Conseil d'État
N° 338273
ECLI:FR:CESEC:2010:338273.20101230
Publié au recueil Lebon
Section du Contentieux
M. Xavier Domino, rapporteur
SCP THOMAS-RAQUIN, BENABENT ; SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ ; SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET ; SCP HEMERY, THOMAS-RAQUIN, avocats
Lecture du jeudi 30 décembre 2010
Vu la requête, enregistrée le 1er avril 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE METROPOLE TELEVISION (M6), dont le siège est situé 89, avenue Charles de Gaulle à Neuilly-sur-Seine (92575 Cedex) ; la SOCIETE METROPOLE TELEVISION (M6) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 23 mars 2010 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a donné son agrément à l'opération d'acquisition, par la société TF1, de l'intégralité du capital de Groupe AB, aux fins de contrôler 80% du capital social de la société Télé Monte-Carlo (TMC) et 100% de la société NT1, sociétés éditrices de services de télévision généralistes diffusés par voie hertzienne terrestre en mode numérique ;
2°) d'enjoindre au Conseil supérieur de l'audiovisuel de retirer les autorisations d'émettre sur le réseau hertzien en mode numérique délivrées à TMC et NT1, sauf à ce que TF1 se libère dans un délai de six mois de l'ensemble des parts qu'il détient dans au moins l'une des deux chaînes objet du présent litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 17 décembre 2010, présentée pour la SOCIETE METROPOLE TELEVISION ;
Vu la Constitution, notamment le Préambule ;
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Xavier Domino, Maître des Requêtes-rapporteur,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la SOCIÉTÉ METROPOLE TÉLÉVISION (M6), de la SCP Hémery, Thomas-Raquin, avocat de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) et autres et de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la société TF1 et autres,
- les conclusions de M. Edouard Geffray, rapporteur public,
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la SOCIÉTÉ METROPOLE TÉLÉVISION (M6), à la SCP Hémery, Thomas-Raquin, avocat de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) et autres et à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la société TF1 et autres ;
Considérant que, par une délibération du 23 mars 2010, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a donné son agrément à l'opération d'acquisition, par la société TF1, de l'intégralité du capital de Groupe AB, aux fins de contrôler 80% de la société Télé Monte-Carlo (TMC) et 100% de la société NT1, sociétés éditrices de services de télévision généralistes diffusés par voie hertzienne terrestre en mode numérique ; que la SOCIETE METROPOLE TELEVISION (M6) demande l'annulation, pour excès de pouvoir, de cette décision ;
Sur l'intervention en défense de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques, de l'Union syndicale de la production audiovisuelle et du Syndicat des producteurs de films d'animation :
Considérant que la Société des auteurs et compositeurs dramatiques, l'Union syndicale de la production audiovisuelle et le Syndicat des producteurs de films d'animation ont intérêt au maintien de la décision attaquée ; qu'ainsi leur intervention est recevable ;
Sur les conclusions de la SOCIETE METROPOLE TELEVISION :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication : " La communication au public par voie électronique est libre. / L'exercice de cette liberté ne peut être limité que dans la mesure requise (...) par le respect (...) du caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion (...) " ; que l'article 30-1 de la même loi dispose que : " (...) L'usage de ressources radioélectriques pour la diffusion de tout service de télévision par voie hertzienne terrestre en mode numérique est autorisé par le Conseil supérieur de l'audiovisuel dans les conditions prévues au présent article./ Le Conseil accorde les autorisations d'usage de la ressource radioélectrique en appréciant l'intérêt de chaque projet pour le public au regard des impératifs prioritaires et des critères mentionnés aux articles 29 et 30, ainsi que des engagements du candidat en matière de couverture du territoire, de production et de diffusion d'oeuvres audiovisuelles et cinématographiques françaises et européennes (...)" ; qu'aux termes de l'article 29 de la même loi : " [...] Le conseil accorde les autorisations en appréciant l'intérêt de chaque projet pour le public, au regard des impératifs prioritaires que sont la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socio-culturels, la diversification des opérateurs, et la nécessité d'éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence. / Il tient également compte : / 1° De l'expérience acquise par le candidat dans les activités de communication ; / 2° Du financement et des perspectives d'exploitation du service notamment en fonction des possibilités de partage des ressources publicitaires entre les entreprises de presse écrite et les services de communication audiovisuelle ; / 3° Des participations, directes ou indirectes, détenues par le candidat dans le capital d'une ou plusieurs régies publicitaires ou dans le capital d'une ou plusieurs entreprises éditrices de publications de presse ; / 4° Pour les services dont les programmes comportent des émissions d'information politique et générale, des dispositions envisagées en vue de garantir le caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion, l'honnêteté de l'information et son indépendance à l'égard des intérêts économiques des actionnaires, en particulier lorsque ceux-ci sont titulaires de marchés publics ou de délégations de service public ; / 5° De la contribution à la production de programmes réalisés localement " ; qu'enfin, aux termes du premier alinéa de l'article 42-3: " L'autorisation peut être retirée, sans mise en demeure préalable, en cas de modification substantielle des données au vu desquelles l'autorisation avait été délivrée, notamment des changements intervenus dans la composition du capital social ou des organes de direction et dans les modalités de financement. " ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, pour délivrer des autorisations d'usage de ressources radioélectriques pour la diffusion d'un service de télévision par voie hertzienne terrestre en mode numérique, il incombe au Conseil supérieur de l'audiovisuel, en se fondant sur les impératifs prioritaires et les éléments d'appréciation définis par les dispositions précitées des articles 29 et 30-1 de la loi, de choisir, à l'issue de la procédure d'appel à candidatures prévue par le I de l'article 30-1, les projets qui contribuent le mieux à la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socio-culturels, lequel participe de l'objectif de valeur constitutionnelle de pluralisme des courants de pensée et d'opinion, et qui sont le mieux à même de répondre à l'intérêt du public ; qu'il doit veiller à ce qu'une diversification suffisante des opérateurs et le jeu normal de la concurrence permettent, en préservant notamment un accès équilibré de tous les opérateurs à la ressource publicitaire et aux marchés des droits, que l' objectif fondamental de pluralisme et l'intérêt du public soient respectés ;
Considérant qu'il résulte par ailleurs des dispositions précitées de l'article 42-3 de la loi que, lorsque des circonstances nouvelles sont susceptibles de conduire à une modification substantielle des données au vu desquelles une autorisation a été délivrée, le titulaire de cette autorisation peut, ainsi d'ailleurs que le prévoit le plus souvent la convention conclue, en application de l'article 28 de la loi, avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel, saisir celui-ci, afin qu'il lui fasse savoir si, dans l'hypothèse où les modifications en cause seraient effectives, il serait conduit à user de son pouvoir de mettre fin à l'autorisation ou s'il peut agréer l'opération qui lui a été soumise ; qu'il incombe au Conseil supérieur de l'audiovisuel, saisi d'une telle demande, de déterminer, en prenant en compte les circonstances de fait et de droit à la date où il se prononce, notamment en ce qui concerne la diversité des opérateurs, si les modifications envisagées sont, eu égard, le cas échéant, aux engagements pris par les opérateurs intéressés pour en atténuer ou en compenser les effets, de nature à compromettre l'impératif fondamental de pluralisme et l'intérêt du public et justifient, par suite, une abrogation de l'autorisation initialement accordée ;
En ce qui concerne les conditions dans lesquelles le Conseil supérieur de l'audiovisuel a exercé les pouvoirs qu'il tient de la loi :
Considérant que la SOCIETE METROPOLE TELEVISION soutient que, pour prendre la délibération attaquée, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a irrégulièrement exercé ses pouvoirs, d'une part en se bornant à approuver la décision de l'Autorité de la concurrence autorisant, en application des articles L. 430-2 et suivants du code de commerce, l'opération d'acquisition par TF1 des chaînes TMC et NT1 et à définir des engagements complémentaires, d'autre part en méconnaissant le principe d'impartialité ;
Considérant, en premier lieu, que si le Conseil supérieur de l'audiovisuel, saisi par l'Autorité de la concurrence conformément aux prévisions de l'article 41-4 de la loi du 30 septembre 1986, a donné, le 29 septembre 2009, un avis favorable à l'opération de concentration litigieuse, il ne ressort pas des pièces du dossier que, pour décider, par la délibération attaquée, de donner son agrément au même projet, il se serait estimé à tort lié par la teneur de l'avis qu'il avait précédemment rendu ou par celle de la décision du 26 janvier 2010 de l'Autorité de la concurrence, ni qu'il se serait refusé à exercer les pouvoirs propres qu'il tient, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, de la loi du 30 septembre 1986, en s'abstenant d'envisager l'hypothèse d'un refus d'agrément et en se bornant à prévoir des mesures d'accompagnement supplémentaires ; que, notamment, et contrairement à ce que soutient la société requérante, il n'était tenu ni de se borner à de simples observations en réponse à la demande de l'Autorité de la concurrence, ni de prendre sa propre décision avant de rendre son avis ; qu'ainsi, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le Conseil supérieur de l'audiovisuel aurait méconnu l'étendue de sa compétence ;
Considérant, en second lieu, que le principe d'impartialité s'impose au Conseil supérieur de l'audiovisuel, comme à toute autorité administrative ; que, par suite, et ainsi d'ailleurs que le rappelle le 5ème alinéa de l'article 5 de la loi du 30 septembre 1986, aux termes duquel " pendant la durée de leurs fonctions et durant un an à compter de la cessation de leurs fonctions, les membres du Conseil sont tenus de s'abstenir de toute prise de position publique sur les questions dont le Conseil a ou a eu à connaître ou qui sont susceptibles de lui être soumises dans l'exercice de sa mission ", il incombe aux membres du Conseil supérieur de s'abstenir de toute prise de position publique de nature à compromettre le respect de ce principe ; que, toutefois, en l'espèce, ni les termes de son avis du 29 septembre 2009, ni la circonstance que certains de ses membres se soient publiquement prononcés, de façon générale, sur les perspectives d'évolution économique du secteur de la télévision ne sont de nature à établir que sa décision aurait été prise dans des conditions qui auraient méconnu le principe d'impartialité ;
En ce qui concerne les erreurs de droit dont serait entachée la délibération attaquée :
Considérant, en premier lieu, que, alors même que les modifications qu'il doit apprécier dans le cadre des pouvoirs qu'il tient de l'article 42-3 de la loi consistent seulement, comme c'est le cas en l'espèce, en un changement de la composition du capital du détenteur d'une autorisation, le Conseil supérieur de l'audiovisuel peut, sans erreur de droit, tenir compte, pour déterminer s'il doit les agréer, d'engagements relatifs à la garantie du pluralisme, à la qualité des programmes et au soutien à la création ; qu'en donnant son agrément sous réserve du respect d'engagements de cette nature, le Conseil supérieur de l'audiovisuel n'a donc pas commis d'erreur de droit ;
Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce que soutient la société requérante, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision attaquée serait exclusivement motivée par des considérations d'opportunité industrielle ;
Considérant, en troisième lieu, que c'est également sans erreur de droit, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que le Conseil supérieur de l'audiovisuel a pris en compte les équilibres du secteur de la télévision numérique terrestre à la date à laquelle il a pris sa décision ;
En ce qui concerne l'appréciation par le Conseil supérieur de l'audiovisuel des incidences de l'opération sur les autorisations détenues par les chaînes TMC et NT1 :
Considérant, en premier lieu, que le Conseil supérieur de l'audiovisuel a pu, sans erreur d'appréciation, relever, d'une part, que l'opération litigieuse présentait un risque limité au regard de l'objectif fondamental de pluralisme et de la nécessité de ne pas compromettre l'intérêt, pour le public, des deux chaînes acquises par TF1, d'autre part, que ce risque pouvait être prévenu par les engagements souscrits devant lui ; qu'à cet égard, il ressort des pièces du dossier que, outre les engagements, déjà pris devant l'Autorité de la concurrence, de ne pas promouvoir les programmes de TMC et NT1 sur TF1, de limiter la rediffusion de certains programmes de TF1 à une seule autre chaîne gratuite du groupe et de ne pas répondre à un même appel d'offres pour l'acquisition de droits de diffusion d'évènements sportifs pour plus de deux chaînes en clair du groupe, les parties se sont notamment engagées devant le Conseil supérieur de l'audiovisuel à augmenter les investissements en productions inédites destinées à TMC et NT1, à accroître les obligations de programmation d'oeuvres d'expression française ou européenne de NT1, à diffuser des programmes inédits entre 14h00 et 23h00 à hauteur de 365 heures pour TMC et de 456 heures pour NT1, à diffuser sur NT1 une émission culturelle à des heures d'écoute favorables et à favoriser la programmation sur cette chaîne de nouveaux talents et de nouveaux formats, à diffuser, à raison de six par an pour TMC et de douze par an pour NT1, des captations ou recréations de spectacles vivants, ou encore à ce que le groupe TF1 souscrive une clause de libération anticipée des droits de diffusion qu'il détient après la dernière diffusion sur l'une des antennes du groupe, même si la période d'exclusivité n'est pas échue ; que, si la société requérante fait valoir que tous ces engagements n'ont pas un caractère contraignant, ils sont, appréciés globalement, de nature à préserver la diversité de l'offre de programmes et à garantir le maintien d'une ligne éditoriale propre à chacune des trois chaînes ;
Considérant, en second lieu, que le Conseil supérieur de l'audiovisuel a également pu estimer, sans erreur d'appréciation, que l'acquisition par TF1 de deux chaînes généralistes et gratuites de la télévision numérique terrestre ne compromettait pas le maintien, dans ce secteur, d'une diversité suffisante des opérateurs ; qu'à cet égard, en effet, il ressort des pièces du dossier que si, en juin 2003, lorsque TMC et NT1 se sont vu attribuer leurs autorisations, étaient présentes sur la télévision numérique terrestre gratuite, outre les chaînes du secteur public et les chaînes privées " historiques ", qui étaient également diffusées en mode analogique, cinq autres chaînes, dont quatre étaient détenues par de nouveaux opérateurs, seront présentes, après l'opération litigieuse, outre les chaînes publiques et privées historiques, neuf autres chaînes, dont quatre détenues par des opérateurs historiques et cinq par des opérateurs " indépendants " ; qu'en outre, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a également pu, sans erreur d'appréciation, prendre en compte la circonstance que la part d'audience de TF1 et sa part de marché publicitaire ont sensiblement décliné entre 2003 et 2010, alors que, parallèlement, les parts d'audience et les investissements publicitaires des nouvelles chaînes gratuites de la TNT ont connu une forte progression ;
Considérant, il est vrai, que, en ce qui concerne le secteur particulier de la télévision numérique terrestre, il résulte de la loi du 1er août 2000, éclairée par ses travaux préparatoires, que l'impératif de diversité des opérateurs et, notamment, l'entrée d'opérateurs indépendants des groupes historiques ont été regardés comme de particulière importance ; qu'une telle ouverture était d'autant plus recherchée que, en vertu des deux premiers alinéas du III de l'article 30-1 de la loi, alors en vigueur, les éditeurs historiques de services de télévision en mode analogique à vocation nationale ont eu la possibilité, non seulement de reprendre intégralement et simultanément leur service sur un canal numérique, mais aussi d'obtenir un droit d'usage de la ressource radioélectrique " compensatoire ", pour la diffusion d'un autre service en mode numérique ; qu'en outre, la loi du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur a prévu qu'à l'extinction complète de la diffusion par voie hertzienne en mode analogique, soit en novembre 2011, les éditeurs historiques de services nationaux TF1, M6 et Canal+, bénéficieraient, à certaines conditions, pour compenser la fin anticipée des autorisations dont ils étaient titulaires, d'un second droit d'usage " compensatoire " pour la diffusion d'un service national en mode numérique ;
Considérant, toutefois, que le législateur n'a pas entendu faire obstacle à ce que des opérateurs, attributaires hors procédure d'appel à candidatures de " canaux compensatoires ", puissent obtenir, à l'issue de procédures d'appel à candidatures ou du fait d'opérations d'acquisition, d'autres autorisations ; qu'à cet égard, l'article 41 de la loi dispose seulement que " (...) une même personne peut être titulaire, directement ou indirectement, d'un nombre maximal de sept autorisations relatives chacune à un service ou programme national de télévision diffusé par voie hertzienne terrestre en mode numérique lorsque ces services ou programmes sont édités par des sociétés distinctes ou lorsqu'ils sont autorisés dans les conditions prévues au deuxième ou au dernier alinéa du III de l'article 30-1 " ; que, eu égard à la nécessité pour lui de prendre en compte, ainsi qu'il a été dit, les équilibres du secteur de la télévision numérique terrestre à la date de sa décision et des modifications profondes, rappelées ci-dessus, qui ont affecté ceux-ci depuis 2003, le Conseil supérieur de l'audiovisuel n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant, au vu de l'ensemble des éléments mentionnés ci-dessus, que l'opération qui lui était soumise n'était pas d'une ampleur ou d'une nature telle qu'il devait refuser son agrément ;
En ce qui concerne le détournement de procédure allégué :
Considérant qu'il résulte de tout ce qui a été dit ci-dessus que la décision attaquée ne constitue pas, contrairement à ce qui est soutenu par la SOCIETE METROPOLE TELEVISION, un détournement de la procédure d'attribution des autorisations prévue par l'article 30-1 de la loi du 30 septembre 1986, mais a été prise, dans les conditions et pour les motifs qui ont été précédemment analysés, dans le cadre des pouvoirs que le Conseil supérieur de l'audiovisuel tient de l'article 42-3 de cette même loi ;
Considérant, dès lors, que les conclusions de la SOCIETE METROPOLE TELEVISION tendant à l'annulation de la délibération du 23 mars 2010 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel a donné son agrément à l'opération d'acquisition, par la société TF1, de l'intégralité du capital de Groupe AB, aux fins de contrôler 80% de la société Télé Monte-Carlo (TMC) et 100% de la société NT1, doivent être rejetées ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SOCIETE METROPOLE TELEVISION demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SOCIETE METROPOLE TELEVISION la somme globale de 3 000 euros à verser aux sociétés TF1, TMC et NT1, au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'intervention de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques, de l'Union syndicale de la production audiovisuelle et du Syndicat des producteurs de films d'animation est admise.
Article 2 : La requête de la SOCIETE METROPOLE TELEVISION est rejetée.
Article 3 : La SOCIETE METROPOLE TELEVISION versera la somme globale de 3 000 euros aux sociétés TF1, TMC et NT1 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE METROPOLE TELEVISION (M6), au Conseil supérieur de l'audiovisuel, à la société TF1, à la société AB, à la société TMC, à la société NT1 et à la société Port noir investissement SARL.
Copie en sera adressée pour information au ministre de la culture et de la communication.
N° 338273
ECLI:FR:CESEC:2010:338273.20101230
Publié au recueil Lebon
Section du Contentieux
M. Xavier Domino, rapporteur
SCP THOMAS-RAQUIN, BENABENT ; SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ ; SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET ; SCP HEMERY, THOMAS-RAQUIN, avocats
Lecture du jeudi 30 décembre 2010
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 1er avril 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE METROPOLE TELEVISION (M6), dont le siège est situé 89, avenue Charles de Gaulle à Neuilly-sur-Seine (92575 Cedex) ; la SOCIETE METROPOLE TELEVISION (M6) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 23 mars 2010 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a donné son agrément à l'opération d'acquisition, par la société TF1, de l'intégralité du capital de Groupe AB, aux fins de contrôler 80% du capital social de la société Télé Monte-Carlo (TMC) et 100% de la société NT1, sociétés éditrices de services de télévision généralistes diffusés par voie hertzienne terrestre en mode numérique ;
2°) d'enjoindre au Conseil supérieur de l'audiovisuel de retirer les autorisations d'émettre sur le réseau hertzien en mode numérique délivrées à TMC et NT1, sauf à ce que TF1 se libère dans un délai de six mois de l'ensemble des parts qu'il détient dans au moins l'une des deux chaînes objet du présent litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 17 décembre 2010, présentée pour la SOCIETE METROPOLE TELEVISION ;
Vu la Constitution, notamment le Préambule ;
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Xavier Domino, Maître des Requêtes-rapporteur,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la SOCIÉTÉ METROPOLE TÉLÉVISION (M6), de la SCP Hémery, Thomas-Raquin, avocat de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) et autres et de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la société TF1 et autres,
- les conclusions de M. Edouard Geffray, rapporteur public,
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la SOCIÉTÉ METROPOLE TÉLÉVISION (M6), à la SCP Hémery, Thomas-Raquin, avocat de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) et autres et à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la société TF1 et autres ;
Considérant que, par une délibération du 23 mars 2010, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a donné son agrément à l'opération d'acquisition, par la société TF1, de l'intégralité du capital de Groupe AB, aux fins de contrôler 80% de la société Télé Monte-Carlo (TMC) et 100% de la société NT1, sociétés éditrices de services de télévision généralistes diffusés par voie hertzienne terrestre en mode numérique ; que la SOCIETE METROPOLE TELEVISION (M6) demande l'annulation, pour excès de pouvoir, de cette décision ;
Sur l'intervention en défense de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques, de l'Union syndicale de la production audiovisuelle et du Syndicat des producteurs de films d'animation :
Considérant que la Société des auteurs et compositeurs dramatiques, l'Union syndicale de la production audiovisuelle et le Syndicat des producteurs de films d'animation ont intérêt au maintien de la décision attaquée ; qu'ainsi leur intervention est recevable ;
Sur les conclusions de la SOCIETE METROPOLE TELEVISION :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication : " La communication au public par voie électronique est libre. / L'exercice de cette liberté ne peut être limité que dans la mesure requise (...) par le respect (...) du caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion (...) " ; que l'article 30-1 de la même loi dispose que : " (...) L'usage de ressources radioélectriques pour la diffusion de tout service de télévision par voie hertzienne terrestre en mode numérique est autorisé par le Conseil supérieur de l'audiovisuel dans les conditions prévues au présent article./ Le Conseil accorde les autorisations d'usage de la ressource radioélectrique en appréciant l'intérêt de chaque projet pour le public au regard des impératifs prioritaires et des critères mentionnés aux articles 29 et 30, ainsi que des engagements du candidat en matière de couverture du territoire, de production et de diffusion d'oeuvres audiovisuelles et cinématographiques françaises et européennes (...)" ; qu'aux termes de l'article 29 de la même loi : " [...] Le conseil accorde les autorisations en appréciant l'intérêt de chaque projet pour le public, au regard des impératifs prioritaires que sont la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socio-culturels, la diversification des opérateurs, et la nécessité d'éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence. / Il tient également compte : / 1° De l'expérience acquise par le candidat dans les activités de communication ; / 2° Du financement et des perspectives d'exploitation du service notamment en fonction des possibilités de partage des ressources publicitaires entre les entreprises de presse écrite et les services de communication audiovisuelle ; / 3° Des participations, directes ou indirectes, détenues par le candidat dans le capital d'une ou plusieurs régies publicitaires ou dans le capital d'une ou plusieurs entreprises éditrices de publications de presse ; / 4° Pour les services dont les programmes comportent des émissions d'information politique et générale, des dispositions envisagées en vue de garantir le caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion, l'honnêteté de l'information et son indépendance à l'égard des intérêts économiques des actionnaires, en particulier lorsque ceux-ci sont titulaires de marchés publics ou de délégations de service public ; / 5° De la contribution à la production de programmes réalisés localement " ; qu'enfin, aux termes du premier alinéa de l'article 42-3: " L'autorisation peut être retirée, sans mise en demeure préalable, en cas de modification substantielle des données au vu desquelles l'autorisation avait été délivrée, notamment des changements intervenus dans la composition du capital social ou des organes de direction et dans les modalités de financement. " ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, pour délivrer des autorisations d'usage de ressources radioélectriques pour la diffusion d'un service de télévision par voie hertzienne terrestre en mode numérique, il incombe au Conseil supérieur de l'audiovisuel, en se fondant sur les impératifs prioritaires et les éléments d'appréciation définis par les dispositions précitées des articles 29 et 30-1 de la loi, de choisir, à l'issue de la procédure d'appel à candidatures prévue par le I de l'article 30-1, les projets qui contribuent le mieux à la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socio-culturels, lequel participe de l'objectif de valeur constitutionnelle de pluralisme des courants de pensée et d'opinion, et qui sont le mieux à même de répondre à l'intérêt du public ; qu'il doit veiller à ce qu'une diversification suffisante des opérateurs et le jeu normal de la concurrence permettent, en préservant notamment un accès équilibré de tous les opérateurs à la ressource publicitaire et aux marchés des droits, que l' objectif fondamental de pluralisme et l'intérêt du public soient respectés ;
Considérant qu'il résulte par ailleurs des dispositions précitées de l'article 42-3 de la loi que, lorsque des circonstances nouvelles sont susceptibles de conduire à une modification substantielle des données au vu desquelles une autorisation a été délivrée, le titulaire de cette autorisation peut, ainsi d'ailleurs que le prévoit le plus souvent la convention conclue, en application de l'article 28 de la loi, avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel, saisir celui-ci, afin qu'il lui fasse savoir si, dans l'hypothèse où les modifications en cause seraient effectives, il serait conduit à user de son pouvoir de mettre fin à l'autorisation ou s'il peut agréer l'opération qui lui a été soumise ; qu'il incombe au Conseil supérieur de l'audiovisuel, saisi d'une telle demande, de déterminer, en prenant en compte les circonstances de fait et de droit à la date où il se prononce, notamment en ce qui concerne la diversité des opérateurs, si les modifications envisagées sont, eu égard, le cas échéant, aux engagements pris par les opérateurs intéressés pour en atténuer ou en compenser les effets, de nature à compromettre l'impératif fondamental de pluralisme et l'intérêt du public et justifient, par suite, une abrogation de l'autorisation initialement accordée ;
En ce qui concerne les conditions dans lesquelles le Conseil supérieur de l'audiovisuel a exercé les pouvoirs qu'il tient de la loi :
Considérant que la SOCIETE METROPOLE TELEVISION soutient que, pour prendre la délibération attaquée, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a irrégulièrement exercé ses pouvoirs, d'une part en se bornant à approuver la décision de l'Autorité de la concurrence autorisant, en application des articles L. 430-2 et suivants du code de commerce, l'opération d'acquisition par TF1 des chaînes TMC et NT1 et à définir des engagements complémentaires, d'autre part en méconnaissant le principe d'impartialité ;
Considérant, en premier lieu, que si le Conseil supérieur de l'audiovisuel, saisi par l'Autorité de la concurrence conformément aux prévisions de l'article 41-4 de la loi du 30 septembre 1986, a donné, le 29 septembre 2009, un avis favorable à l'opération de concentration litigieuse, il ne ressort pas des pièces du dossier que, pour décider, par la délibération attaquée, de donner son agrément au même projet, il se serait estimé à tort lié par la teneur de l'avis qu'il avait précédemment rendu ou par celle de la décision du 26 janvier 2010 de l'Autorité de la concurrence, ni qu'il se serait refusé à exercer les pouvoirs propres qu'il tient, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, de la loi du 30 septembre 1986, en s'abstenant d'envisager l'hypothèse d'un refus d'agrément et en se bornant à prévoir des mesures d'accompagnement supplémentaires ; que, notamment, et contrairement à ce que soutient la société requérante, il n'était tenu ni de se borner à de simples observations en réponse à la demande de l'Autorité de la concurrence, ni de prendre sa propre décision avant de rendre son avis ; qu'ainsi, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le Conseil supérieur de l'audiovisuel aurait méconnu l'étendue de sa compétence ;
Considérant, en second lieu, que le principe d'impartialité s'impose au Conseil supérieur de l'audiovisuel, comme à toute autorité administrative ; que, par suite, et ainsi d'ailleurs que le rappelle le 5ème alinéa de l'article 5 de la loi du 30 septembre 1986, aux termes duquel " pendant la durée de leurs fonctions et durant un an à compter de la cessation de leurs fonctions, les membres du Conseil sont tenus de s'abstenir de toute prise de position publique sur les questions dont le Conseil a ou a eu à connaître ou qui sont susceptibles de lui être soumises dans l'exercice de sa mission ", il incombe aux membres du Conseil supérieur de s'abstenir de toute prise de position publique de nature à compromettre le respect de ce principe ; que, toutefois, en l'espèce, ni les termes de son avis du 29 septembre 2009, ni la circonstance que certains de ses membres se soient publiquement prononcés, de façon générale, sur les perspectives d'évolution économique du secteur de la télévision ne sont de nature à établir que sa décision aurait été prise dans des conditions qui auraient méconnu le principe d'impartialité ;
En ce qui concerne les erreurs de droit dont serait entachée la délibération attaquée :
Considérant, en premier lieu, que, alors même que les modifications qu'il doit apprécier dans le cadre des pouvoirs qu'il tient de l'article 42-3 de la loi consistent seulement, comme c'est le cas en l'espèce, en un changement de la composition du capital du détenteur d'une autorisation, le Conseil supérieur de l'audiovisuel peut, sans erreur de droit, tenir compte, pour déterminer s'il doit les agréer, d'engagements relatifs à la garantie du pluralisme, à la qualité des programmes et au soutien à la création ; qu'en donnant son agrément sous réserve du respect d'engagements de cette nature, le Conseil supérieur de l'audiovisuel n'a donc pas commis d'erreur de droit ;
Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce que soutient la société requérante, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision attaquée serait exclusivement motivée par des considérations d'opportunité industrielle ;
Considérant, en troisième lieu, que c'est également sans erreur de droit, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que le Conseil supérieur de l'audiovisuel a pris en compte les équilibres du secteur de la télévision numérique terrestre à la date à laquelle il a pris sa décision ;
En ce qui concerne l'appréciation par le Conseil supérieur de l'audiovisuel des incidences de l'opération sur les autorisations détenues par les chaînes TMC et NT1 :
Considérant, en premier lieu, que le Conseil supérieur de l'audiovisuel a pu, sans erreur d'appréciation, relever, d'une part, que l'opération litigieuse présentait un risque limité au regard de l'objectif fondamental de pluralisme et de la nécessité de ne pas compromettre l'intérêt, pour le public, des deux chaînes acquises par TF1, d'autre part, que ce risque pouvait être prévenu par les engagements souscrits devant lui ; qu'à cet égard, il ressort des pièces du dossier que, outre les engagements, déjà pris devant l'Autorité de la concurrence, de ne pas promouvoir les programmes de TMC et NT1 sur TF1, de limiter la rediffusion de certains programmes de TF1 à une seule autre chaîne gratuite du groupe et de ne pas répondre à un même appel d'offres pour l'acquisition de droits de diffusion d'évènements sportifs pour plus de deux chaînes en clair du groupe, les parties se sont notamment engagées devant le Conseil supérieur de l'audiovisuel à augmenter les investissements en productions inédites destinées à TMC et NT1, à accroître les obligations de programmation d'oeuvres d'expression française ou européenne de NT1, à diffuser des programmes inédits entre 14h00 et 23h00 à hauteur de 365 heures pour TMC et de 456 heures pour NT1, à diffuser sur NT1 une émission culturelle à des heures d'écoute favorables et à favoriser la programmation sur cette chaîne de nouveaux talents et de nouveaux formats, à diffuser, à raison de six par an pour TMC et de douze par an pour NT1, des captations ou recréations de spectacles vivants, ou encore à ce que le groupe TF1 souscrive une clause de libération anticipée des droits de diffusion qu'il détient après la dernière diffusion sur l'une des antennes du groupe, même si la période d'exclusivité n'est pas échue ; que, si la société requérante fait valoir que tous ces engagements n'ont pas un caractère contraignant, ils sont, appréciés globalement, de nature à préserver la diversité de l'offre de programmes et à garantir le maintien d'une ligne éditoriale propre à chacune des trois chaînes ;
Considérant, en second lieu, que le Conseil supérieur de l'audiovisuel a également pu estimer, sans erreur d'appréciation, que l'acquisition par TF1 de deux chaînes généralistes et gratuites de la télévision numérique terrestre ne compromettait pas le maintien, dans ce secteur, d'une diversité suffisante des opérateurs ; qu'à cet égard, en effet, il ressort des pièces du dossier que si, en juin 2003, lorsque TMC et NT1 se sont vu attribuer leurs autorisations, étaient présentes sur la télévision numérique terrestre gratuite, outre les chaînes du secteur public et les chaînes privées " historiques ", qui étaient également diffusées en mode analogique, cinq autres chaînes, dont quatre étaient détenues par de nouveaux opérateurs, seront présentes, après l'opération litigieuse, outre les chaînes publiques et privées historiques, neuf autres chaînes, dont quatre détenues par des opérateurs historiques et cinq par des opérateurs " indépendants " ; qu'en outre, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a également pu, sans erreur d'appréciation, prendre en compte la circonstance que la part d'audience de TF1 et sa part de marché publicitaire ont sensiblement décliné entre 2003 et 2010, alors que, parallèlement, les parts d'audience et les investissements publicitaires des nouvelles chaînes gratuites de la TNT ont connu une forte progression ;
Considérant, il est vrai, que, en ce qui concerne le secteur particulier de la télévision numérique terrestre, il résulte de la loi du 1er août 2000, éclairée par ses travaux préparatoires, que l'impératif de diversité des opérateurs et, notamment, l'entrée d'opérateurs indépendants des groupes historiques ont été regardés comme de particulière importance ; qu'une telle ouverture était d'autant plus recherchée que, en vertu des deux premiers alinéas du III de l'article 30-1 de la loi, alors en vigueur, les éditeurs historiques de services de télévision en mode analogique à vocation nationale ont eu la possibilité, non seulement de reprendre intégralement et simultanément leur service sur un canal numérique, mais aussi d'obtenir un droit d'usage de la ressource radioélectrique " compensatoire ", pour la diffusion d'un autre service en mode numérique ; qu'en outre, la loi du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur a prévu qu'à l'extinction complète de la diffusion par voie hertzienne en mode analogique, soit en novembre 2011, les éditeurs historiques de services nationaux TF1, M6 et Canal+, bénéficieraient, à certaines conditions, pour compenser la fin anticipée des autorisations dont ils étaient titulaires, d'un second droit d'usage " compensatoire " pour la diffusion d'un service national en mode numérique ;
Considérant, toutefois, que le législateur n'a pas entendu faire obstacle à ce que des opérateurs, attributaires hors procédure d'appel à candidatures de " canaux compensatoires ", puissent obtenir, à l'issue de procédures d'appel à candidatures ou du fait d'opérations d'acquisition, d'autres autorisations ; qu'à cet égard, l'article 41 de la loi dispose seulement que " (...) une même personne peut être titulaire, directement ou indirectement, d'un nombre maximal de sept autorisations relatives chacune à un service ou programme national de télévision diffusé par voie hertzienne terrestre en mode numérique lorsque ces services ou programmes sont édités par des sociétés distinctes ou lorsqu'ils sont autorisés dans les conditions prévues au deuxième ou au dernier alinéa du III de l'article 30-1 " ; que, eu égard à la nécessité pour lui de prendre en compte, ainsi qu'il a été dit, les équilibres du secteur de la télévision numérique terrestre à la date de sa décision et des modifications profondes, rappelées ci-dessus, qui ont affecté ceux-ci depuis 2003, le Conseil supérieur de l'audiovisuel n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant, au vu de l'ensemble des éléments mentionnés ci-dessus, que l'opération qui lui était soumise n'était pas d'une ampleur ou d'une nature telle qu'il devait refuser son agrément ;
En ce qui concerne le détournement de procédure allégué :
Considérant qu'il résulte de tout ce qui a été dit ci-dessus que la décision attaquée ne constitue pas, contrairement à ce qui est soutenu par la SOCIETE METROPOLE TELEVISION, un détournement de la procédure d'attribution des autorisations prévue par l'article 30-1 de la loi du 30 septembre 1986, mais a été prise, dans les conditions et pour les motifs qui ont été précédemment analysés, dans le cadre des pouvoirs que le Conseil supérieur de l'audiovisuel tient de l'article 42-3 de cette même loi ;
Considérant, dès lors, que les conclusions de la SOCIETE METROPOLE TELEVISION tendant à l'annulation de la délibération du 23 mars 2010 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel a donné son agrément à l'opération d'acquisition, par la société TF1, de l'intégralité du capital de Groupe AB, aux fins de contrôler 80% de la société Télé Monte-Carlo (TMC) et 100% de la société NT1, doivent être rejetées ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SOCIETE METROPOLE TELEVISION demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SOCIETE METROPOLE TELEVISION la somme globale de 3 000 euros à verser aux sociétés TF1, TMC et NT1, au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'intervention de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques, de l'Union syndicale de la production audiovisuelle et du Syndicat des producteurs de films d'animation est admise.
Article 2 : La requête de la SOCIETE METROPOLE TELEVISION est rejetée.
Article 3 : La SOCIETE METROPOLE TELEVISION versera la somme globale de 3 000 euros aux sociétés TF1, TMC et NT1 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE METROPOLE TELEVISION (M6), au Conseil supérieur de l'audiovisuel, à la société TF1, à la société AB, à la société TMC, à la société NT1 et à la société Port noir investissement SARL.
Copie en sera adressée pour information au ministre de la culture et de la communication.