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Ariane Web: Conseil d'État 342072, lecture du 29 octobre 2010, ECLI:FR:CESSR:2010:342072.20101029

Décision n° 342072
29 octobre 2010
Conseil d'État

N° 342072
ECLI:FR:CESSR:2010:342072.20101029
Mentionné au tables du recueil Lebon
2ème et 7ème sous-sections réunies
M. Martin, président
Mme Sophie-Caroline de Margerie, rapporteur
SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ, avocats


Lecture du vendredi 29 octobre 2010
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu l'ordonnance du 22 juillet 2010, enregistrée le 30 juillet 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président de la 4ème chambre de la cour administrative d'appel de Paris, avant qu'il soit statué sur la requête du DEPARTEMENT DE LA HAUTE GARONNE tendant à l'annulation du jugement du 18 mars 2010 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 novembre 2006 par lequel le ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire et le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie constatent le montant du droit à compensation des collectivités territoriales résultant du transfert de la voirie nationale au 1er janvier 2006, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du III de l'article 121 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 22 octobre 2010, présentée pour le DEPARTEMENT DE LA HAUTE-GARONNE ;

Vu la Constitution, notamment son article 61-1 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 ;

Vu le code de justice administrative ;




Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie-Caroline de Margerie, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat du DEPARTEMENT DE LA HAUTE-GARONNE,

- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, Rapporteur public,

La parole ayant à nouveau été donnée à la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat du DEPARTEMENT DE LA HAUTE-GARONNE ;



Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

Considérant qu'aux termes du III de l'article 121 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, qui a prévu le transfert de routes nationales aux départements : " Pour ce qui concerne les crédits d'investissement, le transfert aux départements des routes, de leurs accessoires et de leurs dépendances s'accompagne du transfert concomitant des ressources équivalentes, calculées hors taxes et hors fonds de concours, à celles qui étaient consacrées aux dépenses d'entretien préventif et curatif, de réhabilitation, d'exploitation et d'aménagements liés à la sécurité routière et à la prise en compte des risques naturels, des voiries transférées. Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent III " ; que le DEPARTEMENT DE LA HAUTE-GARONNE soutient que ces dispositions portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment aux dispositions du quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution ainsi qu'au principe de libre administration des collectivités territoriales, en ce qu'elles ne prennent pas en compte, dans le calcul de la compensation financière octroyée aux départements pour les charges liées aux routes nationales transférées, les crédits nécessaires au développement et à la modernisation du réseau et ceux provenant des fonds de concours ;

Considérant, d'une part, que les dispositions du quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution imposent au législateur, ainsi que l'a énoncé le Conseil constitutionnel dans ses décisions n° 2003-489 DC du 29 décembre 2003 et n° 2004-509 DC du 13 janvier 2005, lorsqu'il transfère aux collectivités territoriales des compétences auparavant exercées par l'Etat, de leur attribuer des ressources correspondant aux charges constatées à la date du transfert ; que selon l'article 18 de la loi du 13 août 2004 : " A l'exception des routes répondant au critère prévu par l'article L. 121-1 du code de la voirie routière, les routes classées dans le domaine public routier national à la date de la publication de la présente loi, ainsi que leurs dépendances et accessoires, sont transférées dans le domaine public routier départemental " ; qu'il résulte des termes même de la loi que la compétence transférée porte sur le domaine public routier national existant à la date de la publication de la loi ; qu'en prenant en compte, pour le calcul de la compensation financière, les dépenses de fonctionnement et les dépenses d'investissement liées à la gestion de ce domaine routier, le législateur a pris en compte l'intégralité des charges afférentes au domaine public faisant l'objet du transfert ; que le respect des dispositions du quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution et du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales ne lui imposait pas de compenser les charges résultant d'un éventuel développement de ce domaine dans le futur ;

Considérant, d'autre part, que les dépenses dont l'Etat doit assurer la compensation financière en cas de transfert de compétence sont celles qu'il consacrait lui-même à l'exercice de cette compétence ; que les fonds de concours n'ont pas à être inclus dans les dépenses prises en compte pour le calcul de la compensation, dès lors qu'ils proviennent de personnes autres que l'Etat ;

Considérant qu'ainsi le moyen selon lequel l'absence de prise en compte, dans les dépenses retenues pour le calcul de la compensation, des crédits nécessaires au développement et à la modernisation du réseau routier transféré et de ceux provenant des fonds de concours constituerait une méconnaissance des dispositions et du principe invoqués ne peut être regardé comme posant une question sérieuse ; que, par suite, il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, laquelle n'est pas nouvelle ;

D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité transmise par la cour administrative d'appel de Paris.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au DEPARTEMENT DE LA HAUTE-GARONNE, au Premier ministre et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et à la cour administrative d'appel de Paris.


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