Conseil d'État
N° 318726
ECLI:FR:CESSR:2010:318726.20100416
Publié au recueil Lebon
Section du Contentieux
M. Arrighi de Casanova, président
M. Raphaël Chambon, rapporteur
Lecture du vendredi 16 avril 2010
Vu la requête, enregistrée le 23 juillet 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Ibrahima A, demeurant ...; M. A demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 22 mai 2008 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision implicite par laquelle le consul général de France à Dakar avait refusé de délivrer à Mme Fatou B épouse C, à Mlle Mame Fatou C et à MM. Mamadou Makhtar C, Mame Gor C et Dame C des visas d'entrée et de long séjour en France au titre du regroupement familial ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Raphaël Chambon, Auditeur,
- les conclusions de M. Cyril Roger-Lacan, rapporteur public ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans ; qu'en vertu du 1° de l'article L. 211-1 du même code, tout étranger doit, pour entrer en France, être muni des documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ;
Considérant que, si la venue en France de ressortissants étrangers a été autorisée au titre du regroupement familial, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que l'autorité consulaire use du pouvoir qui lui appartient de refuser leur entrée en France en se fondant, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, sur des motifs d'ordre public ; qu'il résulte de l'ensemble des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui interdisent la délivrance ou prévoient le retrait de titres de séjour aux étrangers vivant en état de polygamie et à leurs conjoints que cette situation est au nombre des motifs d'ordre public susceptibles d'être pris en considération pour fonder un refus de visa, alors même que le regroupement familial aurait été autorisé ; que, toutefois, la délivrance du visa ne peut légalement être refusée pour la venue d'un conjoint que lorsqu'elle conduirait l'étranger à vivre en France en situation de polygamie ; qu'ainsi, lorsqu'un premier conjoint et ses enfants ont bénéficié d'une autorisation de regroupement familial, le visa ne peut leur être refusé au seul motif que l'étranger est par ailleurs marié sous le régime de la polygamie dans son pays d'origine, mais l'administration est alors fondée, le cas échéant, à opposer un refus de visa à un second conjoint ; qu'elle est également fondée à refuser la venue en France des enfants de cet autre conjoint, sauf si ce dernier est décédé ou déchu de ses droits parentaux ;
Considérant que la venue en France de Mme B, épouse de M. Ibrahima A et des quatre enfants de celui-ci a été autorisée au titre du regroupement familial le 29 octobre 2004 ; que, toutefois, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a, par la décision attaquée, confirmé le refus de visa qui leur a été opposé au motif que M. A était polygame et ne pouvait de ce fait bénéficier des dispositions relatives au regroupement familial ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A a épousé Mme Fatou B le 16 novembre 1981 ; que de ce mariage est né un fils, M. Mame Gor C ; que M. A a ensuite contracté mariage avec Mme Awa D le 18 janvier 1984 sous le régime de la polygamie ; que de ce mariage sont nés trois enfants, Mlle Mame Fatou C, M. Mamadou Makhtar C et M. Dame C ; que l'acte de mariage avec Mme Awa D fait apparaître que M. A était alors toujours marié à Mme B ; que si M. A soutient être séparé de Mme D, il n'apporte pas la preuve de la dissolution de leur union ; que, toutefois, dès lors que M. A réside seul en France, la venue de l'une de ses épouses, Mme B, n'est pas de nature à créer en France une situation de polygamie et n'est par suite, pas contraire à l'ordre public ; qu'ainsi, la commission a entaché sa décision d'une erreur de droit en se fondant sur la seule circonstance que M. A était polygame pour confirmer le refus de visa opposé à Mme B et à son fils M. Mame Gor A ; que, par suite, sa décision doit être annulée dans cette mesure ; qu'en revanche, dès lors que ses trois autres enfants sont nés de son mariage avec Mme Awa D et que M. A n'établit ni même n'allègue que celle-ci serait décédée ou déchue de ses droits parentaux, la commission était fondée à confirmer le refus de visa opposé à Mlle Mame Fatou C et à MM. Mamadou Makhtar C et Dame C ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à demander l'annulation de la décision attaquée, en tant seulement qu'elle confirme le refus de visa opposé à Mme B et à son fils M. Mame Gor C ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La décision du 22 mai 2008 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est annulée, en tant qu'elle confirme le refus de visa opposé à Mme B et à son fils M. Mame Gor C.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Ibrahima A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.
N° 318726
ECLI:FR:CESSR:2010:318726.20100416
Publié au recueil Lebon
Section du Contentieux
M. Arrighi de Casanova, président
M. Raphaël Chambon, rapporteur
Lecture du vendredi 16 avril 2010
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 23 juillet 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Ibrahima A, demeurant ...; M. A demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 22 mai 2008 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision implicite par laquelle le consul général de France à Dakar avait refusé de délivrer à Mme Fatou B épouse C, à Mlle Mame Fatou C et à MM. Mamadou Makhtar C, Mame Gor C et Dame C des visas d'entrée et de long séjour en France au titre du regroupement familial ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Raphaël Chambon, Auditeur,
- les conclusions de M. Cyril Roger-Lacan, rapporteur public ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans ; qu'en vertu du 1° de l'article L. 211-1 du même code, tout étranger doit, pour entrer en France, être muni des documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ;
Considérant que, si la venue en France de ressortissants étrangers a été autorisée au titre du regroupement familial, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que l'autorité consulaire use du pouvoir qui lui appartient de refuser leur entrée en France en se fondant, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, sur des motifs d'ordre public ; qu'il résulte de l'ensemble des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui interdisent la délivrance ou prévoient le retrait de titres de séjour aux étrangers vivant en état de polygamie et à leurs conjoints que cette situation est au nombre des motifs d'ordre public susceptibles d'être pris en considération pour fonder un refus de visa, alors même que le regroupement familial aurait été autorisé ; que, toutefois, la délivrance du visa ne peut légalement être refusée pour la venue d'un conjoint que lorsqu'elle conduirait l'étranger à vivre en France en situation de polygamie ; qu'ainsi, lorsqu'un premier conjoint et ses enfants ont bénéficié d'une autorisation de regroupement familial, le visa ne peut leur être refusé au seul motif que l'étranger est par ailleurs marié sous le régime de la polygamie dans son pays d'origine, mais l'administration est alors fondée, le cas échéant, à opposer un refus de visa à un second conjoint ; qu'elle est également fondée à refuser la venue en France des enfants de cet autre conjoint, sauf si ce dernier est décédé ou déchu de ses droits parentaux ;
Considérant que la venue en France de Mme B, épouse de M. Ibrahima A et des quatre enfants de celui-ci a été autorisée au titre du regroupement familial le 29 octobre 2004 ; que, toutefois, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a, par la décision attaquée, confirmé le refus de visa qui leur a été opposé au motif que M. A était polygame et ne pouvait de ce fait bénéficier des dispositions relatives au regroupement familial ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A a épousé Mme Fatou B le 16 novembre 1981 ; que de ce mariage est né un fils, M. Mame Gor C ; que M. A a ensuite contracté mariage avec Mme Awa D le 18 janvier 1984 sous le régime de la polygamie ; que de ce mariage sont nés trois enfants, Mlle Mame Fatou C, M. Mamadou Makhtar C et M. Dame C ; que l'acte de mariage avec Mme Awa D fait apparaître que M. A était alors toujours marié à Mme B ; que si M. A soutient être séparé de Mme D, il n'apporte pas la preuve de la dissolution de leur union ; que, toutefois, dès lors que M. A réside seul en France, la venue de l'une de ses épouses, Mme B, n'est pas de nature à créer en France une situation de polygamie et n'est par suite, pas contraire à l'ordre public ; qu'ainsi, la commission a entaché sa décision d'une erreur de droit en se fondant sur la seule circonstance que M. A était polygame pour confirmer le refus de visa opposé à Mme B et à son fils M. Mame Gor A ; que, par suite, sa décision doit être annulée dans cette mesure ; qu'en revanche, dès lors que ses trois autres enfants sont nés de son mariage avec Mme Awa D et que M. A n'établit ni même n'allègue que celle-ci serait décédée ou déchue de ses droits parentaux, la commission était fondée à confirmer le refus de visa opposé à Mlle Mame Fatou C et à MM. Mamadou Makhtar C et Dame C ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à demander l'annulation de la décision attaquée, en tant seulement qu'elle confirme le refus de visa opposé à Mme B et à son fils M. Mame Gor C ;
D E C I D E :
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Article 1er : La décision du 22 mai 2008 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est annulée, en tant qu'elle confirme le refus de visa opposé à Mme B et à son fils M. Mame Gor C.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Ibrahima A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.