Conseil d'État
N° 309161
ECLI:FR:CEASS:2011:309161.20110719
Publié au recueil Lebon
Assemblée
Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur
M. Edouard Geffray, rapporteur public
SCP COUTARD, MUNIER-APAIRE ; SCP LYON-CAEN, THIRIEZ, avocats
Lecture du mardi 19 juillet 2011
Vu le pourvoi sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 6 septembre 2007, 7 décembre 2007 et 25 février 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNAUTE URBAINE DU MANS - LE MANS METROPOLE, dont le siège est Hôtel Communautaire Condorcet, 16 avenue François Mitterrand à Le Mans Cedex 09 (72039), représentée par son président ; la COMMUNAUTE URBAINE DU MANS - LE MANS METROPOLE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 06NT01080 du 5 juin 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel qu'elle a formé contre le jugement n° 03-4569 du 31 mars 2006 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. A, la délibération du 21 octobre 2003 de son conseil communautaire décidant le financement des travaux d'aménagement d'un abattoir pour ovins d'un montant de 380 000 euros ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de M. A une somme de 5 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'arrêt attaqué ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 1er et 72 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la directive (CE) n° 93/119 du Conseil du 22 décembre 1993 sur la protection des animaux au moment de leur abattage ou de leur mise à mort ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code rural ;
Vu la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, auditeur,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la COMMUNAUTE URBAINE DU MANS - LE MANS METROPOLE et de la SCP Coutard, Mayer, Munier-Apaire, avocat de M. Raymond A,
- les conclusions de M. Edouard Geffray, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la COMMUNAUTE URBAINE DU MANS - LE MANS METROPOLE et à la SCP Coutard, Mayer, Munier-Apaire, avocat de M. Raymond A ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une délibération du 21 octobre 2003, le conseil communautaire de la COMMUNAUTE URBAINE DU MANS - LE MANS METROPOLE a décidé l'aménagement de locaux désaffectés en vue d'obtenir l'agrément sanitaire pour un abattoir local temporaire destiné à fonctionner essentiellement pendant les trois jours de la fête de l'Aïd-el-Kébir ; qu'il a autorisé le président de la communauté à engager la passation des marchés publics nécessaires ; que, par une délibération du 21 octobre 2003, le conseil communautaire a arrêté à 380 000 euros l'enveloppe budgétaire destinée au financement de ces travaux ; qu'à la demande de M. A, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette dernière délibération, au motif qu'elle avait été prise en méconnaissance de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat ; que, par un arrêt du 5 juin 2007, contre lequel la COMMUNAUTE URBAINE DU MANS - LE MANS METROPOLE se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Nantes a confirmé ce jugement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat : " La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public " ; qu'aux termes de l'article 2 de cette loi : " La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l'Etat, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l'exercice des cultes (...). " ; qu'aux termes de l'article 13 de la même loi : " Les édifices servant à l'exercice public du culte, ainsi que les objets mobiliers les garnissant, seront laissés gratuitement à la disposition des établissements publics du culte, puis des associations appelées à les remplacer auxquelles les biens de ces établissements auront été attribués par application des dispositions du titre II. La cessation de cette jouissance et, s'il y a lieu, son transfert seront prononcés par décret (...). L'Etat, les départements, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale pourront engager les dépenses nécessaires pour l'entretien et la conservation des édifices du culte dont la propriété leur est reconnue par la présente loi. " ; qu'enfin, aux termes du dernier alinéa de l'article 19 de cette loi, les associations formées pour subvenir aux frais, à l'entretien et à l'exercice d'un culte " ne pourront, sous quelque forme que ce soit, recevoir des subventions de l'Etat, des départements et des communes. Ne sont pas considérées comme subventions les sommes allouées pour réparations aux édifices affectés au culte public, qu'ils soient ou non classés monuments historiques. " ;
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de la loi du 9 décembre 1905 que les collectivités publiques peuvent seulement financer les dépenses d'entretien et de conservation des édifices servant à l'exercice public d'un culte dont elles sont demeurées ou devenues propriétaires lors de la séparation des Eglises et de l'Etat ou accorder des concours aux associations cultuelles pour des travaux de réparation d'édifices cultuels et qu'il leur est interdit d'apporter une aide à l'exercice d'un culte ;
Considérant, toutefois, que ces dispositions ne font pas obstacle à ce qu'une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales, dans le cadre des compétences qui lui sont dévolues par la loi ou qui sont prévues par ses statuts, construise ou acquière un équipement ou autorise l'utilisation d'un équipement existant, afin de permettre l'exercice de pratiques à caractère rituel relevant du libre exercice des cultes, à condition qu'un intérêt public local, tenant notamment à la nécessité que les cultes soient exercés dans des conditions conformes aux impératifs de l'ordre public, en particulier de la salubrité publique et de la santé publique, justifie une telle intervention et qu'en outre le droit d'utiliser l'équipement soit concédé dans des conditions, notamment tarifaires, qui respectent le principe de neutralité à l'égard des cultes et le principe d'égalité et qui excluent toute libéralité et, par suite, toute aide à un culte ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en se bornant à relever que l'abattage d'ovins lors de la fête de l'Aïd-el-Kébir présente un caractère rituel, pour en déduire que la décision d'aménager un abattoir temporaire méconnaissait les dispositions de la loi du 9 décembre 1905, sans examiner si l'intervention de la communauté urbaine était justifiée par un intérêt public local tenant à la nécessité que les cultes soient exercés dans des conditions conformes aux impératifs de l'ordre public, en particulier de la salubrité publique et de la santé publique, du fait, notamment, de l'éloignement de tout abattoir dans lequel l'abattage rituel pût être pratiqué dans des conditions conformes à la réglementation, la cour a commis une erreur de droit ; que son arrêt doit, par suite, être annulé ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la COMMUNAUTE URBAINE DU MANS - LE MANS METROPOLE, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. A d'une somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A la somme que demande la COMMUNAUTE URBAINE DU MANS - LE MANS METROPOLE au même titre ;
DECIDE :
----------
Article 1er : L'arrêt du 5 juin 2007 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la COMMUNAUTE URBAINE DU MANS - LE MANS METROPOLE et les conclusions de M. A tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNAUTE URBAINE DU MANS - LE MANS METROPOLE et à M. Raymond A.
Une copie en sera adressée pour information au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
N° 309161
ECLI:FR:CEASS:2011:309161.20110719
Publié au recueil Lebon
Assemblée
Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur
M. Edouard Geffray, rapporteur public
SCP COUTARD, MUNIER-APAIRE ; SCP LYON-CAEN, THIRIEZ, avocats
Lecture du mardi 19 juillet 2011
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le pourvoi sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 6 septembre 2007, 7 décembre 2007 et 25 février 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNAUTE URBAINE DU MANS - LE MANS METROPOLE, dont le siège est Hôtel Communautaire Condorcet, 16 avenue François Mitterrand à Le Mans Cedex 09 (72039), représentée par son président ; la COMMUNAUTE URBAINE DU MANS - LE MANS METROPOLE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 06NT01080 du 5 juin 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel qu'elle a formé contre le jugement n° 03-4569 du 31 mars 2006 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. A, la délibération du 21 octobre 2003 de son conseil communautaire décidant le financement des travaux d'aménagement d'un abattoir pour ovins d'un montant de 380 000 euros ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de M. A une somme de 5 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'arrêt attaqué ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 1er et 72 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la directive (CE) n° 93/119 du Conseil du 22 décembre 1993 sur la protection des animaux au moment de leur abattage ou de leur mise à mort ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code rural ;
Vu la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, auditeur,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la COMMUNAUTE URBAINE DU MANS - LE MANS METROPOLE et de la SCP Coutard, Mayer, Munier-Apaire, avocat de M. Raymond A,
- les conclusions de M. Edouard Geffray, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la COMMUNAUTE URBAINE DU MANS - LE MANS METROPOLE et à la SCP Coutard, Mayer, Munier-Apaire, avocat de M. Raymond A ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une délibération du 21 octobre 2003, le conseil communautaire de la COMMUNAUTE URBAINE DU MANS - LE MANS METROPOLE a décidé l'aménagement de locaux désaffectés en vue d'obtenir l'agrément sanitaire pour un abattoir local temporaire destiné à fonctionner essentiellement pendant les trois jours de la fête de l'Aïd-el-Kébir ; qu'il a autorisé le président de la communauté à engager la passation des marchés publics nécessaires ; que, par une délibération du 21 octobre 2003, le conseil communautaire a arrêté à 380 000 euros l'enveloppe budgétaire destinée au financement de ces travaux ; qu'à la demande de M. A, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette dernière délibération, au motif qu'elle avait été prise en méconnaissance de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat ; que, par un arrêt du 5 juin 2007, contre lequel la COMMUNAUTE URBAINE DU MANS - LE MANS METROPOLE se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Nantes a confirmé ce jugement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat : " La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public " ; qu'aux termes de l'article 2 de cette loi : " La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l'Etat, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l'exercice des cultes (...). " ; qu'aux termes de l'article 13 de la même loi : " Les édifices servant à l'exercice public du culte, ainsi que les objets mobiliers les garnissant, seront laissés gratuitement à la disposition des établissements publics du culte, puis des associations appelées à les remplacer auxquelles les biens de ces établissements auront été attribués par application des dispositions du titre II. La cessation de cette jouissance et, s'il y a lieu, son transfert seront prononcés par décret (...). L'Etat, les départements, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale pourront engager les dépenses nécessaires pour l'entretien et la conservation des édifices du culte dont la propriété leur est reconnue par la présente loi. " ; qu'enfin, aux termes du dernier alinéa de l'article 19 de cette loi, les associations formées pour subvenir aux frais, à l'entretien et à l'exercice d'un culte " ne pourront, sous quelque forme que ce soit, recevoir des subventions de l'Etat, des départements et des communes. Ne sont pas considérées comme subventions les sommes allouées pour réparations aux édifices affectés au culte public, qu'ils soient ou non classés monuments historiques. " ;
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de la loi du 9 décembre 1905 que les collectivités publiques peuvent seulement financer les dépenses d'entretien et de conservation des édifices servant à l'exercice public d'un culte dont elles sont demeurées ou devenues propriétaires lors de la séparation des Eglises et de l'Etat ou accorder des concours aux associations cultuelles pour des travaux de réparation d'édifices cultuels et qu'il leur est interdit d'apporter une aide à l'exercice d'un culte ;
Considérant, toutefois, que ces dispositions ne font pas obstacle à ce qu'une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales, dans le cadre des compétences qui lui sont dévolues par la loi ou qui sont prévues par ses statuts, construise ou acquière un équipement ou autorise l'utilisation d'un équipement existant, afin de permettre l'exercice de pratiques à caractère rituel relevant du libre exercice des cultes, à condition qu'un intérêt public local, tenant notamment à la nécessité que les cultes soient exercés dans des conditions conformes aux impératifs de l'ordre public, en particulier de la salubrité publique et de la santé publique, justifie une telle intervention et qu'en outre le droit d'utiliser l'équipement soit concédé dans des conditions, notamment tarifaires, qui respectent le principe de neutralité à l'égard des cultes et le principe d'égalité et qui excluent toute libéralité et, par suite, toute aide à un culte ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en se bornant à relever que l'abattage d'ovins lors de la fête de l'Aïd-el-Kébir présente un caractère rituel, pour en déduire que la décision d'aménager un abattoir temporaire méconnaissait les dispositions de la loi du 9 décembre 1905, sans examiner si l'intervention de la communauté urbaine était justifiée par un intérêt public local tenant à la nécessité que les cultes soient exercés dans des conditions conformes aux impératifs de l'ordre public, en particulier de la salubrité publique et de la santé publique, du fait, notamment, de l'éloignement de tout abattoir dans lequel l'abattage rituel pût être pratiqué dans des conditions conformes à la réglementation, la cour a commis une erreur de droit ; que son arrêt doit, par suite, être annulé ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la COMMUNAUTE URBAINE DU MANS - LE MANS METROPOLE, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. A d'une somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A la somme que demande la COMMUNAUTE URBAINE DU MANS - LE MANS METROPOLE au même titre ;
DECIDE :
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Article 1er : L'arrêt du 5 juin 2007 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la COMMUNAUTE URBAINE DU MANS - LE MANS METROPOLE et les conclusions de M. A tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNAUTE URBAINE DU MANS - LE MANS METROPOLE et à M. Raymond A.
Une copie en sera adressée pour information au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.