Conseil d'État
N° 343898
ECLI:FR:CEORD:2010:343898.20101027
Mentionné au tables du recueil Lebon
Juge des référés
M. Glaser, président
M. Emmanuel Glaser, rapporteur
DE NERVO, avocats
Lecture du mercredi 27 octobre 2010
Vu le recours, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 20 octobre 2010, présenté par le MINISTRE DE L'IMMIGRATION, DE L'INTEGRATION, DE L'IDENTITE NATIONALE ET DU DEVELOPPEMENT SOLIDAIRE ; le ministre demande au juge des référés du Conseil d'Etat d'annuler l'ordonnance n° 1003571-1003572 du 4 octobre 2010 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a enjoint au préfet de la Gironde d'indiquer à M. Remsi A et Mme Lindita A un lieu susceptible de les héberger, dans un délai de 24 heures à compter de la notification de l'ordonnance, sous astreinte de 100 euros ;
il soutient que la situation de M. et Mme A ne constitue pas une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ; qu'en effet, s'ils n'ont pas pu bénéficier d'un hébergement dans un centre d'accueil pour demandeurs d'asile faute de place, ils ont en revanche été orientés vers une structure d'accueil d'urgence et ont perçu des aides en nature de première nécessité fournies par des associations caritatives ; que la saturation du dispositif de veille sociale dans le département de la Gironde n'a pas permis à l'Etat de satisfaire la demande d'hébergement des époux A ; qu'au surplus, les droits à l'allocation temporaire d'attente de M. A sont ouverts à ce jour ; qu'ainsi, l'Etat a respecté les dispositions de l'article 13.5 de la directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003 relative à des normes minimales pour l'accueil des demandeurs d'asile, qui laissent une marge d'appréciation aux Etats membres entre prestations en nature et allocations financières, et celles des articles L. 5423-8 et L. 5423-9 du code du travail ;
Vu l'ordonnance attaquée ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 octobre 2010, présenté par M. et Mme A, qui concluent au rejet du recours et demandent que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; ils soutiennent que l'appel est irrecevable en ce qu'il a été interjeté hors délai ; qu'à titre subsidiaire, l'urgence est caractérisée et qu'il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale en ce que l'administration n'a pas accompli les diligences afin de leur fournir un hébergement ; que leurs besoins fondamentaux ne sont pas couverts puisqu'ils dorment avec leur fils sous une tente, dans la rue et qu'il n'est pas contesté qu'ils vivent dans une extrême précarité ; qu'ainsi les conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile, prévues par les dispositions de la directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003, ne sont pas remplies ; qu'au surplus, la persistance de cette situation est inquiétante pour la santé de leur jeune enfant et méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
Vu la directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de l'action sociale et des familles ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le MINISTRE DE L'IMMIGRATION, DE L'INTEGRATION, DE L'IDENTITE NATIONALE ET DU DEVELOPPEMENT SOLIDAIRE et, d'autre part, M. et Mme A ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du lundi 25 octobre 2010 à 9 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :
- la représentante du MINISTRE DE L'IMMIGRATION, DE L'INTEGRATION, DE L'IDENTITE NATIONALE ET DU DEVELOPPEMENT SOLIDAIRE ;
- Me de Nervo, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation, avocat de M. et Mme A ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. ; qu'au sens de ces dispositions, la notion de liberté fondamentale englobe, s'agissant des ressortissants étrangers qui sont soumis à des mesures spécifiques réglementant leur entrée et leur séjour en France, et qui ne bénéficient donc pas, à la différence des nationaux, de la liberté d'entrée sur le territoire, le droit constitutionnel d'asile qui a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié, dont l'obtention est déterminante pour l'exercice par les personnes concernées des libertés reconnues de façon générale aux ressortissants étrangers ; que la privation du bénéfice des mesures, prévues par la loi afin de garantir aux demandeurs d'asile des conditions matérielles d'accueil décentes jusqu'à ce qu'il ait été statué sur leur demande, est susceptible de constituer une atteinte grave et manifestement illégale à cette liberté ; que le caractère grave et manifestement illégal d'une telle atteinte s'apprécie en tenant compte des moyens dont dispose l'autorité administrative compétente ;
Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003 relative à l'accueil des demandeurs d'asile : Définitions. Aux fins de la présente directive, on entend par : ... conditions matérielles d'accueil : les conditions d'accueil comprenant le logement, la nourriture et l'habillement, fournis en nature ou sous forme d'allocation financière ou de bons, ainsi qu'une allocation journalière... ; qu'aux termes de son article 13 : ...2. Les Etats membres prennent des mesures relatives aux conditions matérielles d'accueil qui permettent de garantir un niveau de vie adéquat pour la santé et d'assurer la subsistance des demandeurs. ...5. Les conditions d'accueil matérielles peuvent être fournies en nature ou sous la forme d'allocations financières ou de bons ou en combinant ces formules. Lorsque les Etats membres remplissent les conditions matérielles d'accueil sous forme d'allocations financières ou de bons, l'importance de ces derniers est fixée conformément aux principes définis dans le présent article. ; qu'aux termes de l'article 14 : modalités des conditions matérielles d'accueil :... 8. Pour les conditions matérielles d'accueil, les Etats membres peuvent, à titre exceptionnel, fixer des modalités différentes de celles qui sont prévues dans le présent article, pendant une période raisonnable, aussi courte que possible, lorsque : - une première évaluation des besoins spécifiques du demandeur est requise, - les conditions matérielles d'accueil prévues dans le présent article n'existent pas dans une certaine zone géographique, - les capacités de logement normalement disponibles sont temporairement épuisées, - le demandeur d'asile se trouve en rétention ou à un poste frontière, dans un local qu'il ne peut quitter. /Ces différentes conditions couvrent, en tout état de cause, les besoins fondamentaux ;
Considérant qu'en application des dispositions des articles L. 348-1 et suivants et R. 348-1 et suivants du code de l'action sociale et des familles, les demandeurs d'asile peuvent être admis à l'aide sociale pour être accueillis dans les centres pour demandeurs d'asile, et que ceux qui ne bénéficient pas d'un niveau de ressources suffisant bénéficient d'une allocation mensuelle de subsistance, dont le montant est fixé par l'article 3 de l'arrêté du 31 mars 2008 portant application de l'article R. 348-4 du code de l'action sociale et des familles ; qu'ils ont également vocation à bénéficier, outre du dispositif d'accueil d'urgence spécialisé pour demandeurs d'asile, qui a pour objet de les accueillir provisoirement dans des structures collectives ou dans des hôtels en attente d'un accueil en centre pour demandeurs d'asile, du dispositif général de veille sociale prévu par l'article L. 345-2 du code de l'action sociale et des familles, lequel peut conduire à leur admission dans un centre d'hébergement d'urgence ou un centre d'hébergement et de réinsertion sociale ; qu'enfin, en vertu des articles L. 5423-8-1° et L. 5423-9-2° du code du travail, les demandeurs d'asile peuvent bénéficier, sous condition d'âge et de ressources, d'une allocation temporaire d'attente à condition de ne pas être bénéficiaires d'un séjour en centre d'hébergement pris en charge au titre de l'aide sociale ;
Considérant que, pour une application aux demandeurs d'asile des dispositions précitées du droit interne conforme aux objectifs sus rappelés de la directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003, l'autorité compétente, qui, sur sa demande d'admission au bénéfice du statut de réfugié, doit, au plus tard dans le délai de quinze jours prescrit à l'article R. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mettre le demandeur d'asile en possession d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il ait été statué sur cette demande, sans préjudice, le cas échéant, de la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, doit également, aussi longtemps qu'il est admis à se maintenir sur le territoire en qualité de demandeur d'asile et quelle que soit la procédure d'examen de sa demande, lui assurer, selon ses besoins et ses ressources, des conditions d'accueil comprenant le logement, la nourriture et l'habillement, fournies en nature ou sous la forme d'allocations financières ou de bons ou en combinant ces formules ; que si, notamment lorsqu'une première évaluation des besoins spécifiques du demandeur est requise ou lorsque les capacités de logement normalement disponibles sont temporairement épuisées, l'autorité administrative peut recourir à des modalités différentes de celles qui sont normalement prévues, c'est pendant une période raisonnable, aussi courte que possible, et en couvrant les besoins fondamentaux du demandeur d'asile ; qu'une privation du bénéfice de ces dispositions peut conduire le juge des référés à faire usage des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 521-2 précité du code de justice administrative, lorsqu'elle est manifestement illégale et qu'elle comporte en outre des conséquences graves pour le demandeur d'asile, compte tenu notamment de son âge, de son état de santé ou de sa situation de famille ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. et Mme A, ressortissants kosovars, nés respectivement les 5 novembre 1975 et 26 mai 1981, sont entrés en France le 19 septembre 2010 avec leur fils, né le 28 juin 2006, pour y solliciter le statut de demandeur d'asile ; qu'une autorisation provisoire de séjour leur a été délivrée par la préfecture de Bordeaux, le 27 septembre 2010, leur permettant de déposer une demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ;
Considérant que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a énoncé les motifs pour lesquels la demande présentée par M. et Mme A, en application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, était justifiée par l'urgence et faisait apparaître que l'autorité préfectorale avait porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale en s'abstenant de pourvoir à l'hébergement de M. et Mme A et de leur jeune enfant ; qu'il a, en particulier, relevé que M. et Mme A ne s'étaient vu proposer aucune solution d'hébergement et se trouvaient sans domicile, hébergés avec leur fils de quatre ans sous une tente ; qu'ils n'étaient, ainsi, pas en mesure de se loger dans des conditions décentes ; que la perspective du versement à M. et Mme A de l'allocation temporaire d'attente, au demeurant insuffisante pour assurer l'hébergement d'une famille de trois personnes, était sans incidence sur l'appréciation de leur situation actuelle ; qu'au surplus, leur fils souffrait d'asthme et que l'hébergement sous une tente était nuisible à son rétablissement ; que le MINISTRE DE L'IMMIGRATION, DE L'INTEGRATION, DE L'IDENTITE NATIONALE ET DU DEVELOPPEMENT SOLIDAIRE se borne en appel à reprendre ses moyens de première instance sans contester la situation d'extrême précarité de la famille A ; que, dans ces conditions, sans qu'il soit besoin de statuer sur sa recevabilité, le recours du ministre ne peut qu'être rejeté ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. et Mme A de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
O R D O N N E :
------------------
Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'IMMIGRATION, DE L' INTEGRATION, DE L'IDENTITE NATIONALE ET DU DEVELOPPEMENT SOLIDAIRE est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à M. et Mme A la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au MINISTRE DE L'IMMIGRATION, DE L'INTEGRATION, DE L'IDENTITE NATIONALE ET DU DEVELOPPEMENT SOLIDAIRE et à M. Remsi A et Mme Lindita A.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Gironde.
N° 343898
ECLI:FR:CEORD:2010:343898.20101027
Mentionné au tables du recueil Lebon
Juge des référés
M. Glaser, président
M. Emmanuel Glaser, rapporteur
DE NERVO, avocats
Lecture du mercredi 27 octobre 2010
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le recours, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 20 octobre 2010, présenté par le MINISTRE DE L'IMMIGRATION, DE L'INTEGRATION, DE L'IDENTITE NATIONALE ET DU DEVELOPPEMENT SOLIDAIRE ; le ministre demande au juge des référés du Conseil d'Etat d'annuler l'ordonnance n° 1003571-1003572 du 4 octobre 2010 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a enjoint au préfet de la Gironde d'indiquer à M. Remsi A et Mme Lindita A un lieu susceptible de les héberger, dans un délai de 24 heures à compter de la notification de l'ordonnance, sous astreinte de 100 euros ;
il soutient que la situation de M. et Mme A ne constitue pas une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ; qu'en effet, s'ils n'ont pas pu bénéficier d'un hébergement dans un centre d'accueil pour demandeurs d'asile faute de place, ils ont en revanche été orientés vers une structure d'accueil d'urgence et ont perçu des aides en nature de première nécessité fournies par des associations caritatives ; que la saturation du dispositif de veille sociale dans le département de la Gironde n'a pas permis à l'Etat de satisfaire la demande d'hébergement des époux A ; qu'au surplus, les droits à l'allocation temporaire d'attente de M. A sont ouverts à ce jour ; qu'ainsi, l'Etat a respecté les dispositions de l'article 13.5 de la directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003 relative à des normes minimales pour l'accueil des demandeurs d'asile, qui laissent une marge d'appréciation aux Etats membres entre prestations en nature et allocations financières, et celles des articles L. 5423-8 et L. 5423-9 du code du travail ;
Vu l'ordonnance attaquée ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 octobre 2010, présenté par M. et Mme A, qui concluent au rejet du recours et demandent que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; ils soutiennent que l'appel est irrecevable en ce qu'il a été interjeté hors délai ; qu'à titre subsidiaire, l'urgence est caractérisée et qu'il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale en ce que l'administration n'a pas accompli les diligences afin de leur fournir un hébergement ; que leurs besoins fondamentaux ne sont pas couverts puisqu'ils dorment avec leur fils sous une tente, dans la rue et qu'il n'est pas contesté qu'ils vivent dans une extrême précarité ; qu'ainsi les conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile, prévues par les dispositions de la directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003, ne sont pas remplies ; qu'au surplus, la persistance de cette situation est inquiétante pour la santé de leur jeune enfant et méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
Vu la directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de l'action sociale et des familles ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le MINISTRE DE L'IMMIGRATION, DE L'INTEGRATION, DE L'IDENTITE NATIONALE ET DU DEVELOPPEMENT SOLIDAIRE et, d'autre part, M. et Mme A ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du lundi 25 octobre 2010 à 9 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :
- la représentante du MINISTRE DE L'IMMIGRATION, DE L'INTEGRATION, DE L'IDENTITE NATIONALE ET DU DEVELOPPEMENT SOLIDAIRE ;
- Me de Nervo, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation, avocat de M. et Mme A ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. ; qu'au sens de ces dispositions, la notion de liberté fondamentale englobe, s'agissant des ressortissants étrangers qui sont soumis à des mesures spécifiques réglementant leur entrée et leur séjour en France, et qui ne bénéficient donc pas, à la différence des nationaux, de la liberté d'entrée sur le territoire, le droit constitutionnel d'asile qui a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié, dont l'obtention est déterminante pour l'exercice par les personnes concernées des libertés reconnues de façon générale aux ressortissants étrangers ; que la privation du bénéfice des mesures, prévues par la loi afin de garantir aux demandeurs d'asile des conditions matérielles d'accueil décentes jusqu'à ce qu'il ait été statué sur leur demande, est susceptible de constituer une atteinte grave et manifestement illégale à cette liberté ; que le caractère grave et manifestement illégal d'une telle atteinte s'apprécie en tenant compte des moyens dont dispose l'autorité administrative compétente ;
Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003 relative à l'accueil des demandeurs d'asile : Définitions. Aux fins de la présente directive, on entend par : ... conditions matérielles d'accueil : les conditions d'accueil comprenant le logement, la nourriture et l'habillement, fournis en nature ou sous forme d'allocation financière ou de bons, ainsi qu'une allocation journalière... ; qu'aux termes de son article 13 : ...2. Les Etats membres prennent des mesures relatives aux conditions matérielles d'accueil qui permettent de garantir un niveau de vie adéquat pour la santé et d'assurer la subsistance des demandeurs. ...5. Les conditions d'accueil matérielles peuvent être fournies en nature ou sous la forme d'allocations financières ou de bons ou en combinant ces formules. Lorsque les Etats membres remplissent les conditions matérielles d'accueil sous forme d'allocations financières ou de bons, l'importance de ces derniers est fixée conformément aux principes définis dans le présent article. ; qu'aux termes de l'article 14 : modalités des conditions matérielles d'accueil :... 8. Pour les conditions matérielles d'accueil, les Etats membres peuvent, à titre exceptionnel, fixer des modalités différentes de celles qui sont prévues dans le présent article, pendant une période raisonnable, aussi courte que possible, lorsque : - une première évaluation des besoins spécifiques du demandeur est requise, - les conditions matérielles d'accueil prévues dans le présent article n'existent pas dans une certaine zone géographique, - les capacités de logement normalement disponibles sont temporairement épuisées, - le demandeur d'asile se trouve en rétention ou à un poste frontière, dans un local qu'il ne peut quitter. /Ces différentes conditions couvrent, en tout état de cause, les besoins fondamentaux ;
Considérant qu'en application des dispositions des articles L. 348-1 et suivants et R. 348-1 et suivants du code de l'action sociale et des familles, les demandeurs d'asile peuvent être admis à l'aide sociale pour être accueillis dans les centres pour demandeurs d'asile, et que ceux qui ne bénéficient pas d'un niveau de ressources suffisant bénéficient d'une allocation mensuelle de subsistance, dont le montant est fixé par l'article 3 de l'arrêté du 31 mars 2008 portant application de l'article R. 348-4 du code de l'action sociale et des familles ; qu'ils ont également vocation à bénéficier, outre du dispositif d'accueil d'urgence spécialisé pour demandeurs d'asile, qui a pour objet de les accueillir provisoirement dans des structures collectives ou dans des hôtels en attente d'un accueil en centre pour demandeurs d'asile, du dispositif général de veille sociale prévu par l'article L. 345-2 du code de l'action sociale et des familles, lequel peut conduire à leur admission dans un centre d'hébergement d'urgence ou un centre d'hébergement et de réinsertion sociale ; qu'enfin, en vertu des articles L. 5423-8-1° et L. 5423-9-2° du code du travail, les demandeurs d'asile peuvent bénéficier, sous condition d'âge et de ressources, d'une allocation temporaire d'attente à condition de ne pas être bénéficiaires d'un séjour en centre d'hébergement pris en charge au titre de l'aide sociale ;
Considérant que, pour une application aux demandeurs d'asile des dispositions précitées du droit interne conforme aux objectifs sus rappelés de la directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003, l'autorité compétente, qui, sur sa demande d'admission au bénéfice du statut de réfugié, doit, au plus tard dans le délai de quinze jours prescrit à l'article R. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mettre le demandeur d'asile en possession d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il ait été statué sur cette demande, sans préjudice, le cas échéant, de la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, doit également, aussi longtemps qu'il est admis à se maintenir sur le territoire en qualité de demandeur d'asile et quelle que soit la procédure d'examen de sa demande, lui assurer, selon ses besoins et ses ressources, des conditions d'accueil comprenant le logement, la nourriture et l'habillement, fournies en nature ou sous la forme d'allocations financières ou de bons ou en combinant ces formules ; que si, notamment lorsqu'une première évaluation des besoins spécifiques du demandeur est requise ou lorsque les capacités de logement normalement disponibles sont temporairement épuisées, l'autorité administrative peut recourir à des modalités différentes de celles qui sont normalement prévues, c'est pendant une période raisonnable, aussi courte que possible, et en couvrant les besoins fondamentaux du demandeur d'asile ; qu'une privation du bénéfice de ces dispositions peut conduire le juge des référés à faire usage des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 521-2 précité du code de justice administrative, lorsqu'elle est manifestement illégale et qu'elle comporte en outre des conséquences graves pour le demandeur d'asile, compte tenu notamment de son âge, de son état de santé ou de sa situation de famille ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. et Mme A, ressortissants kosovars, nés respectivement les 5 novembre 1975 et 26 mai 1981, sont entrés en France le 19 septembre 2010 avec leur fils, né le 28 juin 2006, pour y solliciter le statut de demandeur d'asile ; qu'une autorisation provisoire de séjour leur a été délivrée par la préfecture de Bordeaux, le 27 septembre 2010, leur permettant de déposer une demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ;
Considérant que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a énoncé les motifs pour lesquels la demande présentée par M. et Mme A, en application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, était justifiée par l'urgence et faisait apparaître que l'autorité préfectorale avait porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale en s'abstenant de pourvoir à l'hébergement de M. et Mme A et de leur jeune enfant ; qu'il a, en particulier, relevé que M. et Mme A ne s'étaient vu proposer aucune solution d'hébergement et se trouvaient sans domicile, hébergés avec leur fils de quatre ans sous une tente ; qu'ils n'étaient, ainsi, pas en mesure de se loger dans des conditions décentes ; que la perspective du versement à M. et Mme A de l'allocation temporaire d'attente, au demeurant insuffisante pour assurer l'hébergement d'une famille de trois personnes, était sans incidence sur l'appréciation de leur situation actuelle ; qu'au surplus, leur fils souffrait d'asthme et que l'hébergement sous une tente était nuisible à son rétablissement ; que le MINISTRE DE L'IMMIGRATION, DE L'INTEGRATION, DE L'IDENTITE NATIONALE ET DU DEVELOPPEMENT SOLIDAIRE se borne en appel à reprendre ses moyens de première instance sans contester la situation d'extrême précarité de la famille A ; que, dans ces conditions, sans qu'il soit besoin de statuer sur sa recevabilité, le recours du ministre ne peut qu'être rejeté ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. et Mme A de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
O R D O N N E :
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Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'IMMIGRATION, DE L' INTEGRATION, DE L'IDENTITE NATIONALE ET DU DEVELOPPEMENT SOLIDAIRE est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à M. et Mme A la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au MINISTRE DE L'IMMIGRATION, DE L'INTEGRATION, DE L'IDENTITE NATIONALE ET DU DEVELOPPEMENT SOLIDAIRE et à M. Remsi A et Mme Lindita A.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Gironde.