Conseil d'État
N° 271366
ECLI:FR:CESSR:2008:271366.20080328
Publié au recueil Lebon
Section du Contentieux
M. Martin, président
M. Yves Salesse, rapporteur
Mme Landais Claire, commissaire du gouvernement
SCP PIWNICA, MOLINIE, avocats
Lecture du vendredi 28 mars 2008
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 août et 20 décembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Charles A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 19 avril 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel formé contre le jugement du 2 mai 2000 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1989 ;
2°) réglant l'affaire au fond, de le décharger de l'imposition litigieuse ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention du 9 septembre 1966 entre la France et la Suisse en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et la fortune, et son protocole additionnel ;
Vu la convention du 22 mai 1968 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur les revenus ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Yves Salesse, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat M. Charles A,
- les conclusions de Mme Claire Landais, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A, artiste de variétés domicilié en Suisse, a donné un concert à Paris le 18 avril 1989 ; qu'en contrepartie de la prestation effectuée par l'intéressé, la société française Cinéma Communication Vidéo a versé une somme de 400 000 francs à la société Tangerine Music Productions Ltd, établie en Grande-Bretagne ; que l'administration fiscale a, sur le fondement de l'article 155 A du code général des impôts, imposé cette somme au nom de M. A au titre de l'impôt sur le revenu pour 1989 ; que M. A se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 19 avril 2004 qui a rejeté sa requête dirigée contre le jugement du 2 mai 2000 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande en décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de 1989 ;
Considérant que si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition ; que, par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification ; qu'il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer - en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office - si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 155 A du code général des impôts : I. Les sommes perçues par une personne domiciliée ou établie hors de France en rémunération de services rendus par une ou plusieurs personnes domiciliées ou établies en France sont imposables au nom de ces dernières : / soit, lorsque celles-ci contrôlent directement ou indirectement la personne qui perçoit la rémunération des services ; / soit, lorsqu'elles n'établissent pas que cette personne exerce, de manière prépondérante, une activité industrielle ou commerciale, autre que la prestation de services ; / soit, en tout état de cause, lorsque la personne qui perçoit la rémunération des services est domiciliée ou établie dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France où elle est soumise à un régime fiscal privilégié au sens mentionné à l'article 238 A. / II. Les règles prévues au I sont également applicables aux personnes domiciliées hors de France pour les services rendus en France (...) ;
Considérant qu'après avoir relevé que la somme de 400 000 francs, qui a été versée à la société Tangerine Music Productions Ltd, constituait la rémunération destinée à M. A pour la prestation musicale qu'il avait fournie lors de son concert donné à Paris, la cour administrative d'appel de Paris, dès lors qu'il n'était pas établi ni même allégué que la société britannique, dont l'objet social était la promotion d'engagements musicaux d'artistes, exerçait une autre activité industrielle ou commerciale, a pu déduire, par une exacte application de l'article 155 A du code général des impôts, que la somme en cause était imposable en France au nom de M. A ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 19 de la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966, dans sa rédaction antérieure à l'avenant du 22 juillet 1997 : Nonobstant les dispositions des articles 16 et 17, les revenus que les professionnels du spectacle, tels que les artistes de théâtre, de cinéma, de la radio ou de la télévision et les musiciens, ainsi que les sportifs, retirent de leurs activités personnelles en cette qualité sont imposables dans l'Etat contractant où ces activités sont exercées ; qu'il résulte de ces stipulations que les professionnels du spectacle et les sportifs sont imposables en France sur les revenus tirés de leurs activités exercées en France en cette qualité ; qu'après avoir relevé que la somme versée par la société Cinéma Communication Vidéo à la société britannique Tangerine Music Productions Ltd rémunérait les prestations servies par M. A à l'occasion du concert qu'il avait donné à Paris et était, par suite, en vertu de l'article 155 A du code général des impôts, un revenu retiré par l'artiste de son activité de professionnel du spectacle en France, la cour administrative d'appel de Paris a pu, sans commettre d'erreur de droit pour l'application de la convention franco-suisse, en déduire que cette convention ne faisait pas obstacle à l'imposition en France de la somme litigieuse au nom du requérant ;
Considérant, enfin, que la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit en n'appliquant pas d'office la convention fiscale conclue le 22 mai 1968 entre la France et le Royaume Uni dès lors que les stipulations de cette convention, notamment celles de son article 6 relatif aux bénéfices industriels et commerciaux, sont applicables à un autre contribuable, la société Tangerine Music Productions Ltd ;
Considérant qu'il résulte ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ; qu'en conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être écartées ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Charles A et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
N° 271366
ECLI:FR:CESSR:2008:271366.20080328
Publié au recueil Lebon
Section du Contentieux
M. Martin, président
M. Yves Salesse, rapporteur
Mme Landais Claire, commissaire du gouvernement
SCP PIWNICA, MOLINIE, avocats
Lecture du vendredi 28 mars 2008
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 août et 20 décembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Charles A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 19 avril 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel formé contre le jugement du 2 mai 2000 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1989 ;
2°) réglant l'affaire au fond, de le décharger de l'imposition litigieuse ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention du 9 septembre 1966 entre la France et la Suisse en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et la fortune, et son protocole additionnel ;
Vu la convention du 22 mai 1968 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur les revenus ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Yves Salesse, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat M. Charles A,
- les conclusions de Mme Claire Landais, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A, artiste de variétés domicilié en Suisse, a donné un concert à Paris le 18 avril 1989 ; qu'en contrepartie de la prestation effectuée par l'intéressé, la société française Cinéma Communication Vidéo a versé une somme de 400 000 francs à la société Tangerine Music Productions Ltd, établie en Grande-Bretagne ; que l'administration fiscale a, sur le fondement de l'article 155 A du code général des impôts, imposé cette somme au nom de M. A au titre de l'impôt sur le revenu pour 1989 ; que M. A se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 19 avril 2004 qui a rejeté sa requête dirigée contre le jugement du 2 mai 2000 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande en décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de 1989 ;
Considérant que si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition ; que, par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification ; qu'il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer - en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office - si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 155 A du code général des impôts : I. Les sommes perçues par une personne domiciliée ou établie hors de France en rémunération de services rendus par une ou plusieurs personnes domiciliées ou établies en France sont imposables au nom de ces dernières : / soit, lorsque celles-ci contrôlent directement ou indirectement la personne qui perçoit la rémunération des services ; / soit, lorsqu'elles n'établissent pas que cette personne exerce, de manière prépondérante, une activité industrielle ou commerciale, autre que la prestation de services ; / soit, en tout état de cause, lorsque la personne qui perçoit la rémunération des services est domiciliée ou établie dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France où elle est soumise à un régime fiscal privilégié au sens mentionné à l'article 238 A. / II. Les règles prévues au I sont également applicables aux personnes domiciliées hors de France pour les services rendus en France (...) ;
Considérant qu'après avoir relevé que la somme de 400 000 francs, qui a été versée à la société Tangerine Music Productions Ltd, constituait la rémunération destinée à M. A pour la prestation musicale qu'il avait fournie lors de son concert donné à Paris, la cour administrative d'appel de Paris, dès lors qu'il n'était pas établi ni même allégué que la société britannique, dont l'objet social était la promotion d'engagements musicaux d'artistes, exerçait une autre activité industrielle ou commerciale, a pu déduire, par une exacte application de l'article 155 A du code général des impôts, que la somme en cause était imposable en France au nom de M. A ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 19 de la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966, dans sa rédaction antérieure à l'avenant du 22 juillet 1997 : Nonobstant les dispositions des articles 16 et 17, les revenus que les professionnels du spectacle, tels que les artistes de théâtre, de cinéma, de la radio ou de la télévision et les musiciens, ainsi que les sportifs, retirent de leurs activités personnelles en cette qualité sont imposables dans l'Etat contractant où ces activités sont exercées ; qu'il résulte de ces stipulations que les professionnels du spectacle et les sportifs sont imposables en France sur les revenus tirés de leurs activités exercées en France en cette qualité ; qu'après avoir relevé que la somme versée par la société Cinéma Communication Vidéo à la société britannique Tangerine Music Productions Ltd rémunérait les prestations servies par M. A à l'occasion du concert qu'il avait donné à Paris et était, par suite, en vertu de l'article 155 A du code général des impôts, un revenu retiré par l'artiste de son activité de professionnel du spectacle en France, la cour administrative d'appel de Paris a pu, sans commettre d'erreur de droit pour l'application de la convention franco-suisse, en déduire que cette convention ne faisait pas obstacle à l'imposition en France de la somme litigieuse au nom du requérant ;
Considérant, enfin, que la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit en n'appliquant pas d'office la convention fiscale conclue le 22 mai 1968 entre la France et le Royaume Uni dès lors que les stipulations de cette convention, notamment celles de son article 6 relatif aux bénéfices industriels et commerciaux, sont applicables à un autre contribuable, la société Tangerine Music Productions Ltd ;
Considérant qu'il résulte ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ; qu'en conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être écartées ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Charles A et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.