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Ariane Web: Conseil d'État 332259, lecture du 30 juin 2010, ECLI:FR:CESSR:2010:332259.20100630

Décision n° 332259
30 juin 2010
Conseil d'État

N° 332259
ECLI:FR:CESSR:2010:332259.20100630
Publié au recueil Lebon
5ème et 4ème sous-sections réunies
M. Vigouroux, président
M. Olivier Rousselle, rapporteur
M. Thiellay Jean-Philippe, rapporteur public
SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET, avocats


Lecture du mercredi 30 juin 2010
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu le pourvoi, enregistré le 24 septembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ; le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 11 septembre 2009 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Marseille, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a suspendu l'exécution de la décision du 9 juillet 2009 du préfet des Bouches-du-Rhône ayant accordé à la SCI Debersy le concours de la force publique pour procéder, en exécution d'une décision de justice, à l'expulsion de M. et Mme A ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de suspension présentée par M. et Mme A ;



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la construction et de l'habitation ;

Vu la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 ;

Vu la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Rousselle, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de M. et Mme A,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de M. et Mme A ;



Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant que toute décision de justice ayant force exécutoire peut donner lieu à une exécution forcée, la force publique devant, si elle est requise, prêter main forte à cette exécution ; que, toutefois, des considérations impérieuses tenant à la sauvegarde de l'ordre public ou à la survenance de circonstances postérieures à la décision judiciaire d'expulsion telles que l'exécution de celle-ci serait susceptible d'attenter à la dignité de la personne humaine, peuvent légalement justifier, sans qu'il soit porté atteinte au principe de la séparation des pouvoirs, le refus de prêter le concours de la force publique ; qu'en cas d'octroi de la force publique il appartient au juge de rechercher si l'appréciation à laquelle s'est livrée l'administration sur la nature et l'ampleur des troubles à l'ordre public susceptibles d'être engendrés par sa décision ou sur les conséquences de l'expulsion des occupants compte tenu de la survenance de circonstances postérieures à la décision de justice l'ayant ordonné, n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant que pour ordonner la suspension de l'exécution de la décision du préfet des Bouches-du-Rhône du 9 juillet 2009 informant M. A de l'autorisation qu'il avait donnée à l'officier de police territorialement compétent de prêter le concours de la force publique pour l'expulsion de son logement à compter du 12 août 2009, en exécution du jugement du tribunal d'instance de Marseille du 5 février 2009, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a retenu comme de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée le moyen tiré du risque de troubles à l'ordre public susceptible de résulter de la mise en oeuvre du concours de la force publique eu égard à la situation sociale des occupants et aux démarches qu'ils avaient effectuées en vain pour trouver un nouveau logement ; qu'en estimant que le seul fait que les personnes expulsées n'aient pas de solution de relogement était susceptible d'entraîner un trouble à l'ordre public justifiant que l'autorité administrative, puisse, sans erreur manifeste d'appréciation, ne pas prêter son concours à l'exécution d'une décision juridictionnelle, le juge des référés a commis une erreur de droit ; que son ordonnance doit, par suite, être annulée ;

Considérant qu'il y a lieu, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par M. et Mme A ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) ;

Considérant qu'aucun des moyens invoqués par M et Mme A pour demander que soit ordonnée la suspension de l'exécution de la décision du 9 juillet 2009 du préfet des Bouches-du-Rhône accordant à la SCI Debersy le concours de la force publique pour procéder à leur expulsion, et notamment pas ceux tirés de ce qu'elle méconnaîtrait la loi du 5 mars 2007 qui institue le droit au logement opposable, et que, faute de solution de relogement, leur situation sociale serait rendue difficile n'est propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ; que par suite M. et Mme A ne sont pas fondés à demander qu'il soit sursis à l'exécution de celle-ci ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans la présente instance, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. et Mme A la somme que demande la SCI Debersy au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SCI Debersy et de l'Etat, qui ne sont pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demandent M. et Mme A au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;


D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Marseille du 11 septembre 2009 est annulée.

Article 2 : La demande formée par M. et Mme A devant le juge des référés du tribunal administratif de Marseille est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la SCI Debersy et de M. et Mme A tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES, à M et Mme Richard A et à la SCI Debersy.


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