par la nécessité d'assurer la protection des biens et des personnes " '
b) dans ce dernier cas, les conditions fixées au paragraphe 2, en termes de " périodes équivalentes de repos compensateur " ou de " protection appropriée accordées aux travailleurs concernés " doivent-elles s'entendre comme pouvant être satisfaites par un dispositif limitant à quatre-vingts journées de travail par an dans des centres de vacances et de loisirs l'activité des titulaires des contrats en cause '
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la directive n° 2003/88/CE du 4 novembre 2003 ;
Vu le code de l'action sociale et des familles ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 2006-586 du 23 mai 2006 ;
Vu l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne C-428/09 du 14 octobre 2010 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Pascal Trouilly, Maître des Requêtes,
- les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de ce que l'inscription au sein du code de l'action sociale et des familles des dispositions encore en litige du décret attaqué aurait pour effet de soustraire les règles régissant le contrat d'engagement éducatif au contrôle de l'inspection du travail ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté ;
Considérant, en second lieu, que l'article 3 de la directive du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, qui s'applique, selon le paragraphe 3 de son article 1er, " à tous les secteurs d'activités, privés ou publics, au sens de l'article 2 de la directive 89/391/CEE, sans préjudice des articles 14, 17, 18 et 19 ", prescrit aux Etats membres de prendre " les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie, au cours de chaque période de vingt-quatre heures, d'une période minimale de repos de onze heures consécutives " ; que le b) du paragraphe 3 de l'article 17 permet de déroger aux dispositions de l'article 3 " pour les activités de garde, de surveillance et de permanence caractérisées par la nécessité d'assurer la protection des biens et des personnes ", cette faculté étant subordonnée par le paragraphe 2 à la condition " que des périodes équivalentes de repos compensateur soient accordées aux travailleurs concernés ou que, dans des cas exceptionnels dans lesquels l'octroi de telles périodes équivalentes de repos compensateur n'est pas possible pour des raisons objectives, une protection appropriée soit accordée aux travailleurs concernés " ; que le c) du même paragraphe du même article prévoit également, sous les mêmes conditions, une dérogation aux dispositions de l'article 3 " pour les activités caractérisées par la nécessité d'assurer la continuité du service ou de la production (...) " ;
Considérant que, dans l'arrêt du 14 octobre 2010 par lequel elle s'est prononcée sur les questions dont le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, l'avait saisie à titre préjudiciel, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que les titulaires de contrats tels que les contrats d'engagement éducatif, exerçant des activités occasionnelles et saisonnières dans des centres de vacances et de loisirs et accomplissant au maximum quatre-vingts journées de travail par an, relèvent du champ d'application de la directive du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, que les titulaires de tels contrats relèvent de la dérogation figurant à l'article 17, paragraphe 3, sous b) et/ou sous c) de cette directive, et qu'une réglementation nationale limitant à quatre-vingts journées de travail par an l'activité des titulaires de tels contrats ne satisfait pas aux conditions fixées à l'article 17, paragraphe 2, de cette directive pour l'application de cette dérogation, selon lesquelles des périodes équivalentes de repos compensateur ou, dans des cas exceptionnels où l'octroi de telles périodes n'est pas possible pour des raisons objectives, une protection appropriée sont accordées aux travailleurs concernés ;
Considérant que l'article D. 773-2-3 du code du travail, issu du décret attaqué et relatif au régime du repos accordé aux titulaires d'un contrat d'engagement éducatif, désormais repris à l'article D. 432-4 du code de l'action sociale et des familles, rappelle la règle, énoncée par la loi du 23 mai 2006 relative au volontariat associatif et à l'engagement éducatif, suivant laquelle le titulaire du contrat bénéficie d'un repos hebdomadaire minimum de vingt-quatre heures consécutives ; que cette loi exclut l'application au contrat d'engagement éducatif des dispositions du code du travail prévoyant que " tout salarié bénéficie d'un repos quotidien d'une durée minimale de onze heures consécutives ", sans fixer, s'agissant de ce repos quotidien, aucune autre règle ; qu'il résulte de l'interprétation donnée par la Cour de justice de l'Union européenne de la directive du 4 novembre 2003 que, si ce régime de repos est susceptible de relever des possibilités de dérogation ouvertes par le paragraphe 3 de l'article 17 de cette directive, les dispositions litigieuses sont incompatibles avec cette directive, dès lors qu'elles ne prévoient ni périodes équivalentes de repos compensateur ni protection appropriée, le plafond annuel de quatre-vingts journées travaillées fixé par l'article L. 774-2 du code du travail ne pouvant être regardé comme une telle protection ; que, dès lors, l'union requérante est fondée à soutenir que la loi du 23 mai 2006 et le décret qui la met en oeuvre méconnaissent les objectifs fixés par la directive du 4 novembre 2003, en tant que les titulaires d'un contrat d'engagement éducatif ne bénéficient ni d'un repos quotidien ni d'une protection équivalente ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'UNION SYNDICALE SOLIDAIRES ISERE est fondée à demander, dans cette mesure, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés au soutien des mêmes conclusions, l'annulation du décret attaqué et de la décision du Premier ministre rejetant implicitement son recours gracieux formé contre ce décret ;
Sur les conclusions tendant à ce que le Conseil d'Etat limite dans le temps les effets de l'annulation :
Considérant que, si les ministres défendeurs font valoir que l'annulation prononcée par la présente décision aurait pour effet de désorganiser profondément les séjours de vacances, ces conséquences sont, ainsi que l'indiquent les ministres eux-mêmes, concentrées en grande majorité sur la période estivale ; qu'eu égard à la date à laquelle la présente décision est rendue et compte tenu en outre de la nature du moyen justifiant cette annulation, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions analysées ci-dessus ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 3131-1 du code du travail : " Tout salarié bénéficie d'un repos quotidien d'une durée minimale de onze heures consécutives " ; que l'article L. 3131-2 du même code dispose : " Une convention ou un accord collectif de travail étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut déroger à la durée minimale de repos quotidien, dans des conditions déterminées par décret, notamment pour des activités caractérisées par la nécessité d'assurer une continuité du service ou par des périodes d'intervention fractionnées. / Ce décret prévoit également les conditions dans lesquelles il peut être dérogé à cette durée minimale à défaut de convention ou d'accord et, en cas de travaux urgents en raison d'un accident ou d'une menace d'accident, ou de surcroît exceptionnel d'activité " ; que l'incompatibilité de la loi du 23 mai 2006 avec la directive du 4 novembre 2003, en ce qu'elle exclut l'application des dispositions précitées du code du travail, sans prévoir de périodes équivalentes de repos compensateur ou une protection appropriée, a pour effet de rendre applicables ces dispositions au contrat d'engagement éducatif, notamment la garantie d'un repos quotidien minimal de onze heures consécutives, sauf dérogation introduite sur le fondement de l'article L. 3131-2 ; qu'ainsi, et en tout état de cause, l'annulation prononcée n'implique pas que le pouvoir réglementaire prenne nécessairement des mesures dans un sens déterminé ; que les conclusions à fin d'injonction doivent, par suite, être rejetées ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à l'UNION SYNDICALE SOLIDAIRES ISERE de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le décret n° 2006-950 du 28 juillet 2006 et la décision par laquelle le Premier ministre a implicitement rejeté le recours gracieux formé contre ce décret sont annulés en tant que l'article D. 773-2-3 inséré dans le code du travail, désormais repris à l'article D. 432-4 du code de l'action sociale et des familles, met en oeuvre les dispositions de la loi du 23 mai 2006 qui ne prévoient, en ce qui concerne le régime du repos accordé aux titulaires d'un contrat d'engagement éducatif, ni repos quotidien ni protection équivalente au sens de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003.
Article 2 : L'Etat versera à l'UNION SYNDICALE SOLIDAIRES ISERE une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de l'UNION SYNDICALE SOLIDAIRES ISERE est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'UNION SYNDICALE SOLIDAIRES ISERE, au Premier ministre, au ministre du travail, de l'emploi et de la santé, au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative et au ministre des sports.