Conseil d'État
N° 253350
ECLI:FR:CESSR:2006:253350.20060724
Mentionné au tables du recueil Lebon
Section du Contentieux
M. Martin, président
M. Yves Salesse, rapporteur
Mme Mitjavile, commissaire du gouvernement
SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER, avocats
Lecture du lundi 24 juillet 2006
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 janvier et 16 mai 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme Laurent A, demeurant ... à Dunkerque (59140) ; M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 27 novembre 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Douai, sur appel du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a, d'une part, réformé le jugement du 18 juin 1998 du tribunal administratif de Lille accordant à M. A la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes auxquelles il a été assujetti au titre des années 1989 et 1990, et d'autre part, remis lesdites cotisations supplémentaires à la charge des requérants à l'exception des pénalités de mauvaise foi.
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Yves Salesse, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de M. et Mme A,
- les conclusions de Mme Marie-Hélène Mitjavile, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A exploitait une entreprise individuelle de bâtiment et était actionnaire à hauteur de 85% de la société anonyme Hôtel des Arcades ; qu'il a acheté, le 25 janvier 1979, grâce à deux emprunts, deux ensembles immobiliers, pour un prix global de trois millions de francs ; qu'il a ensuite mis en location ; que, par une décision du 10 juin 1982, la cour d'appel de Douai a mis l'entreprise individuelle de M. A et la SA Hôtel des Arcades en règlement judiciaire et prononcé la confusion des patrimoines ; que les deux ensembles immobiliers mentionnés ci-dessus ont fait l'objet d'une hypothèque légale de la masse des créanciers du règlement judiciaire ; qu'après l'homologation, le 26 décembre 1986, par le tribunal de commerce de Dunkerque, d'un concordat prévoyant le désintéressement des créanciers de M. A, celui-ci a, le 30 janvier 1987, contracté un nouvel emprunt de 6 200 000 F auprès de la société Anversoise de dépôt et d'hypothèques, auquel se sont substitués, à compter du 4 juillet 1989, deux emprunts d'un montant global de 6 800 000 F contractés auprès du Crédit Foncier de France ; qu'en 1991, M. et Mme A ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle au titre des années 1989 et 1990, au terme duquel l'administration a décidé la réintégration dans leurs revenus fonciers des intérêts des emprunts souscrits en 1987 et 1989 que M. A avait déduits, au motif que les fonds empruntés n'avaient pas été utilisés pour des dépenses se rapportant directement aux immeubles loués mais pour apurer les dettes provenant de l'activité professionnelle de M. A ;
Considérant que M. et Mme A demandent l'annulation de l'arrêt en date du 27 novembre 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a remis à leur charge les compléments d'impôt résultant de la réintégration des intérêts d'emprunt dans leurs revenus fonciers, dont ils avaient obtenu décharge par un jugement du tribunal administratif de Lille du 18 juin 1998 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 31 du code général des impôts : I. Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : /1° Pour les propriétés urbaines : .../ d. Les intérêts de dettes contractées pour la conservation, l'acquisition, la construction, la réparation ou l'amélioration des propriétés ... ;
Considérant que la cour a relevé que le syndic du règlement judiciaire avait pris une hypothèque légale sur les immeubles productifs de revenus fonciers pour garantir le paiement de l'ensemble des créanciers de M. A et que l'emprunt contracté le 30 janvier 1987, ainsi que les deux emprunts qui s'y sont substitués, avaient pour objet de désintéresser l'ensemble desdits créanciers; qu'en ne déduisant pas de ces constatations que lesdits emprunts devaient être regardés, au moins partiellement, comme engagés pour la conservation des deux ensembles immobiliers dont M. A était propriétaire et que les charges d'intérêt liées à ces emprunts étaient par suite déductibles de ses revenus fonciers pour une part égale à la part, au 30 janvier 1987, du patrimoine immobilier susmentionné, seul productif de revenus fonciers, dans l'ensemble du patrimoine de M. A, la cour a méconnu les dispositions précitées de l'article 31 du code général des impôts ; qu'ainsi, M. et Mme A sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Sur les conclusions de M. et Mme A tendant à l'application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3000 euros que demandent M. et Mme A au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai en date du 27 novembre 2002 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Douai.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 3000 euros à M. et Mme A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme A et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
N° 253350
ECLI:FR:CESSR:2006:253350.20060724
Mentionné au tables du recueil Lebon
Section du Contentieux
M. Martin, président
M. Yves Salesse, rapporteur
Mme Mitjavile, commissaire du gouvernement
SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER, avocats
Lecture du lundi 24 juillet 2006
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 janvier et 16 mai 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme Laurent A, demeurant ... à Dunkerque (59140) ; M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 27 novembre 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Douai, sur appel du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a, d'une part, réformé le jugement du 18 juin 1998 du tribunal administratif de Lille accordant à M. A la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes auxquelles il a été assujetti au titre des années 1989 et 1990, et d'autre part, remis lesdites cotisations supplémentaires à la charge des requérants à l'exception des pénalités de mauvaise foi.
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Yves Salesse, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de M. et Mme A,
- les conclusions de Mme Marie-Hélène Mitjavile, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A exploitait une entreprise individuelle de bâtiment et était actionnaire à hauteur de 85% de la société anonyme Hôtel des Arcades ; qu'il a acheté, le 25 janvier 1979, grâce à deux emprunts, deux ensembles immobiliers, pour un prix global de trois millions de francs ; qu'il a ensuite mis en location ; que, par une décision du 10 juin 1982, la cour d'appel de Douai a mis l'entreprise individuelle de M. A et la SA Hôtel des Arcades en règlement judiciaire et prononcé la confusion des patrimoines ; que les deux ensembles immobiliers mentionnés ci-dessus ont fait l'objet d'une hypothèque légale de la masse des créanciers du règlement judiciaire ; qu'après l'homologation, le 26 décembre 1986, par le tribunal de commerce de Dunkerque, d'un concordat prévoyant le désintéressement des créanciers de M. A, celui-ci a, le 30 janvier 1987, contracté un nouvel emprunt de 6 200 000 F auprès de la société Anversoise de dépôt et d'hypothèques, auquel se sont substitués, à compter du 4 juillet 1989, deux emprunts d'un montant global de 6 800 000 F contractés auprès du Crédit Foncier de France ; qu'en 1991, M. et Mme A ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle au titre des années 1989 et 1990, au terme duquel l'administration a décidé la réintégration dans leurs revenus fonciers des intérêts des emprunts souscrits en 1987 et 1989 que M. A avait déduits, au motif que les fonds empruntés n'avaient pas été utilisés pour des dépenses se rapportant directement aux immeubles loués mais pour apurer les dettes provenant de l'activité professionnelle de M. A ;
Considérant que M. et Mme A demandent l'annulation de l'arrêt en date du 27 novembre 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a remis à leur charge les compléments d'impôt résultant de la réintégration des intérêts d'emprunt dans leurs revenus fonciers, dont ils avaient obtenu décharge par un jugement du tribunal administratif de Lille du 18 juin 1998 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 31 du code général des impôts : I. Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : /1° Pour les propriétés urbaines : .../ d. Les intérêts de dettes contractées pour la conservation, l'acquisition, la construction, la réparation ou l'amélioration des propriétés ... ;
Considérant que la cour a relevé que le syndic du règlement judiciaire avait pris une hypothèque légale sur les immeubles productifs de revenus fonciers pour garantir le paiement de l'ensemble des créanciers de M. A et que l'emprunt contracté le 30 janvier 1987, ainsi que les deux emprunts qui s'y sont substitués, avaient pour objet de désintéresser l'ensemble desdits créanciers; qu'en ne déduisant pas de ces constatations que lesdits emprunts devaient être regardés, au moins partiellement, comme engagés pour la conservation des deux ensembles immobiliers dont M. A était propriétaire et que les charges d'intérêt liées à ces emprunts étaient par suite déductibles de ses revenus fonciers pour une part égale à la part, au 30 janvier 1987, du patrimoine immobilier susmentionné, seul productif de revenus fonciers, dans l'ensemble du patrimoine de M. A, la cour a méconnu les dispositions précitées de l'article 31 du code général des impôts ; qu'ainsi, M. et Mme A sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Sur les conclusions de M. et Mme A tendant à l'application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3000 euros que demandent M. et Mme A au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai en date du 27 novembre 2002 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Douai.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 3000 euros à M. et Mme A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme A et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.