Conseil d'État
N° 320796
ECLI:FR:CEASS:2011:320796.20110719
Publié au recueil Lebon
Assemblée
Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur
M. Edouard Geffray, rapporteur public
SCP LE GRIEL ; SCP PEIGNOT, GARREAU, avocats
Lecture du mardi 19 juillet 2011
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 septembre et 16 décembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Patricia VAYSSIERE, demeurant ... ; Mme VAYSSIERE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 07VE01824 du 3 juillet 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles, faisant droit à l'appel de la commune de Montreuil-sous-Bois, a annulé le jugement du 12 juin 2007 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la délibération du 25 septembre 2003 du conseil municipal de Montreuil-sous-Bois consentant un bail emphytéotique à la fédération cultuelle des associations musulmanes de Montreuil sur les parcelles sises 212 à 221 rue de Rosny pour l'édification d'une mosquée ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la commune de Montreuil-sous-Bois ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Montreuil-sous-Bois la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 6 juillet 2011, présentée pour Mme VAYSSIERE ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 1er et 72 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code rural ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat ;
Vu la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures et, notamment, son article 138 ;
Vu l'ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 relative à la partie législative du code général de la propriété des personnes publiques ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, auditeur,
- les observations de la SCP Le Griel, avocat de Mme Patricia VAYSSIERE et de la SCP Peignot, Garreau, avocat de la commune de Montreuil sous Bois,
- les conclusions de M. Edouard Geffray, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Le Griel, avocat de Mme Patricia VAYSSIERE et à la SCP Peignot, Garreau, avocat de la commune de Montreuil-sous- Bois ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une délibération du 25 septembre 2003, le conseil municipal de Montreuil-sous-Bois a approuvé un bail emphytéotique d'une durée de 99 ans à conclure avec la Fédération cultuelle des associations musulmanes de Montreuil, moyennant une redevance annuelle d'un euro symbolique, en vue de l'édification d'une mosquée sur un terrain communal d'une superficie de 1 693 m² et a autorisé le maire à signer ce contrat ; que, par un jugement du 12 juin 2007, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cette délibération, à la demande de Mme VAYSSIERE, au motif qu'elle avait été prise en méconnaissance des dispositions de l'article 2 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat ; que, par un arrêt du 3 juillet 2008, contre lequel Mme VAYSSIERE se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Versailles a annulé ce jugement et rejeté la demande de l'intéressée ;
Considérant, en premier lieu, qu'en jugeant, au demeurant par un motif surabondant, que le principe constitutionnel de laïcité ne fait pas par lui-même obstacle à l'octroi de certaines aides à des activités ou des équipements dépendant des cultes, " dans l'intérêt général et dans les conditions définies par la loi ", la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat : " La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public " ; que l'article 2 de cette loi dispose : " La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l'Etat, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l'exercice des cultes. " ; qu'aux termes de l'article 13 de la même loi : " Les édifices servant à l'exercice public du culte, ainsi que les objets mobiliers les garnissant, seront laissés gratuitement à la disposition des établissements publics du culte, puis des associations appelées à les remplacer auxquelles les biens de ces établissements auront été attribués par application des dispositions du titre II. La cessation de cette jouissance et, s'il y a lieu, son transfert seront prononcés par décret (...). L'Etat, les départements, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale pourront engager les dépenses nécessaires pour l'entretien et la conservation des édifices du culte dont la propriété leur est reconnue par la présente loi. " ; qu'enfin, aux termes du dernier alinéa de l'article 19 de cette même loi, les associations formées pour subvenir aux frais, à l'entretien et à l'exercice d'un culte " ne pourront, sous quelque forme que ce soit, recevoir des subventions de l'Etat, des départements et des communes. Ne sont pas considérées comme subventions les sommes allouées pour réparations aux édifices affectés au culte public, qu'ils soient ou non classés monuments historiques. " ;
Considérant, par ailleurs, que l'article L. 451-1 du code rural dispose : " Le bail emphytéotique de biens immeubles confère au preneur un droit réel susceptible d'hypothèque ; ce droit peut être cédé et saisi dans les formes prescrites pour la saisie immobilière. / Ce bail doit être consenti pour plus de dix-huit années et ne peut dépasser quatre-vingt-dix-neuf ans ; il ne peut se prolonger par tacite reconduction. " ; qu'aux termes de l'article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction à la date de la délibération attaquée : " Un bien immobilier appartenant à une collectivité territoriale peut faire l'objet d'un bail emphytéotique prévu à l'article L. 451-1 du code rural, en vue de l'accomplissement, pour le compte de la collectivité territoriale, d'une mission de service public ou en vue de la réalisation d'une opération d'intérêt général relevant de sa compétence (...). " ; qu'aux termes du même article, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 21 avril 2006 relative à la partie législative du code général de la propriété des personnes publiques, ratifiée par la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures, un tel bail peut notamment être conclu " en vue de l'affectation à une association cultuelle d'un édifice du culte ouvert au public " ;
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de la loi du 9 décembre 1905 que les collectivités publiques peuvent seulement financer les dépenses d'entretien et de conservation des édifices servant à l'exercice public d'un culte dont elles sont demeurées ou devenues propriétaires lors de la séparation des Eglises et de l'Etat ou accorder des concours aux associations cultuelles pour des travaux de réparation d'édifices cultuels et qu'il leur est interdit d'apporter une aide à l'exercice d'un culte ; que les collectivités publiques ne peuvent donc, aux termes de ces dispositions, apporter aucune contribution directe ou indirecte à la construction de nouveaux édifices cultuels ;
Considérant, toutefois, que, ainsi que l'a jugé la cour sans commettre d'erreur de droit, l'article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales, dont la portée exacte sur ce point a été explicitée par l'ordonnance précitée du 21 avril 2006, a ouvert aux collectivités territoriales la faculté, dans le respect du principe de neutralité à l'égard des cultes et du principe d'égalité, d'autoriser un organisme qui entend construire un édifice du culte ouvert au public à occuper pour une longue durée une dépendance de leur domaine privé ou de leur domaine public, dans le cadre d'un bail emphytéotique, dénommé bail emphytéotique administratif et soumis aux conditions particulières posées par l'article L. 1311-3 du code général des collectivités territoriales ; que le législateur a ainsi permis aux collectivités territoriales de conclure un tel contrat en vue de la construction d'un nouvel édifice cultuel, avec pour contreparties, d'une part, le versement, par l'emphytéote, d'une redevance qui, eu égard à la nature du contrat et au fait que son titulaire n'exerce aucune activité à but lucratif, ne dépasse pas, en principe, un montant modique, d'autre part, l'incorporation dans leur patrimoine, à l'expiration du bail, de l'édifice construit, dont elles n'auront pas supporté les charges de conception, de construction, d'entretien ou de conservation ; qu'il a, ce faisant, dérogé aux dispositions précitées de la loi du 9 décembre 1905 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, si la délibération par laquelle une collectivité territoriale décide de conclure un bail emphytéotique administratif en vue de la construction d'un édifice cultuel doit respecter les règles applicables à un tel contrat, les dispositions précitées de la loi du 9 décembre 1905 ne lui sont pas applicables ; que le moyen soulevé devant la cour, tiré de ce que la délibération litigieuse aurait été prise en méconnaissance de l'article 2 de la loi du 9 décembre 1905, ne pouvait dès lors qu'être rejeté ; qu'il y a lieu de substituer ce motif de pur droit au motif retenu à tort par la cour, tiré de ce que, compte tenu des engagements pris par l'emphytéote, la redevance annuelle prévue par le bail litigieux ne pouvait être regardée comme une subvention déguisée aux cultes ; qu'ainsi, le moyen de Mme VAYSSIERE, tiré de ce que la cour aurait commis une erreur de droit en jugeant que la délibération attaquée ne méconnaît pas les dispositions de la loi du 9 décembre 1905, ne peut qu'être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération " ; que la cour a relevé qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis, d'une part, que la convocation à la séance au cours de laquelle a été adoptée la délibération litigieuse était accompagnée du projet de délibération et d'un rapport de présentation valant note explicative de synthèse, qui indiquait les motifs pour lesquels la commune envisageait la conclusion d'un bail emphytéotique pour la construction d'une mosquée et qui précisait la composition et l'objet de la Fédération cultuelle des associations musulmanes de Montreuil, d'autre part, que, si Mme VAYSSIERE avait sollicité la communication du projet de bail deux jours avant la séance du conseil, ce projet lui avait été remis le matin du jour de cette séance et que, même si elle n'avait pu prendre connaissance des statuts de l'association, elle devait être regardée, compte tenu des précisions figurant dans le rapport de présentation, comme ayant disposé d'une information suffisante ; que la cour n'a ainsi entaché son arrêt d'aucune dénaturation ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme VAYSSIERE n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Montreuil-sous-Bois, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande Mme VAYSSIERE au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme VAYSSIERE la somme que demande la commune de Montreuil-sous-Bois au même titre ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de Mme VAYSSIERE est rejeté.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Montreuil-sous-Bois tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Patricia VAYSSIERE et à la commune de Montreuil-sous-Bois.
Une copie en sera adressée pour information à la Fédération cultuelle des associations musulmanes de Montreuil et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
N° 320796
ECLI:FR:CEASS:2011:320796.20110719
Publié au recueil Lebon
Assemblée
Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur
M. Edouard Geffray, rapporteur public
SCP LE GRIEL ; SCP PEIGNOT, GARREAU, avocats
Lecture du mardi 19 juillet 2011
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 septembre et 16 décembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Patricia VAYSSIERE, demeurant ... ; Mme VAYSSIERE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 07VE01824 du 3 juillet 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles, faisant droit à l'appel de la commune de Montreuil-sous-Bois, a annulé le jugement du 12 juin 2007 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la délibération du 25 septembre 2003 du conseil municipal de Montreuil-sous-Bois consentant un bail emphytéotique à la fédération cultuelle des associations musulmanes de Montreuil sur les parcelles sises 212 à 221 rue de Rosny pour l'édification d'une mosquée ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la commune de Montreuil-sous-Bois ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Montreuil-sous-Bois la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 6 juillet 2011, présentée pour Mme VAYSSIERE ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 1er et 72 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code rural ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat ;
Vu la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures et, notamment, son article 138 ;
Vu l'ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 relative à la partie législative du code général de la propriété des personnes publiques ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, auditeur,
- les observations de la SCP Le Griel, avocat de Mme Patricia VAYSSIERE et de la SCP Peignot, Garreau, avocat de la commune de Montreuil sous Bois,
- les conclusions de M. Edouard Geffray, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Le Griel, avocat de Mme Patricia VAYSSIERE et à la SCP Peignot, Garreau, avocat de la commune de Montreuil-sous- Bois ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une délibération du 25 septembre 2003, le conseil municipal de Montreuil-sous-Bois a approuvé un bail emphytéotique d'une durée de 99 ans à conclure avec la Fédération cultuelle des associations musulmanes de Montreuil, moyennant une redevance annuelle d'un euro symbolique, en vue de l'édification d'une mosquée sur un terrain communal d'une superficie de 1 693 m² et a autorisé le maire à signer ce contrat ; que, par un jugement du 12 juin 2007, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cette délibération, à la demande de Mme VAYSSIERE, au motif qu'elle avait été prise en méconnaissance des dispositions de l'article 2 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat ; que, par un arrêt du 3 juillet 2008, contre lequel Mme VAYSSIERE se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Versailles a annulé ce jugement et rejeté la demande de l'intéressée ;
Considérant, en premier lieu, qu'en jugeant, au demeurant par un motif surabondant, que le principe constitutionnel de laïcité ne fait pas par lui-même obstacle à l'octroi de certaines aides à des activités ou des équipements dépendant des cultes, " dans l'intérêt général et dans les conditions définies par la loi ", la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat : " La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public " ; que l'article 2 de cette loi dispose : " La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l'Etat, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l'exercice des cultes. " ; qu'aux termes de l'article 13 de la même loi : " Les édifices servant à l'exercice public du culte, ainsi que les objets mobiliers les garnissant, seront laissés gratuitement à la disposition des établissements publics du culte, puis des associations appelées à les remplacer auxquelles les biens de ces établissements auront été attribués par application des dispositions du titre II. La cessation de cette jouissance et, s'il y a lieu, son transfert seront prononcés par décret (...). L'Etat, les départements, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale pourront engager les dépenses nécessaires pour l'entretien et la conservation des édifices du culte dont la propriété leur est reconnue par la présente loi. " ; qu'enfin, aux termes du dernier alinéa de l'article 19 de cette même loi, les associations formées pour subvenir aux frais, à l'entretien et à l'exercice d'un culte " ne pourront, sous quelque forme que ce soit, recevoir des subventions de l'Etat, des départements et des communes. Ne sont pas considérées comme subventions les sommes allouées pour réparations aux édifices affectés au culte public, qu'ils soient ou non classés monuments historiques. " ;
Considérant, par ailleurs, que l'article L. 451-1 du code rural dispose : " Le bail emphytéotique de biens immeubles confère au preneur un droit réel susceptible d'hypothèque ; ce droit peut être cédé et saisi dans les formes prescrites pour la saisie immobilière. / Ce bail doit être consenti pour plus de dix-huit années et ne peut dépasser quatre-vingt-dix-neuf ans ; il ne peut se prolonger par tacite reconduction. " ; qu'aux termes de l'article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction à la date de la délibération attaquée : " Un bien immobilier appartenant à une collectivité territoriale peut faire l'objet d'un bail emphytéotique prévu à l'article L. 451-1 du code rural, en vue de l'accomplissement, pour le compte de la collectivité territoriale, d'une mission de service public ou en vue de la réalisation d'une opération d'intérêt général relevant de sa compétence (...). " ; qu'aux termes du même article, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 21 avril 2006 relative à la partie législative du code général de la propriété des personnes publiques, ratifiée par la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures, un tel bail peut notamment être conclu " en vue de l'affectation à une association cultuelle d'un édifice du culte ouvert au public " ;
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de la loi du 9 décembre 1905 que les collectivités publiques peuvent seulement financer les dépenses d'entretien et de conservation des édifices servant à l'exercice public d'un culte dont elles sont demeurées ou devenues propriétaires lors de la séparation des Eglises et de l'Etat ou accorder des concours aux associations cultuelles pour des travaux de réparation d'édifices cultuels et qu'il leur est interdit d'apporter une aide à l'exercice d'un culte ; que les collectivités publiques ne peuvent donc, aux termes de ces dispositions, apporter aucune contribution directe ou indirecte à la construction de nouveaux édifices cultuels ;
Considérant, toutefois, que, ainsi que l'a jugé la cour sans commettre d'erreur de droit, l'article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales, dont la portée exacte sur ce point a été explicitée par l'ordonnance précitée du 21 avril 2006, a ouvert aux collectivités territoriales la faculté, dans le respect du principe de neutralité à l'égard des cultes et du principe d'égalité, d'autoriser un organisme qui entend construire un édifice du culte ouvert au public à occuper pour une longue durée une dépendance de leur domaine privé ou de leur domaine public, dans le cadre d'un bail emphytéotique, dénommé bail emphytéotique administratif et soumis aux conditions particulières posées par l'article L. 1311-3 du code général des collectivités territoriales ; que le législateur a ainsi permis aux collectivités territoriales de conclure un tel contrat en vue de la construction d'un nouvel édifice cultuel, avec pour contreparties, d'une part, le versement, par l'emphytéote, d'une redevance qui, eu égard à la nature du contrat et au fait que son titulaire n'exerce aucune activité à but lucratif, ne dépasse pas, en principe, un montant modique, d'autre part, l'incorporation dans leur patrimoine, à l'expiration du bail, de l'édifice construit, dont elles n'auront pas supporté les charges de conception, de construction, d'entretien ou de conservation ; qu'il a, ce faisant, dérogé aux dispositions précitées de la loi du 9 décembre 1905 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, si la délibération par laquelle une collectivité territoriale décide de conclure un bail emphytéotique administratif en vue de la construction d'un édifice cultuel doit respecter les règles applicables à un tel contrat, les dispositions précitées de la loi du 9 décembre 1905 ne lui sont pas applicables ; que le moyen soulevé devant la cour, tiré de ce que la délibération litigieuse aurait été prise en méconnaissance de l'article 2 de la loi du 9 décembre 1905, ne pouvait dès lors qu'être rejeté ; qu'il y a lieu de substituer ce motif de pur droit au motif retenu à tort par la cour, tiré de ce que, compte tenu des engagements pris par l'emphytéote, la redevance annuelle prévue par le bail litigieux ne pouvait être regardée comme une subvention déguisée aux cultes ; qu'ainsi, le moyen de Mme VAYSSIERE, tiré de ce que la cour aurait commis une erreur de droit en jugeant que la délibération attaquée ne méconnaît pas les dispositions de la loi du 9 décembre 1905, ne peut qu'être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération " ; que la cour a relevé qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis, d'une part, que la convocation à la séance au cours de laquelle a été adoptée la délibération litigieuse était accompagnée du projet de délibération et d'un rapport de présentation valant note explicative de synthèse, qui indiquait les motifs pour lesquels la commune envisageait la conclusion d'un bail emphytéotique pour la construction d'une mosquée et qui précisait la composition et l'objet de la Fédération cultuelle des associations musulmanes de Montreuil, d'autre part, que, si Mme VAYSSIERE avait sollicité la communication du projet de bail deux jours avant la séance du conseil, ce projet lui avait été remis le matin du jour de cette séance et que, même si elle n'avait pu prendre connaissance des statuts de l'association, elle devait être regardée, compte tenu des précisions figurant dans le rapport de présentation, comme ayant disposé d'une information suffisante ; que la cour n'a ainsi entaché son arrêt d'aucune dénaturation ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme VAYSSIERE n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Montreuil-sous-Bois, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande Mme VAYSSIERE au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme VAYSSIERE la somme que demande la commune de Montreuil-sous-Bois au même titre ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de Mme VAYSSIERE est rejeté.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Montreuil-sous-Bois tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Patricia VAYSSIERE et à la commune de Montreuil-sous-Bois.
Une copie en sera adressée pour information à la Fédération cultuelle des associations musulmanes de Montreuil et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.